AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq janvier deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, de la société civile professionnelle RICHARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur
I - les pourvois formés par :
- X... Gérard,
- Y... Patrick,
- Z... Hervé,
- A... Xavier,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 16 février 2004, qui a condamné, le premier pour mise en danger délibérée d'autrui et menaces, à 18 mois d'emprisonnement, 20 000 euros d'amende, 1 an d'interdiction d'exercice d'une profession médicale, le deuxième pour mise en danger délibérée d'autrui, à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d'amende et 2 mois d'interdiction d'exercice d'une profession médicale, le troisième, pour mise en danger délibérée d'autrui, à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 5 000 euros d'amende, le quatrième, pour mise en danger délibérée d'autrui, à 3 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
II - Le pourvoi formé par :
- X... Gérard,
contre l'arrêt de la même cour d'appel, en date du 15 mars 2004, qui, a ordonné la rectification d'une erreur matérielle contenue dans le précédent arrêt ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I - Sur les pourvois formés contre l'arrêt du 16 février 2004 :
Vu les mémoires et les observations complémentaires produits ;
Sur le premier moyen
de cassation, proposé pour Gérard X..., pris de la violation des articles
133-9 et
223-1 du Code pénal, 3 de la loi du 31 juillet 1991, L.1221-13,
L. 4311-1,
L. 5126-5,
L. 6111-1,
L. 6111-2 et
R. 665-59 du Code de la santé publique, 2-2 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002,
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard X... coupable de mise en danger d'autrui en ayant, depuis 1998 jusqu'à septembre 1999, exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, et de l'avoir condamné de ce chef ;
"aux motifs adoptés que le non-respect généralisé des règles en vigueur dans des domaines aussi sensibles que la pharmacie, la stérilisation, la transfusion, la matériovigilance, la pratique tendant à laisser des personnels non qualifiés pratiquer certains gestes techniques réservés à des personnels diplômés, ainsi que l'utilisation de la structure Urgence 24 comme un établissement de santé et la prise en charge, pour de longues durées, de personnes ayant vocation à être hospitalisées, ce qui ne pouvait que démultiplier les dangers liés aux manquements constatés, ont exposé les patients reçus à Urgence 24 aux risques définis par l'article
223-1 du Code pénal (cf. jugement page 22, 1 et 2) ;
"et aux motifs propres que l'ouverture d'un établissement de santé sans autorisation, dès lors qu'il se conjugue avec d'autres manquements à des règles particulières de prudence ou de sécurité, peut constituer l'un des éléments caractérisant l'infraction de mise en danger ; que la structure Urgence 24 constituait bien un établissement de santé au sens des articles
L. 6111-1 et
L. 6111-2 du Code de la santé publique ; que le centre ne disposait d'aucun personnel soignant ; que les "assistants médicaux" pratiquaient néanmoins des actes relevant du personnel infirmier par application de l'article
L. 4311-1 du Code de la santé publique, et procédaient eux-mêmes à la décontamination et à la stérilisation des appareils dans des conditions défiant la sécurité ; qu'il n'existait dans l'établissement aucun pharmacien assurant la gestion de la pharmacie à usage intérieur, en violation de l'article
L. 5126-5 du Code de la santé publique ; qu'il résulte des constatations de la DDASS que l'établissement ne respectait pas les règles d'hémovigilance prescrites par l'article
L. 1221-13 du Code de la santé publique ; que l'établissement, qui disposait de plusieurs appareils, n'avait pas désigné de correspondant local de matériovigilance, en infraction à l'article
R. 665-59 ; que, par la conjugaison des différents manquements aux règles particulières de prudence et de sécurité prévus par les textes susvisés, les prévenus ont de façon délibérée exposé de nombreux malades séjournant dans l'établissement à un risque direct et immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une infirmité permanente (cf. arrêt pages 16, 17 et 18) ;
"alors, d'une part, que le délit de mise en danger d'autrui prévu à l'article
223-1 du Code pénal exige la violation d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence, c'est-à-dire d'une obligation de sécurité ou de prudence définie avec précision en fonction de situations particulières, imposant un modèle de conduite circonstanciée ; que les textes dont la méconnaissance est invoquée, relatifs à la définition de l'établissement de santé, aux actes relevant du personnel infirmier, à la gestion d'une pharmacie à usage intérieur réservée aux pharmaciens, ainsi qu'aux règles d'hémovigilance et de matériovigilance, n'édictent pas des obligations particulières de sécurité ou de prudence, mais se bornent à préciser, de façon générale, les règles à observer par un établissement de santé, ce qui exclut l'application de l'article
223-1 du Code pénal ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité n'est pas légalement justifiée ;
"alors, d'autre part, et en toute hypothèse, que les textes législatifs et réglementaires, dont la violation est reprochée au docteur Gérard X... dans le cadre de la structure "Urgence 24", concernent les règles applicables aux établissements de santé ; que, l'ouverture illicite d'un établissement de santé reprochée au prévenu étant couverte par l'amnistie, celle-ci empêchait toute poursuite concernant non seulement l'ouverture d'un établissement de santé, mais également une prétendue méconnaissance des règles applicables à un tel établissement, de sorte que l'élément constitutif essentiel du délit de mise en danger d'autrui, à savoir la violation d'une règle particulière de sécurité ou de prudence, faisait défaut ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel a, en toute hypothèse, méconnu les principes applicables à l'amnistie ;
"alors, de troisième part, que la violation d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence n'entraîne pas en elle-même une mise en danger, celle-ci n'étant constituée que s'il y a exposition directe à un risque immédiat, ce qui implique que la violation de l'obligation doit entraîner un danger survenant sans délai ; qu'en se bornant à relever l'existence de manquements à certaines règles imposées dans les établissements de santé, sans préciser les circonstances de fait caractérisant le risque immédiat de mort ou d'atteinte à l'intégrité corporelle auquel le prévenu aurait exposé directement les patients séjournant dans les locaux de la structure Urgence 24, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors, de surcroît, qu'en s'abstenant de caractériser le lien de causalité direct et immédiat entre la violation des prescriptions relevée et le risque auquel auraient été exposés les patients séjournant dans l'établissement d'Urgence 24, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, enfin, que le délit de mise en danger est une infraction intentionnelle, qui exige une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence, ce qui signifie que l'agent doit avoir connaissance de l'obligation particulière qu'il méconnaît, et conscience que son comportement illicite expose autrui à un risque pour sa vie ou son intégrité corporelle ; qu'en se bornant à relever l'existence d'une méconnaissance des règles applicables aux établissements de santé, sans constater que le prévenu avait conscience que la structure Urgence 24 devait recevoir cette qualification et que ces règles lui étaient applicables, et que c'est en connaissance de cause qu'il aurait exposé les patients à un risque de mort ou d'atteinte à l'intégrité corporelle, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit de mise en danger d'autrui, et a violé les textes susvisés" ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Hervé Z... et Patrick Y..., pris de la violation des articles
223-1 du Code pénal,
L. 6111-1 et
L. 6111-2 du Code de la santé publique, et
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le Docteur Hervé Z... et le Docteur Patrick Y... coupables de mise en danger d'autrui par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence et les a condamnés à une peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis, à une amende de 5 000 euros, et à une peine d'interdiction professionnelle de deux mois pour le Docteur Patrick Y... ;
"aux motifs que les prévenus sont poursuivis pour avoir depuis 1998 jusqu'à septembre 1999 exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce pour avoir mis en place et fait fonctionner le service Urgence 24, considéré comme un établissement de santé non autorisé par lequel de nombreux malades transitaient de façon injustifiée des journées entières, voire une à deux nuits complètes, alors qu'ils présentaient des affections graves, que le "plateau technique" ne disposait pas de moyens adaptés en personnel et matériel pour assurer les soins nécessaires aux malades qui relevaient de structures hospitalières d'urgence ou chirurgicales ou de services spécialisés, et pour leur avoir prodigué des soins médicaux dans des conditions d'hygiène très insuffisantes et au mépris des règles imposées en matière de traçabilité des produits sanguins et de matériovigilance ; que le délit de mise en danger d'autrui suppose pour être constitué la violation manifestement délibérée (élément moral) d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, exposant directement et immédiatement autrui à un risque de mort, de mutilation ou d'infirmité permanente (élément matériel) ; que l'élément matériel de l'infraction peut être constitué par la violation d'une règle particulière prévue par la loi ou le règlement, même si celle-ci érigée en infraction pénale est prescrite ou amnistiée ; que le visa dans la poursuite du ou des textes législatifs ou réglementaires définissant et réprimant l'obligation particulière de prudence et de sécurité n'est pas obligatoire ; que le seul fait d'ouvrir un établissement de santé sans autorisation préalable, ce qui constitue une infraction pénale, si aucun autre élément ne vient s'ajouter à cette infraction, ne peut en soi constituer une mise en danger, l'établissement illicitement ouvert pouvant fonctionner en fait dans des conditions respectant les règles de sécurité imposées aux établissements de santé ; que, cependant, il est bien évident que si le législateur a soumis l'ouverture d'un établissement de santé à une autorisation préalable, c'est bien pour permettre à l'autorité administrative qui délivre l'autorisation de s'assurer que l'établissement remplit les conditions d'hygiène et de sécurité nécessaires pour assurer la sécurité des malades ; que l'ouverture illicite d'un tel établissement, dès lors qu'il se conjugue avec d'autres manquements à des règles particulières de prudence ou de sécurité, peut constituer l'un des éléments caractérisant l'infraction de mise en danger ; que la loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, dont l'objet était notamment d'améliorer la coordination des établissements hospitaliers publics et privés, ces derniers étant soumis à autorisation préalable depuis une ordonnance du 23 septembre 1967 a, dans son article 3, prévu que le titre 1er du livre VII du Code de la santé publique serait désormais intitulé "Etablissements de santé" ;
que les articles L. 711 et L. 712, devenus
L. 6111-1 et
L. 6111-2 du Code de la santé publique définissent ledit établissement par ses fonctions, à savoir un établissement, ce qui suppose une certaine structure, qui assure les examens de diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, avec ou sans hébergement, de courte ou longue durée, de suite et de réadaptation ;
qu'à l'évidence, la structure Urgence 24 (qui n'a cessé de se développer depuis sa création) telle qu'elle fonctionnait au moment des constatations, constituait bien un établissement de santé dans la mesure où elle comprenait plusieurs salles d'examen, 3 chambres contenant 6 lits, dans lesquelles les malades séjournaient parfois plus de 24 heures, et notamment la nuit, qu'il avait à sa disposition un matériel de réanimation et de médicaments destinés à l'usage exclusif d'établissements de soins ; que d'ailleurs, les prévenus en avaient tellement conscience que le procès-verbal de l'assemblée générale du 26 février 1998 mentionne que le Docteur B... a déclaré : "vous représentez actuellement un réseau d'urgence qui fonctionne depuis plusieurs années qui démontre son efficacité, sa progression importante toutes les années, donc c'est quelque chose qui est incontournable mais qui jusqu'à présent n'a pas de reconnaissance officielle" ; que les prévenus ne peuvent se prévaloir, comme ils l'ont fait à l'audience de la Cour, d'une décision rendue le 26 septembre 2003 par la Section des assurances du Conseil national de l'Ordre des médecins, qui, statuant sur la plainte de la Caisse primaire d'assurance maladie des Alpes maritimes dénonçant la cotation par le Docteur C... de certains de ses actes en V+ déplacement, a estimé que la structure Urgence 24 devait être considérée comme une extension des cabinets des médecins y effectuant des actes médicaux, de sorte qu'aucune indemnité de déplacement ne pouvait être demandée et obtenue, les faits dénoncés ayant été commis en mars, avril et mai 1993, soit 6 ans avant les faits, objet de la poursuite ;
qu'ils ne peuvent davantage utilement invoquer l'absence de réaction avant le procès-verbal à l'origine de la fermeture de la direction des actions sanitaires et sociales ; que Mme D..., médecin inspecteur de la santé publique, interrogée par le juge d'instruction le 6 janvier 2000, qui avait elle-même procédé à des contrôles en 1994 ou 1995 a indiqué qu'à l'époque, il s'agissait effectivement d'une petite structure d'accueil, qu'elle n'avait pas vu de lits ou en tout cas pas compris qu'on faisait venir des personnes pour y passer la nuit et qu'à l'époque les textes sur les produits sanguins n'étaient pas sortis ; que les constatations faites par l'inspecteur de la direction des actions sanitaires et sociales ont été amplement corroborées par les auditions du personnel et des malades ; qu'il est constant que le centre ne disposait d'aucun personnel soignant ; que c'était le Docteur C... qui recrutait le personnel dont les qualifications étaient bien éloignées du monde médical, l'un titulaire d'un CAP de métallurgie, un autre s'était présenté pour un emploi de chauffeur, un autre titulaire d'un CAP de ventes, l'une ex-caissière dans un supermarché ; que cependant il résulte des déclarations concordantes desdits "assistants médicaux" que le centre avait hébergé à plusieurs reprises et notamment la nuit des patients ayant été victimes de fractures du col du fémur, que bon nombre "des assistants", sur l'ordre parfois du Docteur Gérard X..., plus souvent du Docteur Patrick Y..., pratiquaient des injections sous-cutanées ou intramusculaires et participaient à la préparation des perfusions, tous les actes relevant du personnel infirmier par application de l'article
L. 473 devenu
L. 4311-1 du Code de la santé publique et de l'article 4 du décret 93-345 énumérant la liste des actes relevant du personnel infirmier ; que cette pratique était tellement habituelle, que, selon Abed E..., l'un des "assistants médicaux", Mme C... avait été amenée à rédiger une note de service précisant que certains médecins faisait pratiquer aux assistants médicaux des actes infirmiers que ceux-ci n'avaient pas à faire ; que ces mêmes "assistants médicaux" procédaient eux-mêmes à la décontamination et à la stérilisation des appareils dans des conditions défiant la sécurité, le minuteur ne fonctionnant plus ; qu'en violation de l'article
L. 595-2, devenu
L. 5126-5 du Code de la santé publique, il n'existait dans l'établissement aucun pharmacien assurant la gestion de la pharmacie à usage intérieur devant personnellement assurer dans le respect des règles qui régissent le fonctionnement de l'établissement, la gestion, l'approvisionnement, la préparation, le contrôle, la détention ainsi que des matériels médicaux stériles ; que si l'inspecteur de la DDASS n'a trouvé qu'un document établissant la réalisation d'une seule transfusion, il résulte de l'audition des "assistants médicaux" que plusieurs transfusions avaient été réalisées, que lesdites transfusions étaient pratiquées sur des malades chroniques essentiellement anémiques (cancers ou hémorragie à répétition) envoyés par leur médecin ;
que les constatations faites par l'inspecteur de la DDASS sur un seul cas, et l'absence de toute fiche pour les autres, démontrent que l'établissement ne respectait pas les règles d'hémovigilance prescrites depuis l'apparition du SIDA par les articles
L. 666-12 devenu
L. 1221-13 et R. 666-12 du Code de la santé publique ; qu'enfin l'établissement, qui disposait de plusieurs appareils, n'avait pas désigné de correspondant local de matériovigilance en infraction à l'article
