N° RG 22/06446 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OQZK
décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
Au fond
du 07 septembre 2022
RG :19/08519
ch 9 cab.9
LA PROCUREURE GENERALE
LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON
C/
[U]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
2ème chambre A
ARRET
DU 17 Janvier 2024
APPELANTS :
Mme LA PROCUREURE GENERALE
[Adresse 1]
[Localité 6]
M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON
Tribunal Judiciaire de Lyon
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentés par Laurence CHRISTOPHLE, substitute générale
INTIME :
M. [R] [U]
né le 24 Janvier 1993 à [Localité 13] (Sénégal)
Chez M. [K] [F]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Julie BAILLY-COLLIARD, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/018332 du 20/10/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 24 Août 2023
Date des plaidoiries tenues publiquement : 13 Septembre 2023
Date de mise à disposition : 18 octobre 2023 prorogé au 17 Janvier 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Isabelle BORDENAVE, présidente
- Georges PÉGEON, conseiller
- Géraldine AUVOLAT, conseillère
assistée pendant les débats de Sophie PENEAUD, greffière
En présence de Elisa PHILIBERT, élève avocate
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article
804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article
450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Isabelle BORDENAVE, présidente, et par Sophie PENEAUD, greffière, à laquelle la minute a été remise par la magistrate signataire.
* * * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [R] [U], se disant né le 24 janvier 1993 à [Localité 13], (Sénégal) de Mme [N] [U], née en 1952 à [Localité 8] (Sénégal), de nationalité sénégalaise, et de M. [A] [U], né en 1934 à [Localité 9] (Sénégal), a sollicité la délivrance d'un certificat de nationalité française, faisant valoir le fait qu'il était né d'un père français.
Par décision du 26 janvier 2011, le greffe du tribunal d'instance de Paris, alors compétent, lui a notifié le refus de délivrance dudit certificat à raison d'un état civil non probant, et de la non démonstration que son père avait, lors de l'accès du Sénégal à l'indépendance, conservé la nationalité française.
Contestant ce refus, M. [R] [U] a fait assigner, le 22 août 2019, le procureur de la République de Lyon, afin de contester ce refus, d'obtenir l'annulation de la décision du greffier en chef du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France du 26 janvier 2011, de se voir déclarer français par filiation, de voir ordonner la délivrance d'un certificat de nationalité française, sollicitant la condamnation de l'Etat aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire du 07 septembre 2022, auquel il est expressément renvoyé, le tribunal a dit que M. [R] [U] est français, a ordonné la mention prévue à l'article
28 du code civil, et rejeté le surplus de ses demandes, laissant les dépens à la charge de l'Etat français.
Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de Lyon le 26 septembre 2022, le procureur de la République de Lyon, a relevé appel de ce jugement.
MOYENS
ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses écritures notifiées le 26 septembre 2022, le parquet général sollicite de la cour de dire la procédure régulière, au regard de l'article
1040 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement du 07 septembre 2022 déféré.
Mme l'avocat générale demande à la cour, statuant à nouveau de :
- débouter M. [R] [U] de l'ensemble de ses demandes,
- dire que M. [R] [U], se disant né 24 janvier 1993 à [Localité 13] (Senegal),n'est pas de nationalité française,
- ordonner la mention prévue par l'article
28 du code civil,
- le condamner aux entiers dépens.
Au soutien de son appel, le parquet général, rappelant les dispositions de l'article
30 du code civil, fait valoir que M. [R] [U], sur lequel pèse la charge de la preuve de la nationalité française de son père, [A] [U], ne rapporte pas cette preuve, les deux certificats de nationalité française de son père n'étant pas des titres de nationalité française. Le ministère public soutient que cette preuve de la nationalité française de son ascendant,comme la conservation de la nationalité française par son père lors de l'indépendance du Sénégal, n'est pas rapportée par les différentes pièces qu'il produit. Il estime erronée l'appréciation faite de cette situation par le tribunal judiciaire de Lyon.
