Logo pappers Justice

Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 20 décembre 2023, 2315841

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
  • Numéro d'affaire :
    2315841
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction totale
  • Nature : Décision
  • Décision précédente :Caisse nationale d'assurance vieillesse, 15 novembre 2023
  • Avocat(s) : HMS AVOCATS
Voir plus

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
20 décembre 2023
Caisse nationale d'assurance vieillesse
15 novembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés respectivement le 26 novembre 2023 et le 7 décembre 2023, la société TSO REALI, représentée par Me Chautemps, demande dans le dernier état de ses écritures au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : 1°) d'annuler la décision du 15 novembre 2023 par laquelle la Caisse nationale d'assurance vieillesse a exclu sa candidature aux lots n°3 et n°4 du marché public de travaux de réhabilitation de l'immeuble " Le Cervier II " à Cergy-Pontoise ; 2°) d'enjoindre à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, si elle entend poursuivre la procédure, de la reprendre au stade de l'analyse des candidatures ; 3°) de mettre à la charge de la Caisse nationale d'assurance vieillesse la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le rejet de sa candidature par le pouvoir adjudicateur est irrégulier, dès lors que la remise en cause tardive de la recevabilité de sa candidature constitue un détournement de procédure ayant pour effet de créer une rupture d'égalité de traitement entre les candidats ; - le pouvoir adjudicateur a commis une erreur d'appréciation en excluant sa candidature sur le fondement des dispositions de l'article L. 2147-7 du code de la commande publique. La CNAV a fait une appréciation erronée des conditions d'exclusion de la candidature et a commis une erreur d'appréciation au regard des garanties de fiabilité présentées à l'appui de la lettre d'observation du 27 octobre 2023. L'exclusion de sa candidature apparaît manifestement disproportionnée au regard des manquements qui lui sont reprochés au titre du marché " Opéra ", dont l'imputabilité est sérieusement contestée et qui ont seulement donné lieu à application de pénalités à hauteur de 5,5% du montant du marché. La CNAV a également commis une erreur d'appréciation au regard des justifications de crédibilité apportées dès lors qu'elle a justifié, de façon précise et détaillée des circonstances très particulières largement indépendantes de son fait, qui expliquent les difficultés de la " phase B " du chantier " Opéra " alors que le courrier du 15 novembre 2023 n'a pas répondu à ces justifications. Par un mémoire en défense enregistré le 6 décembre 2023 la Caisse nationale d'assurance vieillesse conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société TSO REALI la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - le moyen tiré du détournement de procédure et de la rupture d'égalité dans le traitement des candidats n'est pas fondé. La demande d'explication adressée à la société requérante le 24 octobre 2023 sur le fondement de l'article L. 2141-7 du code de la commande publique n'était pas tardive sachant que le code de la commande publique n'impose aucun délai à l'acheteur public pour examiner les candidatures et les offres remises dans le cadre d'une procédure formalisée. La candidature de la Société TSO REALI a été examinée au même titre que les autres candidatures et une fois la phase d'examen des candidatures achevée, la CNAV a seulement examiné les offres des entreprises sélectionnées ainsi qu'en atteste le rapport d'analyse des offres transmis dans la présente instance. Le délai de 3 mois entre le 27 juillet 2023, date limite de réception des dossiers de candidature et d'offre, et le 24 octobre 2023, date de la lettre de la CNAV ne peut révéler un détournement de procédure dès lors que ce délai n'est pas anormalement long au regard de l'importance du marché et du nombre de candidats. Enfin, rien ne permet d'établir que la CNAV aurait examiné, noté et classé les offres de la Société TSO REALI pour l'attribution des lots n°3 et 4, avant de se raviser pour finalement écarter sa candidature sur le fondement des dispositions de l'article L. 2141-7 du code de la commande publique. - le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation n'est pas fondé dès lors en premier lieu que les multiples et persistants manquements aux obligations contractuelles résultant des lots n°01.3 et 01.6 du marché public de travaux du siège de la CNAV imputés à la société requérante sont de nature à caractériser son manque de fiabilité et à justifier l'exclusion de sa candidature pour l'attribution des lots n°3 et 4 du marché public litigieux lesquels ont un objet comparable. La matérialité des manquements du marché de travaux du siège de la CNAV est avérée dès lors que la société TSO REALI n'a pas respecté le planning de la phase " B " relatif aux délais d'approvisionnement, de fabrication et de pose des fenêtres, a remis tardivement les plans conformes au marché. En raison de l'ineffectivité des deux mises en demeure adressées la CNAV a appliqué des pénalités pour non-respect du délai contractuel. De nombreuses non conformités en phase B ont été constatés dans la pose des châssis et au niveau de leur qualité, les délais de fin de pose des menuiseries extérieures, n'ont pas été respectés, le maitre d'œuvre a relevé de nombreux manquements sur de nombreux sujets. Le décompte du mois d'octobre 2023 fait d'ailleurs état de pénalités pour un montant de 120 420,38 euros. En second lieu, la CNAV n'a pas fait une appréciation erronée des justifications apportées par la société requérante dans sa lettre du 27 octobre 2023, en réponse à la lettre de la CNAV du 24 octobre l'invitant à fournir tout précision de nature à établir sa fiabilité. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ; - le code de justice administrative. En application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de justice administrative, le président du tribunal a désigné M. Gabarda, premier conseiller, pour statuer sur les requêtes présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 551-1 et L. 551-13 de ce même code. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique du 8 décembre 2023 à 11h. Ont été entendus au cours de l'audience publique, tenue en présence de Mme Soulier, greffière d'audience : - le rapport de M. Gabarda, juge des référés ; - les observations de Me Forray substituant Me Chautemps, représentant la société TSO REALI ; - les observations de Me de Bailliencourt pour la Caisse nationale d'assurance vieillesse. La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit

: 1. Par un avis d'appel public à la concurrence du 22 juin 2023, la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert, divisée en douze lots, aux fins de passation du marché de travaux ayant pour objet la réhabilitation de l'immeuble de bureaux " Le Cervier II " à Cergy-Pontoise. La société TSO REALI a déposé une candidature et une offre pour les lots n° 3 " Menuiseries extérieures aluminium - bardages " et n° 4 " Charpente métallique - serrurerie - métallerie ", dans le délai fixé par le règlement de la consultation au 27 juillet 2023. Par un courrier du 24 octobre 2023, la CNAV a invité la société TSO REALI, en application de la procédure prévue à l'article L. 2141-11 du code de la commande publique à lui fournir toute précision susceptible de prouver l'adoption pour le chantier de Cergy de mesures propres à rétablir la fiabilité qu'elle ne présente pas lors de l'exécution des lots n°01.3 " métallerie - serrurerie " et 01.6 " menuiseries aluminium - vitrerie - protection solaire " du marché public de travaux de rénovation des locaux du siège de la CNAV situé à Paris. Par un courrier du 27 octobre 2023, la société TSO REALI a présenté des observations. Par une décision en date du 15 novembre 2023, la CNAV a exclu de la procédure de passation les candidatures de la société TSO REALI pour les lots N°3 et n°4 du marché public de travaux de réhabilitation de l'immeuble de bureaux " Le Cervier II " à Cergy-Pontoise sur le fondement des dispositions de l'article L. 2147-7 du code de la commande publique. La société TSO REALI demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative d'annuler cette décision. Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : En ce qui concerne la violation des règles de publicité et de mise en concurrence : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de son article L. 551-3 : " Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2141-7 du code de la commande publique : " L'acheteur peut exclure de la procédure de passation d'un marché les personnes qui, au cours des trois années précédentes, ont dû verser des dommages et intérêts, ont été sanctionnées par une résiliation ou ont fait l'objet d'une sanction comparable du fait d'un manquement grave ou persistant à leurs obligations contractuelles lors de l'exécution d'un contrat de la commande publique antérieur ". En outre, aux termes de l'article L. 2141-11 du code de la commande publique : " L'acheteur qui envisage d'exclure un opérateur économique en application de la présente section doit le mettre à même de présenter ses observations afin d'établir dans un délai raisonnable et par tout moyen qu'il a pris les mesures nécessaires pour corriger les manquements précédemment énoncés et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation du marché n'est pas susceptible de porter atteinte à l'égalité de traitement ". 4. Il appartient au juge administratif, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l'administration. Dans le cadre de ce contrôle de pleine juridiction, le juge vérifie en particulier les motifs de l'exclusion d'un candidat de la procédure d'attribution d'un marché. 5. Il résulte de l'instruction que la société TSO REALI seulement mise en demeure par une lettre de la CNAV en date du 21 février 2023 n'a pas été sanctionnée par le prononcé d'une mesure de résiliation contractuelle et n'a pas été condamnée au paiement de dommages et intérêts au cours des trois années ayant précédé la procédure de passation du marché public dont elle a été exclue. En outre, pour prononcer la mesure d'exclusion de la candidature de la société TSO REALI en application des dispositions de l'article L. 2141-7 du code de la commande publique, le pouvoir adjudicateur s'est fondé au terme des motifs de la décision du 15 Novembre 2023 sur " l'application d'importantes pénalités " sans toutefois identifier de manière précise et circonstanciée la mise en œuvre d'une procédure de sanction financière ainsi que le montant des pénalités qui aurait été infligées. Enfin, si dans ses écritures en défense, la CNAV se prévaut de l'existence de manquements contractuels dans l'exécution des prestations contractuelles du lot 01.6 du marché public de réhabilitation du siège de la CNAV, il résulte toutefois de l'instruction que la seule sanction associée à ces manquements et effectivement prononcée est la pénalité contractuelle d'un montant de 120 420,38 euros infligée au titre du décompte mensuel du mois d'octobre 2023. Si la CNAV se prévaut également de l'ordre de service n°01.3-018 en date du 5 décembre 2023 portant pénalité de retard d'un montant de 34 988,89 euros, cette pénalité infligée postérieurement à la décision litigieuse ne peut être utilement invoquée à l'effet de fonder l'exclusion de la société requérante. Dans ces conditions, la seule pénalité d'un montant de 120 420,38 euros représentant 5,5 % du montant du marché ne peut eu égard à son montant être regardée comme une sanction comparable à une mesure de résiliation contractuelle au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 2141-7 du code de la commande publique. Par suite, la société TSO REALI est fondée à soutenir que la CNAV a méconnu les dispositions de l'article L. 2141-7 de la commande publique en prononçant son exclusion de la procédure de passation du marché public et a ainsi manqué à ses obligations de mise en concurrence. En ce qui concerne les conséquences du manquement aux obligations de mise en concurrence : 6. Aux termes du I de l'article L. 551-2 du code de justice administrative : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. ". 7. Compte tenu de la nature du manquement relevé au point 5 et du stade auquel ce manquement a été commis, la société TSO REALI est fondée à demander l'annulation de la procédure de passation des lots n°3 et n°4 du marché litigieux au stade de l'analyse des candidatures, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête. Il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, si elle entend poursuivre la procédure d'attribution, de la reprendre au stade de l'analyse des candidatures dans des conditions conformes aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Sur les frais du litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme réclamée par la CNAV au titre des frais exposés. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la CNAV une somme de 1 500 euros en application de ces dispositions au titre des frais exposés par la société TSO REALI.

O R D O N N E :

Article 1er : La procédure engagée par la Caisse nationale d'assurance vieillesse pour la passation des lots n°3 et n°4 du marché public de travaux de réhabilitation de l'immeuble de bureaux " Le Cervier II " à Cergy-Pontoise est annulée au stade de l'analyse des candidatures. Article 2 : Il est enjoint à la Caisse nationale d'assurance vieillesse, si elle entend poursuivre la procédure d'attribution des lots n°3 et n°4, de la reprendre au stade de l'analyse des candidatures dans des conditions conformes aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Article 3 : La Caisse nationale d'assurance vieillesse versera à la société TSO REALI une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Les conclusions de la Caisse nationale d'assurance vieillesse présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à la société TSO REALI et à la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Fait à Cergy, le 20 décembre 2023 Le juge des référés, signé O. Gabarda La République mande et ordonne au préfet du Val d'Oise, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.