Tribunal de grande instance de Paris, 13 mai 2016, 2014/13229

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2014/13229
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Classification pour les marques : CL32
  • Numéros d'enregistrement : 677879
  • Parties : CAPRI SUN AG (Suisse) / MULRINES BEVERAGES LIMITED (Irlande) ; P. MULRINES & SONS SALES (Irlande)

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 13 mai 2016 3ème chambre 2ème section N° RG : 14/13229 Assignation du 18 juin 2014 DEMANDERESSE Société CAPRI SUN AG Neugasse 22 6300 ZUG (SUISSE) représentée par Me Helga PERNEZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0355 DÉFENDERESSES Société MULRINES BEVERAGES LIMITED Ballybofey P.O.Box 30 DONEGAL (IRLANDE) Société P. MULRINE & SONS SALES domiciliée : chez MULRINES, DONEGAL ROAD Ballybofey Co DONEGAL (IRLANDE) représentées par Maître Gaétan CORDIER du PARTNERSHIPS EVERSHEDS PARIS LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0014 COMPOSITION DU TRIBUNAL François A 1er Vice-Président Adjoint Françoise B, Vice-Président Julien S, Vice-Président assistés de Jeanine R, faisant fonction de Greffier DEBATS A l'audience du 18 mars 2016, tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La société CAPRI SUN AG (ci-après dénommée «CAPRI SUN») se présente comme une société de droit suisse exerçant son activité dans le domaine des boissons sans alcool, notamment des jus de fruits et boissons de fruits. Elle commercialise notamment une boisson aux fruits appelée «CAPRI SUN» présentant un emballage en forme de pochette souple en matériau multicouches. Dans le cadre de cette activité, CAPRI SUN est titulaire de la marque internationale tridimensionnelle n° 677 879 déposée le 26 juin 1997, désignant en classe 32 les produits suivants : «boissons sans alcool, boissons de fruits, jus de fruits et nectars de fruit». Les sociétés MULRINES BEVERAGE LIMITED (ci-après dénommée «MBL») et P MULRINE & SONS SALES (ci-après dénommée «PMSS») sont deux sociétés du groupe MULRINES, lequel commercialise des jus de fruit, smoothies et autres boissons à base de fruits. La société PMSS expose commercialiser en France les boissons produites par le groupe MULRINES, tandis que la société MBL expose commercialiser les produits du groupe sous diverses marques en Grande-Bretagne. Indiquant avoir constaté que la société de droit irlandais MULRINES fabriquait et importait en France des jus de fruits ou boissons de fruits dans des emballages reprenant selon elle les caractéristiques de sa marque et montrant les inscriptions CARREFOUR KIDS FUN POCKET, la société CAPRI SUN a fait procéder à un constat d'huissier le 14 mai 2014 dans un magasin à l'enseigne CARREFOUR à Paris. Par acte d'huissier en date du 18 juin 2014, elle a assigné la société MBL devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire aux fins principalement d'indemnisation provisionnelle, d'interdiction, de confiscation et de publication judiciaire. La société MBL ayant par conclusions en réponse notifiées par la voie électronique le 9 décembre 2014 affirmé ne pas être impliquée dans les faits reprochés et indiqué que les produits étaient commercialisés par la société PMSS, la société CAPRI SUN a assigné cette société par acte d'huissier en date du 22 janvier 2015 en formulant à son encontre les mêmes demandes que celles formulées à l'encontre de la société MBL. Par ordonnance du 2 avril 2015, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de ces affaires, respectivement enrôlées sous les numéros 14/13229 et 15/03006. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2015, la société CAPRI SUN demande au tribunal, au visa des articles L. 716-1 et suivants du code de propriété intellectuelle et de l'article 367 du code de procédure civile, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de : - Prononcer la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 14/13229 et 15/03006, appelées d'ores et déjà sous le numéro 14/13229 ; - Débouter les sociétés défenderesses de toutes leurs demandes ; - Juger qu'en utilisant l'emballage litigieux pour des boissons sans alcool, les défenderesses ont commis des actes de contrefaçon par reproduction, à tout le moins par imitation de la marque internationale tridimensionnelle 677 879 au sens des dispositions des articles L. 