Le parquet général met également en avant l'insuffisance de l'état civil concernant le requérant, au vu de l'extrait d'acte de naissance sénégalais transmis, et de l'absence de production du jugement supplétif, sur la base duquel il aurait été établi, et de la non démonstration de l'impossibilité d'accéder aux archives judiciaires locales.
Il n'estime pas davantage démontré, par des actes de l'état civil probants, le lien de filiation entre le requérant et M. [A] [U], dont l'état civil est également discutable, faute de disposer des jugements supplétifs correspondants.
En réponse, aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 09 mars 2023, M. [U] demande à la cour, au visa des articles
18,
18-1,
20-1 et
29 du code civil et des articles
1038 et suivants du code de procédure civile, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu en première instance par le tribunal judiciaire de Lyon le 07 septembre 2022, ainsi, de dire qu'il est de nationalité française, d'ordonner la mention prévue par les articles
28 et
28-1 du code civil, de dire que les dépens seront à la charge du Trésor Public.
M. [R] [U] rappelle que son père, [A] [U], résidant à [Localité 11] lors de l'indépendance du Sénégal, a conservé la nationalité française, étant salarié d'une carrosserie locale, emploi sur la base duquel il a obtenu, en août 1971, un certificat de nationalité française du tribunal d'instance de Marseille, tout comme il en a obtenu un du tribunal de Lyon, où il s'était ensuite installé.
Il affirme démontré son lien de filiation avec M. [A] [U], disposant d'un état civil fiable, au regard de son acte de naissance, des actes de naissance de chacun de ses parents, de leur acte de mariage, et de la copie du livret de famille de ces derniers, écartant les arguments du parquet quant à leur inopposabilité en France, faute de disposer des jugements supplétifs pris à cette fin. Il soutient n'avoir pu entrer en possession des jugements supplétifs concernant ces actes, et avoir démontré dûment le motif de cette impossibilité.
S'agissant de son propre acte de naissance, il précise qu'il en a communiqué une copie intégrale, et non plus seulement un extrait, assortie de l'ordonnance du 06 mai 2004. Il indique qu'il ne peut en revanche produire le jugement du 06 octobre 1993, et justifie de cette impossibilité. Il relève que le jugement visé dans son acte de naissance a finalement été versé aux débats par le parquet général, ce qui ne peut plus fonder un refus pour état civil non fiable.
Il indique avoir produit toutes pièces utiles concernant l'état civil de ses parents, à savoir actes et jugements correspondants, et rappelle les termes des articles
18-1,
20-1 et
29 du code civil, pour dire fondée sa demande de reconnaissance de la nationalité française, par filiation paternelle.
En application des dispositions de l'article
455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions récapitulatives visées ci-dessus pour un exposé plus précis des faits, prétentions, moyens et arguments des parties.
La clôture a été prononcée le 24 août 2023. L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 13 septembre 2023 et le délibéré initialement fixé en octobre a été prorogé au 17 janvier 2024.
MOTIFS
DE LA
DÉCISION
Sur le récépissé prévu par l'article
1043 du code de procédure civile
Aux termes des dispositions de l'article
1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation, ou le cas échéant une copie des conclusions soulevant la contestation, est déposée au ministère de la Justice qui en délivre récépissé.
En l'espèce, est versé aux débats le récépissé de la copie de l'acte d'appel daté du 26 septembre 2022, délivré par le ministère de la Justice, les diligences de l'article
1043 du code de procédure civile ont ainsi été respectées.
Sur la charge de la preuve
L'article
30 du code civil dispose que la charge de la preuve, en matière de nationalité française incombe à celui dont la nationalité est en cause. Toutefois cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants.
En l'espèce, M. [U] ne disposant pas d'un certificat de nationalité française, il lui appartient de faire la preuve de la qualité de français revendiquée, alors qu'il ne peut se prévaloir, à cette fin, du fait que son père se serait vu délivrer, à deux reprises, des certificats de nationalité française.
Au fond
Aux termes de l'article
18 du code civil, est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ; en application de ce texte, il appartient à M. [U] de démontrer qu'au jour de sa naissance, son père était de nationalité française.
