N° 158
MF B
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Copie exécutoire
délivrée à :
- Me Antz,
le 12.05.2022.
Copie authentique délivrée à :
- Me Le Calvic,
le 12.05.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 12 mai 2022
RG 21/00118 ;
Décision déférée à la Cour : ordonnance n° 69, rg n° 20/00306 du Juge des Référés du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 8 mars 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 1er avril 2021 ;
Appelante :
Mme [R] [D] épouse [W], née le 19 septembre 1970 à [Localité 2], de nationalité française, demeurant à [Adresse 5], nantie de l'aide juridictionnelle du 29 mars 2021 ;
Représentée par Me Hina LE CALVIC, avocat au barreau de Papeete ;
Intimé :
M. [N] [T], né le 27 août 1955 à Faaone, de nationalité française, demeurant à [Adresse 3], nantie de l'aide juridictionnelle n°2019/002807 du 4 juillet 2019 ;
Représenté par Me Dominique ANTZ, avocat au barreau de Papeete ;
Intervenant volontaire :
M. [A] [C] [J] [W], née le 8 novembre 1973 à [Localité 6], de nationalité française, demeurant à [Adresse 5] ;
Représenté pa Me Hina LE CALVIC, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 3 janvier 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 10 mars 2022, devant Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL, conseiller, Mme TISSOT, vice-présidente placée auprès du premier président, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt
contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
Suivant requête déposée le 1er décembre 2020, M. [N] [T] a engagé une procédure de référé-expulsion à l'égard de M. [W] et de Mme [R] [D], de la parcelle de terre cadastrée AE ' [Cadastre 1] dénommée [Adresse 5] située à [Localité 4] (île de Tahiti) sous astreinte, en soutenant être propriétaire indivis du terrain en cause en sa qualité d'héritier de Mme [I] [F] décédée le 6 avril 1997 qui l'avait elle-même reçu en partage.
En défense, M. [W] et son épouse née [R] Mme [D], se déclarant prince et princesse royaux, ont opposé que cette terre était une propriété indivise qui n'avait jamais été partagée et qui devait être déclarée domaine royal indigène autochtone Maohi en vertu de la souveraineté nationale de ce peuple.
Suivant ordonnance n° 20/00 306 (minute n°69) rendue le 8 mars 2021 et signifiée le 17 mars 2021, le juge des référés du tribunal de première instance de Papeete a ordonné l'expulsion de M. [W] et de Mme [D] occupants sans droit ni titre et de tous occupants de leur chef, de la parcelle cadastrée AE ' [Cadastre 1] dénommée [Adresse 5] située à [Localité 4], au besoin avec la force publique, et sous astreinte de 40'000 Fr. CFP par jour de retard dans le délai d'un mois suivant la signification de la présente ordonnance, les condamnant en outre aux dépens.
Suivant requête d'appel enregistrée le 1er avril 2021, Mme [R] [D] épouse [W] a relevé appel de ladite ordonnance en intimant M. [N] [T].
En ses dernières conclusions du 7 juin 2021, Mme [D] demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise et de condamner les intimés aux dépens.
Elle soutient qu'elle a fondé son foyer sur la terre cadastrée AE ' [Cadastre 1] dénommée [Adresse 5] située à [Localité 4] avec son mari qui y vit depuis sa naissance et que son père, M. [M] [L] [D] dit '[Z]' y vit depuis plus de 40 ans.
Cette terre appartient aux héritiers de [E] [H] et de [O] [B] qui eurent 7 enfants dont [X] [E] et [P] [E], tel qu'indiqué en préambule du procès-verbal constituant la pièce n°1 et mentionnant bien qu'au titre de l'extrait du registre public des terres de [Localité 4] année 1955 page 248, il est clairement indiqué que la terre appartient aux héritiers ;
elle déclare être la descendante de [P] [E] qui est l'arrière arrière grand-père de son père, [Z], mais qu'en outre elle est une ayant droit de la terre indivise au même titre que M. [N] [T] dont le titre de propriété ne saurait être suffisant puisqu'il découle d'un acte de partage qui est aujourd'hui contesté pou avoir écarté de nombreux héritiers et en particulier 6 souches d'héritiers par représentation dont les enfants de [E] [H] et de [O] [B] autre que [X] [E].
C'est à tort que l'acte de partage mentionne que la terre a été occupée au moins depuis l'année 1910 par Mme [X] [E]. Le procès- verbal de bornage produit montre une incohérence importante avec ce que le notaire indique dans son acte de partage, ce qui constitue un problème de fond qui doit être traité devant le tribunal foncier car le titre de propriété de M. [T] se heurte à une contestation sérieuse.
L'acte de partage notarial est insuffisant comme titre de propriété, et ce d'autant que la parcelle litigieuse est le lieu de résidence de la famille [D] depuis plus de 30 ans.
Suivant conclusions récapitulatives de 10 septembre 2021, M. [N] [T] sollicite au contraire la confirmation de l'ordonnance de référé querellé en toutes ses dispositions ainsi que la condamnation de l'appelante à lui verser la somme de 300'000 Fr. À titre de dommages-intérêts pour appel abusif et celle de 150'000 Fr. Sur le fondement de l'article
407 du code de procédure civile de la Polynésie française, outre les dépens.
M. [T] réplique,
' qu'il est le fils de Mme [I] [F] décédée le 6 avril 1997, et qu'à ce titre, il est codivisaire d'une parcelle de terre qui est actuellement occupée par l'appelante et ses enfants lesquelles prétendent à tort, venir au droit de M. [L] [D] qui n'a pas plus de droit sur la terre en question.
' que l'arbre généalogique qu'elle produit ne justifie pas de ses droits,
' que, pour le surplus, elle semble contester l'acte de partage dressé par le notaire dans le cadre d'une requête adressée au tribunal foncier qui n'a toujours pas été déposée.
M. [A] [W] a déposé des conclusions en intervention volontaire principale le 5 novembre 2021.
Il demande à la cour, recevant son intervention volontaire, d'infirmer l'ordonnance querellée et de condamner M. [N] [T] aux dépens, en concluant comme l'appelante, à l'insuffisance du caractère probant de l'acte de partage notarial constituant le titre de propriété de M. [T], et à l'existence d'une contestation sérieuse tenant à la situation d'indivision qui doit être réglée devant le tribunal foncier.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 janvier 2022.
Motifs de la décision
:
Le juge des référés a motivé sa décision au visa de l'article
432 du code de procédure civile de Polynésie française dont il rappelle les dispositions in extenso .
En vertu de ce texte légal, le premier juge était seulement tenu de vérifier que le demandeur prouvait qu'il subissait un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite nécessitant qu'il y soit fin par des mesures conservatoires ou de remise en état .
Or, M.[T] produit le titre de propriété qu'il détient sur la parcelle dont il a fait constater l'occupation non autorisée par Mme [D] et M. [W], lesquels n'ont pas remis en cause la recevabilité de son action tendant à faire libérer le terrain appartenant à l'indivision.
En revanche, Mme [D] et M.[W] contestent la validité de l'acte de partage dont M. [T] tient ses droits mais à ce stade du procès, il apparaît que l'acte notarié qui vaut jusqu'à inscription de faux conserve tous ses effets probants.
S'agissant du moyen subsidiaire tiré de la prescription acquisitive, il s'agirait de l'allégation d'une contestation sérieuse dont le juge des référés n'avait pas non plus à tenir compte dans le cadre de sa saisine en vertu de l'article 432 précité.
La cour observe surabondamment que Mme [D] et M. [W] opposent l'usucapion à M. [T] qui dispose d'un titre, sans produire d'éléments de preuve suffisamment objectifs et sérieux à l'appui de leurs allégations.
Dans ces conditions, la cour confirmera l'ordonnance de référé entreprise en toutes ses dispositions .
M. [T] se borne à déclarer que ' l'appel formulé est dilatoire et abusif', ce qui est une motivation notoirement insuffisante pour justifier la demande de dommages intérêts qu'il forme et dont il devra être débouté.
En revanche, Mme [D] succombant en son appel sera condamnée aux dépens et au paiement à M. [T], d'une indemnité de procédure au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article
407 du code de procédure civile de Polynésie française .
PAR CES MOTIFS
,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Vu l'appel de Mme [R] [D] épouse [W] ;
Vu l'intervention volontaire de M. [A] [W] ;
Déboute Mme [D] épouse [W] et M. [W] de l'ensemble de leurs prétentions ;
Confirme en conséquence l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions ;
Condamne, en outre, Mme [D] épouse [W] à supporter les dépens d'appel et à payer à M. [T], la somme de 300 000 Fr. CFP au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Rejette le surplus des demandes de M. [T].
Prononcé à Papeete, le 12 mai 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVEROsigné : MF BRENGARD