Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... Sangaso Ayabwawe et Mme Belle Biche Koyenyi Djamba, agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux des enfants B... R... Ngakale, T... V... Koyenyi et Dalinah Sangaso, ont demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler la décision implicite née le 25 avril 2019 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre la décision du 28 décembre 2018 de l'ambassadeur de France en République Démocratique du Congo rejetant les demandes de visas de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié de Mme G... et des enfants B... R... Ngakale, T... V... Koyenyi et Dalinah Sangaso, et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer leurs demandes dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte.
Par un jugement no 1907855 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle a rejeté la demande de visa présentée par Mme G..., a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, le visa de long séjour sollicité par Mme G... et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 mars 2020, M. F... Sangaso Ayabwawe et Mme Belle Biche Koyenyi Djamba, agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux des enfants B... R... Ngakale, T... V... Koyenyi et Dalinah Sangaso, représentés par Me Régent, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande concernant les enfants B... R... Ngakale, T... V... Koyenyi et Dalinah Sangaso ;
2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne les jeunes B... R... Ngakale, T... V... Koyenyi et Dalinah Sangaso ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités, à défaut, de réexaminer les demandes de visa, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au profit de Me Régent en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France méconnaît les dispositions de l'article
L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur d'appréciation quant à la réalité des liens familiaux ;
- en tout état de cause, la filiation est établie par la possession d'état ;
- la décision contestée porte atteinte aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ces stipulations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire du 24 mai 2021, M. Sangaso Ayabwawe et Mme Belle Biche Koyenyi Djamba ont informé la cour du décès de la jeune Dalinah Sangaso, survenu le 7 mai 2021. Ils déclarent se désister purement et simplement des conclusions de leur requête en tant qu'elle concerne la défunte W... R...se.
Par une décision du 11 juin 2020, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nantes a accordé à M. Sangaso Ayabwawe le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret no 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bréchot,
- et les observations de Me Lechat-Blin, représentant M. Sangaso Ayabwawe et Mme G....
Considérant ce qui suit
:
1. M. Sangaso Ayabwawe, ressortissant congolais (RDC) né le 5 juillet 1980 à Abumombaza (Zaïre), s'est vu reconnaître la qualité de réfugié par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 21 avril 2015. Son épouse, Mme G..., née le 25 novembre 1982 à Matadi (Zaïre), ainsi que leurs enfants allégués, B... R... Ngakale, T... V... Koyenyi et Dalinah Sangaso, nées, respectivement, le 3 avril 2007, le 8 mars 2009 et le 30 juin 2010 à Kinshasa (République démocratique du Congo), ont sollicité la délivrance de visas de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié. Par une décision du 28 décembre 2018, l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo a rejeté leurs demandes. Par une décision implicite née le 25 avril 2019, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision. Par un jugement du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours en tant qu'elle concerne Mme G... et a rejeté le surplus des conclusions de leur demande relatives aux trois enfants. M. I... et Mme G... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Sur le désistement partiel :
2. Si, dans leur requête, M. Sangaso Ayabwawe et Mme G... ont demandé l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne la jeune Dalinah Sangaso, décédée en cours d'instance, ils ont dans leur mémoire enregistré le 24 mai 2021, expressément abandonné ces conclusions. Dès lors, il y a lieu pour la cour de ne statuer que sur les conclusions présentées contre cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne les jeunes B... M... et T... R... O....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article
L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint (...) / / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / II. - (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article
311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) ".
4. Aux termes de l'article
L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article
47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article
47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
5. Il ressort du courrier du 24 mai 2019 par lequel la commission de recours a communiqué les motifs de sa décision implicite à M. Sangaso Ayabwawe, que les visas sollicités ont été refusés au motif qu'en l'absence de caractère probant des actes de naissance des intéressées, révélant une intention frauduleuse, leur identité ainsi que leur lien familial à l'égard de M. J... ne sont pas établis.
6. Pour justifier du lien de filiation allégué de B... et T... à l'égard de M. Sangaso Ayabwawe, ont été produits un jugement supplétif rendu le 14 juin 2017 par le tribunal pour enfants K... ainsi que les actes de naissance des intéressées dressés sur transcription de ce jugement, le 25 juillet 2017, au bureau principal de l'état-civil de Matete (Kinshasa). Il est vrai, comme le ministre le fait valoir en défense, que les faits qui sont relatés dans ces actes de naissance diffèrent substantiellement des déclarations faites par M. J... à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) concernant ses trois enfants, ainsi qu'il résulte d'un courrier du 31 octobre 2016 de l'OFPRA adressé au bureau des familles de réfugiés de la sous-direction des visas, qui indiquent que " Grace V... Yamba ", et non B... M..., est née le 2 avril 2005 et non le 3 avril 2007, que T... R... O... est née le 15 mars 2008 et non le 8 mars 2009, enfin que W... est née le 30 juin 2009 et non le 30 juin 2010. Toutefois, à elles seules, ces erreurs dans les déclarations faites par M. J... au sujet de ses enfants auprès de l'OFPRA, que le requérant explique par l'état traumatique dans lequel il se trouvait en arrivant en France ainsi que par l'absence d'acte d'état civil dressé à l'occasion de la naissance de ses filles, ne suffisent pas à établir que les actes de naissance dressés sur transcription du jugement supplétif du 14 juin 2017 seraient dépourvus de caractère probant.
7. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, en fondant sa décision sur le motif précité, a fait une inexacte application des dispositions de l'article
L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. J... et Mme G... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus des conclusions de leur demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne leurs enfants B... et T....
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt implique, eu égard au motif qui le fonde, que le ministre de l'intérieur fasse droit aux demandes de visa présentées pour les jeunes B... et T.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités par B... M... et T... R... O... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
10. M. J... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me C... de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de M. J... et Mme G... tendant à l'annulation du jugement du 16 janvier 2020 du tribunal administratif de Nantes et de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, ainsi que de leurs conclusions à fin d'injonction, en tant qu'elles concernent la défunte H....
Article 2 : Le jugement du 16 janvier 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. J... et Mme G... tendant, d'une part, à l'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en ce qu'elle refuse de délivrer à B... M... et T... R... O... des visas d'entrée et de long séjour, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de leur délivrer les visas sollicités.
Article 3 : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée en tant qu'elle refuse la délivrance de visas d'entrée et de long séjour à B... M... et T... R... O....
Article 4 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à B... R... Ngakale et T... V... O... les visas d'entrée et de long séjour sollicités, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : L'État versera à Me C... une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 6 : Le surplus des conclusions de M. J... et de Mme G... est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... Sangaso Ayabwawe, à Mme A... L... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de la formation de jugement,
- M. Frank, premier conseiller,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juillet 2021.
Le rapporteur,
F.-X. BréchotLa présidente,
C. Buffet
La greffière,
C. Popsé
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 20NT00902