Arrêt N°
PF
R.G : N° RG 22/00997 - N° Portalis DBWB-V-B7G-FWV2
[B]
C/
Société LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE L A REUNION 'CRCAMR'
COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS
ARRÊT DU 28 FEVRIER 2023
Chambre civile TGI
Appel d'une ordonnance rendue par le JUGE DE L'EXECUTION DE SAINT-DENIS DE LA REUNION en date du 10 MARS 2022 suivant déclaration d'appel en date du 10 JUILLET 2022 rg n°: 21/00044
APPELANT :
Monsieur [L] [B]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Florence CHANE-TUNE de la SELARL WIZE AVOCATS REUNION, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMEE :
Société LA CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA REUNION 'CRCAMR'
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentant : Me Amina GARNAULT de la SELAS AMINA GARNAULT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS : en application des dispositions des articles
778,
779 et
905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Novembre 2022 devant la cour composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseiller
Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries.
A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition le 28 Février 2023.
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 28 Février 2023.
Greffier : Mme Véronique FONTAINE, Greffier.
LA COUR
Suivant acte authentique du 31 octobre 2005, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Réunion (CRCAMR) a octroyé à M. [B] un prêt n° 90011710431 d'un montant de 411.796,29 euros.
Suite au défaut de paiement de plusieurs échéances, la CRCAMR a prononcé la déchéance du terme le 8 juillet 2019 et fait délivrer en date du 18 novembre 2019 un commandement de payer valant saisie d'un bien immobilier de M. [B], sis à [Adresse 4], pour la somme de 200.190, 43 euros.
Par acte d'huissier du 4 mars 2020, M. [B] a fait assigner la CRCAMR devant le tribunal judiciaire de St Denis aux fins de déchéance du droit aux intérêts conventionnels du prêteur et octroi de dommages-intérêts par la banque pour non-respect du devoir de mise en garde à son égard lors de la conclusion du prêt susmentionné.
Dans le cadre de cette instance, par ordonnance du 1er juin 2021, le juge de la mise en état a d'une part déclaré le tribunal judiciaire incompétent au profit du juge de l'exécution pour statuer sur la demande de déchéance, eu égard à la mesure d'exécution en cours au titre du même prêt, et d'autre part, suivant décision ayant été ensuite infirmée par arrêt de la cour du 28 juin 2022, déclaré prescrite l'action indemnitaire pour non-respect par la banque de son devoir de mise en garde.
Le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Saint Denis, saisi pour orientation suite à la saisie du bien immobilier appartenant à M. [B], a, par jugement du 28 janvier 2021, fixé la créance de la CRCAMR à la somme de 200.190,43 euros et autorisé la vente amiable du bien. Par jugement du 25 novembre 2021, le juge de l'exécution a constaté le désistement du créancier poursuivant, suite à son désintéressement complet par M. [B], et ordonné la radiation du commandement de payer du registre de publicité foncière de Saint Denis.
Quant à la procédure transmise pour compétence sur le demande de déchéance du droit aux intérêts de la banque suite à ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire, celle-ci a été examinée à l'audience du juge de l'exécution le 9 septembre 2021. Après réouverture des débats et renvoi, l'affaire a été mise en délibéré à l'audience du 10 février 2022 et le juge de l'exécution a, par jugement du 10 mars 2022, en considération de l'autorité de chose jugée s'attachant à la décision d'orientation du 28 janvier 2021 ayant fixé la créance:
- déclaré irrecevables l'ensemble des demandes de M. [B];
- dit n'y avoir lieu à application de l'article
700 du code de procédure civile;
- laissé les dépens à la charge de M. [B].
Par déclaration du 10 juillet 2022 au greffe de la cour, M. [B] a formé appel du jugement.
Par requête déposée le 12 juillet 2022, M. [B] a sollicité du Premier président de la cour de pouvoir assigner à jour fixe. Il y a été fait droit par ordonnance du 13 juillet 2022 autorisant à assigner à l'audience de la chambre civile du 20 septembre 2022. L'assignation a été délivrée à la CRCAMR le 20 juillet 2022 et déposée au greffe le 21 juillet 2022.
M. [B] sollicite de la cour de:
Après avoir constaté que :
- avec la CRCAMR, ils ont signé un contrat de rachat de crédit immobilier n° 90011710431 le 31 octobre 2005 pour un montant total de 411.796,29 € ;
- le jugement d'orientation du 28 janvier 2021 n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée sur le montant de la créance, le juge de l'exécution ayant été saisi au terme de la précédente saisie immobilière n'étant pas compétent pour statuer sur une demande incidente en dommages-intérêts formulée par le débiteur saisi contre le créancier sauf lorsqu'il est désigné comme juridiction de renvoi par une décision d'incompétence, comme tel est le cas en l'espèce ;
- infirmer le jugement d'orientation querellé du 10 mars 2022 ;
Le réformant et statuant à nouveau :
- recevoir son action et ses demandes et le dire bien-fondé à solliciter la déchéance du droit aux intérêts de la CRCAMR au titre du prêt immobilier litigieux n° 90011710431 du 31 octobre 2005 ;
- juger que les conditions de mise à disposition des fonds, d'évaluation du coût de l'assurance et du rappel des dispositions de l'article
L. 312-10 du Code de la consommation ne figuraient pas dans le contrat de prêt litigieux;
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la CRCAMR;
En tout état de cause,
- débouter la CRCAMR de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;
- condamner la CRCAMR à lui payer la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du CPC ;
- condamner la CRCAMR à payer les entiers dépens d'instance et d'appel.
La CRCAMR demande à la cour de:
- la recevoir en ses conclusions;
- dire et juger que le jugement du 28 janvier 2021 rendu par le juge de l'exécution a déjà tranché la question des intérêts de sa créance;
- dire et juger que le jugement du 28 janvier 2021 rendu par le juge de l'exécution est revêtu de l'autorité de la chose jugée;
- déclarer irrecevables les demandes en déchéance du droit aux intérêts de M. [B] ;
En conséquence,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
- débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions;
- condamner M. [B] à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article
700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Vu les conclusions de M. [B] annexées à sa requête en assignation à jour fixe, reprises dans ses dernières écritures du 17 septembre 2022 et vu les conclusions de la CRCAMR du 31 août 2022, reprises par écritures du 9 novembre 2022;
Sur la recevabilité de la demande de déchéance du droit aux intérêts.
En application de l'article
L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution, saisi d'une mesure d'exécution, a compétence exclusive pour trancher toute contestation s'élevant à l'occasion de l'examen de celle-ci, y compris sur le fond du droit.
Dès lors qu'il est statué sur le fond, il statue comme juge du principal suivant les prescriptions de l'article
R. 121-14 du code des procédures civiles d'exécution, faisant application dans cet office des dispositions générales ou spéciales afférentes au litige. Sa décision a dès lors autorité de la chose jugée sur le fond.
En particulier, lorsque, au visa de l'article
R 322-18 du code des procédures civiles d'exécution, il mentionne au jugement d'orientation le montant de la créance du créancier saisissant en principal, intérêts et pénalités qu'il est tenu de fixer de par son office, cette dernière décision a autorité de chose jugée au fond sur le montant de la créance.
Il peut notamment trancher, à cette occasion, toute contestation portant sur le montant des intérêts, dont celle de leur déchéance.
Aussi, en l'espèce, le jugement d'orientation du juge de l'exécution, saisi d'une mesure d'exécution au titre du prêt n° 90011710431 le 31 octobre 2005 conclu entre la CRCARM et M. [B], ayant fixé le montant de la créance de la banque à la somme de 200.190,43 euros en principal, intérêts et pénalités a autorité de la chose jugée au fond sur le montant des intérêts dus à la banque.
La demande de M. [B] tendant à ce que la banque soit déchue du droit aux intérêts au titre du même prêt est ainsi irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée.
Au surplus, si M. [B] relève dans ses conclusions que le juge de l'exécution n'est pas compétent pour statuer sur les demandes indemnitaires formées contre la banque pour non-respect de son devoir de mise en garde, cette circonstance est sans incidence au présent litige dès lors que le juge de l'exécution n'a été saisi par l'ordonnance du juge de la mise en état du 1er juin 2021 que de la demande de déchéance du droit aux intérêts pour défaut de mise en garde de la banque, et non de la demande indemnitaire dirigée contre la banque au même titre.
En outre, si M. [B] soutient que la demande de la banque tendant à déclarer la demande en déchéance du droit aux intérêts irrecevable est elle-même irrecevable comme se heurtant aux principe de loyauté de la procédure et d'estoppel, ce moyen ne vient au soutien d'aucune des prétentions énoncées par M. [B] au dispositif de ses dernières conclusions. Aussi, par application de l'article
954 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu pour la cour d'y statuer.
Le jugement entrepris sera ainsi confirmé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles.
Vu les articles
696 et
700 du code de procédure civile;
M. [B], qui succombe, supportera les dépens.
L'équité commande en outre de le condamner à verser à la CRCAMR la somme de
2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article
451 alinéa 2 du code de procédure civile,
- Confirme le jugement entrepris;
Y ajoutant,
- Condamne M. [B] à verser à la CRCAMR la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile;
- Condamne M. [B] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT