Tribunal administratif de Martinique, 13 juin 2023, 2300325

Mots clés
requérant • résidence • renvoi • ressort • recours • rejet • requête • astreinte • étranger • ingérence • réexamen • pouvoir • preuve • société • irrecevabilité

Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Bordeaux
18 octobre 2023
Tribunal administratif de Martinique
13 juin 2023

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Martinique
  • Numéro d'affaire :
    2300325
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Rejet
  • Nature : Décision
  • Avocat(s) : CORIN
Voir plus

Résumé

Vous devez être connecté pour pouvoir générer un résumé. Découvrir gratuitement Pappers Justice +

Suggestions de l'IA

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête, enregistrée le 8 juin 2023, M. C D, représenté par Me Corin, demande au tribunal : 1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 2°) d'annuler l'arrêté du 6 juin 2023 par lequel le préfet de la Martinique l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, ainsi que la décision du même jour fixant le pays de renvoi ; 3°) d'annuler la décision du 6 juin 2023 par laquelle le préfet de la Martinique l'a assigné à résidence sur le territoire de la commune de Fort-de-France, pour une durée de 45 jours, avec obligation de se présenter une fois par semaine au commissariat de police de Fort-de-France ; 4°) d'enjoindre au préfet de la Martinique de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 10 euros par jour de retard ; à défaut, d'enjoindre au préfet de la Martinique de réexaminer sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui s'engage à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Il soutient que : S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français : - l'auteur de l'acte est incompétent, faute de justifier d'une délégation régulière ; - la décision est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'inexactitude matérielle des faits ; - elle est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ; - elle méconnaît les dispositions des articles L. 541-1 et L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans la mesure où il n'a pas reçu notification de la décision portant rejet de sa demande d'asile ; - elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il a déposé une demande d'autorisation provisoire de séjour qui est toujours en cours d'instruction ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. S'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français : - l'auteur de l'acte est incompétent, faute de justifier d'une délégation régulière ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle méconnaît le droit d'être entendu, qui constitue un principe général du droit de l'Union européenne ; - elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - le préfet de la Martinique n'a pas examiné les critères cumulatifs fixés par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est disproportionnée. S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi : - l'auteur de l'acte est incompétent, faute de justifier d'une délégation régulière ; - elle est insuffisamment motivée ; - elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle. S'agissant de la décision portant assignation à résidence : - elle est insuffisamment motivée ; - elle méconnaît les dispositions des articles L. 730-1 et L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La procédure a été régulièrement communiquée au préfet de la Martinique, qui n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente du tribunal a désigné Mme Monnier-Besombes, conseillère, pour statuer sur les mesures d'éloignement relevant de l'article L. 614-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique, tenue en présence de M. Minin, greffier d'audience, Mme Monnier-Besombes, conseillère, a lu son rapport. La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience publique, à 9h10.

Considérant ce qui suit

: 1. M. D, ressortissant haïtien né le 21 décembre 1969, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 6 décembre 2018 sous couvert d'un passeport délivré par les autorités de la République d'Haïti, dépourvu de tout visa d'entrée en France, après avoir transité par la République dominicaine et l'île de la Dominique. Il a déposé une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 juin 2019, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 septembre 2019. Il s'est toutefois maintenu en France et a sollicité le réexamen de sa demande d'asile, rejetée pour irrecevabilité par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 février 2020. Le 18 février 2022, M. D a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, qu'il n'a pas exécutée. Le 6 juin 2023, le préfet de la Martinique a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et a assorti cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par deux actes distincts du même jour, il a désigné Haïti comme pays de destination et a assigné l'intéressé à résidence, sur le territoire de la commune de Fort-de-France, pour une durée de 45 jours, avec obligation de se présenter une fois par semaine au commissariat de police de Fort-de-France. Par la présente requête, M. D demande au tribunal l'annulation de ces décisions. Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire : 2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence [], l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ". 3. Il y a lieu, eu égard à l'urgence qui s'attache à ce qu'il soit statué sur sa requête, de prononcer l'admission provisoire de M. D à l'aide juridictionnelle. Sur les conclusions aux fins d'annulation : En ce qui concerne le moyen commun aux décisions contestées : 4. Par arrêté n° R02-2023-06-05-00002 du 5 juin 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° R02-2023-141 du 5 juin 2023, accessible tant au juge qu'aux parties, le préfet de la Martinique a donné délégation de signature à M. A B, directeur de la réglementation, de la citoyenneté et de l'immigration, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Laurence Gola de Monchy, secrétaire générale de la préfecture, de Mme F H, sous-préfète déléguée à l'égalité et à la cohésion sociale, et de M. G E, directeur de cabinet, dont il n'est pas établi qu'ils n'étaient pas absents ou empêchés, tous les actes relevant des attributions de sa direction, y compris les décisions portant sur l'obligation de quitter le territoire français et les mesures d'exécution prises en application de ces décisions. Il s'ensuit que M. B était compétent pour signer, au nom du préfet de la Martinique, les décisions contestées du 6 juin 2023. Le moyen d'incompétence doit, par suite, être écarté. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " () La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l'interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ". L'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police () ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". 6. En l'espèce, la décision portant obligation de quitter le territoire français vise les dispositions applicables à la situation du requérant, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle précise également, de manière non stéréotypée, que M. D, après être entré irrégulièrement en France selon ses déclarations le 6 décembre 2018, s'est maintenu sur le territoire malgré le rejet de sa demande d'asile et l'obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans dont il a fait l'objet, le 18 février 2022, et qu'il n'a pas exécutée. Par ailleurs, l'arrêté indique que les liens personnels et familiaux de l'intéressé en France ne sont pas anciens, intenses et stables, et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 49 ans et où résident ses cinq enfants. Dans ces conditions, la décision contestée comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle répond ainsi aux exigences de motivation, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de la Martinique n'étant pas tenu de mentionner de manière exhaustive tous les éléments relatifs à sa situation personnelle. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation manque en fait et doit être écarté. 7. En deuxième lieu, si le requérant soutient que son père est décédé, que plusieurs membres de sa famille résident de façon régulière en Martinique et qu'il a déposé une demande de titre de séjour, il n'apporte toutefois aucun élément de nature à justifier de ses allégations, qui ne sont dès lors pas établies. A le supposer soulevé, le moyen tiré de l'erreur de fait doit, dès lors, être écarté. 8. En troisième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision attaquée, ni des autres éléments du dossier, que le préfet de la Martinique aurait procédé à un examen insuffisamment circonstancié de la situation personnelle de M. D. Le moyen tiré de l'erreur de droit n'est dès lors pas fondé. Il doit, par suite, être écarté. 9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". En outre, il résulte de l'article L. 542-1 du même code que : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article R. 531-19 du même code : " La date de notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui figure dans le système d'information de l'office, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire ". Enfin, il ressort de l'article L. 532-1 de même code que : " La Cour nationale du droit d'asile () statue sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides prises en application des articles L. 511-1 à L. 511-8, L. 512-1 à L. 512-3, L. 513-1 à L. 513-5, L. 531-1 à L. 531-35, L. 531-41 et L. 531-42. A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides soit, si la Cour nationale du droit d'asile a été saisie, jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de cette ordonnance. 10. Il ressort de l'extrait de la base de données " TelemOfpra " versé au dossier par le préfet de la Martinique et dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 février 2020, rejetant la demande de réexamen de la demande d'asile de M. D, lui a été notifiée le 9 mars 2020. Il disposait ainsi d'un délai d'un mois à compter de la notification de cette décision pour présenter un recours devant la Cour nationale du droit d'asile, qu'il ne démontre aucunement avoir exercé. Il en résulte que l'intéressé ne bénéficiait plus du droit au maintien sur le territoire français à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté, le requérant ne pouvant par ailleurs utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 532-54 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui s'applique aux notifications des décisions rendues par la Cour nationale du droit d'asile. 11. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas le fondement légal de la décision d'obligation de quitter le territoire français contestée, doit être écarté comme inopérant, alors au demeurant que l'allégation selon laquelle l'employeur de M. D aurait sollicité une autorisation provisoire de séjour afin de pouvoir l'embaucher, qui n'est étayée par aucune pièce du dossier, ne peut être regardée comme établie, et que le requérant ne justifie ainsi pas être titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 12. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 13. En l'espèce, M. D, qui a déclaré être entré irrégulièrement en France le 6 décembre 2018, a présenté une demande d'asile, qui a été définitivement rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 février 2020. Il a fait l'objet, le 18 février 2022, d'une obligation de quitter le territoire français, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, qu'il n'a toutefois pas exécutée, l'intéressé s'étant irrégulièrement maintenu sur le territoire français. Le requérant, qui se borne à produire un titre de séjour de Mme K D, chez qui il expose être hébergé, ainsi qu'un certificat du 1er mars 2021 attestant qu'il cohabite avec Mme J I, sans toutefois indiquer la nature des relations qu'il entretient avec ces personnes, ne saurait être regardé comme justifiant de liens personnels et familiaux en France anciens, intenses et stables. Il ne justifie pas davantage d'une intégration particulière dans la société française, malgré la production d'un bulletin de salaire du mois de mai 2019 et d'une promesse d'embauche en qualité d'ouvrier agricole datée du 20 janvier 2023. Par ailleurs, il ne démontre pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 49 ans et où résident ses cinq enfants et le reste de sa famille. Par suite, M. D, qui n'établit pas avoir transféré l'ensemble de sa vie privée et familiale en France, n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté. En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français : 14. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ". 15. Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. 16. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément. 17. L'arrêté du 6 juin 2023 mentionne notamment, dans le corps de ses motifs, l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il précise qu'il n'apparaît aucune circonstance humanitaire pouvant justifier qu'il ne soit pas prononcé d'interdiction de retour et que l'ensemble de l'examen de la situation de l'intéressé a été effectué relativement à la durée d'une telle mesure d'interdiction. L'arrêté indique encore que, compte-tenu de la date d'entrée en France de M. D il y a quatre ans, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de l'existence d'une précédente mesure d'éloignement non exécutée et nonobstant l'absence de comportement troublant l'ordre public, il y a lieu de fixer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Dans ces conditions, la décision du préfet de la Martinique portant interdiction de retour sur le territoire français comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle répond ainsi aux exigences de motivation et n'est pas stéréotypée, contrairement à ce que soutient le requérant. Le moyen soulevé sur ce point n'est dès lors pas fondé. Il doit, par suite, être écarté. 18. En deuxième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. En outre, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C 166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision en litige que si la procédure administrative en cause aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir. 19. En l'espèce, à la suite de son interpellation, le 6 juin 2023, M. D a été auditionné dans le cadre d'une vérification de son droit au séjour. Il ressort du procès-verbal d'audition qu'il a été invité à s'exprimer sur sa situation administrative et familiale, sur les démarches entreprises pour régulariser son séjour et sur son éventuel éloignement. Il n'est pas établi que M. D disposait d'autres informations qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance des services de la préfecture avant l'édiction des décisions qu'il conteste et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à y faire obstacle. Dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant eu la faculté d'être entendu préalablement à l'édiction des décisions attaquées et le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit dès lors être écarté. 20. En troisième lieu, il résulte des énonciations du présent jugement que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par le requérant à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ne peut, dès lors, qu'être écarté. 21. En quatrième lieu, il ressort des termes même de la décision attaquée que, pour édicter à l'encontre de M. D la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet de la Martinique a pris en compte l'ensemble des quatre critères énumérés par les dispositions citées précédemment de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit n'est pas fondé et doit ainsi être écarté. 22. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". 23. Compte tenu des éléments relatifs à la situation personnelle de M. D cités au point 13, et alors que l'intéressé, entré en France depuis seulement quatre ans, a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans le 18 février 2022, qu'il n'a pas exécutée, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an prononcée à l'encontre de M. D, qui ne se prévaut d'aucune circonstance humanitaire au sens de l'article L. 612-6 précité, n'est pas disproportionnée, quand bien même il ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Le moyen doit, par suite, être écarté. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 24. En premier lieu, la décision attaquée vise notamment l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dont le préfet a fait application et mentionne que l'intéressé n'apporte, après le rejet définitif de sa demande d'asile, aucun élément permettant d'établir la réalité des craintes qu'il estime encourir. Cette décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation de la décision fixant le pays de renvoi doit donc être écarté. 25. En deuxième lieu, il résulte des énonciations du présent jugement que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par le requérant à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi ne peut, dès lors, qu'être écarté. 26. En troisième lieu, l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; () / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". En outre, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 27. Si M. D soutient que la situation sécuritaire en Haïti ne cesse de s'aggraver, il n'apporte toutefois aucun élément précis et circonstancié de nature à établir la réalité des craintes alléguées auxquelles il serait personnellement exposé en Haïti, alors au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée par une décision définitive de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 février 2020. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle doivent, par suite, être écartés. En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence : 28. En premier lieu, l'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Les décisions d'assignation à résidence, y compris de renouvellement, sont motivées ". 29. En l'espèce, la décision attaquée vise les textes dont elle fait application, notamment les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions utiles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise les éléments qui ont conduit le préfet de la Martinique à assigner M. D à résidence, en l'espèce le fait que l'intéressé fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Il est également indiqué que M. D détient un passeport valide délivré par les autorités haïtiennes, qu'il existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation de quitter le territoire français et qu'il est nécessaire d'organiser son départ de France. Dans ces conditions, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et permet à M. D d'en discuter utilement. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté. 30. En second lieu, aux termes de l'article L. 730-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, assigner à résidence l'étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement sans délai de départ volontaire ou pour laquelle le délai de départ volontaire imparti a expiré et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français ", et aux termes de l'article L. 731-1 de ce code : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; ". 31. Il ressort des pièces du dossier que M. D fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai de départ volontaire n'a pas été accordé. Par ailleurs, l'intéressé, qui détient un passeport en cours de validité délivré par les autorités haïtiennes et qui n'a pas exécuté une précédente obligation de quitter le territoire français en date du 18 février 2022, ne démontre pas qu'il pourrait immédiatement quitter le territoire ni que son éloignement ne demeurerait pas une perspective raisonnable. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 730-1 et L. 731-1 précités doit être écarté. 32. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. D tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2023 par lequel le préfet de la Martinique l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, ainsi que des décisions du même jour fixant le pays de renvoi et prononçant son assignation à résidence sur le territoire de la commune de Fort-de-France pour une durée de 45 jours, doivent être rejetées. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 33. Le présent jugement, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. D, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. Sur les conclusions relatives aux frais d'instance : 34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que l'avocate de M. D demande au titre des frais exposés qu'elle aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle.

D E C I D E :

Article 1er : M. D est admis, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C D et au préfet de la Martinique. Rendue publique par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023. La magistrate désignée, A. Monnier-Besombes Le greffier, J.-H. Minin La République mande et ordonne au préfet de la Martinique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°2300325