COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT
AU FOND
DU 09 NOVEMBRE 2023
mm
N°2023/ 358
Rôle N° RG 20/02281 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFTGH
[K] [T]
C/
[U] [S] [U]
A.S.L. ILOT 8 DES ARCS DE VALESCURE
Copie exécutoire délivrée le :
à :
SCP ROBERT & FAIN-ROBERT
SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS
SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de Draguignan en date du 07 Février 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 17/07922.
APPELANT
Monsieur [K] [T]
demeurant [Adresse 8]
représenté par Me Antoine FAIN-ROBERT de la SCP ROBERT & FAIN-ROBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMES
Monsieur [U] [S]
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Frédéric MASQUELIER de l'AARPI MASQUELIER-CUERVO, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Association Syndicale Libre [Adresse 7], A.S.L, dont le siège social est [Adresse 1], pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Jean bernard GHRISTI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles
804 et
805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Marc MAGNON, Président, et Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur Marc MAGNON, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Marc MAGNON, Président
Madame Patricia HOARAU, Conseiller
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Novembre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Novembre 2023.
Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon acte authentique en date du 30 septembre 1994, [K] [T] a acquis un bien à usage de maison d'habitation avec piscine, cadastré section AD [Cadastre 6] à [Localité 9], constituant le lot 38 de1'ASL de L'îlot N°[Adresse 7].
[U] [S] est lui même propriétaire du lot 37 correspondant à la parcelle n°[Cadastre 5] du même lotissement.
L'alimentation en eau de la parcelle appartenant à Monsieur [T] se fait au moyen d'une canalisation enterrée au niveau d'un « passage pour câbles et réseaux » dit « zoner verte », propriété de L'ASL.
Se plaignant d'un empiétement sur cette zone verte, du fait de M. [S], l'empêchant d'accéder à sa canalisation d'eau, [K] [T] a obtenu, le 20 novembre 2015, une ordonnance sur requête du Président du tribunal de grande instance de Draguignan désignant Maître [X], huissier de justice, pour procéder à toutes constatations utiles ; puis, par ordonnance de référé en date du 20 avril 2016 la désignation de Monsieur [D] en qualité d' expert judiciaire.
L'expert a déposé son rapport le 7 juin 2017.
Suivant acte d'huissier en date du 25 octobre 2017, [K] [T] a fait assigner [U] [S] et 1' association syndicale libre « [Adresse 7] », prise en la personne de son président en exercice, devant le tribunal de grande instance de Draguignan.
En l'état de ses dernières conclusions [K] [T] a demandé au tribunal de:
Prononcer la nullité partielle du rapport d'expertise de Monsieur [D] en ce qu'il considère que le compteur d'eau de Monsieur [T] empiète sur le fonds de Monsieur
[S], en tant que de besoin,
Écarter les conclusions expertales y afférent,
Dire et juger que le mur réalisé par Monsieur [S] hors des limites de sa propriété empiète sur le fonds propriété de l'ASL [Adresse 7],
Dire et juger que la limite de propriété est constituée par la marque rouge 'gurant sur 1'angle gauche (Sud-Ouest) du coffret du compteur d'eau de Monsieur [T] depuis lors effacée,
Condamner Monsieur [S] à démolir le mur réalisé hors des limites de sa parcelle, et englobant le compteur d'eau de Monsieur [T] et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passe le délai d' un mois suivant la signi'cation du Jugement à intervenir,
Débouter Monsieur [S] et l'ASL [Adresse 7] de 1'ensemble de leurs demandes reconventionnelles,
Condamner in solidum Monsieur [S] et l'ASL [Adresse 7] à payer à Monsieur [T] une somme de 12.000 euros en réparation de ses préjudices,
Condamner in solidum Monsieur [S] et l'ASL [Adresse 7] à payer à Monsieur [T] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de
procédure civile,
Ordonner l' exécution provisoire du Jugement à intervenir
Condamner in solidum Monsieur [S] et1'ASL [Adresse 7] aux entiers dépens distraits au pro't de l'avocat soussigné conformément aux dispositions des articles
696 et suivants du Code de procédure civile, en ce compris 1e coût du PV du 20 novembre 2015 établi par la SCP Berge [X], Huissiers de justice et les frais d'expertise judiciaire.
[U] [S] s'est opposé à ces demandes en faisant valoir notamment la prescription de la demande de démolition du mur et le défaut de qualité et d' intérêt de M [T] à former cette demande.
Subsidiairement, il a demandé que la démolition du mur soit limitée au 20 cm d'empiétement caractérisé par l'expert judiciaire [D] et de réduire les demandes indemnitaires de Monsieur [T] à de plus justes proportions.
Reconventionnellement, il a demandé la condamnation de Monsieur [T] à déplacer son coffret d'eau potable comprenant son compteur a'n qu'il n'empiète plus sur la propriété de Monsieur [S] et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signi'cation de la décision à intervenir ; ainsi qu' à remettre le mur d'enceinte de Monsieur [S] dans son état d'origine s'il devait être endommagé par les travaux
L''ASL [Adresse 7] a notamment demandé au tribunal de débouter Monsieur [T] de l'intégralité de ses demandes, 'ns et conclusions, telles que dirigées contre l'ASL [Adresse 7]. et d' homologuer dans son intégralité le rapport d'expertise de Monsieur [D].
Dire et juger ni avoir lieu à démolition du mur [S] et Débouter Monsieur [T] de ses demandes indemnitaires.
Par jugement du 13 février 2020, le tribunal de grande instance de Draguignan, devenu tribunal judiciaire a :
Vu le procès-verbal de constat d'huissier de Me [X] en date du 20 novembre 2015;
Vu le rapport d'expertise judiciaire de [W] [D] en date du 7 juin 2017;
Débouté [K] [T] de sa demande de nullité partielle du rapport d'expertise (en estimant que l'expert avait personnellement accompli sa mission sur le relevé des limites parcellaires, dans le respect du contradictoire ;
Déclaré irrecevable la demande formée par [K] [T] de démolition du mur construit par M [S] au titre de l' empiétement sur le fonds de l' ASL [Adresse 7]( le passage étant la propriété de l'ASL);
Rejeté la demande de démolition du mur au titre de l'emplacement du compteur d'eau formée par [K] [T];
Rejeté la demande d'indemnisation formée par [K] [T];
Condamné [K] [T] à déplacer le compteur d'eau situé dans le mur maçonné sur la propriété de [U] [S] [Adresse 3], tel que constaté par le rapport d'expertise judiciaire et le procès~verbal de constat d'huissier de Me [X], suivant les prescriptions de Veolia et l'autorisation pour une nouvelle implantation du coffret par l'ASL [Adresse 7] , dans un délai de six MOIS à compter de la signi'cation du jugement ;
Dit que passé ce délai, faute par [K] [T] de procéder an déplacement ordonné il sera tenu au paiement d'une astreinte de 50 € (CINQUANTE EUROS) par jour de retard;
Débouté [U] [S] de la demande de réfection du mur suite au déplacement du
coffret ordonné ;
Condamné [K] [T] à payer à [U] [S] et 1'ASL [Adresse 7], chacun, la somme de 2.000 € (DEUX MILLE EUROS) au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
Condamné [K] [T] aux dépens en ce compris les frais d'expertise ;
Dit que les dépens seront distraits conformément à l'article
699 du code de procédure civile au pro't des avocats qui en ont fait la demande ;
Dit n' avoir lieu à exécution provisoire,
Rejeté le surplus des demandes ;
Par déclaration en date du 13 février 2020, [K] [T] a relevé appel de ce jugement
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2023.
Au delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article
455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
:
Vu les conclusions notifiées le 7 mai 2020 par [K] [T] qui demande à la cour de :
Vu le rapport d'expertise de Monsieur [D] du 2 juin 2017
Vu les articles
74 et
175 du Code de Procédure Civile
Vu l' article
1240 du Code civil
Vu l' article
L.131-1 et suivants du Code des procédures civiles d'exécution,
Infirmer le jugement du 7 février 2020, sauf en ce qu'il a jugé Monsieur [T] recevable en son action et en ce qu'il a débouté Monsieur [S] de sa demande en condamnation de Monsieur [T] à supporter le coût de réfection du mur de clôture après déplacement du compteur d'eau et de son coffret,
Statuant à nouveau,
Prononcer la nullité partielle du rapport d'expertise de Monsieur [D] en ce qu'il
considère que le compteur d'eau de Monsieur [T] empiète sur le fonds de Monsieur [S],
En tant que de besoin,
Écarter les conclusions expertales y afférent,
Juger que le mur réalisé par Monsieur [S] empiète sur le fonds propriété de l'ASL [Adresse 7],
Juger que l'empiétement est constitutif d'une faute civile commise par Monsieur [S] à l'égard de Monsieur [T], en privant celui-ci d'accès à sa canalisation,
Juger que l'ASL [Adresse 7] a fait preuve de négligence fautive à l'égard de Monsieur [T], en ne faisant pas cesser ledit empiétement,
En conséquence
,
Condamner in solidum Monsieur [S] et l'ASL [Adresse 7] à payer à Monsieur [T] une somme de 12.000 euros en réparation de ses préjudices résultant de l'impossibilité pour lui d'accéder à sa canalisation,
Juger que la limite de propriété est constituée par la marque rouge figurant sur l'angle gauche (Sud-Ouest) du coffret du compteur d'eau de Monsieur [T] depuis lors effacée,
En conséquence,
Débouter Monsieur [S] de sa demande reconventionnelle tendant à obtenir le déplacement du coffret et du compteur d'eau,
Condamner in solidum Monsieur [S] et l'ASL [Adresse 7] à payer à Monsieur [T] les sommes de
- 5.000 euros sur le fondement de l'article
700 du Code de procédure civile afférent
à la procédure de première instance
- 5.000 euros sur le fondement de l'article
700 du Code de procédure civile afférent
à la procédure d'appel
Condamner in solidum Monsieur [S] et l'ASL [Adresse 7] aux entiers dépens distraits au profit de la SCP Robert & Fain-Robert, avocat y ayant pourvu conformément aux dispositions des articles
696 et suivants du Code de procédure civile, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et le coût du PV du 20 novembre 2015 établi par la SCP Berge [X], Huissiers de justice, désigné sur pied de requête.
Vu les conclusions notifiées le 8 novembre 2020 par [U] [S] qui demande à la cour de :
Infirmer la décision de première instance en qu'elle a :
- Laissé un délai d'exécution des travaux de six mois
- Rejeté la demande de prise en charge du coût des travaux de réfection du mur
- Réduit la demande au titre des frais irrépétibles
Confirmer la décision de première instance pour le surplus
Déclarer les demandes de Monsieur [T] irrecevables car prescrites
Rejeter l'ensemble des demandes de Monsieur [T]
Subsidiairement,
Réduire les demandes indemnitaires de Monsieur [T] à de plus justes proportions
Reconventionnellement,
Condamner Monsieur [T] à déplacer son coffret d'eau potable comprenant son compteur afin qu'il n'empiète plus sur la propriété de Monsieur [S] et ce, sous astreinte de 50€ par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir
Condamner Monsieur [T] à remettre le mur d'enceinte de Monsieur [S] dans
son état d'origine s'il devait être endommagé par les travaux
Condamner Monsieur [T] à régler à Monsieur [S] la somme de 1320 euros TTC au titre des travaux de réfection du mur
En tout état de cause,
Condamner Monsieur [T] à payer à Monsieur [S] la somme de 6.000€ au titre de l'article 700 du CPC pour les procédures de référés, de première instance et les opérations d'expertise judiciaire, une somme de 5.000€ pour la procédure d'appel, outre les entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire .
Vu les conclusions notifiées le 20 décembre 2022 par l'ASL de l'[Adresse 7] qui demande à la cour de :
Con'rmer purement et simplement le jugement rendu par 1e Tribunal Judiciaire de Draguignan 1e 7 février 2020.
Débouter Monsieur [T] de l'intégra1ité de ses demandes, 'ns et conclusions, telles que dirigées contre l'ASL [Adresse 7].
Homologuer dans son intégralité le rapport d'expertise de Monsieur [D].
Dire et juger ni avoir lieu à démolition du mur [S].
Débouter Monsieur [T] de ses demandes indemnitaires.
Dire et juger ni avoir lieu à aucune condamnation in solidum.
Condamner Monsieur [T] au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article
700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au pro't de Maître Romain Cherfils, Avocat.
MOTIVATION :
Sur la demande de nullité partielle du rapport d'expertise :
Au soutien de cette demande d'annulation partielle du rapport d' expertise, [K] [T] fait valoir qu'il est strictement interdit au technicien de déléguer sa mission, qu'il doit accomplir personnellement. Il ajoute que si l'expert peut recueillir l'avis d'un autre technicien ou entendre un sachant, il lui est en revanche interdit de lui faire procéder à des opérations qui relèvent de sa mission d'expertise..
L'appelant reproche en effet à l'expert [D] d'avoir fait procéder, le 15 février 2017, hors la présence des parties, à un relevé de l'état des lieux par « une brigade »(SIC), celle-ci n'étant pas l'expert judiciaire, alors que nul ne peut dire, en l'absence des parties, comment ont été entreprises ces mesures , ni par qui, ni sur quelle base.
Il précise que ces mesures auraient été établies à partir d'un plan dressé par M [C], géomètre expert ayant dressé le plan parcellaire de l'Îlot n° 8, sans toutefois que ce plan ne soit jamais communiqué aux parties.
En droit, les irrégularités affectant le déroulement des opérations d'expertise, en ce comprises celles résultant d'un manquement à l'article
233 du code de procédure civile, sont sanctionnées selon les dispositions de l'article
175 du code de procédure civile, qui renvoient aux règles régissant la nullité des actes de procédure, et notamment aux irrégularités de forme de l'article
114 du code de procédure civile, dont l'observation ne peut être sanctionnée par la nullité qu'à charge de prouver un grief (cassation civ 2ème 8/09/2022 21/12-030)
Aux termes des articles
233 et
278-1 du code de procédure civile « Le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa quali'cation, doit remplir personnellement la mission qui lui est con'ée ». « L'expert peut se faire assister dans l'accomp1issement de sa mission par la personne de son choix qui intervient sous son contrôle et sa responsabilité ».
En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise( page 6) que lors de l'accedit technique du 15 février 2017, l'expert mentionne « nous avons pu effectuer le relevé topographique de l'état des lieux à savoir les murs de clôture, le coffret d'eau, les bornes de limite... » Si l'expert s'est déplacé assisté d'un technicien et d'un assistant technicien , composant avec lui ce qu'il qualifie de « brigade » dans un courrier du 6 janvier 2017, adressé aux conseils des parties, il n'en demeure pas moins que les mesures ont été relevées par lui ou sous sa supervision directe, puisqu'il était présent lors de ces relevés.
Par ailleurs, ces mesures ont été soumises au contradictoire des parties qui ont pu commenter ou contester les relevés de l'expert, ce que n'a pas manqué de faire Monsieur [T], au travers du dire adressé à Monsieur [D] à ce sujet. Par ailleurs M [T] ne justifie pas de l'existence d'une borne dont l'expert n'aurait pas tenu compte et qui remettrait en cause ses relevés.
La demande d'annulation partielle du rapport d'expertise est en conséquence rejetée.
Sur l'action en responsabilité de Monsieur [T] :
[K] [T] recherche la responsabilité délictuelle de [U] [S], la faute commise par celui-ci, résidant dans le fait d'avoir construit en dehors des limites de sa propriété, sur le fonds de l'ASL, en l' occurrence sur « la zone verte » destinée à l'implantation des réseaux, rendant ainsi inaccessible, dans sa partie terminale, la canalisation fuyarde d'alimentation en eau de Monsieur [T], obligeant le concluant à faire poser dans l'urgence une nouvelle canalisation, à la suite de la fuite révélée par la surconsommation anormale d'eau signalée par Veolia.
Il souligne que Monsieur [S] a reconnu devant l'huissier, Maître [X] , avoir construit en dehors des limites de sa propriété. Il ajoute que l'expert [D] a lui même caractérisé cet empiétement du mur de Monsieur [S] sur le fond de l'ASL.
Quant à l' ASL, il lui reproche, sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle, d'avoir, par sa carence, contribué à ses préjudices, car, malgré les demandes du concluant, l'ASL n'a rien mis en 'uvre pour faire cesser l'empiétement existant et pour éviter les dommages qui en sont résultés.
[U] [S] soulève en premier lieu la prescription de la demande indemnitaire de Monsieur [T] pour empiétement sur la zone verte, l'implantation du mur remontant à plus de 15 ans et le compteur d'eau de Monsieur [T], incorporé dans le mur de Monsieur [S], étant visible depuis la voirie, ce que ne pouvait ignorer l'appelant. Il ajoute que la reconnaissance de l' empiétement, devant l'huissier, n'est pas équivalente à une reconnaissance de responsabilité.
Au fond, il conclut à l'absence de faute, aux motifs que :
' l'empiétement mis en évidence par l'expert [D], de 20 cm², supprimé après que l'expert ait rendu son rapport, ne peut être à l'origine du préjudice invoqué,
' la canalisation reliant le compteur à la maison passait tout le long de la zone verte, l'accès pouvant se faire à tout autre endroit de la canalisation au delà des 20cm² d'empiétement,
' Monsieur [T] a pu réaliser l'installation d'une nouvelle canalisation sans aucun problème et sans aucune gêne qui résulterait d'un prétendu empiétement du mur de son voisin sur la zone verte,
' le concluant n'est en rien responsable , ni de la fuite , ni des travaux réalisés,
' Veolia a informé Monsieur [T] d'une consommation d'eau excessive par courrier du 26 septembre 2014, puis lui a adressé un second courrier attirant de nouveau son attention sur une surfacturation d'eau, le 27 mars 2015. Monsieur [T] n'a agi qu'à la suite de ce second courrier.
L' association syndicale libre de l'Îlot n° 8 des Parcs de Valescure considère que Monsieur [T] ne justifie d'aucune faute de nature à fonder sa demande de condamnation à son encontre, et encore moins d'un quelconque lien avec le préjudice allégué, le litige opposant Monsieur [T] et Monsieur [S] étant d'ordre privatif.
Sur la recevabilité des demandes indemnitaires de Monsieur [T] :
Aux termes de l'article
2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, le dommage résulte, selon les écritures de Monsieur [T], de l'impossibilité d'accéder à sa canalisation d' alimentation en eau, du fait de l'empiétement du mur de Monsieur [S] sur la « zone verte » appartenant à l'ASL et destinée à l'implantation des réseaux.
S' il ressort des pièces versées aux débats que le mur litigieux a incorporé le coffret du compteur d'eau de Monsieur [T], dès l'achèvement des travaux de construction de la maison de Monsieur [S] en 2003, en revanche la perte de l'accès à la canalisation enterrée n'a pu être révélée qu'à la suite de la surconsommation d'eau signalée par Veolia le 26 septembre 2014 et de la recherche de fuite qui s'en est suivie. L' assignation ayant été délivrée le 25 octobre 2017, moins de cinq ans après le jour où Monsieur [T] a été mis en mesure de connaître l'existence du dommage, la prescription n'est pas acquise et doit être écartée.
Sur les fautes alléguées :
S'agissant des fautes reprochées à Monsieur [S], il ressort du rapport d'expertise de Monsieur [D] que I'Î1ot 8 des Parcs de Valescure a fait l'objet d'un plan parcellaire dressé par M. [C] geomètre-expert le 25 août 1992, et que 1e coffret d'eau de M. [T] est en place depuis la création du lotissement.
En tenant compte de ces données, complétées par ses mesures sur place, l'expert considère que le coffret d'eau potable de Monsieur [T] empiète sur le fonds de M. [S] .
L'expert précise que le plan joint à la demande d'autorisation de construire de M. [S] est conforme au plan parcellaire dressé par Monsieur [C], de sorte que les limites de propriété définies dès l' origine ont été respectées lors de la construction du mur de Monsieur [S] malgré l' incorporation du compteur d'eau de Monsieur [T] dans ce mur de clôture.
Ce rapport n'est pas contredit par les pièces produites par Monsieur [T] qui ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert. En revanche, il ressort également du rapport d'expertise que le mur construit par Monsieur [S] empiète de 20 cm² sur la parcelle qualifiée de zone verte, destinée à l'implantation des réseaux et appartenant à l'ASL.
Toutefois, selon les intimés, cet empiétement a depuis été supprimé et il est en tout cas manifeste qu'il n'a pas empêché Monsieur [T] de raccorder sa nouvelle canalisation à son compteur d'eau. Quant à la canalisation originelle d'une longueur de 70 mètres, il n'est pas établi par les pièces versées aux débats qu'elle serait inaccessible du fait de cet empiétement ni, plus généralement, du fait de la présence du mur de clôture du fonds de Monsieur [S] le long de la « zone verte » .
Dans ces conditions , Monsieur [T] ne démontre pas l'existence d'un dommage en lien avec l' empiétement du mur de Monsieur [S], ni avec le fait que celui-ci a incorporé le coffret du compteur d'eau de Monsieur [T] à ce mur.
Ainsi, la réunion des trois éléments que nécessite la responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle ( faute, dommage et lien de causalité entre ces deux éléments) n' est pas établie.
L'action indemnitaire de Monsieur [T] à l'encontre de Monsieur [S] ne peut en conséquence prospérer.
Elle ne peut mieux aboutir contre l'association syndicale libre de l'[Adresse 7], dans la mesure où l'empiétement limité du mur de Monsieur [S] sur la zone verte est sans lien de causalité avec le dommage invoqué par l'appelant, de sorte qu'il ne peut être reproché à l'ASL d'avoir contribué au dommage par sa carence dans la défense de ses droits réels immobiliers.
Le jugement est en conséquence confirmé sur le rejet des demandes indemnitaires de Monsieur [T].
Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur [S]:
Monsieur [S] sollicite l' infirmation du jugement sur le délai de six mois accordé à Monsieur [T] pour réaliser les travaux de déplacement du compteur d'eau et en ce qu'il a rejeté la demande de prise en charge du coût des travaux de réfection du mur, et réduit la somme accordée au titre des frais irrépétibles.
Monsieur [S] demande non seulement le déplacement du compteur d'eau , mais également le déplacement du coffret le contenant, intégré à son mur de clôture, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt.
Toutefois, force est de constater que Monsieur [S] a, en connaissance de cause, construit son mur d'enceinte en y incorporant le coffret contenant le compteur d'eau de Monsieur [T], sans en exiger préalablement le déplacement, Il s'est par la suite satisfait de cette situation jusqu'à la survenue du présent litige.
Dès lors , s'il est en droit de demander le déplacement de l'ensemble , la solution retenue par le premier juge, consistant à déplacer le seul compteur d'eau, permet de mettre un terme au litige et sera confirmée en son principe. Il convient en revanche de la réformer sur le délai d' exécution des travaux à entreprendre, un délai de trois mois apparaissant suffisant. Monsieur [T] sera ainsi condamné à faire déplacer son compteur d'eau à ses frais, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, et sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, passé ce délai,
La dégradation du mur à l'occasion de ces travaux n'étant pas acquise , le préjudice invoqué par Monsieur [S] est hypothétique de sorte que sa demande de condamnation au paiement du coût des travaux de réfection de son mur , sur la base du devis de l'entreprise Gastaldi, doit être rejetée.
Sur les demandes annexes :
[K] [T] , partie perdante, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d' expertise, conformément aux dispositions de l'article
696 du code de procédure civile, avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande de ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans recevoir provision, en application de l'article
699 du même code.
Au regard des circonstances de la cause et de la position des parties, l'équité justifie de condamner [K] [T] à supporter les frais non compris dans les dépens de l'entière procédure, en application de l'article
700 du code de procédure civile.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné celui-ci à payer à [U] [S] et à l'ASL [Adresse 7], et à chacun, une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l'article
700 du Code de procédure civile.
Il convient d'y ajouter en condamnant [K] [T] à payer à [U] [S] et à l'ASL [Adresse 7], et à chacun, une somme de 3000,00 euros, au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
:
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement sur les chefs critiqués, sauf en ce qui concerne le délai d'exécution des travaux mis à la charge d' [K] [T],
Statuant à nouveau de ce chef ,
Condamne [K] [T] à déplacer le compteur d'eau situé dans le mur maçonné sur le fonds de [U] [S], [Adresse 4], dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt, et ce sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, passé ce délai, l'astreinte courant pendant quatre mois.
Y ajoutant,
Rejette la fin de non recevoir soulevée par [U] [S] tirée de la prescription des demandes d' [K] [T],
Condamne [K] [T] , aux dépens d'appel, avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande de ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans recevoir provision,
Condamne [K] [T] à payer à [U] [S] et à l'ASL [Adresse 7], et à chacun, une somme de 3000,00 euros, au titre des frais non compris dans les dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT