Avis juridique important
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61985C0182
Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 9 juin 1987. - Alfons Lütticke GmbH contre Denkavit Futtermittel GmbH. - Demande de décision préjudicielle: Amtsgericht Köln - Allemagne. - Organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers - Conditions de l'octroi d'aides pour le lait écrémé en poudre. - Affaire 182/85.
Recueil de jurisprudence 1987 page 03159
Conclusions de l'avocat général
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Monsieur le Président,
Messieurs les Juges,
1 . Par cette demande préjudicielle, l' Amtsgericht Koeln vous demande d' interpréter certaines dispositions réglementaires relatives aux aides au lait écrémé en poudre que l' on utilise pour l' alimentation des animaux .
Les questions visent, en substance, à établir si la méthode d' analyse, avec la marge de tolérance correspondante, que le régime d' intervention prévoit pour déceler la présence de lactosérum dans le lait en poudre est applicable au régime des aides . On souhaite, en outre, savoir si, une fois cette applicabilité admise et lorsque ladite méthode a conduit à conclure à l' absence de lactosérum, les autorités compétentes peuvent obtenir la répétition des aides dans le cas où des vérifications nouvelles et différentes mettent en évidence la présence de cette substance dans le produit .
2 . L' affaire au principal trouve son origine dans une livraison de lait écrémé en poudre effectuée par la société allemande Luetticke à une autre entreprise, également allemande, la société Denkavit, qui aurait dû l' utiliser pour la préparation d' aliments composés susceptibles de bénéficier d' une aide communautaire .
Le contrat conclu entre les parties prévoyait que, si le lait livré n' était pas apte à bénéficier des aides au titre de la réglementation en vigueur à l' époque (( règlement n°*986/68 du Conseil, du 15 juillet 1968, établissant les règles générales relatives à l' octroi des aides pour le lait écrémé et le lait écrémé en poudre destinés à l' alimentation des animaux ( JO L*169, p.*4 ), et règlement n°*1725/79 de la Commission, du 26 juillet 1979, relatif aux modalités d' octroi des aides au lait écrémé transformé en aliments composés et au lait écrémé en poudre destiné à l' alimentation des veaux ( JO L*199, p.*1 ), avec les modifications ultérieures )), la société fournisseuse aurait dû reprendre la marchandise en remboursant le prix éventuellement versé et en prenant à sa charge les frais d' analyse et de transport du produit . Dans l' hypothèse inverse - c' est-à-dire si le lait en poudre se révélait apte à bénéficier des aides, mais était néanmoins refusé par Denkavit et repris par Luetticke -, les frais de transport et d' analyse auraient été à la charge de l' autre société .
Dans le cadre des relations ainsi définies, Denkavit a fait analyser une livraison reçue le 14 juillet 1983 . Suivant la méthode employée, il est apparu que la part de lactosérum présent oscillait entre un maximum de 3 % et un minimum - révélé au moyen de la méthode prévue par le régime d' intervention - de 0,5 %. L' entreprise livrée a alors exigé que la fournisseuse reprenne la marchandise . Luetticke s' est exécutée, mais a réclamé le remboursement des frais et, Denkavit lui ayant opposé un refus, l' a citée devant l' Amtsgericht Koeln .
Dans la procédure qui a suivi, la confrontation entre les parties a tourné autour de l' aptitude du lait livré à bénéficier des dispositions du règlement n°*1725/79 . Denkavit a soutenu que la présence de tout pourcentage de lactosérum exclut le produit de l' octroi d' aides . En effet, alors que le règlement n°*625/78 de la Commission, du 30 mars 1978, relatif aux modalités d' application du stockage public du lait écrémé en poudre ( JO L*84, p.*19 ), prévoit la possibilité d' offrir le produit à l' intervention à la condition que le lactosérum présent n' excède pas 2 %, l' autre source de droit ne prévoit aucune marge de tolérance . Donc, si elle avait accepté le lait en poudre, la défenderesse aurait couru le risque de devoir restituer les aides qui lui ont été octroyées, et cela carrément pendant trente ans, puisque telle est la durée de la prescription à laquelle serait soumise, selon le service allemand compétent ( Bundesamt fuer Ernaehrung und Forstwirtschaft ), la condictio indebiti .
La défenderesse soutient le point de vue contraire . Luetticke a considéré comme inique et impraticable la thèse selon laquelle le produit contenant un pourcentage minime de lactosérum ne serait pas susceptible de bénéficier des aides . En effet, le règlement n°*1725/79 ne prévoit pas de méthode d' analyse et, dans cette situation, il est évident que l' on doit se référer par analogie à la méthode et à la marge de tolérance fixée par le règlement n°*625/78 . Une interprétation différente se heurterait au principe de proportionnalité et, en privant des aides les produits qualitativement aptes au stockage, elle compromettrait l' un des objectifs pour lesquels ces mêmes aides ont été instituées : éviter que tous les excédents de lait écrémé en poudre soient offerts aux organismes d' intervention .
L' Amtsgericht a estimé que ce dernier argument n' était pas privé de force de conviction surtout si l' affirmation de la demanderesse selon laquelle la présence de traces minimes de lactosérum peut être due non pas à des adjonctions frauduleuses, mais à des facteurs d' un autre genre, se trouvait confirmée . Il a donc sursis à statuer et, en application de l' article 177 du traité CEE, vous a soumis les questions préjudicielles suivantes :
"1 ) Le régime d' intervention appliqué au secteur du lait et des produits laitiers conformément au règlement n°*804/68, du 27 juin 1968 ( JO L*148, p.*13 ), doit-il être interprété en ce sens que le lait écrémé en poudre qui satisfait aux conditions de qualité requises pour le stockage public ( dispositions combinées de l' article 5 du règlement n°*804/68 et du règlement n°*625/78 ) doit, de ce fait, être considéré comme susceptible de bénéficier des aides au sens des dispositions combinées de l' article 10 du règlement n°*804/68 et du règlement n°*1725/79?
2 ) Le fait que l' utilisation de la méthode d' analyse décrite à l' annexe IV du règlement n°*625/78 révèle, compte tenu de la tolérance qu' elle prévoit, l' absence totale de lactosérum implique-t-il que le lait écrémé en poudre en cause doit être considéré comme étant exempt de lactosérum aux fins de l' octroi d' aides au titre du règlement n°*1725/79?
3 ) En cas de réponse affirmative à la deuxième question :
a ) le fait que cette méthode prévoit une tolérance de 2 % implique-t-il que la même tolérance peut être admise également pour les résultats obtenus dans les États membres pour l' octroi desdites aides en recourant à des méthodes différentes et non prescrites par le droit communautaire;
b ) le fait qu' une analyse partant de cette tolérance met en évidence l' absence totale de lactosérum dans un lot de lait écrémé en poudre implique-t-il, pour le destinataire des aides, la faculté de s' opposer également à une demande de répétition de celles-ci lorsque d' autres constatations ( par exemple, un contrôle effectué auprès du fabricant du lait en poudre ) prouve que du lactosérum en poudre a été mélangé au lait écrémé en poudre?
4 ) L' article 1er, paragraphe 2, du règlement n°*1725/79 est-il contraire au principe de proportionnalité en ce qu' il exclut des aides du lait écrémé en poudre en raison de la présence de lactosérum bien qu' il puisse être offert aux organismes d' intervention sur la base de l' annexe IV du règlement n°*625/78?"
Dans notre procédure, des observations écrites ont été présentées par les parties à la procédure au principal et par la Commission des Communautés européennes .
3 . Il est utile de faire précéder l' examen des questions d' un bref rappel de la réglementation communautaire qui régit les aides litigieuses .
L' article 10 du règlement n°*804/68, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers, prévoit l' octroi d' aides pour le lait écrémé en poudre destiné à l' alimentation des animaux à la condition qu' il réponde à certaines caractéristiques de qualité . Ces dispositions sont, en substance, parallèles à celles de l' article 7 qui régit l' achat du lait écrémé en poudre par les organismes d' intervention . La deuxième disposition, toutefois, d' une part, exige que le produit soit "de première qualité" et, d' autre part, ne requiert pas qu' il soit destiné à l' alimentation des animaux .
Par le règlement ultérieur n°*986/68, le législateur a établi les règles générales qui président à l' octroi des aides prévues par l' article 10, précité . Son article 1er, tel que modifié par le règlement n°*876/77 du Conseil ( JO L*106, p.*24 ), dispose, à la lettre d ), que, par "lait écrémé en poudre", il faut entendre "le lait et le babeurre sous forme de poudre contenant au maximum 11 % de matières grasses ...". L' article 2, modifié par le règlement n°*2128/84 du Conseil ( JO L*196, p.*6 ), prévoit, pour sa part, l' octroi d' aides pour "le lait écrémé en poudre et le babeurre en poudre *... utilisés dans la fabrication d' aliments composés ". Enfin, le règlement n°*1725/79 de la Commission dispose, en son article 1er, que le lait écrémé en poudre destiné à l' alimentation des veaux ne bénéficie des aides que s' il répond à la définition mentionnée .
Cette définition doit toutefois être rapportée à celle du lait ( ou du babeurre ) qui figure sous la lettre a ) du même article 1er du règlement n°*986/68 : "le produit de la traite d' une ou de plusieurs vaches, auquel rien n' a été ajouté et ( qui ) n' a tout au plus ( subi qu' un écrémage partiel )" ( souligné par nous ). On en déduit que, au sens de notre réglementation, et en particulier du règlement n°*1725/79, un lait dans la préparation duquel ont été utilisés des ingrédients autres que ceux qui sont prescrits ou ont été ajoutées des substances qui ne sont pas explicitement autorisées est exclu du bénéfice des aides même si son apparence et sa composition chimique sont tout à fait régulières . Ce principe a d' ailleurs été clairement affirmé dans votre arrêt rendu le 21 septembre 1983 dans les affaires jointes 205 à 215/82, Deutsche Milchkontor GmbH/Allemagne ( Rec . p.*2633, point 12 des motifs ), et il y a lieu de s' y référer pour la solution des problèmes qui vous sont soumis .
4 . Par la première question, l' Amtsgericht Koeln vous demande en substance si le lait destiné à l' intervention peut être considéré comme susceptible de bénéficier également d' aides . Luetticke plaide en faveur d' une réponse affirmative : le régime des aides, soutient-elle, est fonction du régime d' intervention, parce qu' il permet d' alléger de façon sensible les charges que celui-ci impose en détournant une partie du produit qui peut être destiné au stockage vers une utilisation moins onéreuse . Selon Denkavit et la Commission, en revanche, les deux régimes ont trait à des produits intrinsèquement différents : il est donc impossible de compléter l' un avec des éléments empruntés à l' autre .
Relevons d' emblée que la prémisse de cette dernière observation est exacte . Comme on vient de le voir, du lait "de première qualité" doit être destiné à l' intervention alors que cette caractéristique supérieure n' est pas requise pour le lait susceptible de bénéficier d' aides . En outre, le premier régime exclut rigoureusement la présence de babeurre (( article 1er, paragraphe 1, sous c ), du règlement n°*625/78 )) et le deuxième l' admet au moins à partir de 1975 (( article 1er, sous a ), du règlement n°*986/68 dans sa version modifiée par le règlement n°*472/75 ( JO L*52, p.*22 ), dont il convient de voir surtout le premier considérant )). En troisième lieu, la teneur en matières grasses qui, dans le cas de l' intervention, ne doit pas dépasser 1,25 % ( annexe I au règlement n°*625/78 ), peut atteindre 11 % sur le plan des aides (( article 1er, sous d ), du règlement n°*986/68, dans la version modifiée par le règlement n°*472/75 )). Enfin, alors que le régime d' intervention exige que le lait ne soit pas vieux de plus d' un mois, celui des aides ne fixe pas de limite de validité .
Denkavit et la Commission tirent cependant de ces données des conséquences excessives . En effet, s' il est vrai qu' un produit répondant aux conditions prévues pour bénéficier des aides ne se révélera quasiment jamais susceptible de faire l' objet de l' intervention, l' affirmation contraire est assurément erronée . Puisque les caractéristiques requises pour l' intervention ( haute qualité, absence de babeurre, moindre teneur en matières grasses, plus grande fraîcheur ) sont plus rigoureuses, il est évident que le produit jugé apte par le régime correspondant devra, au moins en règle générale, être considéré également comme tel par l' autre . En déduirons-nous, comme l' affirme Luetticke, que la méthode d' analyse et la marge de tolérance prescrite par le premier aux fins de la détermination de lactosérum dans le lait en poudre lui sont également applicables?
Examinons cette question . Nous observerons d' abord que l' absence, dans la réglementation des aides, de dispositions relatives aux méthodes et aux tolérances spécifiques ne revêt pas l' importance que lui attribue la Commission . L' article 10 du règlement n°*1725/79 dispose en effet que, "afin de veiller au respect des dispositions de l' article 1er, paragraphes 2 et 4", les États sont tenus au "contrôle des entreprises concernées" en ce qui concerne "la composition du lait écrémé ( en poudre )". Or, dans la mesure où il fait sienne la définition énoncée à l' article 1er, sous a ) et d ), du règlement n°*986/68 ( voir ci-dessus, point*3, in fine ), le même article 1er, paragraphe 2, du règlement n°*1725/79 exige que rien n' ait été ajouté à ce produit; le contrôle des entreprises devra donc tendre également à vérifier si le lait en poudre a été enrichi de lactosérum . La Cour est d' ailleurs parvenue également, encore qu' en des termes plus généraux, à une telle conclusion : les États, lit-on dans l' arrêt Milchkontor, précité, "sont tenus de vérifier par des contrôles appropriés la conformité du lait écrémé en poudre avec la réglementation communautaire *..., afin d' assurer que les aides *... ne soient pas versées pour des produits ne devant pas en bénéficier" ( point 43 des motifs de l' arrêt ).
La Commission n' est pas d' accord . A son avis, comme le prouve le bulletin d' analyse visé à l' annexe I du règlement n°*1725/79, le dépistage du lactosérum n' est pas nécessaire et doit être effectué uniquement à la demande des autorités nationales . Mais ce point de vue doit être rejeté . Le formulaire du bulletin prévoit effectivement l' indication de la présence en pourcentage de lactosérum pour autant que sa recherche est demandée par les États (( point 2, sous g )*)). Il est cependant évident qu' un texte d' une telle nature ne saurait lier l' interprète dans la lecture de dispositions réglementaires . Et, comme nous venons de l' observer, les dispositions pertinentes exigent que le lait soit exempt de lactosérum en imposant aux États l' obligation d' en établir l' absence au moyen de contrôles appropriés .
Ce point crucial étant clarifié, le problème se réduit à celui de déterminer en quoi doivent consister lesdits contrôles . Il ressort, nous semble-t-il, avec clarté des dispositions précitées et de votre jurisprudence qu' il incombe aux États de définir leur contenu ainsi que leurs modalités . Et cela vaut également pour la marge de tolérance . Le fait que le règlement n°*1725/79 l' ignore n' implique en aucune manière, comme Denkavit et la Commission le soutiennent, qu' elle ne soit pas admissible en matière d' aides . La conséquence qu' il y a lieu de tirer de ce silence est autre : l' existence et l' importance de la marge sont fonction du type d' analyse choisi par l' État dans l' exercice du pouvoir discrétionnaire que la réglementation communautaire lui reconnaît .
Il faut cependant s' entendre sur la portée de ce pouvoir . Comme l' affirme le point 8.3 de l' annexe IV au règlement n°*625/78 en ce qui concerne la méthode d' analyse prescrite pour l' intervention, la prévision d' une marge est due à des raisons techniques, liées aux "erreurs de méthode" toujours possibles et aux "variations naturelles de composition de l' échantillon", et elle n' implique certainement pas que du lactosérum peut être ajouté au lait jusqu' à concurrence des pourcentages tolérés . Pouvoir discrétionnaire donc, mais dans les limites de l' objectif - vérifier l' absence de lactosérum - dont s' inspire l' ensemble de la réglementation, celle des aides comme celle de l' intervention . En d' autres termes, la détermination d' une marge tenant compte de facteurs qui ne peuvent pas être ramenés à l' imprécision du procédé utilisé pour vérifier l' absence de lactosérum, serait illégale .
Si ces observations sont exactes, il est évident que les États sont libres d' appliquer, en matière d' aides, la méthode indiquée dans le règlement n°*625/78 avec les tolérances correspondantes . La Commission s' efforce encore d' écarter cette conclusion en faisant observer que ladite méthode vise à déceler du lactosérum présure, alors que, sur le terrain des aides, le règlement n°*1725/79 et son annexe I ne distinguent pas entre ce type de lactosérum et le lactosérum acide . Mais l' argument est loin d' être convaincant . D' abord, la Commission elle-même l' affaiblit en admettant qu' il "n' existe *... toujours pas de méthode objective reconnue de décelage du lactosérum acide . Une telle méthode n' existe que pour le lactosérum présure; il s' agit ( de celle ) décrite à l' annexe IV du règlement CEE n°*625/78 ". Mais il suffit ensuite de rappeler que le lait destiné à bénéficier de l' aide peut présenter les caractéristiques du produit susceptible d' intervention pour en inférer que, au moins lorsque tel est le cas, le système communautaire d' analyse lui est applicable . Au demeurant, les documents produits par la demanderesse et par la défenderesse elle-même prouvent que, dans la pratique, cela se produit régulièrement .
Une dernière observation . Le régime d' intervention et celui des aides font partie de l' organisation commune dans le secteur du lait et des produits laitiers ( arrêt rendu le 18 octobre 1979 dans l' affaire 5/79, Buys/Denkavit, Rec . p.*3203, point 20 des motifs ) et se complètent pour satisfaire d' une manière optimale à ses exigences . Ainsi est-il vrai, comme l' affirme Luetticke, que les aides octroyées au lait écrémé en poudre destiné à l' alimentation des animaux visent à détourner de l' intervention la plus grande quantité possible de lait écrémé . Cet objectif - dû à l' existence d' énormes stocks et aux frais très élevés qu' entraîne le stockage prolongé - est explicité dans les deux premiers considérants du règlement n°*876/77 . Il transparaît, en outre, à travers l' ensemble du régime d' aides qui tend à des finalités, au moins en partie, analogues à celles de l' intervention, mais qui est beaucoup moins onéreux que celle-ci .
Il n' existe en somme aucune raison logique ou technique qui oblige de considérer les deux systèmes comme incompatibles en ce qui concerne le type et les qualités des produits auxquels ils se réfèrent . Certes, la plus grande valeur du lait écrémé en poudre qui est destiné à l' intervention rendra moins souhaitable son utilisation dans la préparation des aliments pour animaux . Mais ce sont précisément les deux phénomènes préoccupants que nous avons évoqués - les excédents du produit et le coût élevé du stockage - qui rendent opportune l' incitation à un tel choix .
5 . Le résultat auquel nous sommes parvenus et les arguments sur lesquels nous l' avons appuyé permettent de résoudre également sans trop de difficultés les autres problèmes soulevés par le juge a quo .
Ainsi, en premier lieu, celui qui est exposé dans la deuxième question . L' Amtsgericht souhaite savoir si, une fois que l' absence de lactosérum a été constatée à partir de la méthode communautaire, le produit analysé doit être considéré comme exempt de cette substance également en ce qui concerne les aides . Les réponses des parties divergent : celle de Luetticke est affirmative, parce que l' unité du système impose d' adopter en tout cas la même méthode . Les réponses de Denkavit et de la Commission sont négatives parce que la différence intrinsèque du produit susceptible d' intervention et des aides exclut toute possibilité d' appliquer à un secteur la réglementation de l' autre .
Pour notre part, nous ne pouvons que nous référer aux principes mis en évidence ci-dessus . Dès lors qu' en matière d' aides la faculté de choisir la méthode permettant de vérifier la présence de lactosérum est reconnue aux États, la solution du problème dépendra du système d' analyse que les autorités nationales compétentes auront adopté dans le cas concret . Si ce système admet une marge de tolérance plus stricte que celle qui figure dans le règlement n°*625/78, on ne pourra reconnaître aux produits examinés selon la méthode communautaire aucune aptitude automatique à bénéficier de l' avantage prévu par le règlement n°*1725/79 . En revanche, si la méthode suivie par l' État coïncide avec la méthode communautaire, la conformité du lait aux conditions prescrites pour l' intervention le rendra également apte à bénéficier des aides .
On objectera que les différences éventuelles entre les choix effectués par les divers États peuvent créer des inconvénients . La remarque est pertinente, mais la Cour en a déjà tenu compte, encore que dans une espèce différente, au point 24 des motifs de l' arrêt Milchkontor : "s' il s' avérait", avez-vous affirmé, "que des disparités entre les législations nationales sont de nature à compromettre l' égalité de traitement entre les opérateurs économiques des différents États *..., à provoquer des distorsions ou à nuire au fonctionnement du marché commun, il appartiendrait aux institutions communautaires *... d' arrêter les dispositions nécessaires pour remédier à de telles disparités ".
6 . Puisque nous avons apporté à la deuxième question une réponse en substance négative, nous pourrions nous dispenser d' examiner les deux questions énoncées à la troisième question . Mais elles se prêtent à quelques observations utiles, et cela nous amène à en traiter .
Le juge a quo vous demande, d' abord, si la tolérance prévue par la méthode indiquée dans le règlement n°*625/78 doit s' appliquer également aux systèmes éventuellement différents que les États ont choisis . Là encore, la réponse est négative . Toute méthode comporte sa marge de tolérance dictée, comme nous l' avons vu, par des raisons techniques qui lui sont inhérentes . Il en résulte que, en lui appliquant une marge calculée par rapport à un système différent, non seulement on méconnaîtrait le pouvoir discrétionnaire qui est attribué aux États ( voir ci-dessus, point*3 ), mais on ignorerait également lesdites raisons et, en dernière analyse, l' objectif en vue duquel on tient compte de celles-ci, à savoir la vérification de l' absence de lactosérum .
C' est tout le contraire si l' État opte pour la méthode communautaire . Dans cette hypothèse, l' exclusion ou la réduction de la marge correspondante aggraverait, en ce qui concerne un produit pour lequel on exige des conditions moins rigoureuses, les "standards" tolérés sur le plan de l' intervention, et cela,, bien que la fin poursuivie par l' analyse soit la même . L' État qui prescrit une tolérance inférieure à 2 % pourrait donc se voir reprocher un comportement à tout le moins discriminatoire .
7 . Par la troisième question, sous b ), l' Amtsgericht vous invite à vous prononcer sur la légalité de la demande de répétition d' aides faite par un État membre lorsque des contrôles postérieurs à une première analyse favorable effectuée selon la méthode communautaire démontrent que du lactosérum en poudre a été ajouté aux lots de lait . Nous avons l' impression que la question met à nu le véritable ressort du litige : Denkavit a refusé le produit qui lui a été fourni surtout par crainte que les résultats de ses propres analyses ou d' autres analyses possibles eussent conduit les autorités allemandes à engager à son égard une action en répétition .
Sur ce point, les positions des parties coïncident : le principe de la sécurité du droit et les risques intolérables auxquels seraient exposées les entreprises, si l' on admettait la possibilité de répéter des aides, justifient à leur avis une réponse négative . Cette thèse n' est cependant pas acceptable . Comme nous l' avons vu, la réglementation communautaire (( article 1er, sous a ), du règlement n°*986/68 et article 1er, paragraphe 2, du règlement n°*1725/79 )) ne laisse subsister aucun doute sur le fait que le lait écrémé en poudre auquel du lactosérum a été ajouté est, par là même, exclu du régime d' aides . Il paraît donc légitime et sous aucun aspect contraire à la règle de la sécurité du droit que ce qui ne pouvait pas être octroyé ab initio soit susceptible de faire l' objet d' une demande en répétition .
Mais il y a plus . Lorsque des dispositions communautaires appropriées font défaut - affirme depuis toujours votre jurisprudence -, la répétition des aides indûment perçues est régie par l' ordre juridique de l' État intéressé qui est seulement invité à lui appliquer des modalités qui ne soient pas différentes de celles qui sont fixées pour la récupération des prestations nationales, et à sauvegarder pleinement l' intérêt de la Communauté ( voir arrêt Milchkontor, points 19 et suiv . des motifs, et les arrêts cités dans les conclusions présentées dans cette affaire par l' avocat général M . VerLoren van Themaat ). Dans notre cas, en définitive, la solution des problèmes relatifs à la demande de répétition et à la protection de son destinataire relève du droit allemand .
8 . La dernière question vise à vérifier si l' article 1er, paragraphe 2, du règlement n°*1725/79 enfreint le principe de proportionnalité en ce qu' il exclut du bénéfice des aides un produit pouvant être destiné à l' intervention .
A notre avis, dans ce cas également, la réponse ne peut être que négative . Nous savons, en effet, que la réglementation de l' intervention n' est pas moins ferme que celle qui concerne les aides dans l' interdiction des adjonctions de lactosérum au lait écrémé en poudre . Loin de porter atteinte au principe de proportionnalité, les différences de traitement auxquelles la disposition précitée donne lieu se justifient donc par le degré de précision plus élevé qui est éventuellement propre à la méthode que l' État membre intéressé a choisie sur le terrain des aides .
9 . Eu égard aux considérations qui précèdent, nous vous proposons de répondre comme suit aux questions que vous a déférées l' Amtsgericht Koeln par ordonnance rendue le 7 décembre 1984 dans l' affaire pendante devant lui entre la société Luetticke et la société Denkavit :
"1 ) Les dispositions combinées des règlements n°s*804/68, 625/78 et 1725/79 doivent être interprétées en ce sens que le lait écrémé en poudre, satisfaisant aux conditions requises pour l' intervention et le stockage public, peut être considéré comme susceptible de bénéficier du régime d' aides à condition que les États membres n' aient pas choisi de contrôler l' absence de lactosérum au moyen d' une méthode d' analyse différente de celle qui est prévue par la réglementation communautaire et que les prescriptions propres à la méthode qu' ils utilisent soient respectées .
2 ) Le fait que l' utilisation de la méthode d' analyse décrite à l' annexe IV au règlement n°*625/78 révèle, compte tenu de la tolérance qu' elle prévoit, l' absence de lactosérum n' implique pas que le lait écrémé en poudre dont il s' agit doit être considéré également comme exempt de lactosérum aux fins de l' octroi d' aides au sens du règlement n°*1725/79 lorsque les États membres ont eu recours à d' autres méthodes d' analyse comportant des marges de tolérance plus strictes .
3 ) a ) Le fait que la méthode d' analyse décrite à l' annexe IV au règlement n°*625/78 pour le régime d' intervention prévoit une tolérance de 2 % n' implique pas qu' une tolérance analogue soit admissible en ce qui concerne les résultats des analyses effectuées dans les États membres pour l' octroi des aides dans le cas où les méthodes appliquées par ces États sont différentes de la méthode communautaire et prévoient éventuellement des marges de tolérance plus strictes .
b ) Le fait qu' une analyse effectuée au moyen de la méthode décrite dans l' annexe IV au règlement n°*625/78 révèle l' absence de lactosérum dans un lot de lait écrémé en poudre n' exclut pas que les autorités nationales compétentes demandent la répétition des aides octroyées dès lors que des contrôles ultérieurs et plus précis prouvent que du lactosérum en poudre a été ajouté au lot en question .
4 ) L' article 1er, paragraphe 2, du règlement n°*1725/79, dans la mesure où il dispose que le lait écrémé en poudre ne peut pas bénéficier d' aides lorsqu' on y a ajouté du lactosérum, n' est pas contraire au principe de proportionnalité parce que l' absence de lactosérum est également imposée par la réglementation relative à l' intervention et les éventuelles différences de traitement peuvent seulement résulter du degré de précision différent propre à la méthode d' analyse adoptée dans le cas des aides ."
(*) Traduit de l' italien .