Cour administrative d'appel de Paris, 1ère Chambre, 1 octobre 2020, 19PA01763

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
  • Numéro d'affaire :
    19PA01763
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000042392415
  • Rapporteur : M. François DORE
  • Rapporteur public :
    Mme GUILLOTEAU
  • Président : M. LAPOUZADE
  • Avocat(s) : SELARL BAZIN & CAZELLES
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Chronologie de l'affaire

Conseil d'État
2022-04-07
Cour administrative d'appel de Paris
2020-10-01

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : Mme G... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 mars 2017 par lequel le maire de Lagny-sur-Marne lui a infligé un blâme et de condamner la commune de Lagny-sur-Marne à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de dommages-intérêts pour sanction vexatoire. Mme G... a également demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 juin 2017 par lequel le maire de Lagny-sur-Marne a rejeté sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre et l'a placée en congé maladie ordinaire du 19 janvier au 31 mars 2017, ainsi que l'arrêté en date du 31 juillet 2017 par lequel il a rejeté sa demande de congé de longue maladie à compter du 3 janvier 2017. Par un jugement nos 1703079 et 1706857 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Melun a annulé les arrêtés en date des 20 juin et 31 juillet 2017, enjoint au maire de la commune de Lagny-sur-Marne de procéder à la reconnaissance de l'imputabilité au service des pathologies de Mme G..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 28 mai 2019 et des mémoires enregistrés les 10 juin et 24 juillet 2020, la commune de Lagny-sur-Marne, représentée par Me B..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement nos 1703079 et 1706857 du tribunal administratif de Melun en date du 28 mars 2019 en tant qu'il a annulé les arrêtés en date des 20 juin et 31 juillet 2017 et qu'il lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service des pathologies de Mme G... ; 2°) de rejeter les conclusions présentées en première instance par Mme G... et tendant à l'annulation des arrêtés des 20 juin et 31 juillet 2017 ; 3°) de mettre à la charge de Mme G... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune de Lagny-sur-Marne soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la minute du jugement n'est pas signée en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative et qu'il n'est pas suffisamment motivé ; - c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la fin de non-recevoir qu'elle avait opposée ; les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 juillet 2017 étaient irrecevables, cette décision n'ayant pas un lien suffisant avec l'arrêté du 20 juin 2017 également contesté ; - le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit, les premiers juges ayant estimé que l'administration était liée par l'avis de la commission de réforme ; - il ne ressort pas des pièces médicales du dossier que l'état anxio-dépressif de l'intéressée est en lien avec des difficultés professionnelles ; - les conditions de travail de Mme G... n'étaient pas de nature à susciter le développement de la maladie en cause ; en particulier, aucune surcharge de travail ou situation de harcèlement n'est démontrée ; - un fait personnel de Mme G... permet de détacher la survenance de la maladie du service, dès lors qu'elle est à l'origine de l'altercation violente survenue le 8 décembre 2016 et que les difficultés professionnelles rencontrées étaient liées à son comportement ; - la commune ne s'est pas estimée liée par l'avis du comité médical défavorable à l'octroi d'un congé longue maladie à Mme G... ; - les conditions pour l'octroi d'un tel congé n'étaient pas remplies. Par des mémoires enregistrés les 10 juin et 31 juillet 2020, Mme E... G..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la ville de Lagny-sur-Marne une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. A..., - les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public, - les observations de Me F..., pour la commune de Lagny-sur-Marne et de Me C..., avocate de Mme G....

Considérant ce qui suit

: 1. Mme G... a été recrutée par la ville de Lagny-sur-Marne le 29 mars 2004 en qualité d'adjoint administratif. Elle occupait en dernier lieu le poste d'assistante administrative au " pôle culture et loisir ". Le 3 janvier 2017, Mme G... a été placée en congé pour raisons de santé. Par un courrier du 24 janvier 2017, Mme G... a demandé à ce que la pathologie dont elle souffre soit reconnue imputable au service. Le 7 juin 2017, la commission de réforme a émis un avis favorable à cette demande. Par un arrêté du 20 juin 2017, le maire de la commune de Lagny-sur-Marne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre Mme G.... Le 5 juillet 2017, le comité médical départemental a émis un avis défavorable à la demande de congé de longue maladie de Mme G... et le maire de la commune a alors rejeté cette demande par un arrêté du 31 juillet 2017. La commune de Lagny-sur-Marne fait appel du jugement du tribunal administratif de Melun en date du 28 mars 2019, en tant qu'il a annulé les arrêtés des 20 juin et 31 juillet 2017, enjoint au maire de la commune de Lagny-sur-Marne de procéder à la reconnaissance de l'imputabilité au service des pathologies de Mme G..., dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". 3. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative par le président de la formation de jugement, l'assesseur le plus ancien et le greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la commune requérante ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la décision du 20 juin 2017 : 4. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ". Selon les dispositions de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ainsi que du deuxième alinéa des 2° et 3° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée (...) ". Enfin, aux termes de l'article 16 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 57 (2°, 2e alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. (...) / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. ". 5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge, de déterminer si la preuve de l'imputabilité est apportée par le demandeur. 6. Il ressort des pièces du dossier que le médecin psychiatre agréé ayant examiné Mme G... le 27 février 2017 a relevé que son " état psychiatrique " ne paraissait pas " en lien unique avec son activité professionnelle ". Un second psychiatre, assurant le suivi de Mme G... depuis le 29 décembre 2016, a relevé dans un certificat médical du 19 janvier 2017 qu'elle souffrait d'un " état anxio-dépressif sévère en relation avec une situation de souffrance au travail " et, dans un certificat médical du 8 mai 2017, que " de toute évidence, sa situation professionnelle est fortement délétère sur sa santé psychique ". Enfin, la commission de réforme a émis, le 7 juin 2017, un avis favorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de Mme G.... Si la ville de Lagny-sur-Marne conteste que les conditions de travail de Mme G... aient été de nature à susciter le développement de sa maladie, il ressort des pièces du dossier, notamment des témoignages produits par Mme G... et du compte-rendu du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du 20 mars 2017, qu'il existait des tensions relationnelles au sein du service où elle était affectée et des défaillances managériales. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comportement de Mme G... était à l'origine de ces tensions, qui préexistaient à l'altercation du 8 décembre 2016, au cours de laquelle Mme G... a commis une faute professionnelle en s'adressant à sa supérieure hiérarchique avec un ton agressif, et à la procédure disciplinaire qui a suivi. Dans ces conditions, alors même que le médecin du travail ayant réalisé une étude du poste alors occupé par Mme G... n'a, à la suite d'un rapport d'observations du 22 mars 2017 et de sa visite du 9 mai 2017, recommandé que l'attribution d'un siège ergonomique et estimé que l'activité professionnelle de Mme G... ne constituerait pas la cause exclusive de son état anxio-dépressif, il ressort des pièces du dossier que cet état est en lien direct et certain avec les conditions de travail de l'intéressée au sein de la commune. Dès lors, en ne reconnaissant pas l'imputabilité de cette maladie au service, le maire de la commune de Lagny-sur-Marne a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation, comme l'ont relevé les premiers juges. En ce qui concerne la décision du 31 juillet 2017 : 7. En premier lieu, les conclusions d'une requête unique tendant à ce que soient annulées plusieurs décisions sont recevables dans leur totalité si elles présentent entre elles un lien suffisant. La demande présentée par Mme G... devant le tribunal administratif de Melun et enregistrée sous le n° 1706857 était dirigées contre deux décisions de son employeur relatives à sa situation médicale. La commune de Lagny-sur-Marne n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient commis une erreur de droit en admettant la recevabilité de l'ensemble des demandes de Mme G.... 8. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de l'arrêté du 31 juillet 2017 par lequel le maire de la commune de Lagny-sur-Marne a rejeté la demande de Mme G... de congé de longue maladie à compter du 3 janvier 2017, qu'il se serait cru lié par l'avis défavorable du comité médical départemental du 5 juillet 2017. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Melun s'est fondé sur ce moyen pour annuler la décision du 31 juillet 2017. 9. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme G... devant le tribunal administratif. 10. D'une part, aux termes du 3° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, le fonctionnaire en activité a droit " à des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée (...) ". 11. D'autre part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". 12. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le refus d'un congé de longue maladie est au nombre des décisions qui doivent être motivées. En se bornant à viser les dispositions législatives et règlementaires applicables ainsi que l'avis du comité médical départemental du 5 juillet 2017, la commune de Lagny-sur-Marne n'a pas motivé en fait la décision du 31 juillet 2017 par laquelle elle a refusé de placer Mme G... en congés de longue maladie. Par suite, cette décision est entachée d'illégalité. 13. Il résulte de ce qui précède que la commune de Lagny-sur-Marne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Melun a annulé les arrêtés du 20 juin 2017 et du 31 juillet 2017, lui a enjoint de réexaminer la demande de Mme G... tendant à la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie dont elle souffre et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois et mis à la charge de la commune une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme G..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Lagny-sur-Marne demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par la commune de Lagny-sur-Marne est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lagny-sur-Marne et à Mme E... G.... Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diemert, président-assesseur, - M. A..., premier conseiller. Lu en audience publique, le 1er octobre 2020. Le rapporteur, F. A... Le président, J. LAPOUZADE La greffière, M. D... La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 19PA01763