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CEDH, Cour (Troisième Section), AFFAIRE JANES CARRATU c. ITALIE, 19 octobre 2010, 68585/01

Synthèse

  • Juridiction : CEDH
  • Numéro de pourvoi :
    68585/01
  • Importance : Faible
  • État défendeur : Italie
  • Nature : Arrêt
  • Identifiant européen :
    ECLI:CE:ECHR:2010:1019JUD006858501
  • Lien HUDOC :https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-101255
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Résumé

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Texte intégral

TROISIÈME SECTION AFFAIRE JANES CARRATÙ c. ITALIE (Requête no 68585/01) ARRÊT (Satisfaction équitable) STRASBOURG 19 octobre 2010 DÉFINITIF 19/01/2011 Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. En l'affaire Janes Carratù c. Italie, La Cour européenne des droits de l'homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de : Josep Casadevall, président, Corneliu Bîrsan, Boštjan M. Zupančič, Alvina Gyulumyan, Egbert Myjer, Ineta Ziemele, Guido Raimondi, juges, et de Santiago Quesada, greffier de section, Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 septembre 2010, Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 68585/01) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet Etat, M. Francesco Janes Carratù (« le requérant »), a saisi la Cour le 26 novembre 1999 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). 2. Par un arrêt du 3 août 2006 (« l'arrêt au principal »), la Cour a jugé que l'ingérence dans le droit au respect des biens du requérant n'était pas compatible avec le principe de légalité et que, partant, il y avait eu violation de l'article 1 du Protocole no 1 (Janes Carratù c. Italie, no 68585/01, § 54, et point 2 du dispositif, 3 août 2006). 3. E²n s'appuyant sur l'article 41 de la Convention, à titre de préjudice matériel le requérant réclamait une somme correspondant à la valeur du terrain litigieux, augmentée de la valeur de l'ouvrage public construit sur son terrain. Le requérant sollicitait en outre une indemnité pour dommage moral. Enfin il revendiquait le remboursement des frais encourus dans la procédure à Strasbourg. 4. La question de l'application de l'article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l'a réservée et a invité le Gouvernement et le requérant à lui soumettre par écrit, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt deviendrait définitif, leurs observations sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (ibidem, § 67, et point 4 du dispositif). 5. Le délai fixé pour permettre aux parties de parvenir à un accord amiable était venu à échéance sans que les parties n'aboutissent à un tel accord. 6. Le 14 novembre 2007, le président de la chambre a décidé de demander aux parties de nommer chacune un expert chargé d'évaluer le préjudice matériel et de déposer un rapport d'expertise avant le 14 février 2008. 7. Lesdits rapports d'expertise ont été déposés dans le délai imparti.

EN DROIT

8. Aux termes de l'article 41 de la Convention, « Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. » A. Dommage matériel 9. Le requérant demande à la Cour de lui accorder une satisfaction équitable conformément à la jurisprudence en matière d'expropriation indirecte (Carbonara et Ventura c. Italie (satisfaction équitable), no 24638/94, 11 décembre 2003 ; Belvedere Alberghiera S.r.l. c. Italie (satisfaction équitable), no 31524/96, 30 octobre 2003). Selon lui, seule la restitution du terrain aurait pu le placer dans une situation équivalente à celle d'origine. A défaut de restitution, le requérant demande à être intégralement dédommagé, déduction faite de la somme qu'il a perçue au niveau national, et , se basant sur l'expertise déposée, réclame une somme couvrant la valeur du terrain aujourd'hui, augmentée de la plus-value apportée par l'existence de bâtiments, et de la perte de jouissance, à savoir 2 500 000 EUR. 10. Le Gouvernement soutient que la valeur marchande du terrain devrait être calculée par rapport au moment du transfert de propriété et il fait valoir qu'aucune somme n'est due au requérant à titre de plus-value apportée au terrain par l'ouvrage public y réalisé. 11. A titre subsidiaire, le Gouvernement fait valoir que la Cour devrait fonder son appréciation sur la différence entre la valeur marchande du bien estimée par l'expert commis d'office par le juge national et la somme liquidée par ce dernier aux termes de la loi no 662 de 1996. 12. La Cour rappelle qu'un arrêt constatant une violation entraîne pour l'Etat défendeur l'obligation de mettre un terme à la violation et d'en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI). 13. Elle rappelle que dans l'affaire Guiso-Gallisay c. Italie ((satisfaction équitable) [GC], no 58858/00, 22 décembre 2009), la Grande Chambre a modifié la jurisprudence de la Cour concernant les critères d'indemnisation dans les affaires d'expropriation indirecte. En particulier, la Grande Chambre a décidé d'écarter les prétentions des requérants dans la mesure où elles sont fondées sur la valeur des terrains à la date de l'arrêt de la Cour et de ne plus tenir compte, pour évaluer le dommage matériel, du coût de construction des immeubles bâtis par l'Etat sur les terrains. 14. Selon les nouveaux critères fixés par la Grande Chambre, l'indemnisation doit correspondre à la valeur pleine et entière du terrain au moment de la perte de la propriété, telle qu'établie par l'expertise ordonné par la juridiction compétente au cours de la procédure interne. Ensuite, une fois que l'on aura déduit la somme éventuellement octroyée au niveau national, ce montant doit être actualisé pour compenser les effets de l'inflation. Il faut aussi l'assortir d'intérêts susceptibles de compenser, au moins en partie, le long laps de temps qui s'est écoulé depuis la dépossession des terrains. Ces intérêts doivent correspondre à l'intérêt légal simple appliqué au capital progressivement réévalué. 15. En l'espèce, le requérant a perdu la propriété de son terrain en 1991. Il ressort de l'expertise ordonnée par les juridictions internes que la valeur du bien à cette date était de 269 040 000 ITL, soit 138 948 EUR (paragraphe 15 de l'arrêt au principal). 16. Compte tenu de ces éléments et statuant en équité, la Cour estime raisonnable d'accorder au requérant la somme de 265 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt sur cette somme. 17. Reste à évaluer la perte de chances subie par le requérant à la suite de l'expropriation litigieuse. Statuant en équité, la Cour alloue au requérant 8 000 EUR pour la perte de chances. B. Dommage moral 18. Le requérant sollicite le versement de 100 000 EUR au titre de préjudice moral. 19. Le Gouvernement estime que la somme demandée par le requérant est excessive et s'en remet à la sagesse de la Cour. 20. La Cour estime que le sentiment d'impuissance et de frustration face à la dépossession illégale de son bien a causé au requérant un préjudice moral important, qu'il y a lieu de réparer de manière adéquate. 21. Statuant en équité, la Cour accorde au requérant la somme de 10 000 EUR au titre du préjudice moral. C. Frais et dépens 22. Justificatifs à l'appui, le requérant demande 79 282,76 EUR pour les frais de procédure devant la Cour. 23. Le Gouvernement estime que la somme demandée par le requérant est excessive. 24. La Cour rappelle que l'allocation des frais et dépens au titre de l'article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En outre, les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée (voir, par exemple, Beyeler c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 33202/96, § 27, 28 mai 2002 ; Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 105, CEDH 2003-VIII). 25. La Cour ne doute pas de la nécessité d'engager des frais, mais elle trouve excessifs les honoraires totaux revendiqués à ce titre. Elle considère dès lors qu'il y a lieu de les rembourser en partie seulement. Compte tenu des circonstances de la cause, la Cour juge raisonnable d'allouer un montant de 20 000 EUR pour les frais exposés. D. Intérêts moratoires 26. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS

, LA COUR, À L'UNANIMITÉ, 1. Dit a) que l'Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes : i. 273 000 EUR (deux cent soixante treize mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage matériel ; ii. 10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt, pour dommage moral ; iii. 20 000 EUR (vingt mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt au requérant, pour frais et dépens ; b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ; 2. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus. Fait en français, puis communiqué par écrit le 19 octobre 2010, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement. Santiago Quesada Josep Casadevall Greffier Président

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