CIV.3
CGA
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 décembre 2016
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 1418 F-D
Pourvoi n° H 15-22.583
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
Statuant sur le pourvoi formé par
:
1°/ M. [U] [S], domicilié [Adresse 4],
2°/ la société [Adresse 8], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5],
contre l'arrêt rendu le 29 mai 2015 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [N] [L], domicilié [Adresse 3],
2°/ à la société [T], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 6],
3°/ au syndicat des copropriétaires [Adresse 7], dont le siège est [Adresse 1], pris en la personne de son syndic la société Agence Clémenceau, domicilié [Adresse 2],
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 novembre 2016, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, Mme Masson-Daum, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [S] et de la société [Adresse 8], de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. [L], de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société [T], de la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat du syndicat des copropriétaires [Adresse 7], et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen
unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 29 mai 2015), que la SCI [Adresse 8] et M. [S], copropriétaires de lots dans le bâtiment A d'un immeuble en copropriété, ont obtenu, par délibération de l'assemblée générale des copropriétaires [Adresse 7] (le syndicat des copropriétaires) du 12 décembre 2005, réitérée le 19 décembre 2008, l'autorisation d'affouiller le sol d'un terrain affecté à la jouissance exclusive du bâtiment A pour y construire une piscine ; que M. [L], copropriétaire de deux lots dans un autre bâtiment de cet immeuble, se plaignant de l'empiétement de la piscine sur le jardin affecté à son usage privatif, a assigné la SCI [Adresse 8], M. [S] et le syndicat des copropriétaires en annulation de la délibération de l'assemblée générale du 19 décembre 2008 et démolition de la piscine par les deux premiers ;
Attendu que la SCI [Adresse 8] et M. [S] font grief à
l'arrêt d'accueillir cette demande ;
Mais attendu
, d'une part, que, la SCI [Adresse 8] et M. [S] n'ayant pas soutenu dans leurs conclusions d'appel que l'ouvrage, ayant été réalisé en conformité avec l'autorisation donnée par l'assemblée générale, ne pouvait être démoli, le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que, si un droit de jouissance exclusive sur des parties communes n'est pas un droit de propriété, le titulaire de ce droit réel et perpétuel a qualité et intérêt à assurer la défense en justice, sur le fondement de l'article 15 de la loi du 10 juillet 1965, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu, sans dénaturation du procès-verbal d'assemblée générale du 10 mai 1996, en déduire que l'empiétement, qu'elle constatait, de la piscine sur le jardin affecté à l'usage privatif de M. [L] justifiait sa démolition, la remise des lieux dans leur état antérieur et l'allocation de dommages et intérêts à celui-ci ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI [Adresse 8] et M. [S] aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI [Adresse 8] et M. [S] et les condamne à payer au syndicat des copropriétaires [Adresse 7] la somme de 1 500 euros, à la SCP [T] la somme de 1 500 euros, à M. [L] la somme de 1 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [S] et la société [Adresse 8]
Ce moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné sous astreinte M. [U] [S] et la SCI [Adresse 8] à procéder à la démolition de la partie de la piscine et de ses équipements par eux construits sur le terrain affecté à l'usage exclusif de leurs lots et empiétant sur le terrain affecté à l'usage exclusif du lot 18 dont M. [L] est propriétaire, sur la base de la délimitation proposée par M. [K] en annexe 1 de son rapport, à la remise en état des lieux et à payer à M. [L] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS que le lot litigieux a été attribué à M. [L] pour une superficie de 978 m2 et que les plans de la copropriété établis le 13 juin 1966 par M. [Z] constituent un document de référence définissant la limite entre les lots, que l'expertise confiée à M. [B], choisi unilatéralement par M. [L] en 2006, a conclu que l'emprise de la piscine débordait sur le jardin attribué en jouissance exclusive au lot 18,
que pour contredire ces conclusions claires, il est opposé un plan de masse dressé par M. [T] qui aurait été approuvé par une assemblée générale du 15 octobre 1999 et que M. [B] n'a pas analysé,
que ce plan est présenté dans cette délibération comme permettant d'entériner des accords intervenus au cours d'une assemblée générale du 10 mai 1996 en septième résolution, que cette septième résolution visait à l'approbation du plan définitif de circulation à l'intérieur de la copropriété sans citer expressément le rédacteur de ce plan, que la question relative à la sixième résolution et portant approbation de la scission de la copropriété avec modificatif du règlement et de l'état descriptif a été retirée de l'ordre du jour de sorte qu'il n'est justifié d'aucune force probante de l'existence d'un droit contraire à celui résultant de la création de la copropriété,
que dès lors l'allégation d'empiétement ne peut être écartée par une simple référence à une résolution entérinant un plan dont l'objet est évoqué par renvoi à la résolution d'une autre assemblée générale, elle-même imprécise et votée à des fins étrangères à l'objet du litige, la Cour a ordonné une expertise aux fins de rechercher les limites actuelles des lots remis en jouissance exclusive aux parties et situer exactement au regard de ces limites l'emplacement de la piscine litigieuse.
Après avoir procédé à un relevé de l'état des lieux et analysé le règlement de copropriété et l'état descriptif de division du 13 juin 1966, les procès-verbaux des assemblées générales des 12 décembre 2005, 10 mai 1996 et 15 octobre 1999, le titre de propriété de M. [L], le plan d'origine dressé par M. [Z] le 13 juin 1966, la note explicative communiquée par le cabinet [T] et le plan de projet d'agrandissement du terrain affecté en jouissance exclusive au bâtiment A, l'expert judiciaire a relevé :
qu'il n'a été procédé à aucun bornage initial en sorte que les limites périmétriques définies au plan [Z] s'appuient soit sur des clôtures et murs existants à l'époque, soit sur une simple application des limites cadastrales, sans garantie aucune de contenance, étant cependant constaté qu'à l'intérieur du périmètre de la copropriété, les limites entre lots étaient parfaitement cotées, spécialement pour la façade nord du lot 18 mentionnée à 4 m de la partie ouest de la façade nord de la construction existante, comme pour la largeur de 18 m mentionnée pour le terrain à jouissance exclusive du bâtiment A,
que le règlement de copropriété, faisant référence au plan [Z], décrit le lot 18 comme comprenant la totalité du bâtiment C (garage, logement et dépendances donnant côté est sur les parties communes et côté nord, sud et ouest sur un jardin affecté en jouissance exclusive) d'une superficie totale d'environ 978 m2,
que l'ordre du jour et la délibération n° 7 de l'assemblée générale du 10 mai 1996 n'évoquent pas la question d'une modification de la consistance des jardins à jouissance exclusive
que la délibération n° 6 de l'assemblée générale du 15 octobre 1999 emporte approbation du plan de masse [T] en vue d'entériner des accords consacrés par une septième résolution de l'assemblée générale du 10 mai 1996 qui n'abordait pas l'éventualité d'une modification de la consistance des jardins en jouissance exclusive,
que la résolution n° 2 de l'assemblée générale du 12 décembre 2005 autorisant, à la majorité de l'article 26, M. [S] et la SCI [Adresse 8] à effectuer à leurs frais exclusifs les travaux d'affouillement du sol pour réaliser la construction d'une piscine sur le terrain à jouissance privative du bâtiment A situé devant celui-ci, selon plan [T] - ci-joint, aurait pour effet d'agrandir le terrain à jouissance exclusive du bâtiment A d'une bande de 3 m de large environ à prendre sur le jardin à jouissance exclusive du lot 18,
que cependant l'article 26 de la loi du 10 janvier 1965 dispose que l'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété,
qu'il en résulte que les limites actuelles des lots remis en jouissance exclusive aux parties sont celles du plan de M. [Z] et qu'au regard de ces limites, l'emplacement de la piscine litigieuse empiète sur le jardin à jouissance exclusive du lot 18, sur une surface de 25 m2.
Il est constant :
que dans la configuration d'origine telle que déterminée par les documents constitutifs de. la copropriété (règlement de copropriété, état descriptif de division, plan [Z] y annexé), la bande de terrain affectée à l'usage exclusif du titulaire du lot 18 s'étendait, selon un tracé rectiligne, le long du mur de façade nord du bâtiment implanté sur l'assiette de, ce lot, avec une largeur maximale de 4 m au droit du décrochement de ce mur,
qu'il n'est ni soutenu ni établi que ce mur de façade aurait été déplacé et/ou modifié en sorte qu'il constitue un point de référence objectif et intangible pour la détermination de la limite entre les zones à usage exclusif contiguës litigieuses, la circonstance que M. [L] eut "annexé" une bande de terre située à l'opposé de son bâtiment étant à cet égard sans incidence,
que l'emprise de la piscine construite par les propriétaires du lot 19 se situe pour partie à l'intérieur de la bande de terrain affectée à l'usage exclusif du lot 18 telle que déterminée
par les documents constitutifs de la copropriété.
Or, il n'est pas justifié d'une décision de l'assemblée générale de la copropriété réduisant l'assiette du terrain affecté à l'usage exclusif du lot 18 ni d'une renonciation univoque du titulaire dudit lot à ses droits, étant considéré :
qu'il résulte des termes mêmes des procès-verbaux de délibération correspondants que "l'approbation" du plan [T] (sur lequel la largeur de la bande de terrain affectée à l'usage exclusif du lot 18 est réduite) par l'assemblée générale de la copropriété du 15 octobre 1999 a été adoptée afin d'entériner les accords intervenus au cours de l'assemblée générale du 10 mai 1996 en septième résolution,
que cette septième résolution emportait seulement approbation du plan du sens de circulation à l'intérieur de la copropriété,
que la sixième résolution mentionnée à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 10 mai 1996 (qui prévoyait l'approbation de la scission de la copropriété avec modification du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division) a été retirée de l'ordre du jour,
que l'approbation du plan [T] par l'assemblée générale du 15 octobre 2009 doit donc s'analyser au regard de l'objet de cette résolution, étranger à la détermination des superficies des terrains affectés à la jouissance exclusive des lots 18 et 19 et ne peut, à défaut de tout élément clair et univoque en ce sens, emporter modification de ces superficies,
que la mise en place d'une clôture dont l'antériorité à la construction de la piscine n'est pas établie ne peut constituer une preuve suffisante d'une renonciation non équivoque de M. [L] aux droits résultant de la création de la copropriété ;
ALORS QU'en statuant ainsi, après avoir constaté que les travaux litigieux avaient été autorisés par deux décisions définitives de l'assemblée générale statuant à la majorité de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965, sans préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel a violé l'article
12 du code de procédure civile ;
ALORS QUE l'autorisation de travaux donnée par l'assemblée générale à la majorité prévue à l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 le 12 décembre 2005 et réitérée le 19 décembre 2008 a conféré, après exécution des travaux autorisés, un droit acquis aux copropriétaires bénéficiaires, si bien qu'en condamnant ces derniers à démolir l'ouvrage réalisé conformément à l'autorisation et à remettre les lieux en leur état antérieur la cour d'appel a violé l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 ;
ALORS QU'il résulte des constatations des juges du fond que les travaux de construction de la piscine avaient été autorisés par deux délibérations définitives de l'assemblée générale de la copropriété, qu'en ordonnant la démolition de l'ouvrage et la remise des lieux en leur état antérieur sans se prononcer sur la conformité des travaux réalisés avec l'autorisation donnée à la majorité de l'article 26, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 ;
ALORS QU'en retenant "qu'il résulte des termes mêmes des procès-verbaux de délibération correspondants que "l'approbation" du plan [T] (sur lequel la largeur de la bande de terrain affectée à l'usage exclusif du lot 18 est réduite) par l'assemblée générale de la copropriété du 15 octobre 1999 a été adoptée afin d'entériner les accords intervenus au cours de l'assemblée générale du 10 mai 1996 en septième résolution, que cette septième résolution emportait seulement approbation du plan du sens de circulation à l'intérieur de la copropriété" quand la septième résolution de l'assemblée du 10 mai 1996 comportait aussi la demande "au syndic d'imputer aux copropriétaires concernés du bâtiment A, le coût de l'entretien du jardin privatif, y compris la future extension mentionnée en 10ème question c)", la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal de l'assemblée générale du 10 mai 1996, violant ainsi l'article
1134 du code civil.