Cour de cassation, Troisième chambre civile, 4 mars 2021, 20-12.521

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2021-03-04
Cour d'appel de Montpellier
2019-09-12
Tribunal de commerce de Montpellier
2015-09-02

Texte intégral

CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 4 mars 2021 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 232 F-D Pourvoi n° Y 20-12.521 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 MARS 2021 La société Thermie, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Y 20-12.521 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2019 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre A), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Demathieu Bard construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , prise en la personne de son agence Languedoc Roussillon, direction bâtiment Sud, sises [...] , 2°/ à la société Le Point Zéro, société en nom collectif, dont le siège est [...] , défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de Me Carbonnier, avocat de la société Thermie, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Demathieu Bard construction, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Thermie du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Le Point zéro.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 12 septembre 2019), la société Le Point zéro a confié à la société Demathieu Bard construction (la société Demathieu Bard) la construction d'une résidence de tourisme. 3. Par acte du 11 juin 2012, la société Demathieu Bard a sous-traité à la société Thermie deux lots de la construction. 4. La société Demathieu Bard a refusé de payer le solde du prix des travaux réclamé par la société Thermie en estimant que devaient être retranchées de ce solde des dépenses qu'elle avait engagées pour remédier aux manquements du sous-traitant dans l'exécution de ses obligations. 5. La société Thermie a assigné les sociétés Demathieu Bard et Le Point zéro en paiement du solde du prix de ses travaux.

Examen du moyen



Enoncé du moyen

6. La société Thermie fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société Demathieu Bard à la somme de 1 169,42 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013, alors : « 1°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, pour limiter la condamnation de la SAS Demathieu Bard construction envers la SASU Thermie à la somme de 1 169,42 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013, la cour d'appel s'est bornée à considérer que rien ne permettait de contester l'authenticité du décompte général et définitif du 13 janvier 2014, sans répondre au moyen de la SASU Thermie qui faisait valoir, en s'appuyant sur les pièces produites par la SAS Demathieu Bard construction, que cette société avait transformé les projets de décomptes de la SASU Thermie comme cela résulte d'une lettre du 3 février 2014 dans laquelle M. T... affirmait "Vous utilisez l'en-tête de Thermie ! Pour nous envoyer la proposition de DGD et vous modifiez les lignes et les sommes sans validation de notre part" ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de la SASU Thermie, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ subsidiairement, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, pour limiter la condamnation de la SAS Demathieu Bard construction envers la SASU Thermie à la somme de 1 169,42 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013, la cour d'appel, après avoir relevé que la réception des travaux avec réserves était intervenue le 29 mai 2013, s'est fondée sur le décompte général et définitif du 13 janvier 2014 et a relevé que celui-ci s'élève à une somme de 299 585,58 euros HT et indique la somme de 1 169,42 euros TTC comme solde restant dû, sans pourtant réintégrer la retenue de garantie d'un montant de 14 979,28 euros qui résulte de ce décompte et qui était due après l'expiration de la garantie de parfait achèvement ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 2 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971. »

Réponse de la Cour

7. D'une part, la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, a retenu que rien ne permettait de contester l'authenticité du décompte général définitif du 13 janvier 2014. 8. D'autre part, pour limiter à une certaine somme le montant dû au sous-traitant, elle a relevé que celui-ci avait accepté des retenues et moins-values réclamées par l'entrepreneur principal, la seule retenue au titre de la main d'oeuvre intérimaire étant supérieure au montant correspondant à la retenue de garantie. 9. Elle n'a donc pas refusé de réintégrer la retenue de garantie dans les sommes dues au sous-traitant, mais a soustrait du solde du prix de ses travaux un montant équivalent à cette retenue pour tenir compte de dépenses qui lui étaient imputables. 10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS

, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Thermie aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Thermie et la condamne à payer à la société Demathieu Bard la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour la société Thermie. Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR limité la condamnation de la SAS Demathieu Bard construction envers la SASU Thermie à la somme de 1 169,42 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013 ; AUX MOTIFS QU'« Au préalable, il convient de constater qu'aucune demande n'est formulée à l'encontre de la SNC Le Point Zéro qui n'a pas constitué avocat. La SASU Thermie demande le paiement de la somme totale de 115 068,28 € se décomposant en 96 818,28 € de solde de DGD et 18 250 € de retenue de garantie, cette somme figurant dans le DGD notifié à la société D&B le 23 décembre 2013 qui n'a pas été contesté par cette dernière. La société D&B réplique d'une part que le DGD notifié le 23 décembre 2013 était contraire à l'accord des parties ayant donné lieu au DGD adressé par la SASU Thermie le 17 juillet 2013, d'autre part qu'aucun délai n'était contractuellement prévu pour contester ce DGD, enfin que la société Thermie a été défaillante dans l'exécution de ses obligations, ce qui a contraint la société D&B à faire appel à des intérimaires afin que le chantier soit achevé dans les délais contractuels et à faire application des retenues contractuelles. Sur ce dernier point, si la SASU Thermie conteste toute défaillance dans l'exécution de son marché, il résulte des pièces versées aux débats, et notamment des nombreux échanges entre les parties, que la société D&B lui a adressé à de nombreuses reprises des courriers de relances, portant en particulier sur le non-respect des délais : * une lettre recommandée avec accusé de réception du 10 juillet 2012 dans laquelle D&B indique à la société Thermie être en attente notamment des fiches techniques, des plans d'exécution, des fournitures des contrats de feuillures ; * une lettre recommandée avec accusé de réception du 24 octobre 2012 mettant en demeure la société Thermie de mettre en place les équipes et le matériel nécessaires dans un délai de 48h pour la mise en place des réseaux de climatisation dans les doublages, des colonnes VMC et VPM, des liaisons des contacts feuillures et rappelant que les retards engendrés par le non-respect du planning et les surcoûts en résultant entraîneront l'application des mesures coercitives prévues au marché ; * une lettre recommandée avec accusé de réception du 31 octobre 2012 mentionnant l'absence de réaction suite au précédent courrier du 24 octobre 2012 et informant la société Thermie que sans réaction de cette dernière, les travaux concernant les raccordements des contacts de feuillure seront confiés à l'entreprise SPIE pour un montant de 14 500 € HT ; * une lettre recommandée avec accusé de réception du 26 novembre 2012 constatant le retard de la société Thermie sur les bacs à douche ; * une lettre recommandée avec accusé de réception du 25 juillet 2013 faisant état du dysfonctionnement de la climatisation et indiquant qu'en l'absence d'intervention de la société Thermie, D&B faisait appel à une autre entreprise pour palier à ces dysfonctionnements et pour terminer les travaux ; * une lettre recommandée avec accusé de réception du 30 janvier 2014 par laquelle D&B signale à nouveau de nombreux dysfonctionnements et la nécessité de faire intervenir la société SPIE pour 9 235 € HT, la société Clima Sud pour un montant de 12 910 € HT, Monsieur S... pour 2 400 € HT et la fourniture de matériel chez Rexel pour 6 200,18 € HT ; Préalablement aux deux dernières lettres recommandées avec accusé de réception, la société Thermie avait adressé le 17 juillet 2013 à D&B un DGD reprenant notamment les retenues à hauteur de 9 235 € (société SPIE) et 29 437,21 € correspondant à la main-d'oeuvre intérimaire. Ce DGD, confirmé par deux envois par mails de la société Thermie le 17 juillet 2013 à 11h10 puis 15h44, ce dernier mail mentionnant "Annule et remplace, le montant des acomptes perçus n'était pas bon", était arrêté au 12 juillet 2013 à la somme de 310 031,92 € HT, le montant à payer hors retenue de garantie s'élevant à la somme de 13 038,55 €. Si la SASU Thermie soutient qu'il s'agissait d'un projet de DGD, non signé et non accepté par la société D&B et ne liant pas contractuellement les parties, force est de constater que le mail adressé par SASU Thermie à D&B le 17 juillet 203 mentionne expressément : "Ci-joint DGD refait suivant nos accords, que vous voudrez bien nous régler", ce qui démontre que la société Thermie avait accepté les montants et les retenues figurant sur le DGD et qu'elle a elle-même rectifié le montant des acomptes. D'autre part, le DGD dont se prévaut la société Thermie arrêté au 15 novembre 2013 à la somme de 365 000 € HT et adressé le 23 décembre 2013 à la société D&B qui ne mentionne aucune moins-value et qui fixe le montant restant à régler à la somme de 96 818,28 € n'est pas d'avantage signé par les parties que celui adressé le 17 juillet 2013 et ne revêt pas une valeur contractuelle supérieure à ce dernier. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces versées aux débats que ce DGD aurait été notifié le 15 novembre 2013 à la société D&B, la notification du 23 décembre 2013 évoquée par l'appelante correspondant en réalité au courrier de mise en demeure adressé par cette dernière à l'intimée. De surcroît, si la société Thermie soutient que faute d'avoir émis une contestation dans les 45 jours de la notification du DGD le 23 décembre 2013, la société D&B serait irrecevable à formuler une quelconque contestation à l'encontre de ce DGD, il convient de relever que le contrat de sous-traitance ne fait aucunement référence à la norme NF-P-03-001 et ne prévoit aucun délai de contestation de 45 jours, ce délai prévu par l'article 19-6-2 de la norme NF-P-03-001 dont fait état la société Thermie concernant en outre la notification du décompte et non la contestation de ce dernier. La société Thermie ne donne enfin aucune explication sur son acceptation le 17 juillet 2013 de certaines retenues et notamment