Tribunal de grande instance de Paris, 28 octobre 2008, 2007/06702

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2007/06702
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : AL DENTE RESTAURANT DE PÂTES
  • Classification pour les marques : CL43
  • Numéros d'enregistrement : 1350871
  • Parties : SOCIÉTÉ PHOCÉENNE AGROALIMENTAIRE SARL (SPAA) / AL DENTE SARL

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2010-11-24
Tribunal de grande instance de Paris
2008-10-28

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS3ème chambre 1ère sectionN°RG: 07/06702 JUGEMENT rendu le 28 Octobre 2008 DEMANDERESSES.A.R.L. PHOCEENNE AGRO ALIMENTAIRE - S.P.A.A. [...]13006 MARSEILLE représentée par Me Patrice RODIER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire C2027, Me Michel B, avocat au barreau de MARSEILLE – [...], avocat plaidant DEFENDERESSES.A.R.L. AL DENTE[...]représentée par Me Patrice DE CANDE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire L280 COMPOSITION DU TRIBUNALMarie-Christine C, Vice PrésidentMarie-Claude H. Vice-PrésidentCécile VITON, jugeassistées de Léoncia BELLON, Greffier DEBATSA l'audience du 23 Septembre 2008, tenue publiquement JUGEMENTPrononcé par remise au greffeContradictoireen premier ressort EXPOSE DU LITIGE : La Société phocéenne agro-alimentaire exploite deux restaurants à Marseille et à Toulon sous le nom commercial et également sous l'enseigne Al dente. Selon un acte de cession du 29 décembre 1989, elle est devenue titulaire de la marque déposée le 14 avril 1986 sous le numéro 1 350 871, pour les services de restauration de la classe 42, et renouvelée pour la dernière fois le 26 avril 2006. Cette marque semi-figurative se compose d'un carré de couleur jaune, délimité par une bordure également de couleur jaune, et dans lequel figure, au centre, les termes : aldente et RESTAURANT DE PATES écrits exactement sous le mot dente. Après une mise en demeure infructueuse du 10 avril 2006, le 9 mai 2007, la Société phocéenne agro-alimentaire a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société Al dente exploitant un restaurant à Paris, afin qu'il lui soit fait interdiction d'utiliser les termes al dente à titre de dénomination sociale, de nom commercial et d'enseigne. Elle sollicite, en outre, sa condamnation à lui payer la somme de 50 000 € en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à sa marque, la somme de 50 000 € en réparation du préjudice résultant des atteintes à son nom commercial et à son enseigne, ainsi que la publication du jugement. Enfin, elle réclame l'allocation de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et l'exécution provisoire de l'ensemble de ces dispositions. Dans ses dernières conclusions du 2 juillet 2008, la société Al dente soulève la nullité de la marque car les termes al dente qui en constituent l'élément dominant, sont descriptifs de la qualité des produits vendus et ne sont donc pas susceptibles d'appropriation. A titre subsidiaire, la défenderesse conclut à l'absence de contrefaçon tant au regard de l'article L713-2 que L713-3 du Code de la propriété intellectuelle. Elle relève en effet que la marque n'est pas reproduite à l'identique. Elle ajoute qu'elle-même n'utilise pas l'expression al dente pour identifier un produit ou un service. Elle soutient également qu'elle n'a pas cherché à créer une confusion entre son restaurant et ceux de la demanderesse mais qu'elle a agi de bonne foi compte tenu du caractère courant de cette expression, notamment pour des restaurants de cuisine italienne. Enfin, elle fait valoir que les deux signes ne peuvent être confondus en raison de l'absence de similitude et de la faible distinctivité de la marque de la Société phocéenne agro-alimentaire. A titre reconventionnel, la société Al dente sollicite que la demanderesse soit déchue de ses droits sur la marque 1350871 car elle exploite désormais le signe sous une forme différente qui en altère le caractère distinctif. Elle relève, en effet, que la Société phocéenne agro-alimentaire a abandonné les éléments figuratifs de la marque au profit d'une autre ornementation. La société Al dente conteste également l'existence d'une concurrence déloyale. Elle fait valoir que les restaurants ne touchent pas la même clientèle et que le souhait exprimé par la demanderesse d'ouvrir un établissement à Paris, ne lui confère pas un intérêt actuel et certain à agir. Elle relève, par ailleurs, que le nom commercial de la demanderesse et l'enseigne de ses restaurants ne sont pas connus sur l'ensemble du territoire national. Elle ajoute qu'il ne peut exister de confusion entre les signes utilisés par les deux parties compte tenu de leurs caractéristiques propres. Enfin, elle soutient que sa propre renommée exclut qu'elle ait voulu se situer dans le sillage de la Société phocéenne agro-alimentaire. La société Al dente, subsidiairement, conteste la réalité du préjudice allégué. Elle réclame 10 000 € à titre de dommages intérêts et 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Dans ses dernières écritures du 5 juin 2008, la Société phocéenne agro-alimentaire répond que l'expression al dente n'a jamais désigné de manière nécessaire un service de restauration et qu'elle n'en indique pas non plus une des qualités essentielles. Elle fait donc valoir qu'elle pouvait faire l'objet d'une appropriation alors qu'au surplus il n'est pas démontré l'existence d'un usage courant de ces termes à la date du dépôt pour un tel service. Elle maintient que la reproduction à l'identique de l'élément verbal dominant crée un risque de confusion alors que les activités sont également identiques. Par ailleurs, la Société phocéenne agro-alimentaire s'oppose à la demande de déchéance formée à son encontre en faisant valoir qu'elle fait usage d'une forme modifiée de sa marque sans que cette modification en altère le caractère distinctif. La Société phocéenne agro-alimentaire ajoute qu'elle entend ouvrir un nouveau restaurant à Paris et qu'elle dispose donc d'un intérêt né, actuel et certain à obtenir la suppression de la dénomination sociale, du nom commercial et de l'enseigne de la défenderesse. Elle soulève le risque de confusion avec l'établissement de la société Al dente et elle déclare que s'il existe d'autres restaurants utilisant également ce nom commercial ou cette enseigne, ces circonstances ne constituent pas un droit antérieur dont la défenderesse puisse se prévaloir. Enfin, elle soutient que le succès que le restaurant parisien a pu connaître, justifie qu'il soit procédé à la publication de la décision judiciaire.

MOTIFS DE LA DECISION

: I / Sur la contrefaçon de la marque 1 350 871 - Sur la validité de la marque: Al dente est une expression italienne passée dans le langage courant pour désigner un mode cuisson des pâtes mais aussi des légumes. Cependant, ces termes ne sont pas nécessaires à la désignation d'un service de restauration fut il italien et n'en désignent pas non plus une des qualités essentielles. Par ailleurs, il y a lieu de relever que la marque ne se limite pas à cet élément verbal mais qu'elle comprend des composantes figuratives qui contribuent à sa distinctivité. Ainsi l'emploi d'un carré de couleur vive et le recours à un graphisme original pour l'écriture des termes al dente attirent spécialement l'attention et participent, de manière importante, à la reconnaissance de la marque. Ainsi, celle-ci doit elle être déclarée valable. - Sur la déchéance de des droits de la Société phocéenne agro-alimentaire sur la marque : II ressort des diverses pièces versées aux débats que la Société phocéenne agro- alimentaire n'utilise plus la marque telle qu'elle a été déposée mais représente désormais sur ses menus et petites cartes un signe composé des termes : AL DENTERESTAURANT DE PÂTES l'expression AL DENTE étant surmontée de trois flammes bleu foncé, le tout étant représenté sur un fond marron strié. Il apparaît ainsi que les éléments figuratifs objets du dépôt n'existent plus. Or, comme il a été relevé ci-dessus, ceux-ci contribuaient largement au caractère distinctif de la marque alors que le consommateur est habitué à rencontrer l'expression al dente dans le domaine de la gastronomie. Ainsi, il y a lieu de considérer que les modifications que la Société phocéenne agro- alimentaire a apportées à la marque, en ont altéré son caractère distinctif. Celle-ci ne justifiant pas d'une utilisation du signe non modifié dans les cinq ans ayant précédé la demande de déchéance formulée reconventionnellement pour la première fois dans des conclusions du 14 novembre 2007, elle sera déclarée déchue de ses droits à compter du 14 novembre 2002. Il convient dès lors de constater que la société Al dente qui a été créée en 2005, n'est pas susceptible d'avoir commis d'acte de contrefaçon de la marque 1 350 871. 2/ Sur la concurrence déloyale : La Société phocéenne agro-alimentaire utilise l'expression al dente à titre de nom commercial et d'enseigne. Cependant elle exerce son activité à Marseille et à Toulon et elle ne verse aux débats aucun élément permettant de retenir que ses restaurants sont connus au delà de leur zone géographique. Dès lors, l'utilisation par la société Al dente de cette expression à titre de dénomination sociale, de nom commercial et d'enseigne pour son restaurant situé rue de Varennes à Paris, n'est pas susceptible d'engendrer un risque de confusion dans l'esprit d'une clientèle qui n'est pas identique. La Société phocéenne agro-alimentaire fait valoir qu'elle entend ouvrir un restaurant à Paris et elle produit divers documents afin d'établir les démarches qu'elle a entreprises afin de parvenir à la réalisation de son objectif. Cependant, il n'est pas justifié que ces démarches réalisées en 2007 aient à ce jour abouti à un projet précis en voie de réalisation. Dès lors, la Société phocéenne agro- alimentaire ne justifie pas d'un intérêt né, actuel et certain à agir en concurrence déloyale contre la société Al dente et les demandes qu'elle a formées à son encontre à ce titre seront donc rejetées. La demanderesse ayant pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, il n'y a pas lieu de la condamner à des dommages intérêts pour procédure abusive. Il sera alloué à la société Al dente la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. La nature de la décision ne rend pas nécessaire son exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

; Statuant par remise au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Rejette la demande de la société Al dente tendant à voir déclarer nulle la marque 1 350 871 dont est titulaire la Société phocéenne agro-alimentaire, Prononce la déchéance de la Société phocéenne agro-alimentaire de ses droits sur la marque 1 350 871 pour les services visés par le dépôt, à compter du 14 novembre 2002, Dit que la présente décision devenue définitive, sera transcrite sur le registre national des marques à la requête de la partie la plus diligente, Rejette les demandes de la Société phocéenne agro-alimentaire fondées sur la contrefaçon de sa marque, Rejette les demandes de la Société phocéenne agro-alimentaire fondées sur la concurrence déloyale, Rejette la demande en dommages intérêts de la société Al dente pour procédure abusive, Condamne la Société phocéenne agro-alimentaire à payer à la société Al dente la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, Condamne la Société phocéenne agro-alimentaire aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la selarl Marchais de Cande, selon les règles de l'article 699 du Code de procédure civile.