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Cour d'appel de Bordeaux, 18 juillet 2024, 22/05288

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Bordeaux
18 juillet 2024
Conseil de Prud'hommes de Bordeaux
24 octobre 2022

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
  • Numéro de déclaration d'appel :
    22/05288
  • Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Nature : Arrêt
  • Décision précédente :Conseil de Prud'hommes de Bordeaux, 24 octobre 2022
  • Identifiant Judilibre :669a0196bf9da27f384b0d58
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Résumé

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Texte intégral

COUR D'APPEL DE BORDEAUX CHAMBRE SOCIALE - SECTION B --------------------------

ARRÊT

DU : 18 JUILLET 2024 PRUD'HOMMES N° RG 22/05288 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M7PA Monsieur [C] [O] c/ S.A.S. H. REINIER Nature de la décision : AU FOND Grosse délivrée aux avocats le : à : Me Emilie GRELLETY, avocat au barreau de BORDEAUX Me Matthias WEBER de la SELARL TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 octobre 2022 (R.G. n°F 20/01677) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 21 novembre 2022, APPELANT : [C] [O] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1] Représenté par Me Emilie GRELLETY, avocat au barreau de BORDEAUX INTIMÉE : S.A.S. H. REINIER Prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2] Représentée par Me Matthias WEBER de la SELARL TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 mai 2024 en audience publique, devant Madame Valérie Collet, conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Marie-Paule Menu, présidente, Madame Sophie Lésineau, conseillère, Madame Valérie Collet, conseillère, greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps, ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile. EXPOSE DU LITIGE FAITS ET PROCÉDURE Selon un contrat de travail à durée déterminée du 1er juillet 2015, la SAS H. Reinier a engagé M. [C] [V] [O] en qualité d'ouvrier nettoyeur qualifié, coefficient 173 de la convention collective nationale de la manutention ferroviaire et travaux connexes, avec une reprise d'ancienneté au 1er avril 1980. Par courrier du 15 janvier 2020, ayant pour objet 'Notification de départ à la retraite', M. [O] a soumis à son employeur sa 'demande de départ en retraite' 'conformément à l'article L.122-14-13', précisant que son 'départ sera effectif à compté du 1er avril 2020' et sollicitant son employeur de lui 'fournir les informations nécessaires à mon départ en retraite'. Par courrier du 23 janvier 2020, la société H. Reinier a indiqué à M. [O] qu'il ne ferait plus partie de l'entreprise le 31 mars 2020, qu'il devrait restituer les clefs, carte de parking avant son départ et que son solde de tout compte ainsi que les documents de fin de contrat seraient à sa disposition 'à la date habituelle de la paie'. Le 31 mars 2020, le contrat de travail de M. [O] a pris fin. En avril 2020, la société H. Reinier a remis à M. [O] les documents de fin de contrat ainsi que le reçu pour solde de tout compte faisant apparaître une indemnité de départ en retraite d'un montant de 10 885,08 euros brut. Par courriers des 24 juin et 24 juillet 2020, M. [O] a contesté le montant de son indemnité de départ à la retraite. Par lettre du 10 septembre 2020, la société H. Reinier a apporté à M. [O] des éléments d'explication concernant le calcul de l'indemnité de départ à la retraite dont elle a maintenu le montant. Par courrier du 2 octobre 2020, M. [O], par l'intermédiaire de son conseil, a réclamé à son employeur le paiement du reliquat d'indemnité de mise à la retraite. Par courrier du 10 octobre 2020, la société H. Reinier a rejeté la demande de M. [O] au motif que celui-ci avait pris l'initiative de partir à la retraite et ce sans aucune équivoque possible quant à son départ volontaire. Le 20 novembre 2020, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de faire requalifier son départ à la retraite en licenciement nul et d'obtenir des dommages et intérêts pour licenciement nul, outre une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi que le solde de l'indemnité de départ à la retraite. Par jugement du 24 octobre 2022, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a : - débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes, - débouté la société H. Reinier de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné M. [O] aux dépens. M. [O] a relevé appel du jugement en ce qu'il a été débouté de ses demandes et condamné aux dépens, le 21 novembre 2022, par voie électronique. La clôture de la mise en état est intervenue le 30 avril 2024 par ordonnance du même jour, l'affaire étant fixée à l'audience du 23 mai 2024 pour y être plaidée.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées le 29 juin 2023, par voie électronique, M. [O] sollicite de la cour qu'elle : - infirme le jugement entrepris, Et statuant à nouveau, - requalifie son départ en retraite en licenciement nul, - condamne la société H. Reinier à lui payer les sommes suivantes : - 43 540,30 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, - 4 354,03 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, - 435,40 euros de congés payés sur préavis, - 16 327,61 euros à titre de solde d'indemnité de départ à la retraite, - ordonne la remise de documents de fin de contrat rectifiés selon les termes de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, 'le Conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte', - déboute la société H. Reinier de l'ensemble de ses demandes, - condamne la société H. Reinier aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Se fondant sur l'ancien article L.122-14-13 du code du travail avant son abrogation par l'ordonnance n°2007-329 du 12 mars 2007, sur les articles L.1237-5, L.1237-6, L.1237-8 du code du travail, sur l'article L.351-8 de la sécurité sociale mais également sur les articles D.161-2-1-9 du code de la sécurité sociale et L.1237-9 et L.1237-10 du code du travail, il fait valoir que : - le 1er janvier 2020, il avait atteint 67 ans, âge à partir duquel il pouvait être mis à la retraite, - le 15 janvier 2020, il a donc sollicité son employeur en ce sens en lui demandant quel était le process applicable pour un départ effectif au 1er avril 2020, - dans son courrier, il a fait référence à l'ancien article L.122-14-13 du code du travail qui renvoie essentiellement à la mise à la retraite, - son employeur ne lui a donné aucune information sur la mise en place de la procédure de mise à la retraite, lui adressant seulement les documents de fin de contrat. Il estime avoir été trompé par son employeur, soulignant que la référence, dans son courrier, à l'ancien article L.122-14-13 du code du travail est révélatrice du caractère équivoque de son courrier. Il indique que son employeur ne lui a donné aucune information sur les modalités de son départ, sur la durée de son préavis, sur ses droits indemnitaires au moment de son départ, ne l'avisant pas que le dispositif de mise à la retraite était plus avantageux que le dispositif de départ volontaire. Il ajoute que s'il avait voulu partir volontairement à la retraite, il n'aurait pas attendu l'âge de 67 ans alors qu'il avait travaillé toute sa vie et qu'il souhaitait bénéficier de l'indemnité spécifique de mise à la retraite. Il affirme qu'il existe une obligation générale d'information et de conseil à la charge de l'employeur lequel doit informer loyalement son salarié sur l'étendue de ses droits. Il en conclut qu'en s'abstenant de lui donner les informations réclamées, la société H. Reinier s'est rendue coupable d'une réticence dolosive de sorte que la rupture du contrat de travail doit être requalifiée en licenciement nul. Par conclusions notifiées le 15 mai 2023, par voie électronique, la société H. Reinier demande à la cour de : - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : - débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes, - condamné M. [O] aux dépens, - infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Statuant à nouveau, - débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes, - condamner M. [O] à lui payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 2 000 euros pour ses frais irrépétibles de première instance et de 2 000 euros pour ceux d'appel. Elle rappelle que selon l'article L.1237-9 du code du travail, le départ à la retraite est une démission motivée par la liquidation par le salarié de ses pensions de retraite, s'agissant d'un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin à son contrat de travail. Elle affirme que M. [O] a spontanément demandé à partir à la retraite de sorte que toute la jurisprudence invoquée par le salarié est inopérante et/ou tronquée. Elle ajoute qu'il n'existe aucune obligation d'information incombant à l'employeur quant au caractère plus ou moins avantageux de telle ou telle modalité de rupture du contrat de travail, et a fortiori lorsque le salarié a déjà rompu le contrat. Elle insiste sur le fait que la lettre du 15 janvier 2020 est claire et non équivoque, M. [O] lui faisant part de sa volonté de faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er avril 2020. Elle ajoute que la référence à l'article L.122-14-13 du code du travail est erronée puisque ce texte n'existe plus depuis 2008 et qu'en tout état de cause, ce texte prévoyait, en son premier alinéa, le départ volontaire à la retraite. Elle en conclut que les dispositions de l'article L.1237-9 du code du travail devaient s'appliquer, l'initiative de la rupture ne provenant pas de l'employeur. Elle considère avoir répondu, dans son courrier du 23 janvier 2020, à la demande d'informations formulée par M. [O] s'agissant de sa demande de départ à la retraite. Elle conteste avoir commis la moindre manoeuvre dolosive à l'encontre de M. [O], précisant qu'il ne lui appartenait pas d'expliquer les dispositions légales à son salarié qui avait décidé de partir à la retraite.

MOTIFS

DE LA DÉCISION Selon l'article L.1237-9 alinéa 1 du code du travail : 'Tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite.' L'article L.1237-5 du même code prévoit quant à lui que 'la mise à la retraite s'entend de la possibilité donnée à l'employeur de rompre le contrat de travail d'un salarié ayant atteint l'âge mentionné au 1° de l'article L.351-8 du code de la sécurité sociale, sous réserve des septième et neuvième alinéas'. Il s'ensuit que la différence entre mise à la retraite et départ à la retraite repose sur l'initiative de la rupture. Le départ à la retraite est le droit du salarié de décider lui-même de cesser le travail dès qu'il atteint l'âge lui donnant droit à une pension vieillesse, tandis que la mise à la retraite résulte d'une décision de l'employeur. Le départ à la retraite est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste, de façon claire et non équivoque, sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Par ailleurs, l'ancien article L.122-14-13 du code du travail, abrogé depuis le 1er janvier 2018, évoquait dans son premier alinéa, le départ volontaire en retraite du salarié tandis que les alinéas suivants étaient relatifs à la mise à la retraite à l'initiative de l'employeur. En l'espèce, la lettre que M. [O] a adressé le 15 janvier 2020 à son employeur est ainsi rédigée : 'Objet : Notification de départ à la retraite Monsieur, Après une carrière en tant qu'ouvrier de nettoyage pendant quarante ans au sein de l'entreprise et désormais âgé de 67 ans, j'ai l'honneur de vous soumettre ma demande de départ en retraite. Je souhaite faire valoir mes droits de départ en retraite conformément à l'article L.122-14-13. Mon départ sera effectif à compté du 1er avril 2020. Comptant 40 ans d'ancienneté, je vous saurais gré de me fournir les informations nécessaires à mon départ en retraite. Vous remerciant par avance des dispositions que vous prendrez à mon égard, je vous prie de croire, Monsieur, à l'assurance de mes sincères salutations.' Contrairement à ce que prétend M. [O], les termes de son courrier sont clairs et non équivoques en ce qu'il a clairement formulé sa volonté de partir en retraite à compter du 1er avril 2020. La référence à l'article L.122-14-13 ancien du code du travail ne vient pas contredire cette volonté non équivoque dès lors que ce texte, en son alinéa premier, évoquait le départ volontaire à la retraite du salarié comme permettant à ce dernier de 'bénéficier du droit à une pension de vieillesse, sous réserve des dispositions plus favorables d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou du contrat de travail, à l'indemnité de départ en retraite prévue à l'article 6 de l'accord annexé à la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle.' Il ne résulte nullement de la lecture de son courrier du 15 janvier 2020 que M. [O] attendait de son employeur des informations sur la procédure de mise à la retraite. Bien au contraire, après avoir fait connaître sa volonté de partir à la retraite à compter du 1er avril 2020, il ne sollicitait des informations que sur les modalités de mise en oeuvre de son départ volontaire. Or, la société H. Reinier - qui n'était pas tenue, alors qu'elle n'avait émis aucune volonté de mettre à la retraite le salarié, de lui fournir des informations sur le régime juridique de la mise à la retraite et sur son caractère éventuellement plus favorable - a répondu au salarié le 23 janvier 2020 en lui indiquant qu'il ne ferait plus partie des effectifs de l'entreprise le 31 mars 2020 au soir, qu'il devrait préalablement restituer les clefs, carte parking et tout autre objet appartenant à l'entreprise et que les documents de fin de contrat ainsi que le solde de tout compte seraient à sa disposition à la date habituelle de la paie. Il ne saurait dès lors être reproché à l'employeur d'avoir fait preuve de déloyauté ou de réticence dolosive alors que le salarié a manifesté une volonté claire et non équivoque de partir à la retraite et qu'il a obtenu les informations nécessaires pour son départ, l'employeur n'étant pas tenu de lui indiquer, au mois de janvier 2020, le montant de son indemnité de départ à la retraite. La cour ajoute que les informations sur le préavis n'étaient pas plus nécessaires dès lors que le salarié avait fixé son départ à la retraite au 1er avril 2020, soit plus de 2 mois après son courrier du 15 janvier 2020. Enfin, la circonstance que M. [O] se soit manifesté auprès de son employeur, deux mois après avoir perçu son indemnité de départ à la retraite pour s'étonner de son montant, n'est pas de nature à rendre équivoque sa volonté exprimée très clairement en janvier 2020 de partir à la retraite, de sa propre initiative. C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a débouté M. [O] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens de l'instance. Le jugement entrepris est conséquence confirmé de ces chefs. M. [O] qui succombe à hauteur d'appel doit en supporter les dépens et être débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Enfin, l'équité commande de rejeter les demandes présentées par l'employeur au titre de ses frais irrépétibles tant pour la procédure de première instance que pour celle d'appel. Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté la société H. Reinier de sa demande.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 24 octobre 2022 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne M. [C] [V] [O] aux dépens d'appel, Déboute M. [C] [V] [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Déboute la SAS H. Reinier de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel. Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. S. Déchamps MP. Menu

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