LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 janvier 2020
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 87 F-D
Pourvoi n° A 17-15.156
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JANVIER 2020
L'établissement SNCF mobilités, anciennement dénommée Société nationale des chemins de fers français (SNCF), établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° A 17-15.156 contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 4), dans le litige l'opposant à M. O... C..., domicilié [...] , en qualité de liquidateur judiciaire de la société Switch, défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Darbois, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'établissement SNCF mobilités, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. C..., liquidateur judiciaire de la société Switch, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2019 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Darbois, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 décembre 2016), que par une décision n° 09-D-06 du 5 février 2009, le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence (l'Autorité), saisi par plusieurs sociétés, dont la société Switch, a sanctionné la Société nationale des chemins de fer français, devenue la SNCF mobilités (la SNCF) et la société de droit américain Expedia Inc. (la société Expedia) pour avoir mis en œuvre, en violation des articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et
L. 420-1 du code de commerce, une entente ayant pour objet et pour effet de favoriser leur filiale commune, la société GL-expedia devenue l'Agence voyages-sncf.com (l'Agence VSC), sur le marché des services d'agence de voyages prestés pour les voyages de loisirs, au détriment des concurrents ; que M. C..., liquidateur judiciaire de la société Switch, a assigné la SNCF en réparation du préjudice subi par cette société résultant de la pratique anticoncurrentielle sanctionnée par l'Autorité ;
Sur le second moyen
, pris en ses première, deuxième, troisième, sixième, septième et neuvième branches :
Attendu que la SNCF fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. C..., ès qualités, une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la société Switch alors, selon le moyen :
1°/ que l'indemnisation d'une perte de clientèle éventuelle, sur internet, en conséquence d'une entente privilégiant une société proposant des produits concurrents consiste tout au plus en une perte de chance de réaliser les ventes escomptées ; qu'en écartant en l'espèce l'existence d'une perte de chance et accordant à la société Switch « l'indemnisation du préjudice concurrentiel qu'elle a subi en raison de l'impossibilité pour elle de proposer ses produits à la clientèle détournée par la SNCF au profit de l'agence VSC » à hauteur du manque à gagner correspondant à la perte du chiffre d'affaires qu'elle aurait pu réaliser, après avoir retenu, par un autre motif non contraire adopté du jugement, « qu'il est impossible de savoir avec certitude comment un marché aurait évolué de manière certaine en l'absence d'infraction », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil ;
2°/ que l'indemnisation de la disparition ou la diminution de la faculté pour une société de proposer ses produits à la vente sur internet, en conséquence d'une entente privilégiant une autre société proposant des produits concurrents, consiste en une perte de chance ; qu'en disant que le préjudice ne consistait pas en une simple perte de chance, après avoir retenu que la société Switch avait seulement perdu « la faculté de proposer ses produits », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil ;
3°/ qu'un gain manqué futur et éventuel découlant de la disparition ou la diminution de la faculté pour une société de proposer ses produits à la vente sur Internet consiste tout au plus en une perte de chance ; qu'en écartant l'existence d'une perte de chance pour condamner la SNCF à indemniser la société Switch, sur le fondement d'une méthode d'évaluation décrite pourtant comme « se rapportant à une situation contrefactuelle hypothétique » relative à une « évolution future probable », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil ;
4°/ qu'en décidant que seul le segment de l'e-tourisme doit être pris en considération pour le calcul de la part de marché de la société Switch à partir de laquelle son préjudice indemnisable consécutif à la pratique anticoncurrentielle doit être évalué, tout en constatant qu'il a été définitivement jugé par un arrêt du 23 février 2010 que la SNCF a commis une pratique anticoncurrentielle illicite ayant eu des effets restrictifs de concurrence sur le marché des services d'agences de voyage prestés pour les voyages de loisir, la cour d'appel qui a modifié le marché pertinent dans le seul but de majorer artificiellement la part de marché de la société Switch et partant le montant de son préjudice a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil, ensemble l'article
1351 du même code ;
5°/ qu'en décidant que seul le segment de l'e-tourisme doit être pris en considération pour le calcul de la part de marché de la société Switch à partir de laquelle son préjudice indemnisable consécutif à la pratique anticoncurrentielle doit être évalué, tout en constatant que la société Switch dispose de huit agences « en dur » et réalise 90 % (seulement) de son chiffre d'affaire en ligne, ce dont il résulte que la société Switch développait au moins une partie de son activité en dehors du segment du e-tourisme sur un marché plus large, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil ;
6°/ que l'indemnisation allouée ne peut excéder la réparation intégrale du dommage ; qu'en condamnant la SNCF à verser la somme de 6,9 millions d'euros à la société Switch, au titre de gains manqués incluant des pertes dues à un « effet différé » défini comme « une baisse du volume d'affaires induite par l'absence de fidélisation de la clientèle directement détournée .... une fidélisation due à la satisfaction du client mais également par les recommandations faites de "bouche à oreille et sur internet" », cependant que l'indemnisation d'un tel effet différé conduisait à réparer un préjudice purement éventuel excédant le montant de réels gains manqués, la cour d'appel a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du dommage ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir rappelé qu'il avait été définitivement jugé que, durant l'entente, les agences de voyages en ligne concurrentes de l'Agence VSC n'avaient eu aucune possibilité d'accéder au canal mis en place par la SNCF pour vendre leurs propres produits et relevé que la société Switch était un concurrent de l'Agence VSC sur le marché des services d'agences de voyages prestés pour les voyages de loisirs, l'arrêt retient que la société Switch a subi un manque à gagner correspondant à la perte du chiffre d'affaires qu'elle aurait pu réaliser auprès de la clientèle internaute de la SNCF, dont elle a été évincée du fait de la pratique anticoncurrentielle ; qu'ayant ainsi caractérisé un préjudice certain, c'est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations que la cour d'appel a retenu que le préjudice subi par la société Switch ne s'analysait pas en une perte de chance ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir constaté que, dans le cadre de l'atteinte à l'économie engendrée par la pratique anticoncurrentielle, l'Autorité avait défini le marché pertinent comme étant celui des services d'agences de voyages prestés pour les voyages de loisirs sur le territoire français sans distinguer les différents canaux de distribution, agences en ligne, agences physiques ou centres d'appels, au motif qu'ils étaient substituables, c'est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations que la cour d'appel a retenu que, s'agissant de l'appréciation du préjudice subi par la société Switch, il convenait de prendre en compte le segment du marché spécifiquement affecté par la pratique anticoncurrentielle, soit celui restreint aux seules activités réellement concernées par cette pratique, soit le segment des ventes de prestations de voyages de loisir en ligne et qu'elle a écarté la part de 10 % correspondant aux ventes réalisées par la société Switch par l'intermédiaire d'agences en "dur" ;
Et attendu, en dernier lieu, qu'après avoir précisé qu'il existait une perte directe et immédiate de volume d'affaires du fait de la pratique anticoncurrentielle, l'arrêt retient qu'il existe également une perte certaine due à un effet différé de la pratique, défini par l'expert judiciaire comme correspondant à une baisse du volume d'affaires induite par l'absence de fidélisation de la clientèle détournée ; qu'après avoir relevé que l'évaluation que faisait la société Switch de cet effet différé conduisait, ainsi que l'avait souligné l'expert judiciaire, à des effets cumulatifs dépassant le montant du préjudice direct, l'arrêt retient que le montant du préjudice demandé à ce titre doit être réduit ; qu'ayant ainsi caractérisé la certitude du préjudice causé par cet effet différé, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et sans violer le principe de la réparation intégrale du préjudice que la cour d'appel en a fixé le montant ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et
sur le premier moyen
et le second moyen, pris en ses quatrième, cinquième, huitième, dixième et onzième branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SNCF mobilités aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. C..., liquidateur judiciaire de la société Switch, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES
au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'établissement SNCF mobilités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SNCF nouvellement dénommée SNCF mobilités de sa demande en annulation du jugement ;
AUX MOTIFS QUE sur la demande en annulation du jugement la SNCF fait grief au tribunal d'avoir repris in extenso, par un procédé de "copié-collé", le contenu des conclusions de Maître C..., de les avoir reproduites servilement sans analyse personnelle et d'avoir ainsi statué par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction, ce qui, selon elle, entraîne l'annulation de la décision sur le fondement de l'article
455 du code de procédure civile et de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Elle ajoute que cette censure s'impose d'autant plus que le jugement de refus de jonction était déjà une reproduction des conclusions adverses et constituait un pré-jugement. La société Switch réplique qu'il n'est pas interdit au juge de motiver sa décision en reprenant à son compte une partie des arguments avancés par l'une des parties. Elle rappelle que le juge peut reproduire littéralement les conclusions d'une partie sur certains points dans ses motifs sans que cela ne présume une quelconque partialité qui n'est pas rapportée en l'espèce par la SNCF. Il ressort de la lecture du jugement que l'exposé des faits et de la procédure, au demeurant non critiqués par la SNCF, révèle un travail d'analyse et de contrôle des premiers juges en ce qu'il comporte un rappel complet des chefs de demandes des deux parties et qu'appliquant les dispositions de l'article
455 du code de procédure civile, les premiers juges ont résumé les moyens et arguments développés par chacune des parties. Il en résulte également que dans les motifs de la décision, ils ont examiné chacun des moyens soulevés par la SNCF, soit l'absence de faute, de lien de causalité et de préjudice, auxquels ils ont répondu de façon précise, que notamment, comme te relève à juste titre Maître C..., a été repris un argument tiré d'une décision du tribunal de commerce en date du 22 octobre 1996, citée par la SNCF dans ses écritures, qu'une grande partie des prétendus "copier-coller" invoqués est la reprise d'éléments constants qui laissent peu de place à une rédaction originale, tels que, à titre d'exemples, la décision du Conseil de la concurrence dont il est préférable de reprendre les termes à l'identique sous peine de dénaturation, la réponse à la question préjudicielle par la CJUE, l'arrêt de la cour d'appel du 13 décembre 2012, la jurisprudence de la Cour de cassation, les dispositions de l'article
1382 du code civil et les principes jurisprudentiels qui en découlent ( " l'article
1382 du code civil précité ne peut être mis en oeuvre que s'il existe un lien de causalité entre la faute et le préjudice subi" ) qu'au demeurant, la cour n'exclut pas, compte tenu de leur intangibilité, de reprendre elle-même, ci-après. Il apparaît également que la motivation du jugement déféré apparaît propre au tribunal attestant de la réalité d'une analyse et d'un raisonnement de sorte qu'il importe peu que ses motifs soient, sur certains points, la reproduction littérale des conclusions de Maître C..., rien n'interdisant aux premiers juges de reprendre à leur compte une partie des arguments développés par ce dernier. Enfin, il ne peut qu'être constaté que le jugement de refus de jonction reprend des faits constants, "la décision N°09-D-06 qui a condamné la SNCF pour entente a été confirmée en appel et que l'arrêt est devenu définitif à l'égard de la SNCF..." de sorte qu'il ne saurait constituer un pré-jugement. En conséquence, la SNCF n'établit l'existence d'aucun élément objectif et/ou subjectif de nature à laisser formellement planer un doute sur l'impartialité des premiers juges. La demande d'annulation du jugement sera donc rejetée ;
ALORS QUE statue par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute sur son impartialité, le juge qui se borne, au titre de sa motivation, à reproduire sur tous les points en litige, à l'exception de quelques adaptations de style, les conclusions d'une des parties ; qu'en considérant pour refuser d'annuler le jugement litigieux qu'il importe peu que ses motifs soient, sur certains points, la reproduction littérale des conclusions de Maître C... ou encore que rien n'interdisait aux premiers juges de reprendre à leur compte une partie des arguments développés par ce dernier, quand la simple juxtaposition des conclusions de première instance de la partie adverse et du jugement déféré suffisait à démontrer que le tribunal s'était livré à un copier/coller grossier des conclusions adverses et n'avait pas écrit lui-même plus de dix lignes d'un jugement comprenant 11 pages, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles
455 et
458 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la Sncf à payer à Me C..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Switch, la somme de 6,9 millions d'euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la faute de la Sncf, d'avoir débouté la Sncf de ses demandes et de l'avoir condamnée au paiement de frais irrépétibles et aux dépens ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la faute civile (
) En l'espèce, il a été définitivement jugé par arrêt de la cour d'appel du 23 février 2010 qui a rejeté les recours contre la décision du Conseil de la concurrence rendue le 5 février 2009, et est devenu définitif, que le partenariat conclu entre la SNCF et la société Expedia, créant l'Agence VSC, constituait une entente anticoncurrentielle prohibée par les dispositions des articles
L 420-1 du code de commerce et 81 du traité CE devenu 101 du TFUE ''comme ayant eu pour objet et pour effet" de favoriser leur filiale commune, l'Agence VSC, sur le marché des services d'agence de voyages "prestés" (fournis) pour les voyages de loisir au détriment des concurrents, en considérant qu'elle lui a permis et, à travers elle, à la société Expédia Inc, de bénéficier d'avantages qui leur ont été réservés, liés au partage du site marchand de la SNCF et, notamment, du trafic généré par l'achat de billets de train, de l'envoi de newletters communes, du partage inégalitaire des revenus publicitaires et du bénéfice de la marque contenant la mention "SNCF" et ce, en violation des règles de concurrence, les autres agences de voyages ne pouvant pas accéder à ce canal, ni aux avantages qui en découlent, pour vendre leurs propres produits. Il a donc définitivement été jugé que la SNCF a commis une pratique anticoncurrentielle illicite ayant eu des effets restrictifs de concurrence sur le marché des services d'agences de voyage prestés pour les voyages de loisir, laquelle constitue nécessairement une faute de nature à engager sa responsabilité civile sur le fondement de l'article
1382 du code civil. sur l'existence d'un préjudice personnel et certain en lien direct : aux termes de ses dernières écritures, Maître C... indique que le préjudice que la société Switch a subi du fait de la faute commise par la SNCF, correspond au manque à gagner résultant du chiffre d'affaires qui aurait dû être réalisé auprès de la clientèle ayant visité le site www.voyages-sncf.comdont la très grande majorité constitue la clientèle de la SNCF. La SNCF estime qu'il n'existe pas de lien de causalité entre l'entente et le préjudice invoqué par la société Switch dès lors que l'agence VSC et la société Switch n'étaient que très marginalement en concurrence. Elle considère que la société Switch est avant tout un tour opérateur alors que l'agence VSC est une agence de voyage et que donc ces deux sociétés n'interviennent pas, la plupart du temps, au même stade de la chaîne de distribution des produits touristiques. La SNCF considère que l'Agence VSC et la société Switch n'étaient concurrentes qu'en matière de ventes de voyages à forfait, activité tout à fait marginale dans l'activité de l'agence (0 à 16% entre 2002 et 2008). Elle affirme que Me C... ne peut pas, en droit de la responsabilité, déduire de la décision de l'Autorité de la concurrence qui a sanctionné une infraction par objet, l'existence d'un lien de causalité entre l'existence d'une entente sur un marché et les difficultés que peuvent rencontrer les opérateurs actifs sur ce marché. La SNCF soutient que la pratique n'a pas eu d'effet sur la société Switch et que les pertes qu'elle a subies s'expliquent en réalité par des causes structurelles et conjoncturelles toutes étrangères à l'entente. Maître C... estime au contraire que le lien de causalité a été caractérisé tant par la décision de l'Autorité de la concurrence que par la cour d'appel de Paris puisque l'entente a été condamnée pour ses effets anticoncurrentiels à l'égard de tous les concurrents de l'agence VSC. Il fait valoir que ce lien de causalité est également confirmé par l'évolution du chiffre d'affaires et de la part de marché de la société Switch avant l'entente et après l'entente qui démontre qu'elle a été considérablement gênée dans son évolution et que son manque à gagner ne s'explique pas par des causes structurelles et conjoncturelles étrangères à l'entente. Il a été vu ci-dessus qu'il a été définitivement jugé que du fait du partenariat mis en place par la SNCF ayant permis d'orienter les acheteurs de billets de train en ligne vers les prestations d'agences de voyage de l'Agence VSC, les agences de voyage en ligne concurrentes de cet opérateur n'ont eu aucune possibilité durant l'entente d'accéder à un tel canal pour vendre leurs propres produits de sorte que contrairement à ce que soutient la SNCF, il est établi que l'entente n'a pas eu seulement un objet anticoncurrentiel mais également des effets anticoncurrentiels, au détriment des concurrentes de l'Agence VSC. Il est établi, et au demeurant non contesté par la SNCF : - par la lettre du ministre de l'économie du 12 novembre 2008 établie dans le cadre du contrôle des concentrations lors de la prise de contrôle partielle de la société Switch par la société [...] et qui indique que le Groupe Switch est actif dans le secteur de la vente de séjours balnéaires en ligne, principalement sur les destinations long et moyen-courriers (Caraïbes, Océan indien) mais également à courte distance réalisées par le biais d'un site internet, - par le rapport de M. Q... M..., expert désigné par le tribunal de commerce de Créteil le 14 octobre 2009 afin de donner son avis sur l'origine et les causes des difficultés de la société Switch qui ont conduit à la cessation des paiements, qui indique que le modèle économique de la société Switch reposait sur le principe d'un engagement ferme de réservation d'hôtel et de billets d'avion afin d'obtenir des tarifs très compétitifs, la clientèle étant exploitée via internet et qui précise que plus de 80% de son chiffre d'affaires était réalisé avec les séjours proposés combinés avions et hôtels, - par la décision du Conseil de la concurrence confirmée par arrêt du 23 février 2010 qui cite la société Switch parmi les agences de voyage en ligne et considère que tous les produits de voyage de loisirs sont substituables comme faisant partie du même marché pertinent qu'il a défini comme étant le marché des services d'agence de voyage prestés pour les voyages de loisir, que la société Switch exerçait principalement une activité d'agence de voyage en ligne en vendant directement ses produits (voyages à forfait, billets d'avion, locations de voitures, nuits d'hôtel, séjours hôteliers), de sorte que dans le cadre de cette activité, elle était bien un concurrent direct de l'Agence VSC sur le marché des services d'agences de voyage prestés pour les voyages de loisir. Contrairement à ce que soutient la SNCF pour conclure à l'absence d'effet de la pratique, il importe peu, au stade de la détermination de l'existence d'un préjudice personnel et certain en lien direct avec la pratique en cause, d'une part, que la société Switch et l'Agence VSC n'aient pas été concurrentes sur l'ensemble de leur activité et donc qu'elles n'aient été que "marginalement" en concurrence en matière de ventes de voyages à forfait, cet élément ne pouvant être éventuellement pris en considération que dans le cadre de l'évaluation du préjudice, que d'autre part, la plupart des concurrents ont continué à croître malgré les pratiques anticoncurrentielles, ce qui peut résulter d'autres facteurs comme à titre d'exemple en l'espèce, l'essor continu de l'e-commerce, et est sans influence sur l'existence même du préjudice invoqué et enfin, que la SNCF n'ait pas été à l'origine de la cessation des paiements de la société Switch, Maître C... ne sollicitant pas l'indemnisation de la faillite. Il ressort de ces éléments que la société Switch justifie d'un préjudice personnel, direct et certain du fait de la pratique anticoncurrentielle de la SNCF, consistant dans le manque à gagner résultant de la perte certaine de la faculté de proposer ses produits d'agence de voyages aux clients ferroviaires internautes de la SNCF qui, ayant visité le site www.voyages-sncf.com. se sont vus proposer par l'Agence VSC des produits non ferroviaires substituables, pour la période non contestée des exercices 2002 à 2008. C'est donc vainement que la SNCF indique, à titre infiniment subsidiaire, que le préjudice s'analyserait en une perte de chance. D'une part, la cour constate que la SNCF procède par voie d'affirmation contenue dans une seule phrase placée d'une part, entre des parenthèses (" ... un gain manqué (qui n'est autre qu'une perte de chance), .. " à la page 34 et d'autre part, à la dernière des 67 pages de conclusions et qu'elle s'abstient de caractériser la chance qu'aurait perdue la société Switch du fait de la pratique anticoncurrentielle reprochée, d'autre part, comme il a été vu ci-dessus, la société Switch a perdu, de façon certaine, la faculté de proposer ses produits non ferroviaires aux clients ferroviaires de la SNCF de sorte qu'il ne s'agit pas d'une perte de chance. Le moyen évoqué à ce titre sera donc rejeté. Sur l'évaluation du préjudice économique. Maître C... a sollicité en première instance et sollicite, de nouveau, en appel la somme de 8,59 millions, actualisée au 30 novembre 2011, au titre du préjudice économique, en se référant aux rapports du cabinet Compass Lexecon lequel, en substance, s'agissant du préjudice direct, a établi la part du volume d'affaires de l'Agence VSC qui serait indue, comme correspondant aux clients désireux d'acquérir des prestations d'agence de voyages et qui, en raison des pratiques en cause, auraient été captés au détriment de concurrents dont la société Switch, puis d'allouer à la société Switch une part équivalente à sa part de marché, et enfin, de calculer la marge qui aurait dû être réalisée par la société Switch. Le premier rapport du cabinet Compass Lexecon a évalué le préjudice à 8,59 millions puis au cours de l'instruction du dossier en première instance, il lui a été demandé de refaire une évaluation en prenant comme base de calcul la part du volume d'affaires de l'Agence VSC relatives aux séjours pré-packagés. Après nouvelle évaluation, le cabinet Compass Lexecon a évalué le préjudice total de la société Switch à 6,9 millions, soit la somme retenue par le jugement entrepris. L'expert judiciaire, M. S..., a considéré que le préjudice économique subi s'élèverait à 108.600 euros capitalisés au 1er janvier 2015 sur la base du marché pertinent des prestations d'agences de voyage prestés pour voyages de loisir et d'un rapport de concurrence couvrant l'ensemble des prestations fournies par l'Agence VSC (séjours, hôtels, vols, locations de voitures) et en se limitant à un rapport de concurrence aux seuls séjours moyen et longs courriers, à 8.700 euros capitalisés au 1er janvier 2015. La SNCF soutient en substance que l'évaluation du préjudice que fait Maître C... et qui a été retenue par le tribunal est infondée tant au point de vue juridique que d'un point de vue économique. Elle précise que le préjudice allégué et indemnisé n'est pas défini et que tantôt, il est constitué par des gains manqués lesquels ne peuvent qu'être éventuels tantôt par des pertes subies qui ne sont pas chiffrées. Elle rappelle que Maître C... a produit deux rapports du cabinet Compass Lexecon et qu'en réponse, elle a elle-même communiqué deux rapports les contestant, établis par Mme F... . Elle conteste plus particulièrement la prise en compte du volume d'affaires de l'Agence VSC en lieu et place de son chiffre d'affaires et celle de l'entièreté du volume d'affaires de l'Agence VSC en lieu et place de la seule proportion que représentent les séjours prépackagés dans son chiffre d'affaires, le marché pertinent pris en considération, le taux de marge retenu pour calculer le préjudice, la base mensuelle de calcul du préjudice différé et l'application erronée de la méthode contrefactuelle. Elle estime que le chiffrage retenu par le tribunal doit être écarté car il repose sur l'étude produite par Maître C... qui souffre d'un vice méthodologique majeur comme retenant le cumul d'un préjudice direct et d'un préjudice différé, ce qui rend le résultat obtenu totalement aberrant. Elle ajoute que si la cour devait reprendre la méthodologie proposée, elle devrait y apporter les corrections qui s'imposent selon l'expertise de Mme F.... Elle analyse point par point le rapport de l'expert judiciaire qu'elle confronte à l'expertise amiable de Mme F.... Elle relève que la société Switch n'a pas produit ses comptes de résultats détaillés pour les années 2004 à 2008. Elle conclut que si par extraordinaire la cour devait considérer que la société Switch avait subi un préjudice, ce préjudice s'analyserait en une perte de chance dont la valeur ne saurait excéder 490 euros (capitalisation sur la base du taux légal d'intérêt) en application de l'expertise de Mme F... et à titre infiniment subsidiaire, 8.700 euros comme l'a calculé l'expert judiciaire en tenant compte d'une concurrence limitée aux seuls séjours moyen et longs-courriers. En réplique, Maître C... fait valoir que la société Switch connaissait une croissance annuelle de plus de 40 millions d'euros au début de l'entente et que sa croissance s'est considérablement réduite à compter de l'année 2003, année où l'entente a commencé à produire pleinement ses effets, l'Agence VSC progressant alors de manière très significative sur le marché. Il relève que pourtant, la SNCF évalue le préjudice à 490 euros, soit 60 euros par an. Il indique que l'expert judiciaire, influencé par la SNCF et ne connaissant pas les principes d'évaluation d'un préjudice économique, arrive pour partie à un résultat tout aussi dérisoire entre 8.700 euros (1.000 euros par an), et 411.000 euros (50.000 euros par an). Il soutient que l'indemnisation du préjudice suppose la prise en compte de la position de Switch sur le segment concerné par les pratiques et non sur le marché pertinent, c'est-à-dire les ventes de voyages de loisirs en ligne, en appliquant cette part sur le volume d'affaires de prestations non ferroviaires détourné par l'Agence VSC s'élevant à 110 millions d'euros grâce à l'envoi des newsletters. Il considère que l'évaluation de ce préjudice immédiat ne suffit pas car cette évaluation opérée sur la base des données existant pendant l'entente, est nécessairement affectée par les effets de l'entente et qu'ainsi, le préjudice de Switch est forcément réduit par la montée en puissance de l'Agence VSC du fait de l'entente. Il ajoute que l'analyse d'un préjudice économique suppose la réalisation d'un scénario contrefactuel, c'est-à-dire la capacité de déterminer quelle aurait été la croissance de Switch et le volume d'affaires si l'entente n'avait pas existé mais que l'expert judiciaire, conscient qu'il se doit d'appliquer cette méthode, prétend l'appliquer mais ne se fonde en réalité que sur les données de marché pendant l'entente alors qu'il convenait d'appliquer la méthode contrefactuelle en intégrant dans le volume d'affaires de Switch le volume d'affaires détourné et en recalculant la croissance de Switch comme l'a fait le cabinet Compass Lexecon dans son évaluation. Il en conclut que le rapport de l'expert judiciaire comporte un vice rédhibitoire et que la cour ne pourra, si elle ne retient pas l'évaluation de Switch, ni celle du tribunal, qu'ordonner un complément d'expertise. Il ajoute que ce manque de référence au scénario contrefactuel se retrouve également quant à la détermination minorée du calcul de la marge de W... et quant à l'actualisation du préjudice qui se borne à la prise en compte de l'érosion monétaire. En définitive, se référant aux rapports du cabinet Compass Lexecon, il demande à titre principal que le préjudice soit estimé à la somme de 8,59 millions d'euros, soit 1,3 % du chiffre d'affaires cumulé réalisé par la société Switch durant la période des pratiques et à titre subsidiaire, la confirmation du jugement qui a retenu la somme de 6,9 millions et à titre infiniment subsidiaire, un complément d'expertise. Ceci étant exposé, à titre préliminaire, il ya lieu de rappeler que la réparation du préjudice causé par une infraction à l'article 10 1 du TFUE consiste à placer la partie lésée dans la situation où elle se serait trouvée si l'infraction n'avait pas été commise. Ensuite, il convient de constater que pour quantifier le préjudice subi, les parties ne contestent pas le recours à la méthode contrefactuelle préconisée par la Commission européenne dans le Guide pratique qu'elle a édité concernant la quantification du préjudice dans les actions en dommages et intérêts fondées sur des infractions à l'article 101 ou 102 du TFUE. S'agissant de la quantification du manque à gagner d'un concurrent, la méthode consiste à comparer les bénéfices qu'il a réalisés pendant la durée de l'infraction sur le marché affecté par celle-ci avec ceux qu'il aurait pu réaliser dans un scénario de référence dit "sans infraction" ou "scénario contrefactuel". La Commission a rappelé que quelque soit la méthode ou la technique choisie, la quantification du manque à gagner pouvait nécessiter l'évaluation de données complexes se rapportant à une situation contrefactuelle hypothétique au regard de laquelle la position réelle du concurrent évincé, doit être appréciée, souvent en envisageant leur évolution future probable. Elle a également précisé, s'agissant de la comparaison dans le temps, que les données sur les revenus et les coûts antérieurs à l'infraction utilisés pour la comparaison, pouvaient être affinées, en tenant compte d'autres éléments susceptibles d'avoir défavorablement influencé les résultats d'une entreprise et non liés à l'infraction ou a contrario, de lui avoir procuré une situation meilleure dans un scénario contrefactuel. Il convient donc pour évaluer le préjudice subi par la société Switch consistant dans le manque à gagner correspondant à la perte du chiffre d'affaires qu'elle aurait pu réaliser auprès de la clientèle internaute de la SNCF, dont elle a été évincée du fait de la pratique anticoncurrentielle, d'appliquer la méthode contrefactuelle, en retenant, au vu des rapports d'expertise de M. S... incluant ses réponses aux dires des parties, de Mme F... et du cabinet Compass Lexecon ainsi que des arguments échangés par chacune des parties, les éléments suivants : la période en cause. Il est constant que dans l'appréciation du dommage à l'économie, le Conseil de la concurrence et la cour d'appel n'ont procédé à aucune distinction sur la période de l'entente qui s'est écoulée entre le début de l'entente fin 2001 (création de l'agence VSC et exploitation du site www.voyages-sncf.com non plus seulement pour assurer l'information sur les trains et la distribution de billets mais également pour une activité d'agence de voyages) et 2009, date de la décision, et qu'ils n'ont notamment pas distingué les périodes concernées par l'envoi des newsletters adressées de manière indifférenciée aux internautes entre 2001 et 2004 puis à leur demande, à partir de 2005, en considérant, qu'après 2004, l'Agence VSC bénéficiait toujours d'un avantage concurrentiel vis à vis de ses concurrents qui ne disposaient pas de la faculté de proposer aux clients de l'Agence VSC de recevoir des informations sur leurs produits. Par ailleurs, la société Switch indique limiter sa demande d'indemnisation sur les exercices 2002 à 2008, alors même que l'entente s'est poursuivie pendant la phase de l'instruction devant le Conseil de la concurrence et qu'elle ne sollicite pas le préjudice rémanent, lequel s'entend du préjudice postérieur à l'entente et correspondant à la persistance dégressive des effets pendant un certain temps. L'indemnisation du préjudice portera donc sur la période, non contestée, des exercices de 2002 à fin 2008, sans que s'agissant du volume d'affaires à prendre en compte, il y ait lieu, comme le préconise la SNCF, de distinguer les périodes suivant les modalités d'envoi des newsletters. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point. seul le segment de l'e-tourisme doit être pris en considération pour le calcul de la part de marché de la société Switch. Se référant aux rapports du cabinet Compass Lexecon, le tribunal de commerce a retenu la seule activité d'agence de voyages en ligne de la société Switch. En revanche et conformément à la position soutenue par la SNCF, l'expert judiciaire a évalué le préjudice sur la base de la part de marché de la société Switch sur l'ensemble du marché des services de voyages prestés pour les voyages de loisirs défini par le conseil de la concurrence comme étant le marché pertinent. Il a néanmoins, à titre d'information, évalué le préjudice sur le seul segment de l'e-commerce. Maître C... soutient que l'expert a confondu l'analyse du marché pertinent et celle du préjudice sur le segment concerné par les pratiques et qu'il y a lieu de mesurer le préjudice sur le segment plus étroit de l'e-tourisme où se sont déroulées les pratiques. Si, dans le cadre plus général de l'atteinte à l'économie par la pratique anticoncurrentielle, le Conseil de la concurrence a défini le marché pertinent comme étant celui des services d'agences de voyages prestés pour les voyages de loisirs sur le territoire français sans distinguer les différents canaux de distribution (agences en ligne/agences physiques ou cali center) au motif qu'ils étaient substituables, il y a lieu dans l'appréciation du préjudice subi par la société Switch, de se référer au segment du marché spécifiquement affecté par la pratique anticoncurrentielle, qui doit donc être restreint aux seules activités réellement impactées par cette pratique, soit celle de vente de prestations de voyages de loisir en ligne. En effet, l'Agence VSC est une agence de voyage exclusivement en ligne et la société Switch, qui ne dispose que de huit agences en "dur", réalise près de 90% de son chiffre d'affaires en ligne. En outre, la pratique anticoncurrentielle a visé, notamment par l'envoi de newsletters, à capter des internautes en vue d'un achat de prestations de voyages de loisir en ligne. Enfin, comme l'explique le cabinet Compass Lexecon dans son rapport complémentaire, il s'avère que le client souhaitant acquérir un billet de train sur le site voyages-sncf.com, ne se déplacera dans une agence physique pour acheter un forfait touristique. C'est donc à tort que l'expert judiciaire a évalué la part de marché de la société Switch sur l'ensemble du marché des agences de voyage de loisirs et non sur le seul segment de l'e-tourisme. La part de 10% correspondant aux ventes de la société Switch réalisées par l'intermédiaire d'agences en "dur" sera donc écartée, sans qu'il y ait lieu à cet égard de distinguer dans la clientèle qui s'adresse à ces agences physiques, celle qui possède un équipement lui permettant de se connecter à internet, l'établissement d'une proportionnalité entre le taux de connexion de la population française à internet et la part de marché détournée de la société Switch ajoutant, selon le pertinent avis de l'expert judiciaire sur ce point, un niveau supplémentaire d'hypothèses et de complexité. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef. l'ensemble des prestations de voyages de loisir (forfaits séjour) est affecté. Il a été vu que les prestations de voyages de loisir (forfaits séjour) de l'Agence VSC étaient substituables à celles proposées par la société Switch dans son activité d'agence de voyage de loisir en ligne de sorte qu'il n'y a notamment pas lieu de distinguer, pour la part de marché de la société Switch sur le segment de l'e-tourisme, dans les produits pré-packagés, les destinations à courte, moyenne ou longue distance. En revanche, il convient d'exclure la part d'activité de la vente de croisières en ligne, de la société Switch. Le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point. la prise en compte des volumes d'affaires de la société Switch et de l'Agence VSC pour déterminer la perte de chiffres d'affaires. Comme les premiers juges, puis l'expert judiciaire, l'ont estimé, le chiffre d'affaires de la société Switch est égal à son volume d'affaires, son modèle économique étant basé sur une adéquation entre le volume d'affaires et le chiffre d'affaires. Mme F... a, du reste, précisé que l'activité de Switch était" quasiment exclusivement une opération de négoce par laquelle elle achète des prestations qu'elle assemble et revend à ses clients. "de sorte que pour estimer le gain manqué, il y a lieu de se référer aux volumes d'affaires respectifs de la société Switch et de l'Agence VSC sur le marché de l'e-tourisme (forfaits séjours). Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a considéré comme légitime de se référer au volume d'affaires de l'Agence VSC pour estimer la perte de chiffres d'affaires de la société Switch. Le volume d'affaires pour les forfaits séjours de l'Agence VSC a été évalué à partir des données qu'elle a elle-même communiquées, entre o et 16 % de son volume d'affaires total entre 2002 et 2008. La cour constate, comme le relève Maître C..., que la donnée selon laquelle l'Agence VSC n'aurait pas commercialisé de produits sur le segment en cause en 2002, ne peut être vérifiée. Compte tenu de ces éléments, la moyenne retenue à hauteur de 12% par les premiers juges, est justifiée. le calcul de la marge perdue. Pour le calcul de la marge réelle perdue, les premiers juges ont déduit du chiffre d'affaires perdu, les postes de charges 42 (achats de matières premières, achats et charges, salaires, charges sociales et autres ... ),et les variations des dettes et des créances d'exploitation, en tenant compte de l'impact de l'impôt. La SNCF conteste la prise en considération des coûts fixes sur les exercices 2001 à 2004 inclus, arguant de la croissance très importante du chiffre d'affaires et des charges d'exploitation sur la même période, qui aurait rendu variables les charges fixes par nature. Mais d'une part, comme l'expert judiciaire l'a retenu à juste titre, il y a lieu de déduire les charges fixes dès lors qu'elles sont justifiées par les états financiers (2002 à 2003). D'autre part, s'agissant des périodes où la société Switch ne produit pas ses états financiers (2004 à 2008), l'expert judiciaire a retenu l'hypothèse conservatrice de maintien du dernier niveau de charges fixes et effectué une projection sur les charges à coût variable. Maître C... considère que la charge des coûts fixes a été sous-estimée, ce qui augmente la marge sur coût variable. Il fait valoir, à raison, que dès lors que les charges d'exploitation totales incluant les charges fixes et les charges à coût variable, sans distinction, sont connues et qu'il peut être constaté que ces charges ont augmenté par rapport à 2003, le maintien des charges fixes à ce niveau, conduit mécaniquement à une augmentation des charges à coût variable correspondant à la différence entre les charges d'exploitation et les charges fixes. Il ya donc lieu conformément au calcul réalisé par Maître C... de réaliser la projection à partir du pourcentage des charges fixes dans les charges d'exploitation. le préjudice immédiat et le préjudice différé. Il existe une perte directe et immédiate de volume d'affaires du fait de la pratique anticoncurrentielle (perte du client capté et donc non atteint par la société Switch)ainsi que, malgré l'absence de données sur le taux de retour annuel de clients et le suivi de clients venus sur recommandation, une perte certaine due à un effet différé, effet que l'expert judiciaire a défini comme "une baisse du volume d'affaires induite par l'absence de fidélisation de la clientèle directement détournée .... une fidélisation due à la satisfaction du client mais également par les recommandations faites de "bouche à oreille et sur internet ". Pour évaluer l'effet différé, l'expert judiciaire a pris en compte "la superformance" de la société Switch par rapport au marché de l'e-tourisme qu'il a relevée pour les années 2002 et 2003. Il n'a donc rien retenu à ce titre pour les années 2004 à 2008, le taux de croissance du volume d'affaires étant inférieur à celui de l'e-tourisme pour cette période. Or, Maître C... fait observer à juste raison que cette méthodologie de quantification de l'effet différé retenue par l'expert conduit à retenir les années correspondant au début de l'entente, à un moment où la société Switch avait encore la possibilité de "superforrner" et à exclure la prise en compte de cet effet à partir de 2004, année où en raison de l'entente, la croissance de la société Switch s'est réduite, et que de surcroît, il n'a pas appliqué la méthode contrefactuelle en ne proposant pas de scénario contrefactuel. En revanche, c'est à juste titre que l'expert judiciaire a estimé que l'effet différé recalculé par la société Switch à partir de calculs mathématiques complexes, conduisait à des effets cumulatifs dépassant le montant du préjudice direct en ce que selon ce calcul, chaque vente perdue du fait de la pratique génère au moins une vente perdue pour toutes les années futures. Il ya donc lieu d'approuver la décision des premiers juges qui ont réduit une partie du montant de l'effet différé. les problèmes structurels et conjoncturels importants. La SNCF soutient que comme le préconise la Commission, pour évaluer le préjudice, il y a lieu de prendre en considération les problèmes structurels et conjoncturels que connaissait la société Switch, comme relevé par le rapport M... (déposé dans le cadre du contentieux initié par Maître C... à l'encontre des dirigeants de la société Switch). Il en conclut que cette absence de prise en compte est de nature à invalider l'ensemble des calculs et in fine l'évaluation du préjudice présentée par Maître C.... Toutefois, comme le fait observer Maître C..., le préjudice dont la réparation est demandée, réside exclusivement dans le manque à gagner résultant de l'impossibilité dans laquelle s'est trouvée la société Switch de proposer ses services à la clientèle de la SNCF qui a été captée par l'Agence VSC du fait de la pratique anticoncurrentielle de sorte que les problèmes invoqués par la SNCF ne sont aucunement susceptibles d'avoir pu influer sur ce manque à gagner, et partant ils ne peuvent en diminuer le montant. Il n'y a donc pas lieu, à l'instar des premiers juges, d'en tenir compte. l'actualisation du préjudice ; Il est constant que comme l'a rappelé la Cour de justice, le droit à réparation couvre non seulement le dommage réel et le manque à gagner mais aussi le paiement des intérêts. La Cour de justice a précisé que la réparation intégrale doit inclure la compensation des effets négatifs résultant de l'écoulement du temps depuis la survenance du préjudice causé par l'infraction, à savoir l'érosion monétaire, mais également la perte de chance subie par la partie lésée du fait de l'indisponibilité du capital. Les premiers juges ont admis la valorisation au 30 novembre 2011 de la somme arrêtée au 31 décembre 2008, suivant le taux de capitalisation moyen dans le secteur du tourisme proposée par Maître C.... L'expert judiciaire a pris en compte le seul taux légal de l'intérêt destiné à compenser la perte de valeur liée au temps passé sur la base d'une absence de prise de risque. Maître C... considère que ce faisant, il n'a pris en compte que l'érosion monétaire sans prendre en considération le coût du capital, ce qui ne correspond pas aux modalités d'actualisation d'un préjudice économique. La SNCF ne fait valoir aucune observation à cet égard. Etant rappelé que le propre de la responsabilité civile est d'assurer la réparation intégrale du dommage actuel et certain de la victime sans perte ni profit, la cour constate que le taux retenu par les premiers juges est pertinent et le mieux adapté de sorte que le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que c'est à juste titre que les premiers juges se basant sur les calculs du cabinet Compass Lexecon, ont évalué le préjudice subi par la société Switch du fait de la pratique anticoncurrentielle de la SNCF à la somme de 6,9 millions d'euros au paiement de laquelle ils ont condamné la SNCF. Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions et Maître C... sera débouté du surplus non justifié de sa demande en dommages et intérêts ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE, sur le lien de causalité : Attendu que l'article
1382 du code civil précité ne peut être mis en oeuvre que s'il existe un lien de causalité entre la faute et le préjudice subi ; Attendu qu'il existe un lien de causalité entre une faute et un préjudice subi pendant la durée de la pratique illicite fautive, qu'à l'inverse il n'existe pas de lien de causalité dès lors que le préjudice invoqué a été subi après la cessation de la pratique illicite ; Attendu que la faute commise par la SNCF a été reconnue, n'est plus contestable et n'est pas contestée ; Attendu cependant que la SNCF soutient que l'identification des causes des difficultés de Switch, étrangères à elle aux termes du rapport d'expertise de M. M... de juillet 2012, serait de nature à remettre en cause l'existence d'un lien de causalité entre les pratiques anticoncurrentielles de la SNCF et le préjudice invoqué ; Mais attendu que l'entente n'a pas été condamnée que pour son objet anticoncurrentiel, mais également pour ses effets anticoncurrentiels ; Attendu que l'Autorité de la concurrence a constaté que les pratiques ont eu un effet anticoncurrentiel en raison de l'avantage concurrentiel conféré à l'Agence VSC par la pratique illicite au détriment de ses concurrents: « Ainsi, l'envoi de newsletters communes entre les années 2001 et 2004 a eu une influence certaine sur la vente des produits non ferroviaires du site voyages-sncf.com ", (
). Pour la période postérieure à 2005, si le taux de newsletters mixtes a nettement diminué, il n'en demeure pas moins que l'Agence VSC bénéficie toujours d'un avantage concurrentiel vis-à -vis de ses concurrents qui ne disposent pas de la faculté de proposer aux clients de VSC de recevoir des informations sur leurs produits", (...). Dans la mesure où les ventes sur un site sont généralement proportionnelles au nombre de visites, il est indéniable que le fait d'avoir profité de la marque de la SNCF, de son image et de son site commercial pour vendre des produits non ferroviaires a donné un avantage concurrentiel à l'Agence VSC » ; Attendu que ce qui est reproché à la SNCF, c'est d'avoir soustrait la clientèle venant sur voyages-sncf.com à la concurrence ; Attendu qu'il ressort de la Décision de l'Autorité de la concurrence que Switch est une agence de voyage en ligne (§ 5 de la Décision 09-D-06), comme l'Agence VSC (§ 22 et suivants de la Décision 09-D-06), que Switch fait partie des concurrents ayant porté plainte contre la SNCF devant l'Autorité de la concurrence, qu'il ressort de même de la lettre du Ministre de l'économie analysant la prise de contrôle partielle de Switch par K... que le site voyage-sncf.com (sur lequel sont passées les commandes auprès de l'Agence VSC est concurrent de Switch pour la distribution de séjours et/ou vacances à forfait ; Attendu que l'entente, ayant produit des effets à l'égard des concurrents de l'Agence VSC, a donc nécessairement produit des effets à l'égard de W... ; Attendu que l'Autorité de la concurrence a considéré que les pratiques ont été particulièrement graves car elles « ont notamment produit des effets sur le segment de marché émergent de la vente de voyages de loisir en ligne» et qu' « elles ont dissuadé les agences de voyage en ligne de se livrer à la même activité que voyages-sncf.com et gêné celles des agences de voyages en ligne qui se sont, malgré tout, lancées dans cette activité » (§ 290 de la Décision 09-D-06) ; Attendu que l'Autorité considère donc que tous les concurrents ont souffert de la captation de clientèle par la SNCF qui profitant de son monopole sur la vente de billets de train, a réservé cette clientèle désirant acheter des produits d'agence de voyages en ligne à la seule Agence VSC et l'a soustrait à ses concurrents ; Attendu que cet avantage concurrentiel qui s'est fait au détriment des concurrents de l'Agence VSC a donc eu un impact sur W... que l'Autorité de la concurrence a reconnu comme étant directement concurrent d'Expedia et donc de l'Agence VSC aux motifs qu'elles agissaient sur le même marché des services d'agences de voyages en ligne prestés pour les voyages de loisirs, qu'elles avaient donc la même clientèle potentielle ; Attendu ainsi qu'en dépit des différentes causes et difficultés soulignées dans le rapport de M. M... qui ont conduit Switch à la cessation des paiements, aucun argument pertinent ne permet de considérer que la faute de la SNCF n'aurait pas également participé à cette situation et en conséquence le tribunal retiendra un lien de causalité entre la faute de la SNCF et le préjudice subi ; Le tribunal dira que le lien de causalité entre la faute de la SNCF, reconnue par une décision ayant aujourd'hui l'autorité de la chose jugée à l'encontre de la SNCF, et le préjudice subi par la société Switch pendant la période de l'entente illicite se trouve établi ; 4 Sur le préjudice subi : Attendu que les dispositions de l'article
1382 du code civil ne peuvent être mises en oeuvre que s'il existe la démonstration que la victime d'une faute a subi en conséquence un préjudice qui a été évalué ; Attendu que seul le préjudice direct et certain peut être réparé, à savoir celui qui découle directement du comportement fautif ; Attendu que selon une jurisprudence constante, la réparation du préjudice consiste à placer la partie lésée dans la situation où elle se serait trouvée si l'infraction ne s'était pas produite, que ceci inclut non seulement le dommage réel (damnum emergens) mais également le manque à gagner (Iucrum cessens) ainsi que le paiement d'intérêts ; Attendu que la faute de la SNCF a engendré un préjudice à l'égard des agences de voyages concurrentes comme l'a déclaré l'Autorité de la concurrence et en particulier de la société Switch, et qu'il convient d'en étudier le quantum, la société Switch n'ayant pas eu accès à la clientèle des acheteurs de billets de train ayant visité le site voyages-sncf.com ; Attendu que s'agissant de la quantification de la réparation du préjudice, la méthode suivie recommandée par la Commission dans son document d'orientation est « la comparaison entre la situation réelle de la partie lésée et celle dans laquelle elle aurait été en l'absence d'infraction », c'est-à-dire la méthode contrefactuelle, sachant qu'il est impossible de savoir avec certitude comment un marché aurait évolué de manière certaine en l'absence d'infraction ; Attendu que W... a subi un préjudice du fait de la faute commise par la SNCF, à savoir le détournement de la clientèle souhaitant acheter des billets auprès de la SNCF vers les prestations de l'agence de voyage Agence VSC au détriment des agences de voyages concurrentes qui n'ont pas eu accès à cette clientèle ; Attendu que le préjudice est bien direct puisqu'il résulte directement de la perte pour les concurrents de la clientèle détournée par la SNCF au profit de l'Agence VSC, perte constatée par l'Autorité de la Concurrence ; Attendu que pour évaluer le quantum du préjudice subi par Switch, cette dernière a fait appel au cabinet spécialisé Compass Lexecon qui a établi des rapports ; Attendu que la quantification du préjudice ne peut se fonder que sur la clientèle touchée par l'Agence VSC grâce à l'entente et que les concurrents ne pouvaient pas toucher ; Attendu en effet qu'il convient de mesurer les conséquences concurrentielles découlant directement du fait que W... n'a pas pu s'adresser à ces acheteurs de produits de tourisme en ligne que la SNCF a réservé exclusivement à l'Agence VSC ; Attendu que s'agissant des périodes concernées par l'envoi des newsletters qui ont engendré le détournement de la clientèle, il convient de rappeler que l'Autorité de la concurrence n'a pas jugé utile de distinguer dans son appréciation du dommage à l'économie entre les différentes périodes (2002 à 2004 et 2004-2008 puis 2009) en relevant qu'après 2004 « l'Agence VSC bénéficie toujours d'un avantage concurrentiel vis-à-vis de ses concurrents qui ne disposent pas de la faculté de proposer aux clients de VSC de recevoir des informations sur leurs produits ». Attendu que l'impact de ces différentes périodes a mécaniquement été pris en compte dans la détermination du quantum du préjudice subi par Switch car ce dernier se base sur l'évolution du volume d'affaires détourné par l'Agence VSC pendant toute la durée de l'infraction ; Attendu que la demande d'indemnisation de W... ne porte pas sur l'indemnisation de la faillite de Switch mais sur l'indemnisation du préjudice concurrentiel qu'elle a subi en raison de l'impossibilité pour elle de proposer ses produits à la clientèle détournée par la SNCF au profit de l'agence VSC ; Attendu que le calcul du préjudice n'est pas fondé sur l'hypothèse selon laquelle toute newsletter adressée à un potentiel acheteur entraînait un acte d'achat de ce dernier mais se fonde sur la certitude qu'il y a eu un acte d'achat puisque le calcul de la quantification du préjudice est fondé sur la seule partie du volume d'affaires réalisé par l'Agence VSC grâce au détournement de la clientèle venant sur le site voyages-sncf.com ; Attendu que ce calcul est fondé sur des données tirées de la Décision 09-D-06 à différents moments de l'entente relatives au nombre d'internautes touchés par les newsletters et au pourcentage de volume d'affaires détourné par l'Agence VSC ; Attendu que ce calcul a permis de connaître l'assiette du volume d'affaires détourné par l'Agence VSC, qu'il convient ensuite d'appliquer la part de marché de Switch sur ce volume d'affaires détourné pour quantifier le préjudice immédiat subi par Switch ; Attendu que le calcul du préjudice est bien focalisé sur l'activité de Switch, c'est-à-dire sur l'activité des agences de voyages en ligne. De même il se fonde sur la seule partie du volume d'affaires de l'Agence VSC détourné du fait de l'entente puisque Switch proposait, comme l'ont relevé l'Autorité de la concurrence et le Ministre chargé de l'économie, tous les produits proposés par l'Agence VSC ; Attendu que la méthode suivie par l'expert Compass Lexecon pour calculer le préjudice est donc bien celle de la méthode du scénario contrefactuelle ; Attendu que celle méthode suppose de comparer la situation sur le segment impacté par la pratique illicite (vente de voyages de loisir en ligne) en l'absence d'entente illicite et la situation perturbée par l'entente anticoncurrentielle ; Attendu que W... ayant une activité de négociant, de distributeur, son activité était quasiment exclusivement une opération de négoce par laquelle elle achetait des prestations qu'elle assemblait et revendait à ses clients et qu'ainsi le chiffre d'affaires de Switch est donc égal à son volume d'affaires ; Attendu qu'il est donc légitime de se référer au volume d'affaires de l'Agence VSC pour estimer la perte de chiffres d'affaires de Switch ; Attendu qu'une fois la perte de chiffre d'affaires de Switch évaluée sur la période du préjudice, l'expert a déduit de ce chiffre d'affaires les postes de charges 42, les variations de dettes et de créances d'exploitation, puis a tenu compte de l'impact de l'impôt pour aboutir à son chiffre correspondant à la marge réelle perdue pendant la période du préjudice conformément aux méthodes financières usuelles ; Attendu que la période prise en compte pour l'évaluation du préjudice est entre janvier 2002 (l'entente ayant débuté en novembre 2001) et décembre 2008, avant la Décision 09-D-06, l'entente ayant duré pendant toute la durée de l'instruction et la Décision 09-D-06 ne précisant pas de date fin de l'entente ; Attendu que le préjudice subi par Switch en raison des pratiques dont s'est rendue coupable la SNCF lui a occasionné un préjudice, évalué par des experts économiques, à 8,59 millions d'euros au 30 novembre 2011 ; Attendu que le conseil de VSC a affirmé que le périmètre du marché en terme de produits auquel devait se restreindre l'estimation du préjudice subi par Switch est le segment des produits « séjours » et ce même si ce n'est pas la définition donnée par l'Autorité de la concurrence ; Attendu que si l'on prend cette définition, l'expert aboutit en appliquant la même méthodologie du scénario contrefactuelle et en utilisant les données de VSC concernant le volume d'affaires sur le segment « séjour », à un montant de préjudice subi de 6,9 millions d'euros ; Le tribunal, usant de son pouvoir d'appréciation pour diminuer le montant d'une partie de l'effet différé, condamnera la société SNCF à payer à Maître C..., es qualité de liquidateur judiciaire de la société Switch, la somme de 6,9 millions d'euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la faute de la SNCF, déboutant des demandes de publication compte tenu de la nature de l'affaire ;