de celle au titre de l'intervention d'intérimaires pour un montant de 29 437,21 € et sur la disparition de toute retenue dans le cadre du DGD du 23 décembre 2013 dont elle se prévaut. Si la société Thermie, pour contester les retenues pratiquées, soutient qu'aucune disposition du marché ne permet, sans résiliation du contrat ni constat contradictoire, de faire réaliser des travaux par un tiers, en se prévalant de l'article 12 du contrat de sous-traitance, il convient de constater que la possibilité de faire appel à un tiers pour terminer ou reprendre des travaux ne relève pas de l'article 12 concernant la résiliation du contrat mais des articles 8 "Réception" et 9.3 "Garantie de parfait achèvement". Aux termes de l'article 8 du contrat de sous-traitance, "en application de l'article 8 des Conditions Générales et dans les deux mois qui précéderont la réception des travaux, l'Entrepreneur Principal (EP) pourra procéder, en présence d'un représentant qualifié du sous-traitant (ST), à une visite détaillée de tous les travaux effectués par celui-ci et établira une liste des malfaçons et désordres éventuels constatés. Le ST devra, sous la direction de l'EP, procéder à l'exécution des réfections et des malfaçons et désordres. Si, dans un délai de huit jours à partir de la date de la pré-réception, le ST n'avait pas mis d'ouvriers sur le chantier pour procéder à ces réfections, l'EP, après mise en demeure par lettre recommandée restée huit jours sans effet, pourra faire procéder à l'exécution des dits travaux par tout ouvrier de son choix, aux frais, risques et pour le compte du ST défaillant". L'article 9.3 du contrat dispose également que le sous-traitant est contractuellement tenu envers l'entrepreneur principal de la même garantie de parfait achèvement que celle édictée par l'article 1792-6 du code civil et que dans le cas où il ne s'exécuterait pas complètement dans les délais impartis dans la demande valant mise en demeure de l'entrepreneur principal, ce dernier sera en droit de faire exécuter les travaux par les moyens de son choix, aux frais et risques du sous-traitant, et sans que la responsabilité de ce dernier s'en trouve en rien diminuée. Les sommes correspondantes seront remboursées par le sous-traitant à l'entrepreneur principal ou à défaut seront déduite du mémoire définitif présenté par le sous-traitant ou prélevées sur la retenue de garantie. En l'espèce, suite à la réception des travaux avec réserves intervenue le 29 mai 2013 et au cours de l'année de parfait achèvement, la société D&B justifie avoir, par lettres recommandées avec accusé de réception des 25 juillet 2013 et 30 janvier 2014, mis en demeure la société Thermie d'effectuer les reprises et les travaux restant, l'informant que sans intervention de sa part, elle ferait appel à des tiers. Par conséquent, la société D&B a simplement fait application en l'espèce des dispositions du contrat de sous-traitance, en ayant notamment recours à des intérimaires, afin de palier à l'absence d'exécution par la société Thermie de ses obligations. Sur le montant des retenues, il convient de rappeler que le 12 juillet 2013, la société Thermie, faisant état d'un accord entre les parties, acceptait un certain nombre de retenues et moins-values, la seule retenue au titre de la main-d'oeuvre intérimaire étant supérieure au montant de 18 571 € TTC correspondant à la retenue de garantie. Si le DGD du 12 juillet fixait le montant restant dû à la société Thermie à la somme de 13 038,55 €, le DGD général et définitif du 13 janvier 2014, dont rien ne permet de contester l'authenticité, et qui prend en compte d'autres interventions postérieures (commande société Climasud pour révision climatiseur en juillet 2013 : 12 910 € - intervention société Bumens pour nettoyage colonne EU bouchée : 382,50 € - achat abattants en octobre 2013 : 231,20 €) est ramené à une somme de 299 585,58 € HT, le solde restant à payer à la société Thermie étant fixé à la somme de 1 169,42 €. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de condamner la Sas Demathieu et Bard à payer à la SASU Thermie la somme de 1 169,42 € avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013, date de la mise en demeure, et de rejeter les autres demandes présentées par cette dernière » ; 1°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; Qu'en l'espèce, pour limiter la condamnation de la SAS Demathieu Bard construction envers la SASU Thermie à la somme de 1 169,42 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013, la cour d'appel s'est bornée à considérer que rien ne permettait de contester l'authenticité du décompte général et définitif du 13 janvier 2014, sans répondre au moyen de la SASU Thermie qui faisait valoir, en s'appuyant sur les pièces produites par la SAS Demathieu Bard construction, que cette société avait transformé les projets de décomptes de la SASU Thermie comme cela résulte d'une lettre du 3 février 2014 dans laquelle M. T... affirmait « Vous utilisez l'en-tête de Thermie ! Pour nous envoyer la proposition de DGD et vous modifiez les lignes et les sommes sans validation de notre part » (conclusions d'appel, p. 10) ; Qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire de la SASU Thermie, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) ALORS, subsidiairement, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; Qu'en l'espèce, pour limiter la condamnation de la SAS Demathieu Bard construction envers la SASU Thermie à la somme de 1 169,42 euros avec intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013, la cour d'appel, après avoir relevé que la réception des travaux avec réserves était intervenue le 29 mai 2013, s'est fondée sur le décompte général et définitif du 13 janvier 2014 et a relevé que celui-ci s'élève à une somme de 299 585,58 euros HT et indique la somme de 1 169,42 euros TTC comme solde restant dû, sans pourtant réintégrer la retenue de garantie d'un montant de 14 979,28 euros qui résulte de ce décompte et qui était due après l'expiration de la garantie de parfait achèvement ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 2 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971.