AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 novembre 2005), qu'au cours de deux vérifications de comptabilité, l'administration des impôts a constaté que l'association des Chevaliers du lotus d'or (l'association) avait recueilli des sommes d'argent enregistrées dans sa comptabilité, durant les années 1992 à 1995 ; qu'elle a mis en demeure l'association de déclarer ces dons dans le délai d'un mois conformément à l'article
635 A du code général des impôts ; qu'en l'absence de déclaration, l'administration des impôts, recourant à la procédure de taxation d'office, lui a adressé des notifications de redressement suivies d'un avis de mise en recouvrement des droits, pénalités et intérêts de retard ; que sa réclamation ayant été rejetée, l'association a fait assigner le directeur général des impôts devant le tribunal de grande instance pour obtenir l'annulation des notifications de redressement et des avis de mise en recouvrement ; que la cour d'appel a rejeté ses demandes ;
Sur les premier et cinquième moyens
, réunis :
Attendu que l'association fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que les notifications de redressements doivent à peine de nullité indiquer la nature, le montant, le mode de calcul et les motifs du redressement proposé ; que selon l'article
757 du code général des impôts, les dons manuels ne sont taxés que s'ils ont été révélés par le donataire à l'administration ; qu'en se bornant à relever que les notifications faisaient état de l'inscription dans la comptabilité de l'association ACLO de sommes figurant sur un compte intitulé "dons", de sorte que la révélation par le donataire était établie, sans rechercher si l'administration avait indiqué qu'elle considérait comme une révélation la simple présentation de la comptabilité dans laquelle étaient enregistrés les dons manuels, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
L. 57 et
L. 76 du livre des procédures fiscales ;
2 / que les dons manuels sont soumis au droit de donation lorsque le donataire les révèle à l'administration fiscale ; que l'article 15 II de la loi de finances pour 1992, d'où est issu l'article
757, alinéa 2, du code général des impôts, avait pour objet d'imposer les dons manuels révélés spontanément par un contribuable qui faisait l'objet d'une demande de justifications et qui entendait de la sorte échapper à l'obligation de justifier de l'origine des sommes en cause et à leur taxation à l'impôt sur le revenu, sans pour autant rapporter les dons ainsi révélés à la succession de leur donateur ; qu'en affirmant que l'article 757, alinéa 2, n'exigeait pas l'aveu spontané du don de la part du donataire, de sorte que la simple présentation par l'association de sa comptabilité, qui faisait état de dons manuels, au vérificateur à l'occasion d'une vérification de comptabilité constituait une révélation, la cour d'appel a violé l'article
757 du code général des impôts, ensemble les articles 9, 11 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite Convention ;
3 / que la révélation d'une opération ne peut constituer le fait générateur de l'impôt que s'il existe au préalable l'obligation de taxer cette opération ; que les dons manuels consentis à une association ne sont soumis aux droits d'enregistrement que s'ils sont constatés dans un acte, ou s'ils font l'objet d'une reconnaissance judiciaire ou si l'association bénéficie d'une seconde donation de la part du même donateur constatée par un acte ; que l'association ACLO ne se trouvait dans aucun de ces cas, de sorte qu'elle n'avait aucune obligation légale de déclarer les dons manuels dont elle a bénéficié ; qu'en décidant néanmoins que la simple présentation à l'administration de sa comptabilité qui avait régulièrement enregistré les dons manuels constituait une révélation génératrice de taxation, la cour d'appel a violé les articles
757 et
784 du code général des impôts, ensemble les articles 9, 11 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite Convention ;
4 / qu'une vérification de comptabilité et d'une manière générale les opérations de contrôle n'ont pour objet que de réparer les omissions, inexactitudes et erreurs commises par le contribuable et procéder à la taxation des sommes en cause conformément aux règles légales applicables ; qu'en décidant que la simple présentation de sa comptabilité qui enregistrait des dons manuels, lors d'une vérification de comptabilité, constituait le fait générateur de l'imposition primitive des dons manuels, la cour d'appel a violé les articles
L. 10,
L. 12 et
L. 13 du livre des procédures fiscales, ensemble les principes d'égalité devant les charges publiques et de sécurité juridique, ensemble les articles 9, 11 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite Convention ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'article
757, alinéa 2, du code général des impôts qui prévoit que le don manuel révélé à l'administration fiscale par le donataire est sujet au droit de donation, n'exige pas l'aveu spontané du don de la part du donataire ; que la cour d'appel qui relève que l'association avait présenté au vérificateur sa comptabilité, écrit émanant du donataire sur lequel se trouvaient enregistrées des sommes d'argent qu'elle a qualifiées de dons manuels, a décidé a bon droit que cette présentation par l'association de sa comptabilité lors d'une vérification régulièrement menée par l'administration fiscale, fût-elle la mise en oeuvre de l'obligation légale d'établissement et de présentation des documents comptables, valait révélation au sens de l'article 757, alinéa 2, précité et a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt retient que l'association ne saurait se prévaloir de la méconnaissance des articles 9, 11 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, ni des principes d'égalité devant l'impôt et les charges publiques, d'égalité, de laïcité et de sécurité juridique alors que le taux de 60 % des droits de mutation à titre gratuit, qui est le taux de droit commun applicable entre personnes dépourvues de lien de parenté, ne constitue pas une distinction discriminatoire dès lors qu'elle repose sur une justification objective et raisonnable ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen
:
Attendu que l'association fait le même grief à l'arrêt, alors selon le moyen :
1 / que l'administration ne peut régulièrement taxer d'office les droits d'enregistrement afférents à un don manuel que si elle a mis en demeure le donataire de déposer sa déclaration et si ce dernier s'est abstenu de le faire dans un délai d'un mois à compter de la réception de cette mise en demeure ; que lorsqu'un don manuel a été révélé à l'administration par le donataire, il doit être déclaré au titre de l'année au cours de laquelle cette révélation a eu lieu ; qu'il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué que les dons perçus en 1992 par l'association ACLO ont été considérés comme ayant été révélés à l'administration au cours de l'année 1995, tandis que les dons perçus en 1993, 1994 et 1995 l'ont été en 1996 ; que cependant l'ACLO a été mise en demeure les 11 mars 1996 et 19 novembre 1996 de déposer sa déclaration 2735 pour l'année 1992, et les 14 juin et 23 juillet 1996 pour les années 1993, 1994 et 1995 ; qu'ainsi les mises en demeure qui invitent le contribuable à déposer des déclarations au titre de l'année de perception des dons et non au titre de l'année de révélation de ces mêmes dons sont irrégulières ; qu'en déclarant néanmoins l'association ACLO régulièrement taxée d'office au titre des droits d'enregistrement, la cour d'appel a violé les articles
757 du code général des impôts et
L. 67 du livre des procédures fiscales ;
2 / que les dons manuels révélés à l'administration par le donataire doivent être déclarés ou enregistrés par ce dernier dans un délai d'un mois à compter de la notification par l'administration de la date à laquelle la révélation lui a été faite ; qu'il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué que par trois lettres adressées le 12 avril 1996 à l'ACLO, dont celle-ci a accusé réception le 19 avril 1996, l'administration l'a avisée de la révélation des dons manuels opérés en 1993, 1994 et 1995, lors de ses interventions au siège de l'association le 25 mars 1996 ; qu'ainsi l'association ACLO devait procéder à la déclaration de ces dons avant le 20 mai 1996 ; qu'il résulte également de l'arrêt attaqué que les mises en demeure des 14 juin et 23 juillet 1996 adressées à l'ACLO et visant à lui faire régulariser sa situation indiquent que lesdites déclarations auraient dû être déposées avant le 20 avril 1996 ; qu'ainsi ces mises en demeure visaient une date limite de déclaration erronée ; qu'en déclarant néanmoins ces mises en demeure et la procédure de taxation d'office subséquente régulières, la cour d'appel a violé les articles
635 A du code général des impôts et
L. 67 du livre des procédures fiscales ;
3 / qu'une personne ne peut faire l'objet d'une majoration de 80 % pour défaut de déclaration dans les délais que si elle a été régulièrement mise en demeure à deux reprises de déposer ses déclarations et qu'elle s'est abstenue de le faire dans un délai de trente jours à compter de la réception de chacune des mises en demeure ; que les mises en demeure dont l'association a fait l'objet les 11 mars 1996 et 19 novembre 1996 pour les dons consentis en 1992, et les 14 juin et 23 juillet 1996 pour les dons consentis en 1993, 1994 et 1995 étaient irrégulières, les années au titre desquelles ces déclarations devaient être déposées ainsi que la date limite de dépôt de la déclaration primitive étant erronées ; qu'en refusant néanmoins d'annuler les majorations de 80 % à laquelle l'association ACLO a été soumise, la cour d'appel a violé les articles
635 A,
757 et
1728 du code général des impôts ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les mises en demeure précisaient les dates limites auxquelles les déclarations de dons devaient être déposées et l'indication de la recette des impôts et qu'elles comprenaient les mentions obligatoires, la cour d'appel a décidé à bon droit que la procédure de taxation d'office avec application de la majoration de 80 % dont l'association avait fait l'objet était régulière ; que le moyen n'est pas fondé, peu important une erreur de plume concernant une date portée sur une des mises en demeure ;
Sur le troisième moyen
:
Attendu que l'association fait le même grief à l'arrêt, alors selon le moyen :
1 / qu'il résulte des propres mentions de l'arrêt attaqué que les dons manuels perçus par l'association ACTP au cours des années 1992 à 1995 n'ont été révélés à l'administration que par la présentation par l'association à l'administration de sa comptabilité, à l'occasion de la vérification de sa comptabilité dont elle a fait l'objet en 1995 et 1996 ; qu'en ne recherchant pas si le vice dont serait entachée la vérification de comptabilité entraînait la nullité de la procédure d'imposition des droits d'enregistrement qui en découlait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
L. 10 du livre des procédures fiscales et
757 du code général des impôts ;
2 / que la possibilité de saisir l'interlocuteur départemental constitue une garantie essentielle de la procédure ; qu'en ne recherchant pas, comme pourtant l'y invitaient les conclusions de l'association ACLO, si l'absence de saisine par l'association de l'interlocuteur départemental ne révélait pas qu'elle avait été privée de ce recours hiérarchique, l'interlocuteur désigné étant le même agent qui avait dirigé les opérations de visites et contrôles diligentées contre l'association quelques mois plus tôt, et cette dernière étant dans ces conditions dissuadée de saisir cet agent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
L. 10 du livre des procédures fiscales ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé que le recours à l'interlocuteur départemental n'est prévu que dans le cadre des procédures de vérification et ne saurait être utilisé dans celui de la contestation de la régularité d'une procédure de redressement faisant suite à un contrôle sur pièces et relevé que l'association n'avait pas fait état de difficultés particulières qui seraient intervenues au cours de la vérification de comptabilité ni même qu'elle aurait essayé de saisir l'interlocuteur départemental, la cour d'appel qui a répondu aux conclusions de l'association prétendument délaissées en décidant que les garanties du contribuable n'avaient pas été méconnues, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen
:
Attendu que l'association fait le même grief à l'arrêt, alors selon le moyen, que dans la mesure où il n'existe aucune obligation de déclarer les dons manuels, il ne peut être fait application du délai de reprise de dix ans puisque celui-ci sanctionne l'insuffisance ou le non-respect d'une obligation déclarative ; qu'en refusant néanmoins de faire application du droit de reprise triennal, et en portant ainsi une atteinte disproportionnée au patrimoine de l'association cultuelle ACTP, mettant par là même en cause la possibilité d'assurer de façon effective la liberté de culte par la privation des moyens matériels qui y sont nécessaires, la cour d'appel a violé l'article
L. 180 du livre des procédures fiscales et les articles 9, 10, 11 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 1er du 1er protocole additionnel à ladite Convention ;
Mais attendu que l'arrêt retient que les dons manuels perçus par l'association avaient été révélés à l'administration fiscale à l'occasion de la vérification de comptabilité engagée à son encontre le 13 novembre 1995 pour les dons perçus en 1992 et le 25 mars 1996 pour ceux perçus en 1993, 1994 et 1995 et que les rappels d'impôts réguliers au regard des textes applicables en l'espèce, ont été notifiés le 4 septembre 1997 ; que le moyen manque en fait, la cour d'appel ayant constaté que les rappels d'impôts avaient été notifiés dans le délai triennal ;
Et
sur le sixième moyen
:
Attendu que l'association fait le même grief à l'arrêt, alors selon le moyen, que les différents cultes peuvent s'exercer sous la forme des associations cultuelles prévues par la loi du 9 décembre 1905, ou des simples associations prévues par la loi du 1er juillet 1901 ; que lorsqu'elles sont déclarées, ces deux types d'associations peuvent recevoir sans autorisation particulières des dons manuels ; que cependant seules les associations cultuelles loi de 1905 autorisées par l'administration à recevoir des dons et legs sont exonérées de droit d'enregistrement sur les dons manuels ; que cette différence de régime, qui s'explique seulement par le souci de l'administration d'éviter les captations d'héritage par des associations qui ne seraient pas réellement cultuelles, est inadéquate pour rendre compte de la différence de régime fiscal des dons manuels qui sont consentis en dehors de tout héritage et apparaît de la sorte illégitime et disproportionnée par rapport au but poursuivi ; que dès lors, en refusant à l'association ACLO le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 795-10 du code général des impôts aux seuls motifs qu'elle n'avait pas sollicité l'autorisation de l'administration de recevoir des dons et legs, la cour d'appel a violé les articles 9, 11 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 795-10 du code général des impôts, sont exonérés des droits de mutation à titre gratuit les dons et legs faits aux associations cultuelles, aux unions d'associations cultuelles et aux congrégations autorisées ; qu'après avoir relevé que l'association ne justifiait pas avoir fait l'objet d'une reconnaissance en tant qu'association cultuelle par l'autorité administrative compétente ni ne détenait une autorisation ministérielle ou préfectorale contemporaine du fait générateur de l'imposition, la cour d'appel qui n'avait pas à se prononcer sur le bien fondé des textes régissant le régime juridique des "dons manuels" aux associations cultuelles prévues par la loi du 9 décembre 1905 ou aux simples associations prévues par la loi du 1er juillet 1901, au sens des articles 9, 11 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a décidé à bon droit que l'association ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue par l'article 795-10 du code général des impôts ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association des Chevaliers du lotus d'or aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de l'association des Chevaliers du lotus d'or ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille sept.