Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'Earl La Chapelle a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 8 décembre 2011 prononçant une déchéance partielle de ses droits au titre du contrat d'agriculture durable conclu le 28 avril 2006 et lui ordonnant le remboursement des aides perçues, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 14 avril 2012.
Par un jugement n° 1205859, 1305005 du 28 novembre 2014, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu'elle concernait les dispositions de l'arrêté du 8 décembre 2011 concernant l'action 2001C21.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 janvier et 11 décembre 2015, l'Earl La Chapelle, représentée par Me Plateaux, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du 28 novembre 2014 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 8 décembre 2011 prononçant une déchéance partielle de ses droits au titre du contrat d'agriculture durable conclu le 28 avril 2006 et lui ordonnant le remboursement des aides perçues, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le 14 avril 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros au titre de l'article
L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors qu'il ne comporte pas les mentions requises par les articles
R.741-7 du code de justice administrative, en particulier s'agissant de la signature de la minute du jugement par le président de la formation de jugement, par le rapporteur et par le greffier ;
- l'arrêté contesté est illégal dès lors qu'il est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière car contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison d'une visite domiciliaire effectuée sans l'accord préalable du juge judiciaire ; le contrôle sur place de ses locaux privatifs effectué sur le fondement de l'article 17.1 du règlement (CE) n°2419/2001 du 11 décembre 2001 constitue en effet une visite domiciliaire ;
- l'arrêté contesté a été pris sur le fondement de l'article 17.1 du règlement (CE) n°2419/2001 du 11 décembre 2001, lequel est entaché d'inconventionnalité car il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, les faits qui lui sont reprochés n'étant pas intentionnels et les dispositions applicables au contrat d'agriculture durable méconnaissant le principe de sécurité juridique.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2015, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par l'Earl La Chapelle n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) ;
- le règlement (CE) n° 2419/2001 de la Commission du 11 décembre 2001 portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires établies par le règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil ;
- le règlement (CE) 445/2002 de la Commission du 26 février 2002 portant modalités d'application du règlement (CE) 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 ;
- le décret n° 2003-675 du 22 juillet 2003 relatif aux contrats d'agriculture durable et modifiant le code rural ;
- l'arrêté du 30 octobre 2003 relatif aux aides accordées aux titulaires de contrats d'agriculture durable ;
- le code rural ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me Plateaux, avocat de l'Earl La Chapelle.
1. Considérant que l'Earl La Chapelle a souscrit, à effet du 1er mai 2006, un contrat d'agriculture durable d'une durée de cinq ans comportant, d'une part, l'action 2001C21 consistant à gérer de façon extensive 73,3 ha de prairies en contrepartie d'aides d'un montant annuel de 6 146,20 euros et, d'autre part, l'action 0101A09 consistant à réaliser des zones tampons herbeuses sur une surface de 0,29 ha de parcelles de prairies en contrepartie d'un montant annuel d'aide de 34,22 euros ; que des contrôles sur place ont été réalisés les 4 et 27 août 2010 par l'Agence de services et de paiement ; qu'à l'issue de ces contrôles le directeur départemental des territoires de Maine-et-Loire a informé l'Earl La Chapelle des anomalies constatées, par lettre contradictoire de fin d'instruction en date du 14 septembre 2011 ; que, par une décision du 8 décembre 2011, le préfet de Maine-et-Loire a, notamment, décidé la déchéance partielle des droits à aides de l'exploitante pour l'action 2001C21 ; que l'Earl a formé le 14 février 2012 un recours gracieux qui a été rejeté implicitement par le préfet de Maine-et-Loire ; qu'elle relève appel du jugement du 28 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en tant qu'elle concernait les dispositions de l'arrêté du 8 décembre 2011 relatives à l'action 2001C21 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article
R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée conformément aux dispositions précitées ; que la circonstance que l'ampliation du jugement notifiée à l'Earl La Chapelle ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;
Sur la légalité de l'arrêté du 8 décembre 2011 en tant qu'il prononce la déchéance partielle des droits de l'Earl La Chapelle pour l'action 2001C21 :
En ce qui concerne la régularité de la procédure de contrôle :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que si le droit au respect du domicile que ces stipulations protègent s'applique également, dans certaines circonstances, aux locaux professionnels où des personnes morales exercent leurs activités, il doit être concilié avec les finalités légitimes du contrôle, par les autorités publiques, du respect des règles qui s'imposent à ces personnes morales dans l'exercice de leurs activités professionnelles ; que le caractère proportionné de l'ingérence que constitue la mise en oeuvre, par une autorité publique, de ses pouvoirs de visite et de contrôle des locaux professionnels résulte de l'existence de garanties effectives et appropriées, compte tenu, pour chaque procédure, de l'ampleur et de la finalité de ces pouvoirs ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article
R.341-20 du code rural et de la pêche maritime, dans ses dispositions applicables aux contrats d'agriculture durable conclus avant la publication du décret n°2007-1261 du 21 aout 2007 : " Le respect des engagements prévus dans les contrats d'agriculture durable et des conditions fixées à l'article R.341-14 fait l'objet, à l'initiative du préfet, de contrôles sur pièces et sur place. Ces contrôles sont effectués par les services déconcentrés de l'Etat ou le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, dans les conditions prévues par les articles 59 à 61 du règlement (CE) n° 445/2002 du 26 février 2002 (...) " ; que selon l'article 59 de ce règlement : " 1. Les contrôles des demandes initiales d'adhésion à un régime et des demandes consécutives de paiement sont effectuées de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions requises pour l'octroi des soutiens. / Suivant la nature des mesures de soutien, les états membres définissent les méthodes et les moyens à utiliser pour leur contrôle ainsi que les personnes à contrôler. (...) 2. Les contrôles s'effectuent par le biais de contrôles administratifs et de contrôles sur place " et qu'aux termes de l'article 60 du même texte : " Le contrôle administratif est exhaustif et comporte des vérifications croisées avec, entre autres, dans tous les cas appropriés, les données du système intégré de gestion et de contrôle. Ces vérifications portent sur les parcelles et les animaux faisant l'objet d'une mesure de soutien afin d'éviter tout paiement injustifié de soutiens. Le respect des engagements de longue durée doit également être contrôlé. " ; qu'aux termes de l'article 61 de ce règlement : " Les contrôles sur place s'effectuent conformément au titre III du règlement (CE) n° 2419/201. Ils portent chaque année sur au moins 5% des bénéficiaires et couvrent l'ensemble des types de mesures de développement rural prévus dans des documents de programmation " ; que selon l'article 17-1 du règlement (CE) n°2419/2001 du 11 décembre 2001 : " Les contrôles sur place sont effectués de manière inopinée. Un préavis limité au strict nécessaire peut toutefois être donné, pour autant que cela ne nuise pas à l'objectif du contrôle. Ce préavis ne dépasse pas 48 heures, sauf dans des cas dûment justifiés (...) " ;
6. Considérant que les dispositions précitées permettent seulement aux contrôleurs relevant l'Agence de services et de paiement de pénétrer dans les locaux et sur les terrains des exploitants agricoles personnes physiques ou morales contrôlés aux heures ouvrables et en présence de l'exploitant ; que, dans l'hypothèse où l'exploitant ou son représentant ferait obstacle à l'exercice de leurs missions, les contrôleurs, qui ne disposent d'aucune possibilité de contrainte matérielle, peuvent seulement demander l'application des sanctions prévues par les textes ; que, dès lors, l'ampleur des pouvoirs de visite des locaux professionnels de l'Agence de services et de paiement et d'accès aux documents de toute nature qui s'y trouvent n'est pas telle que cette ingérence ne puisse être regardée comme proportionnée aux buts en vue desquels elle a été exercée qu'à la condition d'être préalablement autorisée par un juge ; que, par suite, la circonstance que le contrôle dont a fait l'objet l'Earl La Chapelle le 27 août 2010 n'a pas été autorisé par le juge judiciaire est sans incidence sur la régularité de la procédure de contrôle ;
En ce qui concerne la légalité interne :
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le moyen tiré par l'Earl La Chapelle de l'inconventionnalité du 1 de l'article 17 du règlement (CE) n°2419/2001 du 11 décembre 2001 précité en ce qu'il serait contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs ;
8. Considérant que l'Earl La Chapelle, qui ne conteste pas davantage en appel qu'en première instance la réalité des anomalies de surface relevées sur les îlots 3 et 4 lors du contrôle du 27 août 2010 ni l'absence de cahier d'enregistrement parcellaire des pratiques de fertilisation pour les deux premières années du contrat s'agissant de l'action 2001C21, circonstances au demeurant matériellement établies par les pièces du dossier, et qui a admis s'être méprise sur la façon de calculer les seuils à respecter, ne développe en appel, en se bornant à invoquer l'absence d'intentionnalité quant aux faits qui lui sont reprochés, aucune critique utile des motifs qui ont été retenus par les juges de première instance pour estimer que le préfet de Maine-et-Loire n'avait, en appliquant la sanction de déchéance litigieuse, pas fait une inexacte application des dispositions européennes et nationales applicables à l'espèce ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les termes de l'article 5 du contrat d'agriculture durable d'une durée de cinq ans souscrit par l'Earl La Chapelle avec le préfet de Maine-et-Loire et de son annexe II, qui sont dépourvus d'ambiguïté, sont suffisamment clairs et précis quant aux engagements pris par la société et quant aux conséquences de leur méconnaissance ; que le moyen tiré d'une prétendue violation du principe de sécurité juridique, qui n'est au demeurant pas étayé, ne peut dès lors qu'être écarté ;
10. Considérant, enfin, qu'en se bornant à indiquer qu'elle entend se référer à ses écritures déposées devant le tribunal administratif pour reprendre devant le juge d'appel les mêmes moyens que ceux développés en première instance, l'Earl la Chapelle ne met pas la cour en mesure d'apprécier les critiques qu'elle entend formuler à l'encontre du jugement attaqué ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Earl La Chapelle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que l'Earl La Chapelle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Earl La Chapelle est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Earl La Chapelle et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2016 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Lemoine, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 mars 2016.
Le rapporteur,
O. COIFFET
Le président,
I. PERROT
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00209