716-1, L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ; - Interdire aux défenderesses de reproduire, imiter, utiliser, apposer ou modifier la marque tridimensionnelle 677 879, dont elle est propriétaire, en violation de ses droits pour des produits identiques ou similaires protégés par la marque internationale 677 879, ainsi que d'importer sous tout régime douanier, de réexporter, de détenir sans motif légitime, d'offrir à la vente ou de vendre des marchandises portant atteinte aux droits de marque précités, et ce sous astreinte de 1.500 € par infraction constatée dès la signification du jugement ; - Juger que les astreintes prononcées seront liquidées, s'il y a lieu, par le Tribunal ayant statué sur la présente demande ; - Condamner les défenderesses in solidum à lui payer une indemnité provisionnelle de 50.000 €, à parfaire, en réparation de son préjudice commercial ; - À cet égard, ordonner sous astreinte de 1.500 € par jour de retard, passé le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, la production de tous documents ou informations détenus par la défenderesse, notamment en ce qui concerne les quantités importées en France ainsi que sur le prix obtenu pour les produits en cause, et ce en application de l'article L. 716-7-1 du code de la propriété intellectuelle ; - Condamner les défenderesses in solidum à lui payer une indemnité de 50.000 €, en réparation de son préjudice moral ; - Ordonner la confiscation de tous produits contrefaisants ainsi que tous tarifs, prospectus etc. montrant ces produits pour lui être remis aux fins de destruction sous le contrôle de tel huissier qu'il plaira au Tribunal de désigner et ce aux frais de la société défenderesse ; - Subsidiairement, juger qu'en mettant sur le marché français les produits FUN POCKET, les sociétés MULRINES ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme ; - Condamner les défenderesses in solidum à lui payer une indemnité provisionnelle de 50.000 €, à parfaire, en réparation de son préjudice ; - Interdire aux défenderesses la poursuite des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, et ce sous astreinte de 1.500 € par infraction constatée dès la signification du jugement ; - En tout état de cause, ordonner la publication du jugement dans cinq journaux ou revues de son choix et aux frais avancés in solidum par les défenderesses sans que le coût de chaque insertion ne puisse dépasser 10.000 € HT; - Condamner les défenderesses in solidum à lui payer une somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens, comprenant les frais de la saisie-contrefaçon que Maître Helga PERNEZ pourra recouvrer conformément à l'article 699 du même code. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 novembre 2015, la société PMSS demande au Tribunal, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, et des articles L. 711-1, L. 711-2, L. 713-2, L. 713-3, L. 714-3 et L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, de : - juger que la marque Capri Sun n° 677 879 est nulle pour défaut de caractère distinctif

; en conséquence

: prononcer la nullité de la marque Capri Sun n° 677 879 ; autoriser à cet effet la partie la plus diligente à inscrire le jugement au Registre national des marques (RNM), et ce aux frais de Capri Sun ; débouter Capri Sun de l'intégralité de ses demandes à son encontre ; - À titre subsidiaire, juger que la marque tridimensionnelle de Capri Sun n°677 879 n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux à titre de marque pendant une période ininterrompue de cinq ans ;en conséquence : prononcer la déchéance pour défaut d'exploitation de la marque internationale n° 552 364 prenant effet cinq ans après la date de publication de son enregistrement au BOPI et ce, pour l'intégralité des produits visés à son enregistrement ; débouter Capri Sun de l'intégralité de ses demandes à son encontre ; - En tout état de cause, juger que PMSS n'a fait aucun usage à titre de marque du signe opposé par Capri Sun ; qu'il n'y a pas de risque de confusion entre les produits litigieux et la marque tridimensionnelle de Capri Sun n° 677 879 et que Capri Sun ne rapporte la preuve d'aucun préjudice ; en conséquence, débouter Capri Sun de l'intégralité de ses demandes à son encontre ; condamner Capri Sun à lui verser la somme de "vingt mille (40 000) euros" sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 novembre 2015, la société MBL demande au tribunal, au visa de l'article 122 du code de procédure civile, et des articles L. 711-1, L. 711-2, L. 713-2, L. 713-3, L. 714-3 et L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, de : - juger Capri Sun irrecevable en ses demandes à l'encontre de MBL ; en conséquence, débouter Capri Sun de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de MBL ; - À titre subsidiaire, juger que la marque Capri Sun n° 677 879 est nulle pour défaut de caractère distinctif ; en conséquence : prononcer la nullité de la marque Capri Sun n° 677 879 ; autoriser à cet effet la partie la plus diligente à inscrire le jugement au Registre national des marques (RNM), et ce aux frais de Capri Sun ; débouter Capri Sun de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de MBL ; - À titre infiniment subsidiaire : juger que la marque tridimensionnelle de Capri Sun n° 677 879 n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux à titre de marque pendant une période ininterrompue de cinq ans ; en conséquence : prononcer la déchéance pour défaut d'exploitation de la marque internationale n° 552 364 prenant effet cinq ans après la date de publication de son enregistrement au BOPI et ce, pour l'intégralité des produits visés à son enregistrement ; débouter Capri Sun de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de MBL ; - En tout état de cause, juger que MBL n'a fait aucun usage à titre de marque du signe oppose par CapriSun ; qu'il n'y a pas de risque de confusion entre les produits litigieux et la marque tridimensionnelle de Capri Sun n° 677 879 et que Capri Sun ne rapporte la preuve d'aucun préjudice ; en conséquence, débouter Capri Sun de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de MBL et condamner Capri Sun à verser à MBL la somme de "trente mille (50 000) euros" sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens. L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 novembre 2015 et l'affaire, plaidée à l'audience du 18 mars 2016, mise en délibéré au 13 mai 2016. MOTIFS DE LA DÉCISION 1) Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes de la société CAPRI SUN à l'encontre de la société MBL La société MBL fait valoir au visa des articles L. 713-3 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle et 122 du code de procédure civile que les demandes de la société CAPRI SUN sont irrecevables à son encontre dès lors qu'elle n'exerce son activité que sur le territoire du Royaume-Uni, qu'elle n'a commercialisé aucun produit en France et que la commercialisation en France des produits du groupe MULRINES est réalisée par une société distincte, à savoir la société PMSS. La société CAPRI SUN rétorque que sa demande à rencontre de la société MBL est recevable d'une part parce que les produits litigieux dont la vente a été constatée à Paris mentionnent qu'ils sont fabriqués par la société MULRINE, et d'autre part parce que la société CARREFOUR lui a indiqué que son fournisseur était la société MULRINE, laquelle, aux termes d'une recherche effectuée sur internet, désigne une société irlandaise, apparaissant sur le registre du commerce de l'Irlande sous le nom de "MULRINES BEVERAGE LIMITED" (MBL), la condamnation solidaire qu'elle sollicite étant destinée à éviter que ces dernières ne se renvoient mutuellement la responsabilité de la commercialisation des produits litigieux entre elles. Sur ce. Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, "constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée". En application des articles 30 et 31 de ce même code, l'action en justice est "le droit pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée", et cette action "est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention (...)" En l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la fin de non-recevoir invoquée en défense par la société MBL au motif qu'elle n'aurait fait aucun usage de la marque tridimensionnelle litigieuse en France et n'aurait pas, en particulier, exporté en France les produits vendus par Carrefour, susceptibles de mettre en cause sa responsabilité dans le cadre de l'action en contrefaçon diligentée par la société CAPRI SUN, ce qui s'analyse comme un défaut d'intérêt à agir, dès lors qu'il est constant que c'est bien cette société qui a fabriqué les jus de fruit litigieux, et que ce faisant, la société CAPRI SUN a bien qualité à agir en contrefaçon à son encontre au sens des articles 30 et 31 précités, l'appréciation du rôle de la société MBL dans les actes de contrefaçon allégués ressortant quant à elle du bien-fondé ou non de la demande, et non de la recevabilité de l'action de la demanderesse à son égard. Cette fin de non-recevoir sera en conséquence rejetée. 2) Sur la nullité de la partie française de la marque internationale tridimensionnelle n° 677 879 Les sociétés MBL et PMSS font valoir au visa de l'article L. 711-2 c) du code de la propriété intellectuelle que la marque susvisée dont la société CAPRI SUN est titulaire est non seulement nulle en raison de son caractère purement fonctionnel mais aussi en raison de son absence de caractère distinctif, et ce depuis la date de son dépôt en 1997. S'agissant du caractère purement fonctionnel, les sociétés MBL et PMSS rappellent que cette condition de validité absolue de la marque doit s'apprécier in abstracto, dès lors qu'elle vise à protéger un motif d'intérêt général, afin d'éviter que la protection du droit de la marque aboutisse à conférer à son titulaire un monopole sur des solutions techniques ou des caractéristiques utilitaires d'un produit, susceptibles d'être recherchées par l'utilisateur dans les produits des concurrents. Le signe en cause étant un emballage de produit, imposé par la fonction technique de ce produit, à savoir contenir des liquides, la marque tridimensionnelle ne peut qu'être annulée, nonobstant l'existence d'autres formes possibles pour ledit produit. S'agissant du défaut de caractère distinctif, les sociétés MBL et PMSS rappellent qu'il s'agit là d'une condition autonome de validité des marques, distincte de celle visée à l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle, la Cour de justice de l'Union Européenne jugeant que la marque tridimensionnelle, pour être distinctive, doit notamment assurer la fonction de garantie d'origine de la marque, à savoir permettre au consommateur de rattacher le produit sous lequel la marque est exploitée à une provenance déterminée, étant observé que la distinctivité d'une marque tridimensionnelle constituée par l'apparence du produit lui-même est moins évidente pour le consommateur qui n'a pas pour habitude de présumer l'origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage en l'absence de toute élément graphique ou textuel. Les sociétés MBL et PMSS versent au débat un jugement rendu par ce tribunal le 2 juillet 2015 ayant prononcé la nullité de la partie française de cette marque pour ce motif, en l'absence de représentation claire, objective et intelligible du signe déposé par CAPRI SUN, qui prive le public pertinent, acheteur d'attention moyenne de boissons non alcoolisées, plus vigilant quant aux conditions de production, qualités gustatives et diététiques, de la possibilité de lui rattacher une origine commerciale. La société CAPRI SUN rétorque à titre liminaire que la validité de sa marque doit être appréciée au regard des pièces du dépôt, qu'elle est ainsi caractérisée par une photographie en noir et blanc d'un emballage et plus précisément d'un conditionnement souple en position verticale, et que, s'agissant d'une représentation graphique, claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective, perceptible sans difficulté par le public (lui-même informé de l'enregistrement de la marque par la publication du signe dans la gazette OMPI des marques internationales), elle est parfaitement valable. La société CAPRI SUN précise que sa marque a été enregistrée sur la base de la marque allemande 395 081 78 du 5 septembre 1996, elle-même constituée de cinq photographies en noir et blanc, qui représentent plusieurs vues de l'emballage typique CAPRI SUN, dont l'une seulement a pu être utilisée pour le présent enregistrement, à la demande de l'Office Allemand des Brevets et Marques, de sorte que le jugement invoqué en défense, dont l'appel est en cours, lui est inopposable. Concernant plus précisément le premier motif de nullité invoqué à l'encontre de sa marque, à savoir le caractère purement fonctionnel, la société CAPRI SUN considère que les sociétés MBL et PMSS n'expliquent ni en quoi la forme du conditionnement litigieux serait exclusivement destinée à l'obtention d'un résultat technique ni en quoi il répondrait à la solution d'un problème technique, alors même que l'appréciation de la validité de la marque ne peut reposer sur des caractéristiques invisibles ou supposées et que l'argument soutenu par les sociétés MULRINE, contraire aux pratiques de l'INPI et de l'OHMI, aurait pour conséquence de ne plus pouvoir protéger de conditionnements de produits liquides, alimentaires ou non, dès lors qu'elles confondent les notions de "forme obtenue par un procédé technique" et de "forme nécessaire à l'obtention d'un résultat technique", la seconde étant la seule à être exclue de la protection à titre de marque. S'agissant ensuite du caractère distinctif du signe litigieux, la société CAPRI SUN fait valoir que les sociétés défenderesses se contentent d'affirmer que le conditionnement protégé par la marque litigieuse serait communément utilisé dans le commerce, et ne serait pas perçu par le public comme une indication d'origine commerciale, sans apporter la preuve que de tels conditionnements étaient déjà communément utilisés pour des jus de fruits, boissons aux fruits et nectars de fruits au moment du dépôt de la marque avec effet pour la France, soit le 26 juin 1997, ceci alors même que les critères d'appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelle constituées par l'apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques. La société CAPRI SUN précise à cet égard qu'à la date du dépôt, le conditionnement divergeait de manière significative de la norme et des habitudes du secteur des jus de fruits et des boissons de fruits, ce qui lui attribuait un caractère distinctif pour les produits en question et qu'il appartient aux sociétés MULRINES de prouver qu'au 26 juin 1997, d'autres fabricants de jus de fruits et de boissons aux fruits conditionnaient leurs produits dans des emballages souples, de sorte que le conditionnement protégé par la marque internationale tridimensionnelle 677 879 n'était pas apte à indiquer comme origine la déposante, qui était à l'époque la société SiSi-Werke, étant rappelé que la marque, examinée par les services de l'INPI lors de son dépôt en 1997, qui l'ont considéré comme valable, bénéficie d'une présomption de validité de ce fait, qu'il appartient aux sociétés MULRINES de renverser, ce qu'elles ne font pas, alors que pour sa part CAPRI SUN produit une enquête de la société IPSOS réalisée en août 2013, attestant du fait que le conditionnement nu bénéficie, en association avec les boissons de fruits, d'un taux de reconnaissance de 77,9% dans la population, et même de 83,1% chez les personnes ayant des enfants de moins de 15 ans au foyer. Sur ce. En application de l'article 4 de l'Arrangement de Madrid du 14 avril 1891 concernant l'enregistrement international des marques, à partir de son enregistrement au Bureau international, la protection de la marque dans chacun des pays contractants intéressés sera la même que si cette marque y avait été directement déposée. Aux termes de l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle, "La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale. Peuvent notamment constituer un tel signe : (…) c) Les signes figuratifs tels que : dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos, images de synthèse ; les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service ; les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs. " En application de l'article L. 711-2 de ce même code, "Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif : a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle. Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage ". Conformément à l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, "Est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4", la décision d'annulation ayant un effet absolu et étant, une fois devenue définitive, transmise à l'INPI pour inscription sur ses registres par le greffe ou l'une des parties en application de l'article R 714-3 du même code. La Cour de justice de l'Union européenne (alors cour de justice des communautés européennes) a précisé dans un arrêt Von Colson et Kamann c. Land Nordhein-Westfalen du 10 avril 1984, que le juge judiciaire, juge communautaire de droit commun, est tenu d'interpréter dans toute la mesure du possible les dispositions internes conformément au texte des directives communautaires transposées ou non pour atteindre le résultat qu'elles visent. En application du droit interne, interprété à la lumière de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres, les signes susceptibles de représentation graphique ne peuvent constituer des marques qu'à condition qu'ils soient intrinsèquement aptes à identifier le produit pour lequel est demandé l'enregistrement comme provenant d'une entreprise déterminée et propres à distinguer les produits ou services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises (arrêt CJCE du 18 juin 2002 Koninklijke Philips Electronics NV c. Remington Consumer Products Ltd). Le public pertinent doit immédiatement et certainement percevoir le signe comme identifiant l'origine commerciale du produit. Aussi, pour remplir sa fonction essentielle d'identification, une marque doit être distinctive, caractère indépendant de l'originalité ou de la nouveauté qui suppose que les éléments entrant dans sa composition soient arbitraires par rapport aux produits ou services qu'elle désigne et soient d'emblée perçus par le consommateur comme pouvant identifier l'origine du produit en le rattachant à une entreprise spécifique. Ainsi, ne sont pas considérées comme distinctives les marques qui ne permettent pas d'identifier l'origine commerciale du produit ou du service et ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d'une acquisition ultérieure, le même choix si l'expérience s'avère positive ou de faire un autre choix si elle s'avère négative. Le caractère distinctif doit en outre être apprécié par rapport aux produits ou aux services visés dans l'enregistrement. Il est par ailleurs constant que la validité d'une marque doit s'apprécier au jour de son dépôt. En l'espèce, la société de droit allemand DEUTSCHE SISI-WERKE, aux droits de laquelle vient la société de droit suisse CAPRI SUN AG selon contrat de cession du 3 novembre 2003, a déposé la marque internationale tridimensionnelle n° 677 879 visant la FRANCE, enregistrée le 26 juin 1997 en classe 32 pour désigner les "boissons sans alcool, boissons de fruits, jus de fruits et nectars de fruits". Le public pertinent est le particulier français d'attention moyenne acheteur de boissons sans alcool et de jus de fruits. La marque délivrée bénéficiant d'une présomption de validité, la charge de la preuve du défaut de distinctivité du signe ou de son inaptitude à être immédiatement perçu comme une marque par le public pertinent, qui doit être apprécié au jour du dépôt du 26 juin 1997, comme le soutient la société CAPRI SUN, incombe aux sociétés demanderesses à l'action en nullité, à savoir les sociétés MULRINES. Cependant, pour bénéficier de cette présomption de validité, le signe déposé objet de la protection doit être identifiable pour le tribunal et le public pertinent, l'appréciation de cette condition préalable reposant sur l'examen du seul enregistrement de la marque indépendamment des autres pièces produites par les parties. * Sur la représentation du signe objet de la marque tridimensionnelle n° 677 879 En l'espèce, la société CAPRI SUN décrit le signe de sa marque dans son assignation comme étant un emballage en matériau multicouches flexible, communément appelé dans le commerce "mini-poche " et dans ses conclusions comme étant ''constitué par une photographie en noir et blanc d'un conditionnement souple en position verticale" et soutient que le public peut s'en apercevoir s'en difficulté, "La surface irrégulière et les reflets" faisant "apparaître que le conditionnement consiste en un matériau brillant, fin avec des bords bien dessinés en haut et sur les côtés du conditionnement, mais irrégulièrement arrondis en bas". Il n'est pas contesté que le signe de la marque ainsi décrit n'est accompagné dans son enregistrement d'aucune mention descriptive, seule son appartenance à la catégorie 19.3 de la classification de Vienne étant précisée, ce qui ne permet pas pour autant au public pertinent et au tribunal d'identifier le signe et d'en définir précisément et sans équivoque la forme. La représentation du signe objet de la marque tridimensionnelle n° 677 879 doit ainsi s'entendre comme étant une représentation graphique en noir et blanc, constituée d'un rectangle noir comprenant une tâche blanche en son sommet, un trait blanc remontant sur sa partie gauche sur les 9/10ème de sa hauteur depuis sa base et trois traces blanches regroupées sur sa partie droite. En effet, le fait qu'à l'observation de ce signe, tel que déposé le 26 juin 1997 à l'OMPI, aucun élément ne permette de savoir qu'il s'agit d'une photographie en noir et blanc est inopérant dès lors que seul importe le caractère identifiable et distinctif du signe tel que déposé. Le moyen tiré du fait que la société ayant procédé à l'enregistrement international aurait été contrainte, par l'administration d'origine, à savoir l'Office Allemand des Brevets et Marques, de procéder au choix d'un seul cliché (représentant une vue de face du conditionnement) parmi les cinq photographies définissant la marque allemande 39508178 du 5 septembre 1996 lorsqu'elle a sollicité l'extension de la protection de sa marque à de nombreux pays de l'Arrangement et du Protocole de Madrid par un enregistrement international, est également inopérant. En effet, le droit à la protection du signe revendiqué ne saurait être défini par les pièces du dépôt, et encore moins au vu de celles communiquées lors de précédents dépôts, effectués devant d'autres organismes, ou encore en considération de la publication du signe litigieux dans la gazette OMPI des marques internationales (intervenue en l'espèce dans la gazette OMPI n° 17 de 1997), dès lors que, comme il l'a été rappelé ci-dessus, le signe litigieux doit être apprécié tel qu'il a été déposé à l'enregistrement en cause. * Sur l'absence de distinctivité Le tribunal observe que la forme du signe ainsi décrite, telle qu'elle apparaît dans l'enregistrement de la marque, n'est pas représentée de manière claire, objective et intelligible, de sorte que le signe revendiqué ne permet pas au public pertinent de lui rattacher une origine commerciale, et qu'elle ne peut en conséquence être une indication de l'origine commerciale des produits désignés. En outre, la protection d'une telle forme, indéterminée, offrirait à son propriétaire un monopole aussi large qu'incertain. Le sondage IPOS communiqué par la demanderesse sur "l'évaluation du degré de reconnaissance de l'emballage en France" n'est pas de nature à remettre en cause le fait que le public pertinent ne saurait associer le signe à une entreprise déterminée, ce sondage, réalisé au surplus en 2013, soit 16 ans après le dépôt de la marque, proposant aux personnes interrogées une photographie différente du signe enregistré en tant que marque. Le signe déposé n'étant pas intrinsèquement distinctif, et donc dénué de la fonction qu'il est censé remplir, à savoir garantir l'origine du produit, dès lors que le consommateur ne lui associe pas une origine commerciale déterminée, les défenderesses sont fondées à obtenir la nullité de la partie française de la marque internationale n° 677 879, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le surplus des moyens invoqués au soutien de la nullité de la marque. 3) Sur les autres demandes La société CAPRI SUN, qui supportera les dépens, versera la somme de 5000 € à chacune des sociétés MULRINES BEVERAGE LIMITED et P MULRINE & SONS SALES au titre de l'article 700 du code de procédure civile et verra sa propre demande à ce titre rejetée. Il n'y a pas lieu de prononcer l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort, Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société CAPRI SUN AG à l'encontre de la société MULRINES BEVERAGE LIMITED, Prononce la nullité de la partie française de la marque Capri Sun n° 677 879 enregistrée le 26 juin 1997 en classe 32 pour désigner des boissons sans alcool, boissons de fruits, jus de fruits et nectars de fruits pour l'intégralité des produits visés au dépôt, Ordonne la communication de la présente décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l’INPI et à I'OMPI, par la partie la plus diligente, pour inscription sur leurs registres, Déboute la société CAPRI SUN de l'ensemble de ses demandes, Condamne la société CAPRI SUN à verser à la société MULRINES BEVERAGE LIMITED et à la société P MULRINE & SONS SALES la somme de 5000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la société CAPRI SUN aux dépens, Rejette toute autre demande plus ample ou contraire. Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.