Il lui appartient préalablement de justifier de son état civil, par un acte d'état civil probant, et du lien de filiation avec celui dont il se réclame, pour solliciter que lui soit reconnue la nationalité française.
Il sera rappelé que tout requérant qui aspire à la reconnaissance de sa nationalité, doit justifier d'un état civil fiable, par la production d'un acte de l'état civil probant au sens de l'article
47 du code civil selon lequel tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
En application de l'article 35 de la Convention de coopération en matière judiciaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République sénégalaise, du 29 mars 1974, les expéditions des actes d'état civil sont admises sans légalisation sur le territoire respectif de la République française et de la République sénégalaise.
* Sur le caractère probant de l'acte d'état civil de M [R] [U]
Pour établir son état civil, M. [R] [U] verse aux débats :
- une copie, délivrée le 7 décembre 2017, par le service d'état civil de la commune de [Localité 8], d'un extrait d'acte de naissance numéro [Numéro identifiant 3], année 1997, indiquant qu'il est né
le 24 janvier 1993, à [Localité 13], de [A] [U] et de [N] [U], le dit acte
mentionnant qu'il est établi sur la valeur d'un jugement d'autorisation d'inscription (ex supplétif), délivré par le juge de paix de Bakel le 6 octobre 1993, sous le numéro 1100, et a été inscrit le 4 juillet sur les registres des actes de naissance de l'année 1997,
- une copie intégrale d'acte de naissance, délivrée par le premier adjoint de la commune de [Localité 8], le 2 mars 2020, visant un acte numéro [Numéro identifiant 3], année 1997, du 24 janvier 1993, qui indique que, le 24 janvier 1993, est né [R] [U], à [Localité 8], de [A] [U], né en 1934, cultivateur à [Localité 13], et de [N] [U], née en 1952, à [Localité 8], ménagère, domiciliée à [Localité 13], selon acte dressé le 4 juillet 1997, sur jugement numéro 1100 du 6 octobre 1993, du tribunal départemental de Bakel ; mention est portée que l'acte a été rectifié suivant ordonnance N° 68 du 6 mai 2004, du tribunal départemental de Bakel,
- une copie d'un extrait du registre des actes de naissance de la commune de [Localité 8] délivrée le 2 mars 2020, comportant les mêmes informations, et visant l'extrait d'acte de naissance de l'année 1997, registre [Numéro identifiant 3], et la naissance, à [Localité 13], de [R] [U], de [A] et [N] [U], le dit registre portant mention du jugement suppéltif de naissance du 6 octobre 1993, prononcé par le tribunal de Bakel ( N° 1100 inscrit le 4 juillet 1997),
- une copie d'un second extrait du registre des naissances, délivré le 24 septembre 2020, portant les mêmes informations, sauf mention marginale d'une rectification suivant ordonnance n° 68 du 6 mai 2004, par le tribunal départemental de Bakel,
- l'ordonnance portant rectification des actes d'état civil, datée du 6 mai 2004, délivrée par le tribunal de Bakel, cette ordonnance portant sur la rectification du prénom de Mme [U], prénom rectifié en [N], au lieu et place de [S], ou [J],
- l'attestation délivrée le 11 septembre 2020, par le greffier en chef du tribunal d'instance de Bakel, faisant état de ce que, en raison de la détérioration des archives de l'état civil de l'année 1993, le service de greffe n'est pas en mesure de délivrer une expédition du jugement d'autorisation d'inscription de naissance numéro 1100, qui serait rendu le 6 octobre 1993, par le tribunal départemental de Bakel.
Il apparaît, à la lecture de la décision déférée, que, devant les premiers juges, le jugement supplétif ayant permis d'établir la naissance n'avait pas été communiqué, seule ayant été transmise l'attestation du tribunal d'instance de Bakel, ci-avant visée, que les premiers juges ont estimé suffisante, pour apprécier la fiabilité de l'état civil.
Devant la cour d'appel, le parquet général communique lui-même désormais le jugement supplétif d'acte de naissance, qui a été établi le 6 octobre 1993, par le tribunal de Bakel, précisant que cet acte aurait été joint à la demande de certificat de nationalité française faite en son temps, par les parents du concluant.
M. [U] explique, pour contester toute fausseté de l'attestation établie par le greffier en chef du tribunal d'instance de Bakel, le 11 septembre 2020, qu'une précédente procédure avait effectivement été initiée par ses parents, et qu'à la date de délivrance de l'expédition certifiée conforme du jugement supplétif, les archives n'avaient pas été détruites, étant observé que la date de délivrance de cette expédition certifiée conforme est peu lisible (novembre 200... ).
Tout en communiquant désormais ce jugement supplétif, dont il conclut à raison qu'il se devait d'être communiqué en première instance, le ministère public ne présente pas d'observations sur la régularité de celui-ci, lequel déclare que le nommé [R] [U] est né le 29 janvier 1993, à [Localité 8], de [A] [U], et de [S] [U].
Les explications données par M. [U] quant à la production de ce jugement supplétif,
dans une instance antérieure, qui a effectivement donné lieu au refus de délivrance d'un certificat de nationalité française en 2011, ne rendent pas contradictoires tant la communication de ce jugement supplétif par le service du parquet, que l'attestation produite par le greffier en chef du tribunal d'instance de Bakel, le 11 septembre 2020, de sorte que c'est à tort que le ministère public fait état du fait que, soit l'attestation produite est apocryphe, soit le jugement supplétif l'est.
Il est justifié, postérieurement à ce jugement supplétif, daté du 6 octobre 1993, que, par ordonnance du 6 mai 2004, délivrée par le tribunal de Bakel, le prénom de Mme [U] a été rectifié, pour devenir [N].
Au regard de ces divers éléments, il n'est pas établi que M. [R] [U] ne présente pas un acte d'état civil fiable, au sens de l'article
47 du code civil.
* Sur le lien de filiation
Pour établir sa filiation avec M [A] [U] M. [R] [U] produit :
- un extrait certifié conforme, délivré le 6 décembre 2017 par le service d'état civil de [Localité 8], d'un acte de naissance de [A] [U], établi pour l'année 1989, avec numéro de registre 983, portant sur la naissance, en 1934, à [Localité 9], de [A] [U], né de [E] [U] et [M] [U], acte dressé au vu d'un jugement d'autorisation d'inscription (ex supplétif) délivré le 8 avril 1960, sous le numéro 258, par le juge de paix de Bakel, et inscrit le 26 octobre, sur les registres des actes de naissance de l'année 1989,
- un extrait certifié conforme, délivré le 6 décembre 2017, par le service d'état civil de [Localité 8], d'un acte de naissance de [N] [U], établi pour l'année 1992, avec numéro de registre 876, portant sur la naissance, en 1952, à [Localité 8], de [N] [U], née de [V] et de [G] [P], acte dressé au vu d'un jugement d'autorisation d'inscription (ex supplétif) délivré le 21 avril 1992, sous le numéro 486 041, par le juge de paix de Bakel, et inscrit le 12 juin sur les registres des actes de naissance de l'année 1992,
- la copie intégrale d 'acte de naissance, certifiée conforme le 22 février 2021, de [A] [U], né en 1934, de [E] [U] et [M] [U], acte dressé le 26 octobre 1989, sur la déclaration de jugement numéro 258, du 8 avril 1960, du tribunal de droit local de Bakel,
- le jugement supplétif d 'acte de l'état civil, établi le 8 avril 1960, par le tribunal de premier degré de Bakel, jugement numéro 258, supplétif d 'acte de naissance de [A] [U], sur les déclarations de deux témoins, établissant que [A] [U], cultivateur, domicilié à [Localité 9], est né en 1934, de [E] [U] et de [M] [U],
- la copie intégrale d'acte de naissance, certifiée conforme le 22 février 2021, de [N] [U], née en 1952, de [V] [U], et [G] [P], acte dressé le 12 juin 1992, sur la déclaration de jugement numéro 486 041 du 21 avril 1992 par le tribunal départemental de Bakel,
