Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Dijon 27 février 2014
Cour administrative d'appel de Lyon 24 septembre 2015

Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 24 septembre 2015, 14LY01677

Mots clés transports · transports aériens · sanction · vol · ministre · retrait · route · écologie · énergie · durable · développement · infraction · société · licences · sursis · condamnation · pouvoir

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
Numéro affaire : 14LY01677
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Dijon, 27 février 2014, N° 1300483
Président : M. FAESSEL
Rapporteur : M. Philippe SEILLET
Rapporteur public : Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : ARNOULD

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Dijon 27 février 2014
Cour administrative d'appel de Lyon 24 septembre 2015

Texte

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au Tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 18 janvier 2013 par laquelle le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie lui a infligé une sanction de six mois de suspension de ses licences de pilote d'hélicoptère, dont quatre mois avec sursis, et révocation de ce sursis en cas de nouvelle infraction donnant lieu à sanction dans un délai de deux ans.

Par un jugement n° 1300483 du 27 février 2014, le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision ministérielle du 18 janvier 2013.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 21 mai 2014, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1300483 du 27 février 2014 du Tribunal administratif de Dijon ;

2°) de rejeter la demande de Mme A....

Le ministre soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la sanction infligée à Mme A... était disproportionnée, alors qu'il devait être tenu compte de la gravité de la faute commise, de la désinvolture de la contrevenante et de ses antécédents, et eu égard à l'échelle des sanctions prévues par l'article R. 425-18 du code de l'aviation civile ;

- c'est à tort que le Tribunal a pris en considération le préjudice allégué par Mme A....

Par des mémoires, enregistrés les 3 décembre 2014 et 29 janvier 2015, présentés pour Mme A..., il est conclu au rejet du recours et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- par le jugement du Tribunal correctionnel de Verdun du 6 février 2013 elle n'a été condamnée qu'à raison des faits de non tenue de carnet de vol, et relaxée des autres chefs de prévention, alors que le carnet de vol n'a aucune incidence en matière de sécurité ; si elle ne s'astreignait pas à reporter au fur et à mesure les temps de vol dans le carnet de route, ces données étaient consignées et disponibles pour être reportées dans ce carnet, même si elle a admis renseigner de mémoire les lieux de départ et d'arrivée ;

- les antécédents se résument à trois faits : le transit sans contact radio préalable, le 10 octobre 2008, dans une zone militaire, dont elle a contesté la matérialité, l'intrusion dans la zone interdite d'une centrale nucléaire le 27 décembre 2009 et le défaut de présentation de documents de bord le 28 décembre 2009 ;

- l'erreur qu'elle a reconnue ne présente pas le caractère de gravité que le ministre lui attribue, et elle conteste la désinvolture alléguée, même si elle admet que les données relatives au temps de vol n'étaient pas toujours consignées directement dans le carnet de route, ce dernier étant mis à jour dès que le temps de vol réalisé rendait nécessaire une visite d'entretien de l'appareil, et il en est de même pour les lieux de décollage et d'atterrissage ;

- la sanction est disproportionnée.

Par un mémoire, enregistré le 20 avril 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

Par un mémoire, enregistré le 29 juillet 2015, présenté pour Mme A..., il est conclu au mêmes fins pour les mêmes motifs, la somme réclamée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative étant portée à 4 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 27 août 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie maintient ses conclusions par les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des transports ;

- le code de l'aviation civile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- l'arrêté du 24 juillet 1991 relatif aux conditions d'utilisation des aéronefs civils en aviation générale ;

- l'arrêté du 3 mars 2006 relatif aux règles de l'air et aux services de la circulation aérienne ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 3 septembre 2015 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de MmeD..., pour le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et de Me Arnould, avocat de MmeA....

1. Considérant que Mme A..., pilote professionnel d'hélicoptères qui assure également les fonctions de gérante de la SARL Bourgogne Hélicoptères, exerce une activité consistant notamment en des missions de surveillance des lignes à haute tension pour le compte d'ERDF, nécessitant une autorisation de " vols rasants " ; que par un procès-verbal du 17 mai 2012 de la compagnie de gendarmerie des transports aériens de Strasbourg, à la suite d'une enquête diligentée en raison d'incidents survenus le 17 octobre 2011 relatifs à des survols d'agglomérations et d'habitations à basse hauteur, une infraction a été relevée à l'encontre de MmeA..., pour défaut de tenue du carnet de route par le pilote d'un aéronef ; que l'intéressée a fait l'objet à ce titre d'une condamnation prononcée par un jugement du Tribunal correctionnel de Verdun du 6 février 2013 à une peine d'amende dont le montant a été fixé au maximum prévu pour une contravention de 5ème classe ; que par une décision du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 18 janvier 2013, prise conformément à l'avis émis le 29 novembre 2012 par le conseil de discipline du personnel navigant professionnel de l'aéronautique, elle a également fait l'objet d'une sanction disciplinaire de suspension de ses licences pour une durée de six mois, dont quatre avec sursis et révocation du sursis en cas de nouvelle infraction donnant lieu à une sanction dans un délai de deux ans ; que le ministre fait appel du jugement du 27 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé cette dernière sanction ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 425-4 du code de l'aviation civile : " Le conseil de discipline du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile est chargé de donner au ministre un avis sur l'application de sanctions à l'égard des personnes titulaires de titres aéronautiques de personnel navigant professionnel délivrés par le ministre chargé de l'aviation civile ou le ministre chargé de la défense ou validés par ces mêmes autorités, à l'encontre desquelles auront été relevés des manquements aux règles édictées par le présent code en vue d'assurer la sécurité et, le cas échéant, par les dispositions prises pour son application. " ; qu'aux termes de l'article R. 425-18 du même code : " Les sanctions disciplinaires relevant de la compétence du conseil de discipline sont : - le blâme ; - la suspension du droit d'effectuer des vols en qualité de commandant de bord tant qu'un complément de formation pratique ou théorique, dans des conditions spécifiées dans la décision de sanction, n'aura pas été réalisé ; - le retrait temporaire avec ou sans sursis d'une ou de plusieurs licences, qualifications, autorisations ou d'un certificat ; - le retrait définitif d'une ou de plusieurs licences, qualifications, autorisations ou d'un certificat ; - le retrait temporaire avec ou sans sursis de la validation d'une ou de plusieurs licences étrangères ; - le retrait définitif de la validation d'une ou de plusieurs licences étrangères. (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 24 juillet 1991 susvisé relatif aux conditions d'utilisation des aéronefs civils en aviation générale : " L'annexe au présent arrêté prescrit les conditions d'utilisation des aéronefs civils pour toute activité autre que celles couvertes par les arrêtés relatifs aux conditions d'utilisation des avions et des hélicoptères exploités par une entreprise de transport aérien et autre que celle des essais-réceptions (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 4.1.6. de l'article annexe audit arrêté : " Obligation de tenue à jour du carnet de route. Le commandant de bord doit s'assurer de la tenue à jour du carnet de route, lorsque celui-ci est exigé. " ; qu'aux termes du paragraphe 6.2.1.2. : " Tout aéronef doit être doté d'un carnet de route dont la forme est acceptée par les services compétents de l'Etat d'immatriculation de l'aéronef. Le carnet de route doit être tenu à jour et convenablement rempli, au plus tard en fin de journée et/ou après toute anomalie, incident ou accident. " et qu'aux termes du paragraphe 6.2.1.3. : " La mise à jour du carnet de route doit être faite sous la responsabilité du commandant de bord et signée par lui, notamment en ce qui concerne : - la date ; - le nom des membres d'équipage et leur fonction à bord ; - l'origine et la destination du vol ; - l'heure de départ et l'heure d'arrivée ; - le temps de vol ; - la nature du vol ; - le carburant embarqué lors de l'avitaillement ; - les anomalies constatées pendant le vol ou une mention explicite d'absence d'anomalie. " ;

4. Considérant qu'il est constant que les dispositions réglementaires applicables prévoient que le carnet de route des aéronefs tels que celui mis en oeuvre par la requérante doit être rempli au fur et à mesure, s'agissant en particulier du temps de vol ; que Mme A... a, lors de son audition par les services de gendarmerie, reconnu l'infraction relevée à son encontre pour défaut de tenue du carnet de route, en déclarant alors qu'elle le renseignait de mémoire toutes les trois semaines environ ou toutes les cent heures, lorsque l'appareil devait subir une visite de contrôle ; qu'elle a fait l'objet, pour ces mêmes faits, ainsi qu'il a été dit, d'une condamnation pénale ; que ces circonstances, dont la matérialité est ainsi établie et qui sont de nature, ainsi que l'avait relevé le conseil de discipline du personnel navigant professionnel de l'aéronautique, à rendre incertain l'état de navigabilité de l'appareil dès lors qu'ils empêchent la collecte des données conditionnant la sécurité de fonctionnement de celui ci, constituent une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté par l'intéressée, qu'elle avait antérieurement fait l'objet d'une sanction de retrait de licence pour 15 jours avec sursis, au motif d'un transit sans contact radio préalable, le 10 octobre 2008, dans une zone militaire réglementée ; que si elle affirme n'avoir pas reconnu les faits reprochés, elle n'a toutefois pas contesté cette sanction ; que de même, lors d'un vol du 27 décembre 2009, elle a pénétré irrégulièrement dans la zone d'exclusion d'une centrale nucléaire, faits pour lesquels elle a été condamnée à une peine d'amende ; que de plus elle n'a pas été en mesure de présenter les documents de bord lors d'un contrôle opéré le 28 décembre 2009 ; qu'enfin le ministre fait état, sans être contredit sur ce point, d'un survol à basse hauteur ayant fait l'objet d'un rappel à l'ordre en 1996 ;

6. Considérant qu'eu égard à la gravité du comportement reproché en dernier lieu à l'intéressée, et compte tenu des manquements précédemment relevés à son encontre, lesquels témoignent d'une légèreté de comportement inacceptable dès lors qu'il conduisent à mettre en péril la sécurité des biens et des personnes, la sanction prononcée par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, laquelle n'est d'ailleurs pas la plus sévère de celles prévues par l'article R. 425-18 du code de l'aviation civile, ne peut être regardée comme étant disproportionnée aux circonstances de l'espèce ; que s'il est allégué que cette mesure, qui pourtant se limite à une interdiction effective de vol de deux mois, a conduit à la cessation de l'activité de la société que dirige la requérante, cette affirmation n'est en tout état de cause pas confirmée par l'examen des pièces du dossier ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que, pour annuler la décision ministérielle du 18 janvier 2013, les premiers juges se sont fondés sur le caractère disproportionné de la sanction disciplinaire dont s'agit ;

7. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant devant le Tribunal administratif de Dijon qu'en appel ;

8. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient Mme A..., le ministre tenait des dispositions précitées des articles R. 425-4 et R. 425-18 du code de l'aviation civile le pouvoir d'infliger la sanction disciplinaire contestée, dès lors qu'elle avait contrevenu aux dispositions également citées du paragraphe 6.2.1.2 de l'arrêté du 24 juillet 1991 pris pour l'application dudit code ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que la décision en litige mentionne les considérations de droit et de fait qui la fondent ; que, dès lors, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de ladite décision, au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 susvisée relative à la motivation des actes administratifs, doit être écarté ;

10. Considérant, en troisième lieu, que la décision du 13 septembre 2012 par laquelle le directeur de la sécurité de l'aviation civile nord-est a refusé à la Sarl Bourgogne Hélicoptères le renouvellement de sa dérogation aux hauteurs de survol hors agglomération constituait une mesure de police, prise au demeurant à l'encontre de ladite société et non de Mme A..., et était motivée par des faits de survol d'agglomération et non par des irrégularités dans la tenue du carnet de route ; que dès lors, le moyen tiré de ce que la décision du 18 janvier 2013 en litige aurait méconnu le principe " non bis in idem " et constituerait une double sanction manque en fait ;

11. Considérant, en dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué par Mme A..., en ce que la décision de sanction en litige aurait été prise en raison du refus de l'intéressée de céder sa société malgré ses engagements en ce sens, n'est pas établi ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé la décision en litige du 18 janvier 2013 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de Mme A... tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :



Article 1er : Le jugement n° 1300483 du 27 février 2014 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de Mme A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à Mme C...A....

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2015.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

X. Faessel

Le greffier,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

Le greffier,

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N° 14LY01677

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