AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la Fédération nationale des travailleurs de la construction CGT, dont le siège est ...,
2 / M. Laurent X..., demeurant ...,
en cassation d'un jugement rendu le 16 janvier 2001 par le tribunal d'instance de Versailles (contentieux des élections professionnelles), au profit de la société Camom, dont le siège est ...,
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 février 2002, où étaient présents : M. Boubli, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Andrich, conseiller référendaire rapporteur, MM. Bouret, Coeuret, conseillers, M. Duplat, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la Fédération nationale des travailleurs de la construction CGT et de M. X..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Versailles,16 janvier 2001), M. X..., salarié de la société Self industrie, dont le contrat de travail a été transféré le 19 octobre 2000 à la société Camom dans le cadre de la cession de l'établissement Sud-Est de la société Self industrie à la société Camom, a été désigné par la Fédération nationale des travailleurs de la construction CGT en qualité de délégué syndical supplémentaire du 2e collège ETAM-Cadres, le 4 décembre 2000, au sein des sociétés Camom et CSMI ;
Attendu que la Fédération CGT fait grief au jugement d'avoir annulé cette désignation, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte de l'article
L. 412-11 du Code du travail que dans les entreprises d'au moins 500 salariés, tout syndicat représentatif ayant obtenu lors de l'élection du comité d'entreprise, un ou plusieurs élus dans le collège des ouvriers et employés et au moins un élu dans l'un des deux autres collèges peut désigner un délégué syndical supplémentaire parmi ses adhérents, et ce texte conférait à la Fédération CGT qui avait établi sa représentativité dans le deuxième collège, le droit de désigner un délégué syndical supplémentaire au sein de la société Camom dont les effectifs étaient de 1326 salariés, peu important que cette société fût divisée en établissements distincts occupant chacun moins de 500 salariés, et en décidant le contraire, le tribunal d'instance a violé l'article susvisé ;
2 / que, d'une part, après avoir constaté qu'un usage établi depuis deux ans au sein de la société Self industrie quant à la possibilité pour les organisations syndicales représentatives de désigner un délégué syndical supplémentaire, le tribunal d'instance ne pouvait en écarter le caractère obligatoire pour le nouvel employeur, au seul motif que sa constance serait limitée ; en statuant de la sorte, il a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1134 du Code civil ; d'autre part, après un transfert d'entreprise, la dénonciation d'un usage d'entreprise par le nouvel employeur n'est opposable aux salariés concernés que si cette décision a été précédée d'une information donnée aux intéressés et aux institutions représentatives du personnel, dans un délai permettant d'éventuelles négociations ; qu'en estimant dès lors que pour la dénonciation de l'usage d'entreprise litigieux, la société Camom n'avait pas à se conformer à ces formalités dont il constatait qu'elles n'avaient pas été respectées, le tribunal d'instance a violé l'article
1134 du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, qu'au cas où l'entreprise est divisée en établissements distincts, l'alinéa 3 de l'article
L. 412-11 du Code du travail n'accorde à un syndicat qui a obtenu les résultats aux élections visés à cet article, le droit de désigner un délégué syndical supplémentaire qu'à la condition que l'établissement dans lequel se sont déroulées les élections au comité d'établissement ait un effectif d'au moins 500 salariés ;
Et attendu, ensuite, que si le nombre des délégués tel que fixé par la loi peut être augmenté à la suite d'une négociation avec les syndicats représentatifs par un accord collectif, ni un usage d'entreprise ni un engagement unilatéral de l'employeur ne peuvent modifier les dispositions légales sur le nombre des délégués syndicaux ; que, par ce motif substitué, la décision se trouve légalement justifiée ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille deux.