TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 20 avril 2017
3ème chambre 1ère section N° RG : 15/07463
Assignation du 11 mai 2015
DEMANDERESSE S.A.R.L. DJULA [...] 75006 PARIS représentée par Me Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617
DÉFENDERESSE S.A.R.L. CATHERINE T [...] des Arts 75006 PARIS représentée par Me Eric ALLIGNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2458
COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C, Vice-Présidente Julien RICHAUD, Juge Aurélie J. Juge assistée de Léa ASPREY, Greffier
DÉBATS À l'audience du 14 mars 2017 tenue en audience publique
JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort
FAITS ET PROCÉDURE
La société DJULA, créée en 1997, est spécialisée dans la création et la commercialisation de bijoux de haute joaillerie. Ses bijoux sont exposés notamment dans son show-room situé [...] et sont commercialisés dans les six magasins qu'elle exploite à Paris ainsi que dans différents points de vente en France et à l'étranger. Elle revendique des droits d'auteur sur deux bagues dites « articulées », c'est-à-dire composées de deux éléments épousant respectivement la première et la deuxième phalange d'un doigt, reliées entre eux par des chaînettes :
- Une bague dénommée « articulée croisée » référencée AM00610R, commercialisée depuis janvier 2013 ;- Une bague dénommée « articulée feuillage » référencée AM00746R, commercialisée depuis le mois de septembre 2013 ;
La S.A.R.L. CATHERINE T se présente comme une entreprise familiale dont les activités principales sont la vente de vêtements, livres et papeterie, gadgets, bijoux et accessoires. Elle exploite notamment un magasin à l'enseigne « Rose M » ouvert le 16 février 2015, situé au [...] Paris.
La société DJULA indique avoir constaté au mois de mars 2015 que la société CATHERINE TRAN commercialisait dans sa boutique « Rose M » deux bagues déclinées selon différents coloris (rose, or, argent) qui constitueraient selon elle la contrefaçon de ses bagues référencées AM00610R et AM00746R.
Après avoir fait réaliser un procès-verbal de constat d'achat le 16 mars 2015 elle a, par ordonnance du président du tribunal de grande instance de PARIS en date du 14 avril 2015, été autorisée à procéder à une saisie-contrefaçon dans le magasin « Rose-Marie ». Les opérations ont eu lieu le 15 avril 2015.
C'est dans ces conditions que par acte d'huissier en date du 11 mai 2015, la société DJULA a assigné la société CATHERINE TRAN devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droit d'auteur et concurrence déloyale et parasitaire.Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 août 2016, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens conformément à l'article
455 du code de procédure civile, la société DJULA demande au tribunal, au visa des livres I et III du code de la propriété intellectuelle, de l'article
1382 du code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire de :
- dire et juger qu'en important, en offrant à la vente et en commercialisant des bagues reprenant à l'identique les caractéristiques des bagues référencées AM0061 OR et AM00746R créées par la société DJULA, la société CATHERINE TRAN a commis des actes de contrefaçon en application des dispositions des articles
L. 122-4,
L.335-2 et
L.335-3 du code de la propriété intellectuelle,
- dire et juger, à titre subsidiaire, qu'indépendamment des actes de contrefaçon précités, en important, en offrant à la vente et en commercialisant en France des bagues référencées AM00610R et AM00746R créées par la société DJULA, sans que cela soit justifié par une quelconque nécessité technique ou autre, la société CATHERINE TRAN a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire,
En conséquence, - faire interdiction à la société CATHERINE TRAN d'importer, d'offrir à la vente, de promouvoir et/ou de commercialiser, de quelque façon que ce soit, des bagues qui reproduisent les bagues référencées AM0061 OR et AM00746R de la société DJULA, et ce sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir,
- ordonner en application de l'article
L.331-1-4 du code de la propriété intellectuelle, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard, à compter du 8ème jour suivant la signification du jugement à intervenir, que les bagues contrefaisantes soient rappelées des circuits commerciaux et détruites aux frais de la société CATHERINE TRAN,
- condamner la société CATHERINE TRAN à verser à la société DJULA :
* la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre
* la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre,
- ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues au choix de la société DJULA et aux frais avancés de la société CATHERINE TRAN sans que le coût global de chacune ces insertions ne puisse excéder la somme de 5.000 € HT,- condamner la société CATHERINE TRAN au paiement de la somme de 8 000 € en application de l'article
700 du code de procédure civile, outre les frais d'huissiers relatifs aux procès-verbaux de constat et de saisie-contrefaçon précités ;
- condamner la société CATHERINE TRAN aux entiers dépens de la procédure dont distraction au profit de Maître Pierre GREFFE, conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile ;
En réplique, dans ses dernières écritures signifiées par la voie électronique le 29 mai 2016, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens conformément à l'article
455 du code de procédure civile, la société CATHERINE TRANS demande au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
- débouter la S.A.R.L. DJULA en toutes ses demandes ;
- dire et juger que les deux modèles de bagues (AM00610R et AM00746R) revendiqués par la SARL DJULA ne remplissent pas les conditions d'une protection légale au titre des droits d'auteur, notamment en ce qu'ils ne présentent aucun caractère et combinaison originaux et distinctifs, et ce par rapport aux autres modèles déjà présents sur le marché du bijoux fantaisie ;
- dire et juger que l'absence d'originalité dans les deux produits revendiqués par le demandeur écarte, de ce fait, tout fondement à la présente action en contrefaçon introduite par la S.A.R.L. DJULA ;
- dire et juger que la S.A.R.L. DJULA n'apporte à aucun moment la preuve d'une concurrence déloyale et d'une faute du défendeur, ni d'un quelconque préjudice au soutien de ses accusations de concurrence déloyale, parasitisme et contrefaçon ;
- condamner reconventionnellement la S.A.R.L. DJULA au paiement de la somme de 5 000,00 euros à titre de justes dommages et intérêts compte tenu du caractère manifestement abusif de son action en contrefaçon ;
- condamner la S.A.R.L. DJULA à verser à la S.A.R.L. CATHERINE T pour la défense engagée par le défendeur, la somme de 4 000,00 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
-condamner la S.A.R.L. DJULA aux entiers dépens de la procédure.
- dire et juger que les préjudices subis par la S.A.R.L. DJULA doivent être réduits à de plus justes proportions, compte tenu de l'extrême précarité financière de la S.A.R.L. CATHERINE T.La clôture a été prononcée le 25 octobre 2016. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article
467 du code de procédure civile.
MOTIFS
1°) Sur la contrefaçon
• Sur l'originalité
La société Catherine TRAN prétend que la société DJULA n'est pas recevable à agir en contrefaçon de droit d'auteur faute d'originalité et de « distinctivité propre » (sic) des bagues revendiquées qui ne constitueraient qu'une déclinaison banale de « bagues dites articulées avec feuilles, volutes et diamants très à la mode et largement présentes aujourd'hui sur le marché du bijou fantaisie ».
La société DJULA répond qu'elle ne revendique pas de droit privatif sur le genre des bagues articulées mais sur une combinaison précise de caractéristiques qu'elle décrit dans ses écritures et qui ne se retrouve dans aucun des bijoux auxquels se réfère la défenderesse qui sont d'ailleurs tous postérieurs à la date de première commercialisation des créations invoquées.
Sur ce
En application de l'article
L 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. Et, en application de l'article
L 112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute œuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.
Dans ce cadre, si la protection d'une œuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole et le principe de la contradiction posé par l'article
16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques qui fondent l'atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l'absence d'originalité.À cet égard, si une combinaison d'éléments connus ou naturels n'est pas a priori exclue de la protection du droit d'auteur, encore faut-il que la description qui en est faite soit suffisamment précise pour limiter le monopole demandé à une combinaison déterminée opposable à tous sans l'étendre à un genre insusceptible d'appropriation.
La société DJULA définit en ces termes la combinaison de caractéristiques des bagues dont elle revendique la protection par le droit d* auteur :
- Pour la bague dénommée « articulée croisée » référencée AM00610 R :
« La forme générale de la bague est un modèle articulé composé de deux éléments épousant respectivement la première et la deuxième phalange, reliées entre eux par deux chainettes présentes d'une part et d'autre du doigt.
L'élément inférieur de la bague se compose d'une boucle s'étirant vers le bas de la phalange, et dont part une chainette des deux extrémités. Cette boucle est sertie de diamants, seul le dessous de l'anneau étant lisse.
L'élément supérieur de la bague se définit comme un motif complexe caractérisé par un entrelacement de trois boucles serties de diamants :
- La boucle principale est à la base de cet élément et s'étire vers le bas jusqu'à l'articulation reliant la première à la deuxième phalange.
- Deux boucles de taille inférieure viennent s'entrecroiser à cette boucle principale :
* Une première boucle part de la droite vers la gauche. d*une branche distincte et supérieure à la base de la boucle principale, et vient s'entrecroiser au niveau de la moitié de la boucle principale. Celle-ci se termine au niveau du croisement avec la boucle principale.
* Une deuxième boucle part de la gauche vers la droite pour venir s'enchevêtrer dans la grande boucle selon le même schéma que le précédent, les deux boucles de taille inférieure étant en effet symétriques.
- Les trois boucles composant ce deuxième élément sont serties de diamants sur la partie visible du doigt de la chainette gauche à la chainette droite.
Les deux éléments composant la bague articulée sont reliés entre eux par deux chaînettes disposées du côté gauche et du côté droit du doigt. Chaque chainette composée de maillons entrelacés comporte une pierre en son milieu. »- Pour la bague dénommée « articulée feuillage » référencée AM00746R7 :
« Cette bague se compose de deux éléments, épousant respectivement la première et la deuxième phalange, reliés entre eux de chaque côté par une chainette. L'impression globale résultant de cette combinaison est celle d'un feuillage s'enroulant autour du doigt.
Cette bague se caractérise par les éléments ornementaux suivants :
Le premier élément a vocation à se porter sur la première phalange. Il est composé d'un anneau disposant de trois ramifications :
- La ramification principale se situe au milieu et forme un anneau central complet, lisse et incurvé. De chaque côté de l'anneau central sont apposés six motifs de petite taille, représentant des feuilles, composés de diamants disposés symétriquement de part et d'autre de l'anneau.
- Les ramifications partant de la base gauche forment des motifs propres et sont symétriques, elles rejoignent la ramification centrale au dos de la bague pour ne former qu'un anneau. Les ramifications partant de bases opposées forment un demi-anneau couvrant ainsi la moitié droite du doigt. Du coté intérieur de ces structures sont reliés pour chacune d'elles quatre motifs, du côté extérieur de trois motifs et à l'extrémité d'un motif de feuilles en diamant respectant la même forme que ceux de l'anneau central.
- L'anneau central et la ramification se rejoignent à quatre endroits par le contact entre les extrémités de leurs feuilles. La ramification partant de la base droite de l'anneau suit le même enchainement que la précédente, ces deux parties étant symétriques.
La partie inférieure de la bague est composée d'un anneau ouvert, elle se porte à la deuxième phalange. Les deux extrémités de cet anneau ouvert sont identiques et consiste respectivement en sept motifs imitant la forme d'une feuille et composés de diamants, six étant apposés symétriquement de chaque côté de l'anneau, le septième le terminant.
Les deux éléments composant la bague articulée sont reliés entre eux par deux chaînettes disposées du côté gauche et du côté droit du doigt. Chaque chainette est composée de maillons entrelacés ainsi que d'une pierre retenue par les maillons en son milieu. »
La société DJULA livre ainsi une description purement technique qui découle de la stricte observation objective des bagues et est de ce fait étrangère à la caractérisation de son originalité faute de révéler les choix exprimant un parti pris esthétique et traduisant la personnalité de leur auteur. Alors qu'il n'est pas contesté que la forme générale de ces bagues articulées, constituées de deux éléments distincts reliésentre eux par une chaînette, appartient au fond commun de la joaillerie, rien ne permet de comprendre en quoi, pour la première, l'entrelacement de boucles de tailles différentes apposées de manière symétrique sur chacun des deux éléments et, pour la seconde, le jeu de rameaux feuillus s'enroulant autour du doigt sont le fruit d'un choix arbitraire de l'auteur et portent l'empreinte de sa personnalité, sans se réduire à la reprise d'une association banale appartenant aux codes habituels de la joaillerie, la demanderesse se contentant à ce sujet d'affirmer que ses deux bagues sont d'une « indéniable originalité » et présentent « une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique » sans expliciter celui-ci.
En conséquence, à défaut d'explicitation de l'originalité de la combinaison revendiquée, les bagues sont insusceptibles de protection par le droit d'auteur. Il n'importe pas à cet égard que les exemples de bagues auxquelles se réfère la défenderesse pour dénier l'originalité aux bijoux invoqués d'une part ne présentent pas la même combinaison d'éléments ornementaux et d'autre part procèdent de captures d'écran dépourvues de date certaine et donc de valeur probante dès lors que la nouveauté étant une notion inopérante en droit d'auteur. Les demandes de la société DJULA au titre de la contrefaçon de ses droits d'auteur sont intégralement irrecevables pour défaut de qualité à agir conformément aux articles
31,
32 et
122 du code de procédure civile.
2°) Sur la demande subsidiaire au titre de la concurrence déloyale et parasitaire
À titre subsidiaire, la société DJULA fait valoir que la société CATHERINE TRAN s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale en commercialisant des bagues qui constituent la copie servile des siennes sans que cela ne soit justifié par des impératifs techniques. Elle soutient que le caractère servile de la copie crée nécessairement un risque de confusion dans l'esprit du public, et à tout le moins un lien dans l'esprit du consommateur, ce qui procède d'une volonté de profiter du succès commercial remporté par ces bijoux, peu importe que les produits ne soient pas façonnés dans les mêmes matériaux ni vendus au même prix. Elle ajoute que la société CATHERINE TRAN, en copiant et faisant fabriquer à moindre coût, des bagues identiques à celles vendues par la société DJULA a économisé les coûts inhérents à la commercialisation d'un nouveau produit, ce qui caractérise la concurrence déloyale. Elle ajoute que la société CATHERINE TRAN s'est approprié indûment le succès commercial et les bénéfices des investissements importants notamment publicitaires, exposés par la société DJULA.
En réponse, la société CATHERINE TRAN conteste l'existence d'un risque de confusion entre les produits au vu de la différence de prix et de l'absence d'apposition de la marque DJULA sur les bagues litigieuses. Elle ajoute qu'il n'est pas démontré que la marque DJULA bénéficie d'une quelconque notoriété et que la société DJULAn'apporte pas la preuve « d'efforts intellectuels fournis au cours de la création originale de ces deux bagues » qui sont, selon elle, similaires à celles commercialisées concomitamment par d'autres sociétés.
Sur ce
En vertu des dispositions des articles
1240 et
1241 du code civil (anciennement 1382 et 1383), tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu ’ il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.
L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.
Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir- faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.
Les éléments dont la reprise ou l'imitation est invoquée par la demanderesse ne sont l'objet d'aucun droit privatif à son bénéfice : dans un contexte de libre concurrence, ils sont libres de droit et peuvent être utilisés dans le commerce sans entrave sauf faute démontrée générant un risque de confusion ou captation indue d'investissements prouvée.
Selon le K Bis de la société CATHERINE TRAN, celle-ci a pour activité principale, outre la vente de vêtements, accessoires, librairie, cadeaux », celle de « vente de bijoux » et de « fabrication, importation, vente ou achat d'ouvrages en métaux précieux, de doublage ou placage d'or, de l'argent ou de platine ». La société DJULA est spécialisée dans la création et la commercialisation de bijoux de haute joaillerie. Aussi les parties sont-elles, contrairement à ce que tente de faire accroire la société CATHERINE TRAN qui persiste à se présenter comme une petite société familiale intervenant depuis peu sur lemarché des bijoux uniquement fantaisie, et non sur celui de la joaillerie, en situation de concurrence directe et donc susceptibles de s'adresser à une même clientèle, même si en l'espèce les produits en cause sont de gammes différentes.
