AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Robert X..., demeurant à Croissanville (Calvados), en cassation d'un arrêt rendu le 8 novembre 1990 par la cour d'appel de Caen (1re chambres civile et commerciale), au profit de la Caisse régionale de crédit agricole du centre mutuel de la Normandie (CRCAM), dont le siège est ... de la Laujardière, Caen (Calvados), défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article
L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 7 octobre 1993, où étaient présents :
M. de Bouillane de Lacoste, président, MmeDelaroche, conseiller rapporteur, M. Fouret, conseiller, M. Lupi, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Delaroche, les observations de Me Foussard, avocat de M. X..., les conclusions de M. Lupi, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. Robert X... s'est porté, à l'égard de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du centre de la Normandie, caution de sept prêts consentis aux époux Jean-Pierre X... pour les besoins de leur exploitation agricole, s'échelonnant du 10 janvier 1974 au 2 avril 1982 ;
que les époux X... n'ayant pu tenir leurs engagements le Crédit agricole mutuel a réclamé à M. Robert X... la somme de 566 163,67 francs représentant le montant en principal restant dû sur ces divers prêts ; que celui-ci a opposé la nullité de ses propres engagements en invoquant, d'une part, le vice de son consentement dès lors que la banque avait accordé à son fils des prêts successifs en sachant qu'il était dans l'impossibilité de les honorer et, d'autre part, le non-respect de l'affectation du prêt à court terme, d'un montant de 380 000 francs, consenti le 3 avril 1981 ; que l'arrêt attaqué (Caen, 8 novembre 1990) a rejeté les moyens fondés sur le vice du consentement et la nullité des actes de cautionnement et a dit que le prêt de 380 000 francs devait être affecté au règlement des échéances en principal restant dues sur les prêts cautionnés par M. Robert X... à l'exclusion de tous autres ; qu'il a, en conséquence, invité les parties à rectifier leurs comptes en ce sens ;
Sur le deuxième moyen
, qui est préalable :
Attendu que M. Robert X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déclaré redevable du solde des impayés relatifs aux engagements portant sa signature, alors, selon le moyen, que, dans ses conclusions, il faisait valoir que le Crédit agricole mutuel avait commis une faute pour avoir soutenu artificiellement l'activité déficitaire de M. Jean-Pierre X... et concouru ainsi à l'insolvabilité de ce dernier ; qu'en omettant de se prononcer sur ce moyen, qui était de nature à modifier l'issue du litige, dès lors que la créance de dommages-intérêts pouvait se compenser avec les sommes dues par M. Robert X... au titre de ses cautionnements, les juges du fond ont entaché leur décision d'un défaut de réponse à conclusions ;
Mais attendu que la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées en retenant, par motifs adoptés, que, compte tenu de la durée respective des prêts et de leur montant, nullement excessif au regard d'une exploitation laitière de 67 hectares, les conditions d'octroi desdits prêts n'avaient pas été anormales de la part de la banque ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et
sur les premier et troisième moyens
réunis :
Attendu que M. X... fait aussi grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, en premier lieu, que lorsque le prêteur et l'emprunteur ont affecté le prêt à un certain usage, le cautionnement s'éteint par le seul fait de la non-affectation du prêt à l'usage auquel il était destiné ; d'où il suit qu'en déclarant M. Robert X... redevable du solde impayé du prêt de 380 000 francs, bien que, du fait du comportement du Crédit agricole mutuel, le cautionnement du prêt se fût éteint, la cour d'appel a violé les articles 1134, 2015, 2034 et suivants du Code civil ; et alors, en second lieu, que, réserve faite du cas où les parties se bornent à lui demander de statuer sur les principes de la liquidation, le juge est tenu, le cas échéant après avoir prescrit une mesure d'instruction, de fixer le montant de la créance ; d'où il suit qu'en renvoyant les parties à rectifier leurs comptes, l'arrêt a violé les articles
4 du Code civil et
12 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, s'agissant du prêt consenti le 3 avril 1981, dont elle a relevé qu'il était expressément destiné au remboursement des retards, la cour d'appel n'a fait que rechercher l'intention des parties contractantes, telle que M. Robert X... l'avait lui-même dégagée dans ses conclusions signifiées le 22 février 1990 ; que, dès lors, celui-ci n'est pas recevable à présenter un moyen contraire à ses propres écritures ; que, par ailleurs, la juridiction du second degré n'a pas refusé de juger dès lors qu'ayant énoncé les règles propres à trancher le litige, elle a invité les parties à s'y conformer dans l'établissement de leurs comptes ;
D'où il suit que ces moyens ne peuvent être accueillis ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., envers la CRCAM de Normandie, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-treize.