²20/01/2023
ARRÊT N°41/2023
N° RG 21/02563 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OGZT
CB/AR
Décision déférée du 19 Mai 2021 - Pole social du TJ de CAHORS (19/00117)
[J] [S]
S.A.R.L. [5]
C/
[T] [K]
Organisme CAISSE PRIMAIRE D ASSURANCE MALADIE DU LOT
INFIRMATION
Grosse délivrée
le 20 01 23 LRAR
à Me Christophe CAYROU
Me Nezha FROMENTEZE
CCC LRAR
SARL [5]
M.[K]
CPAM
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2 - Chambre sociale
***
ARRÊT DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
S.A.R.L. [5]
prise en la personne de son représentant légal , domicilié ès qualités audit siège sis[Adresse 6]
représentée par Me Christophe CAYROU de la SCP DIVONA LEX, avocat au barreau de LOT
INTIMES
Monsieur [T] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Nezha FROMENTEZE de la SELARL FROMENTEZE, avocat au barreau de LOT substituée par Me Sandra RUCCELLA, avocat au barreau de TOULOUSE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU LOT
SERVICE CONTENTIEUX
[Adresse 2]
[Localité 3]
partie non comparante, dispensée en application des dispositions de l'article
946 alinéa 2 du code de procédure civile, d'être représentée à l'audience
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945.
1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Décembre 2022, en audience publique, devant C. Brisset, présidente chargée d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
C. Brisset, présidente
A. Pierre-Blanchard, conseillère
F. Croisille-Cabrol, conseillère
Greffier, lors des débats : A. Ravéane
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du Code de procédure civile
- signé par C. Brisset, présidente et par A. Ravéane greffière de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [T] [K], embauché par la société de travail temporaire [4] ([4]) a été mis à la disposition de la société SARL [5], entreprise utilisatrice, selon différents contrats de travail temporaire par la société [4] du15 mai au 8 août 2017en qualité de soudeur.
Au terme de cette période, M. [K] a été embauché selon contrat de travail à durée déterminée du 11 septembre au 31 décembre 2017 pour la même fonction par la société [5]. Cette société a pour activité principale la fabrication de structures métalliques.
Le 26 septembre 2017, M. [K] a été victime d'un accident du travail. Un élément métallique lui est tombé sur le pied.
Un certificat médical initial du jour de l'accident établi au centre hospitalier de [Localité 3], a constaté une fracture non déplacée des 1er et 2e métatarses droits.
L'accident a été pris en charge par décision de la CPAM du Lot du 2 octobre 2017, au titre de la législation professionnelle.
M. [K] a été déclaré consolidé par le médecin conseil de la caisse, sans séquelle indemnisable, au 25 avril 2019, avec un taux d'IPP de 0%. Cette décision a été notifiée à M. [K] et à la société [5] par courrier daté du 9 août 2019.
M. [K] a formé un recours devant la commission médicale de recours amiable et un taux d'incapacité permanente partielle de 2% lui a été attribué. Il a contesté à la fois la date de consolidation et le taux d'IPP en saisissant le pôle social qui a ordonné une expertise par jugement du 9 juillet 2021.
Par requête déposée le 4 juin 2019, M. [K] a saisi le tribunal de grande instance de Cahors en reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur à l'origine de son accident de travail du 26 septembre 2017.
Par jugement du 19 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Cahors a :
- jugé que l'accident du travail 26 septembre 2017 de M. [T] [K] est opposable à son employeur la SARL [5],
- jugé que l'accident du travail du 26 septembre 2017 de M. [K] est imputable à une faute inexcusable de la société [5],
- sursis à statuer sur la demande de majoration au taux maximal des indemnités qui seront servies à l'assuré, soit en capital, soit sous la forme d'une rente, en fonction du taux d'IPP qui sera définitivement retenu dans la décision à intervenir dans l'affaire opposant M. [K] à la CPAM, n° RG 20/00059,
- sursis à statuer sur la demande d'expertise dans l'attente de la décision à intervenir dans l'affaire opposant M. [K] à la CPAM, n° RG 20/00059,
- dit que la présente affaire sera rappelée à l'audience pour statuer sur la demande de majoration des indemnités qui seront servies à l'assuré, soit en capital, soit sous la forme d'une rente, ainsi que sur la demande d'expertise à l'initiative de la partie la plus diligente,
- alloué à M. [K] la somme de 3 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et dit que cette somme sera avancée par la Caisse primaire d'assurance maladie du Lot à charge de recours pour elle à l'encontre de l'employeur,
- condamné la société [5] aux entiers dépens,
- condamné la société [5] à verser 1 500 euros à M. [K] au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
Le 7 juin 2021, la société [5] a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués du jugement et intimant M. [K] ainsi que la CPAM du Lot.
Dans ses dernières conclusions visées au greffe le 19 mai 2022, soutenues à l'audience, la société [5] demande à la cour de:
- juger que le jugement dont appel sera infirmé en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau :
- juger que l'accident de travail survenu le 26 septembre 2017 n'est pas dû à une faute inexcusable de la SARL [5],
- juger que M. [T] [K] sera en conséquence débouté de l'intégralité des prétentions formées à l'encontre de la société [5].
En tout état de cause :
- juger que la décision sera déclarée opposable à la CPAM du Lot,
- juger que la décision rendue s'agissant de la date de consolidation de M. [K] ainsi que la réévaluation du taux d'incapacité n'est pas opposable à la société [5], cette dernière n'ayant pas été appelée dans la procédure afférente,
- juger que M. [K] sera condamné au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et frais éventuels.
Elle fait valoir que le salarié n'occupait pas un poste présentant des risques particuliers. Elle soutient qu'elle avait pris toutes les mesures nécessaires notamment en faisant réaliser un pré diagnostic par la chambre de commerce et d'industrie du Lot. Elle ajoute que l'accident a pour origine une maladresse du salarié mais pas une faute de l'employeur. Elle précise que contrairement aux énonciations des premiers juges le marquage au sol était réalisé.
Dans ses dernières conclusions visées au greffe le 22 octobre 2022, au soutien de ses observations orales, auxquelles il est expressément fait référence, M. [K] demande à la cour de :- confirmer le jugement rendu par le pôle social près le tribunal judiciaire de Cahors en
date du 19 mai 2021 en ce qu'il a :
- jugé que l'accident du travail en date du 26 septembre 2017 est opposable à son employeur la SARL [5],
- jugé que l'accident du travail du 26 septembre 2017 de M. [K] est imputable à une faute inexcusable de la société [5],
- sursis à statuer sur la demande de majoration au taux maximal des indemnités qui seront servies à l'assuré soit en principal, soit sous la forme d'une rente en fonction du taux d'IPP qui sera définitivement retenu dans la décision à intervenir dans l'affaire opposant M. [K] à la CPAM (n°20/000059),
- sursis à statuer sur la demande d'expertise dans l'attente de la décision à intervenir dans l'affaire opposant M. [K] à la CPAM (n°20/00059),
- dit que la présente affaire sera rappelée à l'audience pour statuer sur la demande de majoration des indemnités qui seront servies à l'assuré soit en capital soit sous la forme d'une rente, ainsi que sur la demande d'expertise à l'initiative de la partie la plus diligente,
- alloué à M. [K] la somme de 3 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices et dit que cette somme sera avancée par la CPAM à charge de recours pour elle à l'encontre de l'employeur,
- condamné la société [5] aux entiers dépens,
- condamné la société [5] à verser la somme de 1 500 euros à M. [K] au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
Juger de nouveau :
- condamner la société [5] au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile,
- condamner la société [5] aux entiers dépens d'appel.
Il soutient qu'il existe bien une faute inexcusable de l'employeur lequel avait connaissance du danger et n'a pas pris les mesures nécessaires en l'absence d'un espace de travail et d'une organisation adaptés. Il invoque une absence de toute mesure de protection.
La CPAM du Lot a indiqué s'en remettre à justice concernant la détermination de la faute inexcusable de l'employeur. Elle sollicite toutefois le bénéfice de l'action récursoire à l'encontre de l'employeur, éventuellement garanti par son assureur, sur le fondement des articles L452-3 et suivants du code de la sécurité sociale.
Elle a demandé à être dispensée de comparution. Il y a été fait droit à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La faute inexcusable telle qu'elle résulte des dispositions de l'article
L. 452-1 du code de la sécurité sociale, qui découle de l'obligation de sécurité à laquelle l'employeur est tenu, est caractérisée lorsque celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
C'est sur la personne qui revendique la qualification de faute inexcusable que repose la charge de la preuve. En effet, s'il avait été soutenu devant les premiers juges que le salarié était affecté à un poste l'exposant à des risques particuliers pour sa santé et qu'il bénéficiait donc, à défaut de formation renforcée à la sécurité, de la présomption de l'article
L. 4154-3 du code du travail, ce moyen avait été écarté en première instance et la cour n'est à ce titre saisie d'aucun moyen de réformation.
Les circonstances factuelles de l'accident sont établies. Il résulte ainsi de l'ensemble des pièces du dossier, exactement appréciées sur ce point par les premiers juges, que M. [K] en déplaçant avec un collègue une pièce métallique (un pied de tribune) a touché un autre élément de même nature qui se trouvait en position horizontale et lui est tombé sur le pied.
Les conséquences médicales ont consisté en une fracture ouverte du 1er métatarse et une fracture non déplacée du 5ème métatarse associées à une fracture de la portion antérieure de l'os naviculaire D du pied droit.
Si M. [K] a soutenu initialement qu'il ne portait pas de chaussures de sécurité, ceci ne résulte pas des éléments du dossier. Au contraire, les pièces qu'il produit font état du port de ces équipements. Ainsi, la main courante déposée au moment de l'accident mentionne le port de chaussures de sécurité. De même, Mme [B], comptable dans l'entreprise, indique être accourue sur le lieu de l'accident et que l'élément métallique était tombé juste au dessus de la coque des chaussures de sécurité. Aucun élément contraire n'est produit.
Il est constant que le risque lié à la manutention était identifié et se trouvait mentionné dans le document unique d'évaluation des risques professionnels et ce au titre de la manutention tant manuelle que mécanique.
Quant aux causes de l'accident, M. [K] invoque tout d'abord l'absence d'un espace de travail adapté. Il admet que la zone dédiée au soudage peut être tout ou partie d'un local mais rappelle qu'elle doit être propre et non encombrée et que tel n'était pas le cas en l'espèce. Il produit une attestation de M. [C]. Celui-ci, travaillant également dans l'entreprise, fait état d'un espace insuffisant à cause d'un travail trop
important. Une telle énonciation, non corroborée, demeure particulièrement vague et relève d'une certaine subjectivité du témoin. Or, la société [5] produit un document établi par la chambre de commerce et d'industrie du Lot quant à un pré diagnostic santé et sécurité. Ce document est pertinent en ce qu'il est concomitant à l'accident. S'il a été formalisé le 28 novembre 2017,
donc après l'accident, il faisait suite à une visite du 13 septembre 2017, soit deux semaines avant l'accident. Il pouvait donc constater la situation de l'atelier telle qu'elle se présentait à cette date puisqu'il n'est pas invoqué de travaux d'aménagement sur cette très brève période. Il démontre également que la question de la sécurité était prise en compte par l'appelante.
Or, si le document final présentait bien évidemment des axes d'amélioration quant à la sécurité qui ne peut être une donnée acquise, il notait également des points forts et singulièrement un bâtiment récent, lumineux, spacieux et conçu pour accueillir l'activité.
La cour ne saurait ainsi retenir un espace de travail inadapté.
Les premiers juges ont également retenu que le marquage au sol prévu par le DUERP pour délimiter les zones de stockage, de circulation et de production n'avait pas été réalisé. Or, devant la cour la société [5] justifie que ce marquage avait été établi. La version du DUERP produite avait été établie le 16 juillet 2012. La société [5] produit deux attestations de salariés indiquant que les marquages avaient été réalisés dès la 1ère année d'arrivée sur le site ou avant octobre 2014. Ces attestations sont en concordance avec un site ayant fait l'objet d'un achèvement des travaux au 30 juin 2014 et les mentions du document sur un bâtiment récent et adapté. C'est certes uniquement devant la cour que la société [5] produit des éléments sur la réalisation du marquage au sol mais il n'en demeure pas moins qu'ils existent et sont pertinents.
Il est par ailleurs justifié comme devant les premiers juges qu'il existait bien des outils de levage destinés à la manutention.
Il subsiste donc uniquement le fait que le DUERP n'avait pas fait l'objet d'une révision annuelle. Toutefois, cette omission est sans incidence causale sur l'accident subi par M. [K] puisque les mesures de nature à prévenir le risque tel qu'il était identifié, avaient bien été prises sous la forme d'instruments de levage présents de manière effective et d'un marquage au sol réalisé.
Dans de telles conditions, M. [K] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce que l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur de sorte que le jugement sera infirmé et qu'il sera débouté de ses demandes.
Au regard de la nature du litige et de la situation respective des parties il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
M. [K] supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Cahors du 19 mai 2021,
Statuant à nouveau,
Déboute M. [K] de ses demandes tendant à la reconnaissance d'une faute inexcusable,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile,
Condamne M. [K] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.
La greffière La présidente
A. Raveane C. Brisset.