L'examen comparatif des bagues de la société DJULA avec celles commercialisées par la société CATHERINE TRAN démontre que les secondes constituent la copie servile des premières dont elles ne se distinguent que par la piètre qualité des matériaux employés en comparaison avec l'or et les diamants utilisés pour façonner les bagues DJULA. Si néanmoins, tout risque de confusion est écarté de ce fait, les produits en cause étant par évidence vendus à des prix en rien comparables ( autour de 3000 € pour les premières contre une trentaine d'euros pour les secondes), le bagues incriminées sont bien, du fait du caractère servile de la copie, de nature à évoquer dans l'esprit du public les bagues de la société DJULA, qui ont fait l'objet d'importants investissements publicitaires, démontrés par la pièce 3 de la demanderesse, ainsi que de parutions dans la presse grand public (magazine GRAZIA ou DREAMS MAGAZINE) et ont rencontré un succès commercial avéré, comme en témoigne le chiffre d'affaire réalisé par la société DJULA sur ces deux références, à hauteur de près de 200 000 € HT en deux ans.
De plus, en choisissant de commander auprès d'un fournisseur chinois et d'importer sur le territoire français des bijoux fantaisie reproduisant à l'identique les bagues de la société DJULA, la société CATHERINE TRAN a économisé les coûts nécessaires à la création et à la promotion d'un nouveau produit et a indûment profité des investissements publicitaires exposés par la demanderesse pour promouvoir ses bijoux. Ces agissements sont donc constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire
Il en résulte pour la société DJULA une banalisation de ces bijoux et, en raison de la piètre qualité des copies vendues, une atteinte à son image de marque, démontrée notamment par l'importante revue de presse produite aux débats. Au vu du nombre de copies importées de Chine par la défenderesse, qui s'élève à 145 ainsi qu'il résulte du procès-verbal de saisie contrefaçon du 15 avril 2015, il sera alloué à la société DJULA en réparation la somme de 7000 € de dommages et intérêts.
Il sera également fait droit à la demande d'interdiction et de destruction dans les conditions précisées au dispositif. Le préjudice subi par la société DJULA étant intégralement réparé par les dommages et intérêts octroyés, il n'y a pas lieu d'ordonner la publication du présent jugement.
3°) sur la demande de procédure abusiveLa société CATHERINE TRAN ayant été reconnue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société DJULA, sa demande au titre de la procédure abusive sera rejetée.
4°) Sur les demandes accessoires
Succombant au litige, la société CATHERINE TRAN, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer à la société DJULA la somme de 4 000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile, outre le coût du constat d'huissier du 16 mars 2015 et celui de la saisie-contrefaçon du 15 avril 2015 ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.
L'exécution provisoire sera ordonnée.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort et,
Déclare irrecevable l'intégralité des demandes de la société DJULA au titre de la contrefaçon de droits d'auteur ;
Dit qu'en important et en commercialisant des bagues constituant la copie servile des bagues référencées AM00610R et AM00746R vendues par la société DJULA, la société CATHERINE TRAN a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire.
Condamne la société CATHERINE TRAN à payer à la société DJULA la somme de SEPT MILLE euros (7000 €) de dommages et intérêts,
Fait interdiction à la société CATHERINE TRAN d'importer et de commercialiser, de quelque façon que ce soit, des bagues reproduisant les caractéristiques des bagues référencées AM00610R et AM00746R de la société DJULA, et ce sous astreinte de 150 euros par produit passé un délai de 8 jours à compter de la signification de la présente décision et l'astreinte courant sur un délai de 3 mois,
Ordonne la destruction une fois le présent jugement devenu définitif, aux frais de la société CATHERINE TRAN, sous contrôle d'un huissier de justice, du stock des bagues litigieuses,
Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes,
Rejette la demande de publication du jugement,
Rejette les demandes présentées par la société CATHERINE TRAN au titre de la procédure abusive et au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;Condamne la société CATHERINE TRAN à payer à la société DJULA la somme de QUATRE MILLE euros (4 000 €) en application de 1*article
700 du code de procédure civile outre le coût du constat d'huissier du 16 mars 2015 et celui de la saisie-contrefaçon du 15 avril 2015 ;
Condamne la société CATHERINE TRAN à supporter les entiers dépens de 1*instance qui pourront être recouvrés directement par Maître P GREFFE dans les conditions de l'article
699 du code de procédure civile ;
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.