Cour d'appel de Dijon, 1re chambre civile, 12 juillet 2022, 21/00097

Mots clés Demande relative à l'exécution d'une promesse unilatérale de vente ou d'un pacte de préférence ou d'un compromis de vente · SCI · prêt · vente · promesse · procédure civile · bénéficiaire · indemnité

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Dijon
Numéro affaire : 21/00097
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte

MW/IC

S.C.I. MD315

C/

S.C.I. AUDELCOTIN

expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1ère chambre civile

ARRÊT DU 12 JUILLET 2022

N° RG 21/00097 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FTQI

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 15 décembre 2020,

rendu par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône - RG : 20/00192

APPELANTE :

S.C.I. MD315 représentée par son représentant légal en exercice domicilié es qualités au siège social :

[Adresse 2]

[Localité 4]

assistée de Me Sophie ADRIAENS, avocat au barreau de GRENOBLE, plaidant, et représentée par Me Emilie CAVIN-CHATELAIN, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 81, postulant

INTIMÉE :

S.C.I. AUDELCOTIN prise en la personne de sa gérante en exercice, Mme [L] domiciliée de droit au siège :

[Adresse 1]'

[Localité 3]

représentée par Me Jean-François MERIENNE, membre de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 83

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 mai 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Michel WACHTER, Conseiller, chargé du rapport et Sophie BAILLY, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Michel PETIT, Président de chambre, Président,

Michel WACHTER, Conseiller,

Sophie BAILLY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 12 Juillet 2022,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Michel PETIT, Président de chambre, et par Sylvie RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Par acte notarié du 8 août 2019, la SCI Audelcotin a consenti à la SCI MD315 une promesse de vente une promesse de vente portant sur un bien immobilier comportant deux dalles en béton ainsi que des canalisations souterraines, situé [Adresse 6]) moyennant un prix de 252 000 euros.

Cette promesse de vente était consentie pour une durée expirant le 15 octobre 2019 à 16h00, et était assortie de la condition suspensive de l'obtention par la SCI MD315 d'un ou plusieurs prêt d'un montant maximal de 230 000 euros, d'une durée maximale de 20 ans, et d'un taux nominal d'intérêts maximal de 1,50 % l'an, hors assurances.

La signature de l'acte de vente définitif devant notaire n'ayant pas eu lieu, la SCI Audelcotin a, par mise en demeure en date du 28 novembre 2019, vainement réclamé à la SCI MD315 le règlement de l'indemnité d'immobilisation prévue au contrat.

Par exploit du 4 février 2020, la SCI Audelcotin a fait assigner la SCI MD315 devant le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône aux fins de paiement de la somme de 25 200 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2019.

Par jugement rendu le 15 décembre 2020, en l'absence de comparution de la SCI MD315, le tribunal a :

- condamné la SCI MD315 à payer à la SCI Audelcotin la somme de 25 200 euros au titre de l'indemnité d'immobilisation, avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2019 ;

- condamné la SCI MD315 à payer à la SCI Audelcotin la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SCI MD315 aux dépens de la présente instance ;

- rappelé l'exécution provisoire de la présente décision.

Le tribunal a retenu que la SCI MD315 n'avait pas justifié, ni des démarches concernant la demande de prêt, ni de l'obtention ou non de ce prêt, ce dont il résultait que la condition suspensive avait défailli du fait du bénéficiaire de la promesse, et qu'elle était réputée accomplie, de sorte que l'indemnité d'immobilisation était due par la SCI MD315 qui n'avait pas levé l'option dans les délais.

La SCI MD315 a interjeté appel de cette décision le 25 janvier 2021.

Par conclusions notifiées le 22 avril 2021, l'appelante demande à la cour :

- de réformer le jugement déféré sur ses chefs dont appel ;

Et statuant à nouveau :

A titre principal :

- de dire et juger que la condition suspensive de l'octroi d'un prêt au bénéficiaire a défailli, cette défaillance n'étant pas imputable à la SCI MD 315 ;

- en conséquence, de débouter la SCI Audelcotin de l'ensemble de ses fins et prétentions comme étant non fondées ;

A titre subsidiaire :

- de dire et juger que l'indemnité réclamée par la SCI Audelcotin s'analyse en une clause pénale ;

- en conséquence, de réduire cette indemnité dans les plus larges proportions ;

En tout état de cause :

- de condamner la SCI Audelcotin à payer à la SCI MD 315 la somme de 27 805,65 euros saisie le 3 mars 2021 ;

- de condamner la SCI Audelcotin à payer à la SCI MD 315 la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en réparation du préjudice causé par la saisie attribution du 3 mars 2021 (sic) ;

