Cour de cassation, Première chambre civile, 26 avril 2017, 16-12.770

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2017-04-26
Cour d'appel de Paris
2016-02-11
Tribunal de grande instance de Paris
2014-09-30

Texte intégral

CIV. 1 CGA COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 avril 2017 Rejet Mme BATUT, président Arrêt n° 499 F-D Pourvoi n° M 16-12.770 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

Statuant sur le pourvoi formé par

M. [F] [Z], domicilié [Adresse 1], contre l'arrêt rendu le 11 février 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à la banque Crédit foncier de France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 14 mars 2017, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Avel, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de Me Delamarre, avocat de M. [Z], de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la banque Crédit foncier de France, l'avis de M. Drouet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen

unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 février 2016), que, par une offre préalable acceptée le 27 juin 2006 et réitérée par un acte authentique le 16 août suivant, le Crédit foncier de France (la banque) a consenti à M. [Z] (l'emprunteur) un prêt immobilier remboursable en deux-cent-quarante mensualités ; que, se prévalant d'un taux effectif global erroné, l'emprunteur a assigné la banque aux fins d'annulation de la clause de stipulation des intérêts conventionnels de ce prêt ;

Attendu que l'emprunteur fait grief à

l'arrêt de dire son action prescrite, alors, selon le moyen : 1°/ qu'en cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, la prescription de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel en raison d'une erreur affectant le taux effectif global ne court qu'à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; que le point de départ de la prescription n'est donc la date de l'acceptation de l'offre de prêt que lorsque l'examen de sa teneur permet, même à un non-professionnel, de constater l'erreur ; que, dans la présente espèce, la cour d'appel s'est bornée à énoncer, pour fixer le point de départ de la prescription quinquennale à la date de l''acceptation de l'offre intervenue le 27 juin 2006, que l'emprunteur était en mesure de constater immédiatement que la banque avait ajouté des intérêts intercalaires, que les frais de notaire n'avaient pas été pris intégralement en considération dans le calcul du taux effectif global, que le taux d'intérêt était variable, qu'il existait un différentiel de 4 000 euros entre le montant du capital prêté de 105 200 euros et celui de 109 200 euros sur la base duquel a été établi l'échéancier prévisionnel des amortissements et qu'il devait verser la taxe sur la valeur ajoutée remboursée en déduction du capital prêté ;

qu'en se prononçant ainsi

, sans rechercher si l'emprunteur, quoique non-professionnel, avait, néanmoins, les compétences financières lui permettant de déceler, dès l'offre de prêt, les erreurs affectant le calcul du taux effectif global, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1304 et 1907 du code civil, ensemble des articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation ; 2°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que, dans la présente espèce, l'emprunteur faisait valoir qu'il n'était pas un professionnel habitué aux opérations bancaires ; que, dès lors, il n'avait pu connaître les erreurs affectant le taux effectif global dès la réception de l'offre de prêt et, notamment, l'existence d'intérêts intercalaires ; que ce moyen était de nature à modifier le point de départ du délai de prescription et, dès lors, la recevabilité de son action ; qu'en retenant néanmoins que l'emprunteur avait eu connaissance de tous les griefs qu'il forme dès la signature de l'offre de prêt sans répondre au moyen péremptoire soulevé par l'emprunteur, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ; Mais attendu qu'ayant souverainement estimé que l'emprunteur avait connaissance de l'ensemble de ses griefs dès la signature de l'offre de prêt, dont elle avait reproduit la teneur, de sorte qu'il avait été mis en mesure, à cet instant, de déceler les erreurs qu'il imputait au calcul du taux effectif global, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions prétendument délaissées et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision en retenant que le point de départ de la prescription se situait au jour de l'acceptation de l'offre de prêt ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [Z] aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six avril deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour M. [Z] Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable la demande de Monsieur [Z] en annulation de la stipulation d'intérêts comme étant prescrite et de l'avoir condamné aux dépens augmentés de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « L'action en nullité de la stipulation d'intérêts contractuels en raison d'un taux effectif global erroné se prescrit par cinq ans en application de l'article 1304 du code civil ; que le point de départ de cette prescription est la date de la convention si elle permet de constater l'erreur ou bien la date de sa révélation à l'emprunteur ; que Monsieur [Z] se prévaut de plusieurs erreurs affectant le taux effectif global calculé en intégrant une somme de 4.000 euros au titre des intérêts intercalaires dus pendant la période de préfinancement du prêt fonctionnant en compte courant jusqu'à l'amortissement du prêt selon la méthode des nombres avec capitalisation en violation des règles applicables, en sous-évaluant les frais de notaire, en omettant le coût du remboursement anticipé du prêt par la récupération de la TVA ; qu'il prétend les avoir découvertes quelques temps avant d'assigner la banque après avoir consulté un professionnel sans autre précision, ni justification ; qu'il résulte de l'offre de prêt acceptée par Monsieur [Z] qu'elle porte sur un montant de 105.200 euros comprenant les frais de notaire de 2.256 euros ; qu'elle mentionne un taux effectif global est de 4,85 % incluant le coût prévisionnel du prêt, assurances et accessoires inclus, de 64.217,60 euros comprenant les frais de dossier d'un montant de 534 euros, les frais de garantie de 1.990 euros, le coût de l'assurance de 11.510,40 euros et les intérêts au taux contractuel de 3,75 % sur un prêt entièrement débloqué d'un montant de 46.183,20 euros plus 4.000 euros au titre de l'évaluation forfaire des intérêts non réglés par l'emprunteur pendant la période de préfinancement ; que cette offre prévoit deux périodes, la première d'une durée de 24 mois au plus fonctionnant en compte courant et la seconde d'une durée de 240 mois modulable et au plus de 288 mois pour l'amortissement du prêt ; que, pendant la première période, l'emprunteur a la faculté d'effectuer, à sa convenance, des versements qui seront portés au crédit du compte courant et réduiront les sommes dues ; que cette période sera clôturée le quantième suivant ou égal à la date du dernier déblocage des fonds dans la limite de durée maximale convenue et qu'à cette date le solde liquidatif sera arrêté et constituera le montant définitif du prêt ; que la prime d'assurance décès- invalidité est de 0,527 % l'an ; que l'emprunteur s'engage si l'opération donne lieu à remboursement par l'administration de la TVA à affecter immédiatement le montant de 16.336 euros au remboursement anticipé partiel du prêt et à en justifier auprès du prêteur ; que le tableau d'amortissement paraphé par l'emprunteur mentionne que le montant du prêt est de 105.200 euros et qu'il y est ajouté le montant des intérêts non payés pendant la phase de compte courant estimés forfaitairement, en concertation avec l'emprunteur, à 4.000 euros de sorte qu'il est calculé sur un capital total de 109.200 euros, qu'il stipule expressément que ce sont le rythme de déblocage des fonds, la durée du compte courant et les versements effectifs de l'emprunteur pendant cette période qui détermineront le solde liquidatif du compte courant correspondant au montant du prêt à rembourser ; qu'il se déduit de ces éléments que Monsieur [Z] avait connaissance de l'existence d'intérêts intercalaires estimés forfaitairement à 4.000 euros pendant la période de préfinancement de 24 mois ajoutés au montant du capital emprunté inclus dans le taux effectif global, des frais de garantie liés à l'octroi du crédit indépendamment des frais de notaire inclus dans le montant de son emprunt et de l'exigence du remboursement anticipé du crédit à l'occasion de la récupération de la TVA pour un montant de 16.336 euros non inclus dans le calcul du taux effectif global ; qu'il avait ainsi connaissance de tous les griefs qu'il forme dès la signature de l'offre de prêt laquelle lui a donné toutes les informations utiles sur le coût du crédit, sur ce qui était pris en compte dans le calcul du taux effectif global et sur l'estimation forfaitaire des intérêts intercalaires, le coût des frais de garantie liés à l'octroi du crédit qui ne se confondent pas avec les frais de notaire financés par le prêt lui-même et le remboursement anticipé par la rapporte la preuve d'aucune erreur qu'il aurait découverte par l'intermédiaire d'un professionnel ; que l'action de Monsieur [Z] introduite par assignation du 11 avril 2012 plus de cinq ans après l'expiration du délai est prescrite et sa demande est irrecevable ; que Monsieur [Z] est mal fondé en son appel ; que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ; qu'il n'appartient pas à la cour de prononcer la déchéance du terme contractuelle que le Crédit Foncier de France doit mettre en oeuvre s'il l'estime utile conformément à la convention des parties ; qu'il est inéquitable de laisser à la charge du Crédit Foncier de France le montant de ses frais irrépétibles en appel ; qu'il convient de condamner Monsieur [Z] à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ; que Monsieur [Z], qui succombe, supportera les dépens d'appel » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU' « A titre liminaire, il sera observé que M. [Z] qui affirme qu'un simple examen de l' acte ne lui permettait pas de déceler les erreurs affectant le TEG et qu' en conséquence, la prescription n' était pas acquise au jour de l'acte introductif d'instance, se garde de préciser la date exacte à laquelle il les a découvertes et partant, le point de départ du délai de prescription ; qu'il ressort des termes de l'offre de prêt telle qu' acceptée par M. [Z], qui y a porté sa signature, et réitérée dans l'acte authentique de prêt qu'elle mentionne expressément que le prêt consenti présente les caractéristiques suivantes : son montant est de 105.200 € dont 2.256 € affectés au paiement des frais de notaire, il comporte une première période de compte courant de 24 mois maximum, correspondant à la période de la construction du bien financé et devant être "clôturée à la date du dernier dé blocage des fonds" et une seconde d'amortissement d'une durée prévisionnelle de 240 mois, pendant la première période, d'une part, l'emprunteur aura la faculté d'effectuer à sa convenance des versements qui seront portés au crédit du compte et réduiront les sommes dues" et d'autre part, les intérêts non payés sont estimés forfaitairement à la somme de 4.000 € et s'ajouteront au montant du capital prêté, tout remboursement de TV A sera versé au crédit du compte courant et viendra en déduction du montant du capital prêté, la créance en principal de 105.200 € est susceptible d'être d'une part, augmentée de la somme de 4.000 € au titre des intérêts non payés, la portant à celle de 109.200 €, et d'autre part, diminuée des versements effectués librement par l' emprunteur pendant la phase de compte courant et de la TV A remboursée, il porte intérêts a u taux fixe pendant la période de compte courant et les 12 premiers mois de la période d'amortissement puis à taux révisable Euribor l'an majoré de 1,90, le TEG fixé à 4.85% comprend les intérêts du prêt, les frais de dossier, les frais de garantie et ceux de l'assurance décès invalidité, l'option modulation est facturée 46 € à partir de la deuxième utilisation ; qu'il se déduit des mentions de l'offre que préalablement à son acceptation, M. [Z] a clairement été informé : que le prêt destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier en l'état futur d'achèvement, comporte nécessairement deux périodes qui sont fonction de la date de déblocage des fonds, que la durée de la période de compte courant est nécessairement variable en ce qu' elle dépend de celle de la construction, a u caractère modulable du-prêt, du caractère variable du taux d'intérêt, de l' existence et de l'origine du différentiel de 4.000 € entre le montant du capital prêté de 105.200 € et celui de 109.200 € sur la base duquel a été établi l'échéancier prévisionnel des amortissements, de l'obligation de verser la TVA remboursée qui viendra en déduction du capital prêté, des éléments pris en compte dans le calcul du TEG qui ne comprend notamment pas les frais notariés à hauteur de 2.256 € inclus dans le capital prêté, la somme de 4.000 € et les frais de l'option modulation, de sorte qu'il est établi que les énonciations de l'offre révélaient par elles-mêmes l'ensemble des élément s dont l'absence de prise en compte dans le calcul du TEG est déplorée par M. [Z] dans la présente instance ; que le point de départ de la prescription se situe donc au jour de l'acceptation de l'offre intervenue le 27 juin 2006 ; que par voie de conséquence, l'action initiée par exploit du 11 avril 2012 est prescrite et la demande en annulation de la stipulation d'intérêt sera déclarée irrecevable » ; ALORS QU' En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non professionnel, la prescription de l'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel en raison d'une erreur affectant le taux effectif global ne court qu'à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; que le point de départ de la prescription n'est donc la date de l'acceptation de l'offre de prêt que lorsque l'examen de sa teneur permet, même à un non professionnel, de constater l'erreur ; que, dans la présente espèce, la Cour d'appel s'est bornée à énoncer, pour fixer le point de départ de la prescription quinquennale à la date de l''acceptation de l'offre intervenue le 27 juin 2006, que Monsieur [Z] était en mesure de constater immédiatement que la banque avait ajouté des intérêts intercalaires, que les frais de notaire n'avaient pas été pris intégralement en considération dans le calcul du taux effectif global, que le taux d'intérêt était variable, qu'il existait un différentiel de 4.000 euros entre le montant du capital prêté de 105.200 euros et celui de 109.200 euros sur la base duquel a été établi l'échéancier prévisionnel des amortissements et qu'il devait verser la TVA remboursée en déduction du capital prêté ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher si Monsieur [Z], quoique non professionnel, avait néanmoins les compétences financières lui permettant de déceler, dès l'offre de prêt, les erreurs affectant le calcul du taux effectif global, la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1304 et 1907 du Code Civil, ensemble des articles L.313-1, L.313-2 et R.313-1 du Code de la Consommation ; ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE Le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans la présente espèce, Monsieur [Z] faisait valoir qu'il n'était pas un professionnel habitué aux opérations bancaires ; que dès lors, il n'avait pu connaître les erreurs affectant le taux effectif global dès la réception de l'offre de prêt (conclusions d'appel, page 6) et notamment l'existence d'intérêts intercalaires ; que ce moyen était de nature à modifier le point de départ du délai de prescription et, dès lors, la recevabilité de son action ; qu'en retenant néanmoins que Monsieur [Z] avait eu connaissance de tous les griefs qu'il forme dès la signature de l'offre de prêt sans répondre au moyen péremptoire soulevé par Monsieur [Z], la Cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile.