AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le pourvoi formé par :
1 / Mme Josette A..., épouse Z..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratice légale de la personne et des biens de sa fille mineure Anne-Lise née le 20 mai 1984, demeurant ...,
2 / Mme Caroline Z..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 29 juin 1999 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), au profit :
1 / de la société Py, société à responsabilité limitée, dont le siège est ...,
2 / de M. Y..., pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de la société Py, domicilié ...,
3 / de M. X..., pris en sa qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la société Py, domicilié ...,
4 / du Centre de gestion et études AGS de Nancy, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 juillet 2001, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Brissier, conseiller rapporteur, M. Finance, conseiller, MM. Liffran, Besson, conseillers référendaires, M. Benmakhlouf, premier avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Brissier, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de Mme A... et de Mme Z..., de Me Hémery, avocat de la société Py, de MM. X... et Y..., ès qualités, et du CGEA de Nancy, les conclusions de M. Benmakhlouf, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Z... a été engagé le 1er novembre 1973 en qualité de dessinateur industriel par la société Py ; que le 1er décembre 1995, il a fait l'objet d'une rétrogradation dont il a contesté le bien-fondé par lettre du 5 décembre 1995 ; qu'après mise à pied conservatoire, il a été licencié par lettre du 5 janvier 1996 pour faute grave ; qu'il a signé, le 15 janvier 1996, un reçu pour solde de tout compte ; qu'il a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes ;
qu'à la suite du décès de M. Z..., son épouse, Mme A..., en son nom personnel et en sa qualité d'administratrice légale de sa fille mineure, Anne-Lise, et sa fille majeure, Mme Caroline Z..., en sa qualité d'héritière, ont repris l'instance ;
Sur le premier moyen
:
Attendu que Mme A... et Mme Z... font grief à
l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables leurs demandes en paiement de congés payés sur heures supplémentaires pour les mois de février 1991 à mars 1995 et de rappel de salaire, au titre de la prime d'ancienneté, sur les heures supplémentaires, alors, selon le moyen :
1 ) que le reçu qui comporte des réserves ne revêt aucune valeur libératoire pour l'employeur ; que dès lors, en conférant une valeur libératoire au reçu signé par M. Z... le 15 janvier 1996 sur lequel il avait porté la mention "reçu pour solde de tout compte sous réserve de l'obtention de la totalité de mes droits", la cour d'appel a violé l'article
L. 122-17 du Code du travail ;
2 ) qu'en constatant qu'en saisissant le conseil de prud'hommes, M. Z... avait formulé "une demande de rappel de congés payés portant sur la période du 1er juin 1990 au 31 mai 1996" et que devant la cour d'appel, Mme veuve Z... avait présenté une demande de rappel de congés payés, sur heures supplémentaires, d'où il résultait que les deux demandes portaient sur des rappels de congés payés et en déclarant qu'elles n'avaient pas le même objet, de sorte que le reçu pour solde de tout compte n'avait pas été dénoncé dans le délai pour cette seconde demande, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et ainsi violé l'article
L. 122-17 du Code du travail ;
3 ) que l'article
1122 du Code civil dispose que l'"on est censé avoir stipulé pour soi et pour les héritiers ou ayants-cause", de sorte que les droits et obligations de la personne décédée leur sont transmis ; que dès lors, en déclarant que les héritiers de Michel Z... ne pouvaient que mener à terme l'action introduite par leur auteur préalablement à son décès, sans pouvoir y ajouter d'autres demandes, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu
, d'abord, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de la décision attaquée que le moyen en sa première branche ait été soutenu devant les juges du fond, en sorte qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté que la demande, dont le salarié a saisi le conseil de prud'hommes, avait pour objet un rappel de congés payés pour la période du 1er juin 1990 au 30 mai 1996 et un rappel de la prime d'ancienneté sur lesdits congés payés, sur le salaire pendant la mise à pied, et sur le solde des congés payés réglés le 15 janvier 1996 ; qu'elle a, dès lors, exactement décidé que la dénonciation du reçu par la réception, par l'employeur, de la convocation devant le bureau de jugement mentionnant ces chefs de demande ne portait pas sur les chefs de demandes précités formés ultérieurement devant le bureau de jugement et qu'en conséquence, ces derniers étaient irrecevables ; qu'abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche du moyen, elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Qu'il s'ensuit que le moyen, en sa première branche, est irrecevable et qu'il est non fondé en ses autres branches ;
Mais sur le second moyen
, pris en sa première branche :
Vu
les articles
L. 122-14-2,
L. 122-14-3,
L. 122-40,
L. 122-41 et
L. 122-44 du Code du travail ;
Attendu que pour décider
que le licenciement était justifié par une faute grave, l'arrêt attaqué énonce que la cour d'appel observe que M. Z... a expressément contesté la sanction de rétrogradation, qu'il a donc refusé d'en reconnaître le bien-fondé et la validité, que ce refus de la sanction de rétrogradation permettait à la société Py de prononcer, en ses lieu et place, une autre sanction disciplinaire ; que la cour d'appel est, en conséquence, amenée à examiner si les faits invoqués par l'employeur à l'appui de la mesure de rétrogradation constituaient une faute grave pouvant justifier un licenciement pour ce motif, étant précisé qu'en l'espèce, si la lettre de licenciement se réfère expressément à la contestation de la rétrogradation, à la persistance de la position adoptée par M. Z..., elle rappelle également les faits à l'origine de la rétrogradation, à laquelle le licenciement se substitue et comporte d'autres motifs que le simple refus de cette sanction ;
Attendu, cependant
, que si la cour d'appel a exactement retenu qu'une modification du contrat de travail, prononcée à titre de sanction disciplinaire contre un salarié, ne pouvait lui être imposée et qu'en conséquence, la rétrogradation, dont M. Z... a fait l'objet le 1er décembre 1995, était privée d'effet, il résultait des termes de la lettre de licenciement, que bien que les faits ayant motivé la sanction de rétrogradation y fussent rappelés, le refus du salarié de se soumettre à cette sanction était le seul motif de rupture invoquée ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que le refus d'une modification du contrat ne pouvait légitimer le licenciement disciplinaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme A... et Mme Caroline Z..., ès qualités, de leurs demandes d'indemnités consécutives au licenciement, l'arrêt rendu le 29 juin 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille un.