- de condamner la SCI Audelcotin à payer à la SCI MD 315 la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code civil (sic) outre les entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 20 juillet 2021, la SCI Audelcotin demande à la cour :

- de dire et juger cet appel mal fondé ;

En conséquence,

- de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

Au surplus,

- de condamner la SCI MD315 à payer à la SCI Audelcotin la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- de condamner la SCI MD315 aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mars 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Il sera rappelé que la promesse de vente conclue entre les parties le 8 août 2019 prévoit une indemnité d'immobilisation d'un montant de 25 200 euros, payable pour moitié le 16 août 2019, et dont le sort est déterminé de la manière suivante :

'' Elle s'imputera purement et simplement et à due concurrence sur le prix, en cas de réalisation de la vente promise.

' Elle sera restituée purement et simplement au bénéficiaire dans tous les cas où la non-réalisation de la vente résulterait de la défaillance de l'une quelconque des conditions suspensives énoncées aux présentes.

' Elle sera versée au promettant, et lui restera acquise à titre d'indemnité forfaitaire et non réductible faute par le bénéficiaire ou ses substitués d'avoir réalisé l'acquisition ou levé l'option dans les délais et conditions ci-dessus, toutes les conditions suspensives ayant été réalisées.'

Il est par ailleurs stipulé dans cet acte une condition suspensive d'obtention de prêt libellée de la manière suivante :

'Le bénéficiaire déclare avoir l'intention de recourir pour le paiement du prix de cette acquisition, à un ou plusieurs prêts rentrant dans le champ d'application de l'article L 313-40 du code de la consommation, et répondant aux caractéristiques suivantes :

' Montant maximal de la somme empruntée : deux cent trente mille euros (230.000,00 EUR).

' Durée maximale de remboursement : 20 ans.

' Taux nominal d'intérêt maximal : 1.50 % l'an (hors assurances).

' Garantie : que ce ou ces prêts soient garantis par une sûreté réelle portant sur le bien ou le cautionnement d'un établissement financier, à l'exclusion de toute garantie personnelle devant émaner de personnes physiques ainsi que par une assurance décès invalidité.

Toute demande non conforme aux stipulations contractuelles, notamment quant au montant emprunté, au taux et à la durée de l'emprunt, entraînera la réalisation fictive de la condition au sens du premier alinéa de l'article 1304-3 du code civil.

La condition suspensive sera réalisée en cas d'obtention d'une ou plusieurs offres définitives de prêts au plus tard le 30 septembre 2019.

La durée de validité de cette condition suspensive ne peut être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l'acte (article L 313-41 du code de la consommation).

Le bénéficiaire déclare qu'à sa connaissance :

' Il n'existe pas d'empêchement à l'octroi de ces prêts qui seront sollicités.

' Il n'existe pas d'obstacle à la mise en place d'une assurance décès-invalidité.

' Il déclare avoir connaissance des dispositions de l'alinéa premier de l'article 1304-3 du code civil qui dispose que : "La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement."

L'obtention ou non obtention devra être notifiée par le bénéficiaire au promettant.

A défaut de cette notification, les présentes seront caduques, le terme étant considéré comme extinctif.

Dans ce cas, le bénéficiaire pourra recouvrer les fonds déposés, le cas échéant, en garantie de l'exécution des présentes en justifiant qu'il a accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt, et que la condition n'est pas défaillie de son fait. A défaut, ces fonds resteront acquis au promettant.'

Pour mettre l'indemnité d'immobilisation à la charge de la SCI MD 315, le premier juge a considéré que la condition suspensive d'obtention d'un prêt était réputée accomplie dès lors qu'elle avait défailli du fait de la bénéficiaire de la promesse.

L'article 1304-3 alinéa 1 du code civil dispose que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

Il résulte des pièces produites aux débats par l'appelante qu'elle a pris contact avec le Crédit Agricole dès le 4 juillet 2019, soit avant même la signature de la promesse de vente, dans le cadre du double financement de l'opération projetée, savoir, d'une part, celui concernant l'acquisition du bien immobilier lui-même, sur lequel devait être installée une station de lavage, d'autre part, celui relatif au matériel nécessaire à cette exploitation.

Il est par ailleurs justifié que M. [G] [R], le responsable de la SCI MD 315, est resté en contact avec la banque au cours des semaines suivantes, qu'il a fourni à cette dernière divers documents, notamment la promesse de vente litigieuse ou encore le projet de statuts de la société d'exploitation, et qu'il a à plusieurs reprises interrogé son interlocuteur sur le retour réservé à sa demande au titre des deux prêts. De même, il est fourni un échange de mails en date du 17 septembre 2019 par lequel Mme [W] [L], intervenant pour le compte de la SCI Audelcotin, a interrogé M. [R] sur l'obtention de l'offre de prêt, ce à quoi ce dernier a répondu qu'il avait rendez-vous à ce sujet avec la banque le jeudi suivant.

Le 15 novembre 2019, le Crédit Agricole a transmis à M. [R] une 'attestation de refus de financement' libellée dans les termes suivants : 'Madame, vous avez sollicité un prêt au Crédit Agricole Loire Haute-Loire pour un montant de 225 000 euros dans le but de financer un terrain. Après une étude approfondie de votre demande, ce prêt ne peut vous être accordé.'

L'appelante démontre encore par un échange de mails avoir immédiatement transmis cette attestation au notaire chargé de la vente, lequel lui a fait réponse en considérant que 'cette attestation est un peu légère', et en demandant la communication d'une attestation du dépôt de dossier de prêt dans les délais.

La SCI MD 315 produit ainsi une nouvelle attestation délivrée le 11 février 2021 par le Crédit Agricole Loire Haute-Loire, selon laquelle : 'M. [R] [G], né le 30 avril 1991 à Le Creusot, a déposé auprès de notre établissement, en date du 16 juillet 2019, une demande de financement professionnel pour son projet immobilier dont les caractéristiques sont les suivantes :

- lieu d'investissement : [Adresse 5] (Saône et Loire)

- objet : acquisition d'un terrain pour un projet professionnel

- montant total : 225 000 euros

Le 14 septembre 2019, l'ensemble des éléments nécessaires à l'étude de la demande de financement ont été réceptionnés par nos services.

Après étude du dossier et de l'ensemble de ces éléments, cette demande de financement a été refusée en date du 15 novembre 2019.'

S'il ressort sans ambiguïté de ces divers éléments qu'un prêt correspondant quant à son montant aux stipulations de la promesse de vente a bien été sollicité, force est en revanche de constater, d'une part, que rien ne permet, en l'absence de toute indication à cet égard, de vérifier que la durée et le taux de ce prêt aient quant à eux satisfaits aux prévisions contractuelles, d'autre part que, manifestement, le candidat à l'emprunt était en l'espèce M. [R] agissant à titre personnel, et non la SCI MD 315, pourtant seule identifiée comme étant la bénéficiaire de la promesse et, partant, comme devant être l'emprunteur. Par ailleurs, il n'est pas justifié d'une notification de l'obtention ou de la non-obtention du prêt pour la date butoir du 30 septembre 2019.

Dès lors ainsi qu'il n'est pas dûment justifié par la SCI MD 315 du rejet d'une demande conforme 'aux stipulations contractuelles, notamment quant au montant emprunté, au taux et à la durée de l'emprunt', c'est à juste titre que le premier juge, par application des termes de la promesse de vente, a retenu que la condition suspensive était fictivement réalisée au sens du premier alinéa de l'article 1304-3 du code civil.

L'appelante soutient à titre subsidiaire que l'indemnité d'immobilisation doit être requalifiée en clause pénale réductible, comme visant en réalité à sanctionner un manquement contractuel.

La promesse de vente qualifie expressément l'indemnité litigieuse d'indemnité d'immobilisation, laquelle a classiquement pour objet de rétribuer l'option consentie au bénéficiaire, en contrepartie du préjudice pouvant en résulter pour le promettant en cas de non-réalisation de la vente, compte tenu de l'obligation dans laquelle il se trouverait d'avoir à rechercher un nouvel acquéreur et de recommencer l'ensemble des formalités préalables à l'acte de vente. Cette indemnité est acquise au promettant en cas de renonciation du bénéficiaire à acquérir le bien promis, indépendamment de toute notion de faute de celui-ci, et n'a donc pas la nature d'une clause pénale.

La décision entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a condamné la SCI MD 315 à payer à la SCI Audelcotin la somme de 25 200 euros, outre intérêts moratoires.

Enfin, la demande formée par l'appelante au titre de la restitution des sommes saisies en application du jugement déféré sera rejetée, cette décision étant assortie de l'exécution provisoire, et n'encourant pas la réformation.

La SCI MD 315 sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à l'intimée la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs



Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône ;

Y ajoutant :

Rejette la demande formée par la SCI MD 315 en restitution de sommes saisies ;

Condamne la SCI MD 315 à payer à la SCI Audelcotin la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI MD 315 aux dépens d'appel.

Le Greffier,Le Président,