AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme UFB Locabail, dont le siège est ... (15ème), en cassation d'un arrêt rendu le 22 octobre 1992 par la cour d'appel de Versailles (12ème chambre), au profit :
1 ) de M. Michel X..., demeurant ... (Eure-et-Loir),
2 ) de la société anonyme Essor Fournil, dont le siège est 18, Louise Y..., à Vernouillet (Eure-et-Loire), défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article
L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 janvier 1995, où étaient présents : M. Nicot, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Leclercq, conseiller rapporteur, M. Vigneron, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Leclercq, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société UFB Locabail, de Me Barbey, avocat de M. X..., les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a commandé à la société Essor Fournil divers matériels et a obtenu leur financement de la société UFB Locabail (la société Locabail) par un contrat de contrat-bail ;
qu'invoquant des défaillances du matériel, M. X... a assigné les sociétés venderesse et bailleresse, pour se voir dégagée de ses obligations ;
que la cour d'appel a prononcé la résolution de la vente et la résiliation du contrat de crédit-bail ;
Sur le premier moyen
:
Vu l'article
1184 du Code civil ;
Attendu que pour débouter la société Locabail de sa demande en paiement de l'arriéré de loyers échus avant la résiliation dont elle avait réclamé le paiement, l'arrêt retient que dès lors que la résolution de la vente, qui a pour effet de remettre les choses au même état que si les obligations nées du contrat n'avaient jamais existé, a été prononcée, le crédit-preneur se trouve dispensé du paiement des loyers antérieurs qui avaient pour seule cause sa mise en jouissance des biens loués, laquelle est réputée n'être jamais intervenue ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le crédit-preneur, obtenant la résiliation du contrat de crédit-bail par l'effet de la résolution de la vente, est, sous réserve de l'application des clauses ayant pour objet de régler les conséquences d'une telle résiliation, dispensé du paiement des loyers seulement à compter du jour de sa demande judiciaire en résolution de la vente ;
Et
sur le second moyen
:
Vu l'article
1134 du Code civil ;
Attendu que pour débouter la société Locabail de sa demande en paiement d'une indemnité correspondant au montant des loyers à échoir, l'arrêt retient qu'il n'existe dans le contrat de crédit-bail consenti par la société Locabail à M. X..., aucune clause aménageant la résiliation dans l'hypothèse dont il s'agit en l'espèce et que la seule clause prévue à cet effet à l'article 10 de la convention stipulant une pénalité contractuelle, vise le cas d'une résiliation de plein droit à l'initiative du crédit-bailleur en cas notamment de non-paiement à l'échéance d'un terme de loyer ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'article 6 alinéa 2 du contrat de crédit-bail prévoit qu'en cas de résolution de la vente, le locataire restera redevable de tous les loyers prévus jusqu'à la fin de la période irrévocable de location, sous déduction des sommes que le crédit-bailleur pourrait recevoir du fournisseur en restitution du prix au titre de la résolution et d'un escompte de un pour cent pour toute anticipation de paiement par rapport au terme initialement prévu, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat ;
PAR CES MOTIFS
:
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Locabail de ses demandes et M. X... de ses demandes en remboursement de loyers formées contre la société Essor Fournil, l'arrêt rendu le 22 octobre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne M. X... et la société Essor Fournil, envers la société UFB Locabail, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Versailles, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du vingt et un février mil neuf cent quatre-vingt-quinze.