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Tribunal administratif de Pau, 20 juillet 2023, 2301653

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Pau
  • Numéro d'affaire :
    2301653
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Rejet
  • Nature : Décision
  • Avocat(s) : REFLEX DROIT PUBLIC
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Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Pau
20 juillet 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juin 2023 et le 18 juillet 2023, la société à responsabilité limitée Leyre tourisme, représentée par Me Ferrant, avocat, demande au juge des référés : 1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la convention d'occupation du domaine public en vue de l'exploitation du domaine de Peyricat conclue le 16 juin 2023 entre la commune de Sabres et la société à responsabilité limitée Holicamps, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de ce contrat ; 2°) de mettre à la charge de la commune de Sabres une somme de 5000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'urgence est caractérisée par les circonstances que la signature du contrat la prive de la possibilité d'exercer son activité consistant en l'exploitation du domaine de Peyricat en qualité de sous-locataire, qu'elle est confrontée à de graves difficultés financières, qu'elle a signé une convention pluriannuelle avec une société tiers en vue de l'hébergement d'ouvriers agricoles sur ce domaine, qu'elle devra reloger dans des locaux initialement destinés à des clients estivaux, qu'elle devra licencier ses salariés qui ne seront pas réembauchés par le repreneur, et qu'elle a toujours donné satisfaction dans l'exploitation du domaine de Peyricat ; - le contrat en cause n'est pas une convention d'occupation du domaine public, mais un contrat de concession de service public pour lequel les règles de publicité et de mise en concurrence préalables à sa passation n'ont pas été respectées, notamment la saisine de la commission consultative des services publics locaux, la saisine de la commission d'ouverture des plis pour se prononcer sur le choix du délégataire, l'imprécision des documents établis pour la procédure de passation du contrat, et l'indétermination des règles sur la base desquelles les offres ont été départagées ; - la candidature de la société Crazy fun parc était irrecevable dès lors qu'elle n'a pas produit une lettre de candidature, ses références et certificats de qualification de professionnelle, et ses garanties financières ; - la société Holicamps n'avait aucune existence juridique à la date du dépôt des candidatures et des offres ; - l'avis d'appel à concurrence contient un critère relatif à la présentation du candidat qui ne peut relever de l'analyse des offres, mais de celle des candidatures ; - l'offre de la société Crazy fun parc était inappropriée compte tenu des montants proposés ; - la note obtenue par la société Crazy fun parc est entachée d'erreur d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2023, la commune de Sabres, représentée par Me Baltassat, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société requérante une somme de 3000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que la société requérante ne dispose plus d'aucun droit ni titre à occuper le domaine de Peyricat depuis le 21 janvier 2023 et qu'elle a quitté les lieux le 30 juin 2023, qu'elle n'a jamais laissé entendre à cette société qu'elle pourrait continuer à exploiter ce domaine, que cette dernière ne pouvait ignorer le lancement de l'avis d'appel public à concurrence en vue de la conclusion d'une convention d'occupation du domaine public dès la fin de l'année 2022, qu'elle gère un autre camping dans une autre commune, qu'une éventuelle suspension de l'exécution du contrat attaqué ne lui permettra pas d'exploiter à nouveau le domaine de Peyricat, que la société requérante s'est placée délibérément dans une situation financière délicate en concluant des contrats de travail postérieurement au 20 janvier 2023, que de nombreux contrats de travail que la société a passé sont caducs, que les contrats de travail de plus longue durée ont été passés alors que leurs termes prenaient fin au-delà de la limite de durée de la convention d'occupation du domaine de Peyricat, que le contrat de travail à durée indéterminée qu'elle a passé a été signé alors qu'elle ne pouvait ignorer la précarité de sa situation, que le contrat de bail que la société requérante a passé en vue de l'accueil d'ouvriers agricoles court sur la période du 11 avril 2022 au 28 février 2032 alors qu'elle ne disposait plus d'aucun droit ni titre à occuper le domaine de Peyricat à compter du 21 janvier 2023, et qu'il n'est pas démontré qu'elle a conclu des baux avec des sociétés civiles immobilières pour la location de maisons destinées à l'hébergement d'une partie des ouvriers agricoles ; - aucun des moyens de la requête de la société Leyre tourisme n'est de nature à créer un doute sérieux sur la légalité du contrat attaqué.

Vu :

- les autres pièces du dossier ; - la requête enregistrée le 22 juin 2023 sous le n°2301652 par laquelle la société Leyre tourisme demande l'annulation du contrat attaqué. Vu : - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de justice administrative. Le président du tribunal a désigné M. C pour statuer sur les demandes de référé. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique tenue le 19 juillet 2023 en présence de Mme Caloone, greffière d'audience, M. C a lu son rapport et entendu : - Me Daguerre, représentant la société Leyre tourisme ; - M. B, gérant de la société Leyre tourisme, qui soutient en outre que sa société emploie actuellement 25 salariés, qu'il a dirigé un certain nombre de réservations de la clientèle du domaine de Peyricat vers un autre camping qu'il exploite dans la commune de Soustons, qu'aucun ouvrier agricole n'est logé dans ce domaine durant l'été, et que sa société est en mesure de reprendre l'exploitation de ce domaine dès le mois d'août 2023 ; - Me Baltassat, représentant la commune de Sabres, qui soutient en outre que la procédure prévue par le règlement de consultation a été respectée et que l'offre de la société Crazy fun parc n'était pas inappropriée. - M. A, gérant de la société Holicamps, qui soutient en outre que sa société n'a pas été en mesure de reprendre le personnel de la société Leyre tourisme en raison de ses exigences salariales, que l'exploitation du domaine de Peyricat ne sera pas possible en 2023 compte tenu que la société Leyre tourisme n'a quitté les lieux que le 30 juin 2023 et que des travaux importants doivent y être préalablement réalisés, et que l'offre de sa société était sérieuse.

Considérant ce qui suit

: 1. La commune de Sabres (Landes) est propriétaire du " domaine de Peyricat " dans lequel prennent place un village de vacances composé notamment d'un pavillon d'accueil, d'un bâtiment collectif de restauration et de 38 chalets en bois, ainsi que d'un camping comportant 69 emplacements, huit habitations légères de loisirs et deux bâtiments sanitaires collectifs. Cette commune a passé le 28 février 2005 avec l'association Relais soleil Aquitaine, devenue l'association Vacances tourisme famille, un contrat de délégation de service public en vue de l'exploitation de ce village de vacances et de ce camping, dont la limite de durée a été fixée au 28 février 2025. Un contrat de bail emphytéotique portant sur ce même ensemble immobilier a été passé le 15 mars 2005 entre ces deux mêmes parties pour la période du 1er mars 2005 au 28 février 2025. L'association Vacances tourisme famille a par ailleurs signé le 11 janvier 2019 avec l'association Mexico loisirs, à laquelle s'est substituée la société Leyre tourisme, un contrat de sous-location ayant le même objet que celui du contrat du 15 mars 2005, et dont la limite de durée a été fixée au 10 janvier 2021, repoussée au 20 janvier 2023 par avenants du 15 décembre 2020 et du 20 janvier 2022. La commune de Sabres a lancé au mois de novembre 2022 un avis d'appel public à concurrence en vue d'une convention d'occupation temporaire du domaine public destinée à l'exploitation du domaine de Peyricat. Cette convention a été passée le 16 juin 2023 par la commune de Sabres avec la société Holicamps. La société Leyre tourisme demande la suspension de l'exécution de ce contrat. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ". 3. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. Il lui appartient également, l'urgence s'appréciant objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, de faire apparaître dans sa décision tous les éléments qui, eu égard notamment à l'argumentation des parties, l'ont conduit à considérer que la suspension demandée revêtait un caractère d'urgence. 4. Il résulte de l'instruction que l'article 8 du contrat de sous-location du 11 janvier 2019 rappelé au point 1 stipulait que cette convention serait résiliée de plein droit en cas de résiliation des contrats qui liaient la commune de Sabres et l'association Vacances tourisme famille. À la suite d'un accord de cette association, par délibération du 23 mars 2023, le conseil municipal de Sabres a approuvé la résiliation à compter du 31 mars 2023 des contrats du 28 février 2005 et du 15 mars 2005 rappelés au même point. La société Leyre tourisme n'est donc titulaire d'aucun droit ni titre pour occuper le domaine de Peyricat depuis le 1er avril 2023. La suspension de l'exécution du contrat attaqué ne pourrait ainsi avoir pour effet d'autoriser la société requérante à occuper régulièrement ce domaine. Si cette dernière soutient qu'elle devra licencier les salariés qu'elle a embauchés pour la saison estivale, la majeure partie des contrats de travail qu'elle produit est frappée de caducité. Par ailleurs, les huit contrats de travail à durée déterminée dont la date d'expiration est fixée au 31 juillet 2023 ou au 30 septembre 2023 ou au 25 février 2024, ont été signés entre le 1er janvier et le 1er mars 2023, alors que la société requérante, candidate évincée de l'appel public à concurrence rappelé au point 1, ne pouvait ignorer que la limite de durée du contrat de sous-location du 11 janvier 2019 ne serait pas prorogée. En outre, le contrat de travail à durée indéterminée produit par la société requérante a été signé le 1er mai 2020 alors que cette dernière n'était partie qu'à un contrat de sous-location dont la limite de durée était alors fixée au 10 janvier 2021. Si cette société soutient également qu'elle a conclu le 11 avril 2022 un bail avec une société tiers, dont le terme expire le 28 février 2032, en vue d'héberger dans le domaine de Peyricat une cinquantaine d'ouvriers agricoles saisonniers et qu'elle est tenue par son obligation contractuelle, elle ne pouvait ignorer que le contrat de bail qui la liait à l'association Vacances tourisme famille expirait le 20 janvier 2023 et il n'est pas démontré que la commune de Sabres avait exprimé auprès de la société requérante son souhait de voir proroger ce contrat au-delà de cette dernière date. Ainsi, par la signature de ces contrats, la société Leyre tourisme a créé elle-même une situation d'urgence. Si elle rajoute qu'elle est confrontée à des difficultés financières, le contenu de la note d'un expert-comptable qu'elle produit à l'appui de cette allégation est essentiellement la conséquence des contrats de travail et du contrat de bail rappelés précédemment qu'elle a passés. Enfin, la société Leyre tourisme a reconnu l'audience qu'elle exploite également un camping dans la commune de Soustons et qu'elle a dirigé vers cette structure un certain nombre de réservations faites auprès d'elle par la clientèle au domaine de Peyricat. Elle n'est donc pas dépourvue de toute activité. Par suite, cette société ne justifie pas de la condition d'urgence. 5. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête de la société Leyre tourisme présentées sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". 7. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le juge des référés ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la société Leyre tourisme doivent dès lors être rejetées. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette dernière une somme de 1200 € au titre des frais exposés par la commune de Sabres et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de Leyre tourisme est rejetée. Article 2 : La société Leyre tourisme versera à la commune de Sabres la somme de 1200 (mille deux cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société à responsabilité limitée Leyre tourisme, à la commune de Sabres et à la société à responsabilité limitée Holicamps. Fait à Pau, le 20 juillet 2023. Le juge des référés, Signé F. DE SAINT-EXUPERY DE CASTILLON La greffière, Signé M. CALOONE La République mande et ordonne au préfet des Landes en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. Pour expédition conforme : La greffière, Signé