R. 665-59 issu du décret du 15 janvier 1999 ; que sur l'imputabilité des faits à chacun des prévenus, Xavier A..., même s'il s'est plus particulièrement chargé de la structure "secteur ", était au moment des faits et depuis 1997, cogérant de la SCMU 06 ; qu'à ce titre , et comme les trois autres cogérants, Joëlle C..., Hervé Z..., Patrick Y..., et Gérard X..., qui était le "patron", il a participé à la gestion d'Urgence 24 ; que par la conjugaison des différents manquements aux règles particulières de prudence et de sécurité prévues par les textes susvisés, les prévenus, tous médecins, ont de façon manifestement délibérée exposé de nombreux malades séjournant dans l'établissement à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une infirmité permanente ;
"1 ) alors que le cabinet médical se caractérise par un local professionnel comprenant du mobilier et du matériel technique permettant au praticien de recevoir ses patients en consultation ; que les établissements de santé assurent les examens de diagnostic, la surveillance et le traitement des malades ;
qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer les Docteurs Hervé Z... et Patrick Y... coupables de mise en danger d'autrui, que l'association Urgence 24 constituait bien un établissement de santé ne respectant pas les règles de prudence et de sécurité prévues par les textes, sans caractériser l'existence d'une structure ayant pour objet les examens de diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"2 ) alors que constitue le délit de mise en danger d'autrui, le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures, de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ; qu'en se bornant à affirmer, pour déclarer les Docteurs Hervé Z... et Patrick Y... coupables de mise en danger d'autrui, qu'ils avaient méconnu les dispositions du Code de la santé publique relatives aux règles de fonctionnement des établissements de soins, sans caractériser un comportement particulier exposant directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ;
"3 ) alors qu'en se bornant à affirmer que les faits de mise en danger d'autrui étaient imputables au Docteur Hervé Z... et au Docteur Patrick Y..., motifs pris de ce qu'ils avaient tous deux participé à la gestion de l'association Urgence 24, sans caractériser à leur encontre des actes de nature à exposer autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"4 ) alors que le Docteur Hervé Z... et le Docteur Patrick Y... soutenaient qu'ils avaient été cantonnés à des tâches purement administratives au sein de l'association Urgence 24, ne disposant d'aucun pouvoir de décision ; qu'ils ajoutaient qu'ils n'y avaient jamais exercé aucune fonction, et n' y avaient prodigué aucun soin ; qu'en se bornant à affirmer, pour les déclarer coupables de mise en danger d'autrui, qu'ils avaient manqué aux règles particulières de prudence et de sécurité prévues par le Code de la santé publique, la cour d'appel n'a pas répondu à un chef péremptoire de conclusions des Docteurs Hervé Z... et Patrick Y..., privant ainsi sa décision de motifs" ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour Xavier A..., pris de la violation des articles
121-1,
121-3 et
223-1 du Code pénal,
459 et
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Xavier A... coupable d'avoir exposé directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ;
"aux motifs qu'il a été constitué sur les conseils de l'administration fiscale, le 5 octobre 1989 une société civile de moyens dénommée SCMU 06 ; que, dans le cadre de cette société, le médecin propriétaire de parts se voyait attribuer en théorie un nombre de gardes au prorata du nombre de parts sociales, gardes qu'il pouvait effectuer lui-même ou faire assurer par un confrère, 30 % des sommes perçues devant être reversés à titre de contribution aux frais de fonctionnement de la société, constitués essentiellement des loyers, des salaires, du financement et de l'entretien du matériel mis à la disposition notamment d' "Urgence 24" ; qu'au cours de l'assemblée générale du 30 juillet 1998, ont été désignés comme cogérants, le Docteur C... gérant depuis l'origine, et les Docteurs Hervé Z..., Patrick Y... et Xavier A... ; que si le Docteur Gérard X... n'a jamais été gérant de la SCMU 06 il résulte des déclarations de ses confrères et des procès-verbaux et assemblée générale qu'il en était "le vrai patron" ; que les locaux de l'établissement "Urgence 24" ont été fermés par le Préfet le 28 septembre 1999 pour défaut d'autorisation d'un établissement de santé, défaut de personnel qualifié, manquements graves dans l'application de contamination et stérilisation, négligences importantes dans la gestion de la pharmacie, inexistence de procédures de matériovigilance, absence de procédure d'hémovigilance et de traçabilité ce qui caractérise une situation de danger grave et immédiat ; ( ) ; que le seul fait d'ouvrir un établissement de santé sans autorisation préalable, ce qui constitue une infraction pénale, si aucun autre élément ne vient s'ajouter à cette infraction, ne peut en soi constituer une mise en danger, l'établissement illicitement ouvert pouvant fonctionner en fait dans les conditions d'hygiène et de sécurité nécessaires pour assurer la sécurité des malades ; ( ) ;
que Xavier A..., même s'il s'est plus particulièrement chargé de la structure "secteur", était au moment des faits et depuis 1997 cogérant de la SCMU 06, qu'à ce titre, et comme les trois autres cogérants, il a participé à la gestion d' "Urgence 24" ; que par la conjugaison des différents manquements aux règles particulières de prudence et de sécurité prévues par les textes, les prévenus tous médecins, ont de façon manifestement délibérée exposé de nombreux malades séjournant dans l'établissement à un risque direct et immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une infirmité permanente ; que c'est à bon droit que le tribunal a déclaré tous les prévenus coupables du délit de mise en danger d'autrui ;
"alors que le seul fait pour un médecin, d'avoir, avec d'autres praticiens, cogéré une société civile de moyens et d'y avoir assumé la responsabilité de la structure "secteur" n'impliquant a priori aucune participation à la gestion d'une association créée antérieurement qui était propriétaire d'un établissement de santé fonctionnant dans des conditions prétendument dangereuses pour les patients qui y étaient admis, la Cour, qui n'a pas démenti les constatations des premiers juges selon lesquelles le Docteur Xavier A... n'avait pas, contrairement à ses coprévenus, utilisé les locaux de l'association Urgence 24 et qui n'a pas non plus contesté que, comme le demandeur le soutenait dans ses conclusions d'appel, ce dernier n'était jamais intervenu dans le fonctionnement de cette association dont il n'avait pas bénéficié, n'a pas caractérisé la participation de ce prévenu au délit de mise en danger de la vie d'autrui résultant, selon elle, des conditions de fonctionnement de l'établissement de santé appartenant à l'association Urgence 24 et a violé le principe résultant des dispositions de l'article
121-1 du Code pénal selon lequel nul n'est responsable pénalement que de son propre fait, en se contentant, pour déclarer le demandeur coupable du délit poursuivi, d'affirmer sans le justifier ni l'expliquer, que comme les autres cogérants de la société civile de moyens, il avait en cette seule qualité, participé à la gestion d' "Urgence 24" ;
Sur le second moyen
de cassation, proposé pour Gérard X..., pris de la violation des articles
222-17 et
222-18 du Code pénal,
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard X... coupable de menaces de mort réitérées, de menace réitérée de délit contre les personnes dont la tentative est punissable, et de menace de mort faite sous condition, et l'a condamné de ce chef ;
"aux motifs que le docteur Joëlle C... a déclaré que le docteur Gérard X... lui avait dit : - à la suite de la réunion des cogérants de la SCMU 06 du 31 août 1999, le jour même :
"Maintenant ça suffit, partout où vous irez, ça ira mal pour vous ( ) Je vous détruirai politiquement ( ) Vous entendrez parler de moi ( ) Je casserai votre vie personnelle ( ) Vous n'irez pas loin en politique et professionnellement, et vous pouvez trembler, on se retrouvera dans un an, dans deux ans, dans cinq ans" ; - le 7 septembre 1999 dans les locaux de la SCMU 06, suite à la décision de ne plus verser ses indemnités en qualité de directeur technique : "Je vous conseille de faire des prières pour sauver votre peau" ; - le 26 septembre 1999, à l'occasion de ses réserves lors d'une assemblée générale : "Cette fois-ci, c'en est trop, tu vas le payer " ; que le docteur F... a indiqué : - que, dans la nuit du 3 au 4 septembre 1999, le docteur Gérard X... lui avait adressé un message par kobby : "Assieds-toi au bord de la rivière et tu verras passer le cadavre de ton ennemi" ; - que, le 7 septembre 1999, le docteur Gérard X... l'avait appelé en le menaçant en ces termes : "Je vais voir G... (un commissaire de police) ce matin, si je n'arrive pas à te liquider par des moyens légaux, je lancerai à tes trousses les pires voyous de la terre et tu n'en réchapperas pas ; tu as voulu jouer dans la cour des grands tu y es" ; que le docteur H... a déclaré que, voulant entretenir le docteur Gérard X... de problèmes de matériel, de personnel et des comptes financiers de la société, ce dernier lui avait répondu : "Marc, tu as une femme et quatre enfants, fais très attention à ce que tu fais ( ) ;
tu es venu sur la côte pour être tranquille" ; que le docteur Gérard X... a seulement reconnu avoir tenu ces derniers propos, mais a contesté les autres ; que, compte tenu du comportement habituel du docteur Gérard X..., rien ne permet de mettre en doute les déclarations des plaignants ;
"alors, d'une part, que nul ne peut être condamné sans qu'une infraction soit démontrée à son encontre ; qu'en se fondant, pour retenir la réalité des propos allégués par les parties civiles, sur les seules déclarations de celles-ci, contestées par le prévenu, sans faire état d'éléments de preuve objectifs, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, que l'infraction de menace de délit contre les personnes exige l'annonce non d'un fait quelconque, mais d'une infraction qualifiée de délit ; que, par ailleurs, l'infraction n'est constituée que si la menace réalisée par paroles a été réitérée ; que les propos prétendument tenus le 31 août 1999 à Joëlle C... ("maintenant ça suffit, partout où vous irez, ça ira mal pour vous ( ) Je vous détruirai politiquement ( ) Vous entendrez parler de moi ( ) Je casserai votre vie personnelle ( ) Vous n'irez pas loin en politique et professionnellement, et vous pouvez trembler, on se retrouvera dans un an, dans deux ans, dans cinq ans") ne comportent pas l'annonce d'une infraction et n'ont pas été réitérés ; que, en qualifiant néanmoins ces propos de menace de délit contre les personnes, la cour d'appel a violé l'article 222-17, alinéa 1er du Code pénal ;
"alors, de troisième part, que les propos dénoncés par Joëlle C... ("Je vous conseille de faire des prières pour sauver votre peau" et "Cette fois-ci, c'en est trop, tu vas le payer") ne constituent pas des menaces de mort ; que, en retenant néanmoins cette qualification, la cour d'appel a violé l'article
222-17, alinéa 2, du Code pénal ;
"alors, en outre, que le message adressé à Luc F... dans la nuit du 3 au 4 septembre 1999 : "Assieds-toi au bord de la rivière et tu verras passer le cadavre de ton ennemi" (Lao Tseu) ne constitue pas une menace de mort, de sorte que la menace du 7 septembre 1999, restée isolée, ne pouvait être qualifiée de menace de mort réitérée ; qu'en estimant le contraire la cour d'appel a violé l'article
222-17, alinéa 2, du Code pénal ;
"alors, enfin, que la menace de mort doit être sans ambiguïté ; que, par ailleurs, la menace sous condition doit comporter une injonction faite à autrui, lequel se trouve contraint de s'y soumettre s'il veut éviter d'être victime des faits annoncés par la menace ;
que les propos adressés au docteur H... ("Marc, tu as une femme et quatre enfants, fais très attention à ce que tu fais ; tu es venu sur la côte pour être tranquille") ne comportent aucune menace de mort et ne contiennent aucune condition sous forme d'injonction ; qu'en retenant, néanmoins, la qualification de menace de mort faite sous condition, la cour d'appel a violé l'article
222-18, alinéa 2, du Code pénal" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
II - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt du 15 mars 2004 :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;
REJETTE
les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Ponroy conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, M. Lemoine, Mme Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;