1°) ALORS QUE l'indemnisation d'une perte de clientèle éventuelle, sur internet, en conséquence d'une entente privilégiant une société proposant des produits concurrents consiste tout au plus en une perte de chance de réaliser les ventes escomptées ; qu'en écartant en l'espèce l'existence d'une perte de chance et accordant à la société Switch « l'indemnisation du préjudice concurrentiel qu'elle a subi en raison de l'impossibilité pour elle de proposer ses produits à la clientèle détournée par la SNCF au profit de l'agence VSC » à hauteur du manque à gagner correspondant à la perte du chiffre d'affaires qu'elle aurait pu réaliser (arrêt p.10 dernier alinéa), après avoir retenu, par un autre motif non contraire adopté du jugement, « qu'il est impossible de savoir avec certitude comment un marché aurait évolué de manière certaine en l'absence d'infraction » (jugement, p.9), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil ;
2°) ALORS QUE l'indemnisation de la disparition ou la diminution de la faculté pour une société de proposer ses produits à la vente sur internet, en conséquence d'une entente privilégiant une autre société proposant des produits concurrents, consiste en une perte de chance ; qu'en disant que le préjudice ne consistait pas en une simple perte de chance, après avoir retenu que la société Switch avait seulement perdu « la faculté de proposer ses produits » (arrêt, p.8 ; voir aussi, p.11), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil ;
3°) ALORS QU'un gain manqué futur et éventuel découlant de la disparition ou la diminution de la faculté pour une société de proposer ses produits à la vente sur Internet consiste tout au plus en une perte de chance ; qu'en écartant l'existence d'une perte de chance pour condamner la Sncf à indemniser la société Switch, sur le fondement d'une méthode d'évaluation décrite pourtant comme « se rapportant à une situation contrefactuelle hypothétique » relative à une « évolution future probable » (arrêt, p.10), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil ;
4°) ALORS QU'il appartient à la société qui se prétend victime d'une entente présentée comme ayant privilégié une société tierce à son détriment, de démontrer l'existence d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité, y compris s'il s'agit de réparer une perte de chance ; qu'en condamnant la Sncf à verser la somme de 6,9 millions d'euros à la société Switch, après avoir retenu que la Sncf « s'abstient de caractériser la chance qu'aurait perdue la société Switch du fait de la pratique anticoncurrentielle reprochée » (arrêt, p.8), la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article
1315, devenu
1353 du code civil ;
5°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige et les documents de la cause, dont les conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel, la Sncf faisait valoir clairement que les gains manqués invoqués par le liquidateur de la société Switch – gains manqués par hypothèse non réalisés – ne pouvaient « juridiquement s'analyser qu'en une perte de chance d'avoir pu réaliser des gains », ce qui impliquait notamment d' « appliquer un pourcentage relatif aux chances de réalisation de ces gains » (conclusions de l'appelante, p.34) ; qu'en énonçant cependant, pour écarter la perte de chance, que la Scnf s'était « abst(enue) de caractériser la chance » invoquée (arrêt, p.8), la cour d'appel a violé l'article
4 du code de procédure civile ensemble l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
6°) ALORS QU'en décidant que seul le segment de l'e-tourisme doit être pris en considération pour le calcul de la part de marché de la société Switch à partir de laquelle son préjudice indemnisable consécutif à la pratique anticoncurrentielle doit être évalué, tout en constatant qu'il a été définitivement jugé par un arrêt du 23 février 2010 que la Sncf a commis une pratique anticoncurrentielle illicite ayant eu des effets restrictifs de concurrence sur le marché des services d'agences de voyage prestés pour les voyages de loisir, la cour d'appel qui a modifié le marché pertinent dans le seul but de majorer artificiellement la part de marché de la société Switch et partant le montant de son préjudice a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil, ensemble l'article
1351 du même code ;
7°) ALORS QU'en décidant que seul le segment de l'e-tourisme doit être pris en considération pour le calcul de la part de marché de la société Switch à partir de laquelle son préjudice indemnisable consécutif à la pratique anticoncurrentielle doit être évalué, tout en constatant que la société Switch dispose de 8 agences « en dur » et réalise 90% (seulement) de son chiffre d'affaire en ligne (arrêt p. 11, dernier alinéa), ce dont il résulte que la société Switch développait au moins de une partie de son activité en dehors du segment du e-tourisme sur un marché plus large, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil ;
8°) ALORS QUE si l'expert judiciaire avait pu envisager dans un premier temps de prendre en compte un effet différé dans le calcul du préjudice, il a finalement admis, dans son rapport final, après avoir constaté que la prise en compte d'un tel effet qui correspondrait à la plus grande partie du préjudice de la société Switch a fait l'objet de nombreuses discussions et de dires auxquels il a répondu, que cet effet différé était impossible à quantifier « faute d'éléments tangibles (
) permettant de le valoriser » ; que dès lors en affirmant que, « pour évaluer l'effet différé, l'expert judiciaire a pris en compte "la superformance" de la société Switch par rapport au marché de l'e-tourisme qu'il a relevée pour les années 2002 et 2003 », la cour d'appel qui a dénaturé le rapport d'expertise sur lequel elle s'est fondée, a violé l'article
4 du code de procédure civile ensemble l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
9°) ALORS EN TOUTE HYPOTHÈSE QUE l'indemnisation allouée ne peut excéder la réparation intégrale du dommage ; qu'en condamnant la Sncf à verser la somme de 6,9 millions d'euros à la société Switch, au titre de gains manqués incluant des pertes dues à un « effet différé » défini comme « une baisse du volume d'affaires induite par l'absence de fidélisation de la clientèle directement détournée .... une fidélisation due à la satisfaction du client mais également par les recommandations faites de "bouche à oreille et sur internet " » (arrêt, p.13), cependant que l'indemnisation d'un tel effet différé conduisait à réparer un préjudice purement éventuel excédant le montant de réels gains manqués, la cour d'appel a violé l'article
1382 devenu
1240 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du dommage ;
10°) ALORS EN OUTRE QUE si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut en revanche se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en condamnant en outre la Sncf à payer la somme de 6,9 millions d'euros à la société Switch, sur le seul fondement d'une analyse et de calculs non contradictoires et contestés émanant d'un expert mandaté par la seule société Swich, en présence d'un rapport d'expertise judiciaire dont les conclusions finalement ignorées étaient extrêmement éloignées, la cour d'appel a violé les articles
15,
16 et
246 du code de procédure civile ;
11°) ALORS ENFIN QUE dans ses conclusions d'appel, la Sncf faisait valoir, de manière particulièrement précise, nourrie et étayée (conclusions d'appel de la Sncf, p.24 à 30), que les difficultés financières de la société W... conduisant à son redressement judiciaire fin 2008 puis à sa liquidation judiciaire à l'été 2009 – soit au coeur d'une crise économique mondiale – s'expliquaient, au moins pour partie, par des problèmes structurels et conjoncturels importants devant être pris en compte dans l'évaluation du préjudice éventuellement réparable ; qu'en se bornant à affirmer, pour refuser d'analyser et de prendre en compte les moyens ainsi développés par l'appelante, que « les problèmes invoqués par la SNCF ne sont aucunement susceptibles d'avoir pu influer sur (l)e manque à gagner » invoqué (arrêt, p.13), la cour d'appel a statué par un motif péremptoire et général, et méconnu les exigences de l'article
455 du code de procédure civile.