- une copie littérale, délivrée le 7 décembre 2017, par le centre de [Localité 8], d'acte de mariage, établi le 15 mai 1995, indiquant que [A] [U], né en 1934 à [Localité 9], et en résidence à cet endroit, exerçant la profession de cultivateur, s'est marié le 30 septembre 1968, avec [N] [U], née en 1952 à [Localité 8], demeurant à [Localité 9], exerçant la profession de ménagère, ledit acte visant un jugement numéro 1485 du 13 novembre 1970, rendu par la justice de paix de Bakel, rectifié suivant l'ordonnance numéro 38 du 12 mai 1998, par le tribunal départemental de Bakel, l'acte portant mention 'rect' suivant l'ordonnance 133 du 2 juin 2010, par le tribunal départemental de Bakel,
- une seconde copie littérale d'acte de mariage, délivrée le 19 février 2021, par le centre de [Localité 8], d'un acte de mariage numéro 65, de l'année 1995, qui indique que [A] [U] et [N] [U] ont comparu le 15 mai 1995, pour un mariage célébré le
30 septembre 1968, à [Localité 8], le dit acte visant le jugement numéro 1485 du 13 novembre
1970, rendu par la justice de paix de Bakel, rectifié suivant l'ordonnance numéro 38 du 12 mai 1998, par le tribunal départemental de Bakel,
- une attestation du greffier en chef du tribunal d'instance de Bakel, du 31 mars 2021, établissant que, compte tenu de la détérioration des archives de l'année 1998, le service du greffe n'est pas en mesure de délivrer une expédition de l'ordonnance numéro 38 qui serait rendue le 12 mai 1998, portant rectification de l'acte de mariage numéro 65 de l'année 1995, et concernant les époux [A] et [N] [U],
- l'expédition certifiée conforme, délivrée le 17 novembre 2021, par le greffier en chef du tribunal de Bakel, d'une ordonnance numéro 133, datée du 2 juin 2010, portant rectification d'un acte d'état civil, prononcée par le président du tribunal de Bakel, ordonnant à l'officier d'état civil du centre principal de [Localité 12], de procéder à la rectification de l'acte de mariage numéro 65 de l'année 1995 au nom des époux [A] et [N] [U], en ce que le jugement portant autorisation d'inscription du mariage a été tenu à l'audience du 13 novembre 1970, et non 11 novembre 1970. Cette ordonnance vise l'extrait d'acte de mariage numéro 65, de l'année 1995, du centre principal de [Localité 8], délivré le 15 avril 2010 par l'officier d'état civil du centre principal de [Localité 12] ( ex [Localité 8] ), le jugement d'autorisation d'inscription du mariage numéro 1485, rendu par le tribunal départemental de Bakel, le 13 novembre 1970, au nom des époux [A] et [N] [U],
- le duplicata du livret de famille de la famille [U], du centre d'état civil de [Localité 8] registre numéro 65, année 1995, portant mention :
* du mariage célébré le 30 septembre 1968, et constaté le 15 mai 1995, entre [A] [U] et [N] [U],
* des informations sur l'époux, [A] [U], né en 1934 à [Localité 9], département de Bakel, de [E] [U] et de [C] [U], exerçant la profession de cultivateur, étant domicilié à [Localité 9],
* des informations sur l'épouse, [N] [U], née en 1952 à [Localité 8] 'fils de ' [V] [U] et [G] [P], exerçant la profession de ménagère, et domiciliée à [Localité 9],
*la naissance de neuf enfants, entre 1969 et 1993, et notamment le dernier, [R], [U] né le 24 janvier 1993 à [Localité 13],
Il ressort de ces divers éléments d'une part que le mariage des parents de M. [U] est suffisament établi, au vu de l'expédition certifiée conforme, délivrée le 17 novembre 2021, par le greffier en chef du tribunal de Bakel, d'une ordonnance numéro 133, datée du 2 juin 2010, portant rectification d'un acte d'état civil, prononcée par le président du tribunal de Bakel, ordonnant à l'officier d'état civil du centre principal de [Localité 12], de procéder à la rectification de l'acte de mariage numéro 65 de l'année 1995, au nom des époux [A] et [N] [U], en ce que le jugement portant autorisation d'inscription du mariage a été tenu à l'audience du 13 novembre 1970, et non 11 novembre 1970, d'autre part que sa filiation est suffisament établie par les autres actes ou pièces ci-avant visés au nombre desquels le livret de famille.
* Sur la conservation de la nationalité française par [A] [U]
Le seul fait pour M. [A] [U] de disposer de deux certificats de nationalité française délivrés les 3 août 1971 par le tribunal d'instance de Marseille et le 16 décembre 1982 par le tribunal d'instance de Lyon ne suffit pas à établir sa nationalité.
En application de l'article
17-2 du code civil dans sa rédaction du 22 juillet 1993, l'acquisition et la perte de la nationalité française sont régies par la loi en vigueur au temps de l'acte ou du fait auquel la loi attache ses effets.
En l'espèce, le fait susceptible d'avoir fait perdre la nationalité française à [A] [U] est l'accession à l'indépendance d'un des anciens territoires d'outre-mer de la République française, le Sénégal, le 20 juin 1960.
Les conséquences sur la nationalité de l'accession à l'indépendance du Sénégal sont régies par la loi du 28 juillet 1960, et par le chapitre VII du titre 1er bis du livre premier du code de la nationalité.
La situation, au regard du droit français de la nationalité, des personnes nées au Sénégal en 1934, est régie par les dispositions du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 octobre 1945, qui prévoyait l'attribution de la nationalité française à l'enfant né sur le territoire de l'ancienne Afrique occidentale française, d'un père ou d'une mère française, ou étant également né sur ce territoire.
Au regard des éléments ci avant retenus, il apparaît que [A] [U], né au Sénégal, avait la nationalité française au moment de l'accession de l'indépendance du pays.
Ont conservé de plein droit la nationalité française à l'indépendance du Sénégal les français originaires de ce territoire, qui justifient avoir fixé à cette période leur domicile en France ou à l'étranger, le domicile s'entendant de la résidence effective, présentant un caractère stable et permanent, coïncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations professionnelles.
En l'espèce, à la date d'indépendance du Sénégal, le 20 juin 1960, [A] [U] résidait à [Localité 11], où il travaillait comme mécanicien, pour le compte d'une carrosserie, selon attestation de celle-ci, ce pour la période du 2 février 1960 au 12 décembre 1960.
A la lecture des deux certificats de nationalité française qui lui ont été délivrés, [A] [U] résidait à [Localité 11] en août 1971, puis à [Localité 10], en décembre 1982.
Il apparaît pour autant qu'hormis l'attestation de travail du 12 décembre 1960, pour un emploi d'aide mécanicien du 2 février 1960 au 12 décembre 1960, il n'est nullement justifié, par quelconque autre pièce, que [A] [U] ait eu domicile stable et permanent sur le territoire national, à la date d'indépendance du Sénégal, étant observé que les pièces ci-avant examinées établissent que ses attaches familiales étaient maintenues au Sénégal, où son mariage a eu lieu en 1968, et où sont nés, entre 1969 et 1993, ses neuf enfants.
A défaut d'établir avoir fixé de manière stable sa résidence en France, au moment de l'indépendance du Sénégal, il n'est pas établi que [A] [U] ait conservé la nationalité française, de sorte que M. [R] [U] ne peut se prévaloir de la transmission de celle-ci, par application des dispositions de l'article
18 du code civil.
Les dépens de la procédure, tant de première instance que d'appel, seront laissés à la charge de M. [R] [U].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l'appel, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré,
Constate que le récépissé prévu par l'article
1043 du code de procédure civile a été délivré,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit que M. [R] [U] n'est pas de nationalité française,
Ordonne la mention prévue par l'article
28 du code civil,
Condamne M. [U] aux entiers dépens recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
Signé par Isabelle Bordenave, présidente et par Sophie Peneaud, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE