ARRET N°141
N° RG 21/01724 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GJDI
[X]
C/
[K]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 28 MARS 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01724 - N° Portalis DBV5-V-B7F-GJDI
Décision déférée à la Cour : jugement du 07 avril 2021 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIORT.
APPELANT :
Monsieur [B] [X]
né le 15 Février 1992 à [Localité 9] (75)
[Adresse 4]
[Localité 6]
ayant pour avocat Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
INTIMEE :
Madame [W] [K] veuve [D]
née le 02 Janvier 1951 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 6]
ayant pour avocat Me Cécile LECLER-CHAPERON, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles
907 et
786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant acte notarié en date du 30 mars 1996, M. [B] [X] a acquis une maison d'habitation, sise [Adresse 4]).
Sa propriété est voisine de celle de Mme [W] [K], située [Adresse 5].
Les immeubles de M. [B] [X] et de Mme [W] [K] sont contigus et imbriqués de telle sorte que la terrasse de M. [X] jouxte la chambre de Mme [K]. La fenêtre de la chambre donne sur la terrasse.
Répondant à Mme [W] [K] qui lui reprochait des nuisances sonores, M. [B] [X] a demandé à sa voisine de mettre en conformité la fenêtre donnant sur la terrasse par la pose d'un châssis fixe ou de carreaux de verre.
Une conciliation a été tentée à compter du 26 avril 2019 mais n'a cependant pu aboutir et un bulletin de non conciliation a été établi le 14 juin 2019.
Par acte d'huissier de justice en date du 24 juin 2020, M. [B] [X] a fait citer Mme [W] [K] devant le tribunal judiciaire de NIORT aux fins de :
' condamner Mme [W] [K] à prendre toutes dispositions utiles pour faire cesser le trouble anormal de voisinage, dont elle est responsable, et ce sous astreinte
de 500 euros par jour de retard à compter de la signification à intervenir ;
' donner acte à M. [B] [X] qu'il n'est pas opposé à ce que Mme
[K] occulte sa fenêtre par la pose de carreaux de verre, à condition que ces carreaux de verre soient anti-effractions ;
' condamner Mme [W] [K] à payer à M. [B] [X] la
somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les différents préjudices qu'il subit du fait des troubles anormaux de voisinage dont elle est responsable ;
' la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile ;
' la condamner aux dépens, avec distraction au profit de la Selarl Eric DABIN, en vertu de l'article
699 du code de procédure civile.
Mme [W] [K] a sollicité du tribunal judiciaire de :
débouter M. [B] [X] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions en raison de l'absence de preuve d'un quelconque trouble anormal du voisinage imputable à Mme [K]
' condamner M. [B] [X] à verser à Mme [W] [K] la
somme de 3 000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
' condamner M. [B] [X] aux dépens dont distraction au profit de Maître LECLER-CHAPERON, avocat autorisé à les recouvrer directement par application de l'article
699 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 07/04/2021, le tribunal judiciaire de NIORT a statué comme suit :
'DÉBOUTE M. [B] [X] de ses demandes.
CONDAMNE M. [B] [X] à payer à Mme [W] [K] la somme de 1 000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile.
CONDAMNE M. [B] [X] à payer les dépens'.
Le premier juge a notamment retenu que :
- Mme [W] [K] revendique le bénéfice d'une servitude de vue
résultant de la présence de la fenêtre litigieuse depuis son acquisition en 1977. A cet égard, les attestations de voisins, versées aux débats par Mme [W] [K] et dont la régularité n'est pas contestée par M. [B] [X], permettent de corroborer l'existence de cette ouverture qualifiée de fenêtre depuis plus de 40 ans.
- la présence de la fenêtre litigieuse a été constatée par des voisins et des proches de Mme [K] à une période concomitante à l'acquisition de sa propriété.
- si le fils de la venderesse de M. [X] indique qu'il y avait bien une fenêtre en hauteur, de châssis fixe et brouillé, ce dont M. [X] déduit que Mme [K] a élargi une petite ouverture existante, mais aveugle, pour en faire une fenêtre, le caractère précis et circonstancié des attestations produites par Mme [K] permet de retenir que l'ouverture de la fenêtre est intervenue peu après l'acquisition de l'immeuble en 1977 et son existence a été constatée sans discontinuer.
- l'existence de la servitude apparente et continue de vue, résultant de la présence de l'ouverture litigieuse est établie depuis plus de 40 ans. Il n'est pas rapporté la preuve par M. [B] [X] de ce que l'existence de cette servitude ait été contestée, par lui-même ou un de ses auteurs.
- le fonds de M. [B] [X] est grevé d'une servitude de vue attachée au fonds dominant de Mme [W] [K] et acquise par prescription trentenaire.
- s'il appartient au juge de rechercher si les troubles subis par le propriétaire du fonds servant excèdent les inconvénients normaux de voisinage, l'utilisation de la fenêtre permettant l'apport de lumière dans la chambre et son aération ne constituent pas un trouble anormal de voisinage.
M. [X], qui allègue des raisons de sécurité pour sa propriété, ne verse aux débats aucun élément démontrant un comportement fautif de la part de Mme [W] [K], qui serait étranger à l'exercice normal de la servitude de vue, tel que le franchissement de la fenêtre.
LA COUR
Vu l'appel en date du 31/05/2021 interjeté par M. [B] [X]
Vu l'article
954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 14/11/2022, M. [B] [X] a présenté les demandes suivantes :
'Vu les articles 9,
544,
651 et
688 à
690 du code civil ;
Vu l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme ;
Vu les pièces versées aux débats ;
Il est demandé à la Cour d'appel de POITIERS de :
DÉCLARER recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. [B] [X],
En conséquence,
REFORMER le jugement rendu le 7 avril 2021 par le tribunal judiciaire de NIORT en ce qu'il a :
- Débouté M. [B] [X] de ses demandes,
- Condamné M. [B] [X] à payer à Mme [W] [K] la
somme de 1.000 euros en application de l'article
700 du Code de procédure civile,
- Condamné M. [B] [X] à payer les dépens.
Statuant à nouveau,
JUGER que la servitude de vue attachée à son fonds n'est pas acquise par prescription trentenaire,
CONDAMNER Mme [K] à prendre toutes dispositions utiles pour faire cesser le trouble anormal de voisinage, et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
DONNER ACTE à M. [B] [X] qu'il n'est pas opposé à ce que Mme
[K] occulte sa fenêtre par la pose de carreaux de verre, à la condition que ces carreaux de verre soient anti-effractions,
CONDAMNER Mme [W] [K] à payer à M. [B] [X] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les différents préjudices qu'il subit du fait des troubles anormaux de voisinage dont elle est responsable,
CONDAMNER Mme [W] [K] à payer à M. [B] [X] la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile,
La DÉBOUTER de toutes ses demandes, fins et prétentions,
CONDAMNER Mme [W] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel'.
A l'appui de ses prétentions, M. [B] [X] soutient notamment que :
- il a été agrandi une petite ouverture existante, sur le pignon, pour créer une fenêtre, sans verre dépoli, entraînant une servitude de vue particulièrement gênante sur la propriété de M. [X], cela sans autorisation.
Outre la servitude de vue, il est même tout à fait possible de pénétrer sur sa propriété en passant par cette fenêtre.
- la situation actuelle n'a pas été créée il y a plus de 30 ans mais résulte de travaux beaucoup plus récents.
- l'existence ancienne de cette ouverture n'a jamais été contestée par M.
[X] mais Mme [W] [K] a élargi une petite ouverture déjà existante, aveugle originairement, pour en faire une véritable fenêtre.
- M. [Y] a indiqué que la fenêtre 'n'était pas en place en 1992 quand ma mère a vendu la maison'.
Dans la mesure où cette nouvelle servitude de vue n'était pas présente en 1992, elle ne peut, à ce jour, avoir été acquise par l'effet de la prescription acquisitive.
M. [I] [G], fils de M. [L] [G], propriétaire jusqu'en 1977 du [Adresse 3] a pu attester 'Que la fenêtre n°2 n'existait pas à la vente de la maison'.
Il est d'ailleurs produit aux débats deux photos éloquentes qui prouvent cette situation.
- Mme [K], dès lors que M. [X] était sur sa terrasse avec des amis, l'épiait constamment.
- il n'est pas établi l'existence de l'actuelle ouverture depuis 30 ans et en outre, la possession n'est pas non équivoque. Même s'il est établi que l'ouverture existait depuis 1977, année d'acquisition de sa maison par Mme [K], celle-ci ne prouve pas que l'ouverture actuelle existait déjà à cette date en l'état qui est le sien aujourd'hui.
- Mme [K] n'a jamais fait une déclaration préalable de travaux pour transformer l'ouverture préexistante en véritable fenêtre et sa possession est nécessairement viciée.
- le concluant a acquis son immeuble le 30 mars 2016 et l'intimée en 1977, mais rien ne vient contredire le fait que ses auteurs successifs aient pu simplement tolérer cette situation, la tolérance ne pouvant aboutir à la prescription acquisitive.
- la fenêtre litigieuse donnant directement sur la propriété de M. [B] [X], et notamment sur sa terrasse, constitue manifestement un trouble anormal de voisinage, s'agissant d'une vue directe illégale, et d'une possibilité d'accès.
- il ne peut par contre lui être reproché de nuisances sonores répréhensibles alors qu'il jouit paisiblement de sa terrasse.
- lors de son acquisition en 2016, l'ouverture existait mais M. [X] était loin de se douter qu'elle constituait la fenêtre de la chambre de Mme [K].
- sa demande indemnitaire est pleinement justifiée.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 22/11/2021, Mme [W] [K] a présenté les demandes suivantes :
'Vu l'article
544 du code civil,
Vu les articles
688 à
690 du code civil,
Vu les pièces,
DÉBOUTER M. [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
CONFIRMER la décision du 7 avril 2021 du Tribunal Judiciaire de NIORT
CONDAMNER M. [B] [X] à verser à Mme [W] [K] la somme de 4.000 € au titre des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
CONDAMNER M. [B] [X] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître LECLER-CHAPERON, avocat autorisé à les recouvrer directement par application de l'article
699 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, Mme [W] [K] soutient notamment que :
- par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 juin 2018, Mme [K] a pris attache avec M. [X] afin de lui demander de mettre fin aux nuisances sonores qu'il lui fait subir du fait de l'écoute tant le jour que la nuit de la musique à un volume déraisonnable, outre la tenue de barbecues sur sa terrasse,
- Mme [K] démontre l'existence d'une fenêtre et d'une servitude de vue depuis plus de 30 ans, alors que M. [X] soutient sans le prouver que l'agrandissement de cette fenêtre résulterait de travaux récents.
- c'est en 2018, plus de deux ans après l'achat de sa maison que M. [X] s'est plaint de la présence de cette fenêtre. Il tente par tout moyen et depuis plusieurs années d'obtenir purement et simplement le droit d'exercer des nuisances sonores.
- cette fenêtre existe depuis l'acquisition de la maison par M. et Mme [K] en 1977 soit plus de 40 ans.
- lors de l'acquisition en 1977 par Mme [K] de sa propriété, deux ouvertures existaient.
Lors des travaux de gros ouvres et de réhabilitation effectuée peu de temps après l'acquisition de ladite propriété, la fenêtre actuelle a été ouverte et depuis, aucune modification de sa dimension n'a été effectuée.
- au regard de photographies versées, il faut comprendre que depuis l'acquisition de sa propriété, M. [X] a procédé à des travaux de remblaiement de son terrain jusqu'en limite du mur de propriété et désormais, la fenêtre litigieuse qui était en hauteur se trouve au niveau de la terrasse de M. [X].
- il y a acquisition par prescription d'une servitude de vue sur le fonds appartenant à M. [X] et celui-ci ne peut s'opposer à son exercice.
- les troubles subis par le propriétaire du fonds servant du fait de l'exercice de la servitude acquise par le propriétaire du fonds dominant n'excèdent pas ce qui peut être admissible, et il n'existe pas de trouble anormal du voisinage en l'espèce.
- la fenêtre litigieuse existait bien avant l'emménagement de M. [X].
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 21/11/2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'existence d'une servitude de vue acquise par prescription trentenaire:
L'article
544 du code civil dispose que 'la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.'
L'article
691 du code civil dispose que : "les servitudes continues non apparentes, et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres. La possession même immémoriale ne suffit pas pour les établir, sans cependant qu'on puisse attaquer aujourd'hui les servitudes de cette nature déjà acquises par la possession, dans les pays où elles pouvaient s'acquérir de cette manière."
Aux termes de l'article
688 du code civil, "les servitudes sont ou continues, ou discontinues. Les servitudes continues sont celles dont l'usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l'homme : tels sont les conduites d'eau, les égouts, les vues et autres de cette espèce.
Les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées : tels sont les droits de passage, puisage, pacage et autres semblables."
L'article
2272 du code civil dispose que 'le délai de prescription pour acquérir la propriété immobilière est de 30 ans.
Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par 10 ans'.
L'article
2261 du même code précise que dans tous les cas de possession, 'pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.'
Il résulte de ces textes qu'une servitude de vue est une servitude continue et apparente qui existe du fait même de la présence de l'ouverture donnant sur l'héritage d'autrui et dont la possession subsiste tant qu'il n'est pas matériellement contredit, dès lors que la situation est de nature à éveiller l'attention du propriétaire voisin et à provoquer au besoin sa contradiction.
En l'espèce, par acte notarié en date du 30 mars 1996, M. [B] [X] a acquis une maison d'habitation, sise [Adresse 4]).
Sa propriété est voisine de celle de Mme [W] [K], située [Adresse 5], acquise par celle-ci le 3 août 1977.
M. [X] soutient que si une petite ouverture existait déjà, aveugle originairement, Mme [K] a créé une véritable fenêtre par des travaux beaucoup plus récents ; qu'elle ne saurait bénéficier d'une prescription trentenaire ; et que la vue illégalement créée constituerait à son endroit un trouble anormal du voisinage.
M. [Y], fils de son auteure, a ainsi attesté : 'la fenêtre qui oppose M. [X] [B] [Adresse 4], à Mme [K] [W] [Adresse 5], n'était pas en place en 1992 quand ma mère a vendu la maison du [Adresse 4], cependant il y avait bien une fenêtre en hauteur, de châssis fixe et brouillé'
De même, M. [I] [G], fils de M. [L] [G], propriétaire jusqu'en 1977 du [Adresse 3] a pu attester ' Que la fenêtre n°2 n'existait pas à la vente de la maison, cette pièce était un cagibi sans ouvertures et que la fenêtre n°1 était celle du grenier'.
Toutefois, ces éléments sont utilement contredits par diverses attestations mieux circonstanciées versées par Mme [K].
Ainsi, Mme [Z] atteste ' avoir été voisine de M. et Mme [K] jusqu'au 05 juillet 1980 date à laquelle j'ai quitté le domicile parental.
La salle de bain de chez mes parents est face à la fenêtre de la chambre de M. et,Mme [K], à cette période où je vivais chez mes parents, les deux fenêtres étaient et sont toujours face à face.
La fenêtre de la chambre de M. et Mme [K] étaient en bois avec une paire de volets de couleur rouge foncé.
Avant l'achat de M. et Mme [K], il y avait une fenêtre au grenier avec un volet, et une petite ouverture à l'emplacement de la fenêtre actuelle'.
M. [E] [D] atteste également ' avoir visité à la Pentecôte 1979 la maison de ma soeur, Mme [W] [K], et avoir constaté dans la chambre parentale la présence d'une fenêtre seule ouverture existante donnant sur l'extérieur'.
De même, M. [U] indique : 'Je soussigné Docteur [U] [S] domicilié [Adresse 1] médecin de la famille [K] depuis juillet 1979 atteste avoir toujours constaté la présence d'une fenêtre orientée N.E dans la chambre parentale'.
Enfin, Mme [R] [A] a indiqué "résider [Adresse 2], ayant acquis ce bien le 28 janvier 1971 auprès de Maître [F] à [Localité 8] et y résider toujours. M. et Mme [K] [C] demeurant [Adresse 5] ont acquis leur habitation en 1977 à cette adresse. Ils y ont effectué l'aménagement d'une chambre côté nord ; et pour ce faire ont procédé à l'ouverture d'une fenêtre. Cela fait maintenant plus de 40 ans. Cette ouverture n'a pas été modifiée depuis'.
Il résulte de ces éléments concordants que l'ouverture de la fenêtre en son état actuel est intervenue peu de temps après l'acquisition de 1977, sans qu'il soit démontré que la servitude de vue ainsi créée ait été depuis modifiée.
Il n'est pas non plus démontré que cette servitude de vue ait été contestée et son acquisition par prescription depuis plus de 30 ans doit être retenue, une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire étant établie par Mme [K], l'absence d'autorisation ancienne d'urbanisme ne venant pas contredire la nature paisible et non équivoque de sa possession.
En conséquence, M. [X] ne peut s'opposer à l'exercice d'une servitude de vue désormais acquise par prescription, sauf à démontrer l'existence d'un trouble anormal du voisinage, du fait d'un changement dans l'usage de la servitude ou d'une faute dans l'exercice du droit d'usage de la servitude concernée. recouvrant une situation d'abus de droit.
Sur l'existence d'un trouble anormal du voisinage :
L'article
651 du code civil précise que ' la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l'un à l'égard de l'autre, indépendamment de toute convention'.
Le droit de propriété tel que décrit à l'article
544 du code civil trouve sa limite dans le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, sauf à en devoir réparation.
En l'espèce, et s'agissant de l'usage d'une servitude de vue acquise par prescription, existant antérieurement à l'acquisition par M. [X] de son immeuble, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que cette vue et son usage excéderaient pour lui les inconvénients normaux du voisinage, dès lors que la fenêtre en question permet seule l'apport de lumière du jour ainsi que l'aération de la pièce en question, quel que soit son usage.
Dans ces conditions, le droit d'usage de sa vue par Mme [K] apparaît fondamental et ne saurait être limité en titre du droit au respect de la vie privée de M. [X] qui ne démontre pas au regard des pièces versées un abus de son droit de la part de Mme [K].
S'agissant de la possibilité d'accès au fonds de M. [X] par la fenêtre de Mme [K], il y a lieu de relever qu'aucun accès n'est ouvert sur la voie publique et qu'aucune intrusion de l'intimée n'est démontrée.
En conséquence, M. [X] ne démontre pas de la part de Mme [K] un usage abusif de sa servitude de vue, et il n'existe pas en l'espèce de trouble anormal de voisinage au préjudice de M. [X].
Le jugement sera alors confirmé en ce qu'il a débouté ce dernier de l'ensemble de ses demandes, aucun préjudice de jouissance ou moral n'étant démontré.
Sur les dépens et l'application de l'article
699 du code de procédure civile:
Il résulte de l'article
696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de M. [B] [X].
Il sera fait application de l'article
699 du code de procédure civile au profit de Maître LECLER-CHAPERON, avocate.
Sur l'application de l'article
700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner M. [B] [X] à payer à Mme [W] [K] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile en cause d'appel.
La somme allouée au titre des frais de première instance a été justement appréciée, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
CONDAMNE M. [B] [X] à payer à Mme [W] [K] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile en cause d'appel.
CONDAMNE M. [B] [X] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile par Maître LECLER-CHAPERON , avocate, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,