Vu la procédure suivante
:
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 4 août 2022, M. B A, représenté par Me Mazardo, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'arrêté du 26 mai 2021, par lequel le président d'Orléans Métropole a prononcé à son encontre la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée d'un an ;
2°) de mettre à la charge d'Orléans Métropole la somme de 2 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure, dès lors qu'il a été pris à l'issue d'une procédure disciplinaire qui a porté atteinte aux droits de la défense et méconnu les dispositions de l'article 19 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, car à la date à laquelle la procédure disciplinaire a été engagée, plus de trois ans après les faits, une information judiciaire étant en cours et, tenu par le secret de l'instruction, il n'a pas pu dans le cadre du conseil de discipline faire état d'éléments découverts dans le cadre de la procédure d'instruction de nature à atténuer sa responsabilité ;
- il est entaché d'une erreur de droit au regard de ces mêmes dispositions car en cas de poursuite pénale, l'administration doit attendre la décision définitive pour éventuellement engager une procédure disciplinaire ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que la sanction infligée est disproportionnée au regard de la gravité de la faute commise, cette dernière ne pouvant expliquer à elle seule la gravité des conséquences de l'accident survenu et alors qu'il a reconnu avoir commis une faute consistant à faire une marche arrière qui est une manœuvre non autorisée et qu'il n'y a pas eu de mesure de suspension prise alors ;
- il est entaché d'un détournement de pouvoir dès lors que la sanction infligée a pour but d'éluder d'autres responsabilités encourues à l'occasion de la survenance de l'accident et notamment celle d'Orléans Métropole également visée par l'information judiciaire déjà ouverte à son encontre et alors qu'aux termes du réquisitoire définitif aux fins de renvoi devant le Tribunal correctionnel, le renvoi d'Orléans Métropole devant cette juridiction est également requis, la responsabilité pénale de la collectivité étant caractérisée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 décembre 2021 et le 17 mars 2023, Orléans Métropole, représentée par Me Béguin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A le paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par ordonnance du 22 mars 2023 la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 avril 2023.
Vu :
- la décision attaquée ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lefebvre-Soppelsa,
- les conclusions de M. Joos, rapporteur public,
- et les observations de Me Mazardo, représentant M. A et de Me Beguin, représentant d'Orléans Métropole.
Considérant ce qui suit
:
1. M. B A, adjoint technique principal de deuxième classe, recruté par Orléans Métropole le 29 mars 2002 et titularisé en 2004, a été affecté à la direction de la gestion des déchets pour y exercer les fonctions de chauffeur ripeur. Le 7 juillet 2017, alors qu'il effectuait une marche arrière au volant du camion benne de ramassage des ordures ménagères, le véhicule a heurté et mortellement blessé un ripeur. Par courrier du 4 janvier 2021, le président d'Orléans Métropole a saisi le président du conseil de discipline de la procédure disciplinaire pour ces faits. Le président d'Orléans Métropole a demandé que M. A soit exclu temporairement de ses fonctions pendant une durée de deux ans. Le conseil de discipline s'est tenu le 12 avril 2021 et a proposé une sanction d'exclusion temporaire de deux mois dont un mois avec sursis. Par arrêté du 26 mai 2021, dont M. A demande l'annulation, le président d'Orléans Métropole a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'un an à compter du 15 juin 2021.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale () ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : L'avertissement ; Le blâme ; / Deuxième groupe : L'abaissement d'échelon ; L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; / Troisième groupe : La rétrogradation ; L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois à deux ans ; / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office ; / La révocation () ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
3. En l'espèce, il est reproché à M. A d'avoir involontairement causé la mort de l'un de ses collègues alors qu'il effectuait une marche arrière dite de " confort " au volant d'un camion benne de ramassage des ordures ménagères. M. A ne conteste pas avoir réalisé une marche arrière prohibée tant par le code de la route que par le règlement intérieur. Ces faits, fautifs, sont de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire.
4. Toutefois, et alors que M. A n'a jamais fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire qui indiquerait un comportement professionnel inadapté et répréhensible, cette faute ne justifiait pas qu'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'un an lui soit infligée. Il suit de là que M. A est fondé à soutenir que la sanction disciplinaire dont il a fait l'objet était disproportionnée au regard des fautes qu'il a commises.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, que la décision du 26 mai 2021 prononçant l'exclusion temporaire des fonctions de M. A doit être annulée.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du requérant, qui n'est pas partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Orléans Métropole et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche dans les circonstances de l'espèce de mettre une somme de 1 500 euros à la charge d'Orléans Métropole au titre des frais exposés au même titre par le requérant.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 26 mai 2021 par lequel le président d'Orléans Métropole a prononcé l'exclusion temporaire de M. A pour une durée d'un an est annulé.
Article 2 : Orléans Métropole versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions d'Orléans Métropole présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A et à Orléans Métropole.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Lefebvre-Soppelsa, présidente,
Mme Best-de Gand, première conseillère,
Mme Defranc-Dousset, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.
La présidente-rapporteure,
Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
L'assesseure la plus ancienne,
Armelle BEST-DE GAND
La greffière,
Nadine PENNETIER-MOINET
La République mande et ordonne à la préfète du Loiret en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.