Tribunal de grande instance de Paris, 25 mars 2010, 2009/03832

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2009/03832
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Parties : MORGANNE BELLO SARL ; B (Morganne) / G (Carolie, épouse Z)

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARISJUGEMENT rendu le 25 Mars 2010 3ème chambre 4ème sectionN° RG : 09/03832 DEMANDERESSESS.A.R.L. MORGANNE BELLO[...]75002 PARIS Madame Morganne Breprésentées par Me Isabelle LEROUX, avocat au barreau de PARIS,, vestiaire #R255 DÉFENDERESSEMadame Coralie G épouse Zreprésentée par Me Dorothée BARTHELEMY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E0126 COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Claude H, Vice-PrésidenteSophie CANAS, JugeRémy MONCORGE, Jugeassistés de Katia CARDINALE, Greffier DÉBATS A l'audience du 03 Février 2010tenue publiquement JUGEMENT Prononcé par mise à disposition au greffeContradictoirementen premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

Mme Morganne B, qui est créatrice de bijoux, expose avoir conçu, au cours de l'année 2002, un modèle de bracelet dit "bracelet coussin", issu de sa ligne "Friandise", constitué d'une chaîne forçat limée passant dans une pierre de forme coussin 12x10, briolettée des deux côtés. Elle indique que ce bracelet a également été réalisé avec une pierre en forme de trèfle à quatre feuilles, de rond ou de coeur et qu'il a été décliné sous la forme d'un collier, sous la forme d'un sautoir constitué de plusieurs pierres semi précieuses ou encore sous la forme d'une bague, dite "bague friandise". Le bracelet dit "coussin" a fait l'objet d'un constat d'huissier du 9 octobre 2003. Cette ligne de bijoux est commercialisée par la société MORGANNE BELLO sous la marque éponyme.Mme B indique avoir découvert que Mme Coralie Z proposait des répliques identiques ou quasi- identiques aux modèles de bracelet, collier et sautoir issus de sa ligne "Friandise" à partir du site internet www.perlederosee.fr sur lequel elle annonçait la commercialisation de ses produits au salon Bijorhca qui s'est tenu du 30 janvier au 2 février 2009 à Paris. Elle précise que Mme Z exploite son activité commerciale en nom propre sous l'enseigne "secrets d'ambiance" et qu'elle diffuse sa collection sous la marque "perle de rosée". Sur ordonnance du Président de ce tribunal, Mme B a fait procéder le 31 janvier 2009 à une saisie- contrefaçon au stand "perle de rosée" du salon Bijorhca au cours de laquelle l'huissier a constaté l'existence de deux modèles de bracelets "clara" et "nacre grise" vendus respectivement au prix de 28 € HT et de 24 € HT, qui ont été placés sous scellés. Dans ce contexte, par acte en date du 23 février 2009, Mme B et la société MORGANNE BELLO ont fait assigner Mme Z devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir dire qu'elle a commis des actes de contrefaçon de ses bracelets avec pierre de forme coussin et pierre de forme trèfle, de ses colliers avec pierre de forme coussin et de ses sautoirs avec pierre de forme coussin et trèfle ainsi que des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, et pour l'entendre condamner à leur payer solidairement les sommes de 100.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon et de 100.000 € en réparation des actes de concurrence déloyale et de parasitisme et à payer à Mme B la somme de 30.000 € en réparation de son préjudice moral, outre des mesures d'interdiction sous astreinte, de destruction et de publication, la désignation d'un expert pour déterminer la masse contrefaisante et évaluer le préjudice subi et l'allocation d'une somme de 10.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Les demanderesses font valoir qu'elles justifient de leurs droits d'auteur sur les modèles de bracelet, collier et sautoir revendiqués et que la matérialité de la contrefaçon est établie par la comparaison de ces modèles originaux et de ceux qui sont commercialisés par Mme Z. Elles soutiennent également que Mme Z a commis des actes distincts de concurrence déloyale et de parasitisme en banalisant leurs produits, en créant un effet de gamme par la diffusion de plusieurs modèles serviles ou quasi-serviles et en profitant de leurs efforts et de leurs investissements sans bourse délier. Mme G épouse Z a constitué avocat mais elle n'a pas déposé de conclusions.

MOTIFS

Sur la contrefaçon II est constant que, par un procès-verbal du 9 octobre 2003, Me N, huissier à Paris, a constaté la remise par Mme B "d'une fiche technique et du prototype d'une chaîne forçat limée passant dans une pierre en forme coussin 12x10, briolettée de ses deux côtés, déclinée en forme de pierre trèfle 4 feuilles, rond et coeur et dans toutes les pierres et or", la collection bracelet étant référencée sous les dénominations Coussin - Disque - Trèfle et déclinée en collier et bague. Il est également constant que plusieurs articles de presse ont été consacrés aux bijoux créés par Mme B dans Cosmopolitan (décembre 2006), Elle (décembre 2006/janvier 2007) et Esprit de Femme (décembre 2006). Il est donc établi que Mme B est la créatrice des bijoux dont s'agit lesquels sont commercialisés par la société MORGANNE BELLO dont elle est la gérante. Il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 30 janvier 2009 que le bracelet "clara" en argent qui a été saisi est "constitué d'une chaîne forçat passant dans un trèfle en nacre avec en son bout une signature en nacre" et que le bracelet "nacre grise" est "constitué d'une chaîne fine en argent passant dans une nacre ovale à facettes des deux côtés". Il ressort également des pages du site internet www.perlederosee.fr que Mme Z a fait la promotion de ses bracelets "clara" et "nacre grise" à travers ce site sur lequel elle annonçait sa participation au salon BIJORHCA du 30 janvier au 2 février 2009. Or, l'examen comparatif du modèle de bracelet dit coussin revendiqué par Mme B et du bracelet "nacre grise" litigieux fait apparaître que ce dernier reproduit les caractéristiques originales du modèle invoqué en ce qu'il présente une chaîne forçat limée et, en son centre, une pierre en nacre de forme coussin briolettée de ses deux côtés. En ce qui le concerne, le bracelet "clara" reprend la combinaison du modèle trèfle créé par Mme B, peu important que la nacre soit lisse et non à facettes et que la taille soit plus grande dès lors que la contrefaçon s'apprécie par les ressemblances et non par les différences et qu'une même impression visuelle d'ensemble se dégage des deux modèles. Par conséquent, en commercialisant les bracelets "clara" et "nacre grise" litigieux, Mme Z a commis des actes de contrefaçon du modèle de bijou dit " bracelet coussin" créé par Mme B. Sur la concurrence déloyale Mme B et la société MORGANNE BELLO font valoir que Mme Z a commis des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaire qui méritent réparation. Cependant, le seul fait de proposer à la vente des articles quasi-identiques de moindre qualité à des prix inférieurs ne constitue pas des actes distincts de la contrefaçon retenue à l'encontre de Mme Z, étant observé qu'en commercialisant seulement deux modèles de bracelet contrefaisants, au surplus différents l'un de l'autre, cette dernière n'a pas produit l'effet de gamme qui lui est reproché par les demanderesses. Dans ces conditions, il convient de les débouter de leur demande à ce titre. Sur les mesures réparatrices La diffusion et l'offre à la vente des modèles de bracelet contrefaisants ont porté atteinte à la valeur patrimoniale des modèles de bracelet dits "coussin" en les banalisant au yeux de la clientèle, d'autant plus qu'ils ont été présentés sur le salon BIJORHCA qui est la manifestation de référence en matière de joaillerie. Par ailleurs, nonobstant ses engagements à cet égard, Mme Z n'a fourni aucun renseignement à l'huissier sur la masse contrefaisante en se bornant à lui indiquer qu'il n'existait aucun stock ni aucune vente réalisée, la saisie-contrefaçon s'étant déroulée le premier jour du salon et les produits saisis de simples prototypes. Compte tenu de ces éléments d'appréciation, il convient de fixer à la somme de 10.000 € la préjudice patrimonial subi par les demanderesses au titre de la contrefaçon de leurs modèles de bracelet. Par ailleurs, il est établi que Mme B est reconnue dans le milieu de la joaillerie pour l'originalité de ses créations qui ont été saluées à plusieurs reprises par la presse. Par conséquent, en reproduisant le bracelet dit "coussin" que la demanderesse a conçu et décliné sous forme de collier, sautoir et bague, Mme Z a également porté atteinte à son droit moral et il lui sera alloué à ce titre la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice. En outre, il y a lieu de faire droit à la mesure d'interdiction sollicitée dans les termes du dispositif du présent jugement. En revanche, les demanderesses seront déboutées de leurs demandes de destruction sous contrôle d'huissier, d'expertise et de publication du jugement qui n' apparaissent pas nécessaires eu égard aux circonstances de l'espèce. L'équité commande l'allocation aux demanderesses de la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile. L'exécution provisoire est nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement déposé au greffe, contradictoire et en premier ressort, Dit qu'en commercialisant les bracelets "clara" et "nacre grise" litigieux, Mme Z a commis des actes de contrefaçon du modèle de bijou dit" bracelet coussin" crée par Mme B. Condamne Mme Coralie Z à payer à Mme B et à la société MORGANNE BELLO la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de l'atteinte portée à leurs droits sur le modèle de bracelet dit "coussin". Condamne Mme Z à payer à Mme B la somme de 5.000 € en réparation de l'atteinte portée à son droit moral d'auteur. Fait interdiction à Mme Z de commercialiser les modèles de bracelets "clara" et "nacre grise", sous quelque forme que ce soit, sous astreinte de 300 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement. Se réserve la liquidation de l'astreinte. Déboute Mme B et la société MORGANE BELLO du surplus de leurs demandes. Condamne Mme Z à payer la somme de 3.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile. La condamne aux dépens de l'instance en ce compris les frais de saisie-contrefaçon. Ordonne l'exécution provisoire.