Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème Chambre, 14 octobre 2010, 07MA03791

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
  • Numéro d'affaire :
    07MA03791
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Précédents jurisprudentiels :
    • [RJ1] Cf CJCE 23 février 1995 Bordessa aff 358/93 et 416/93.
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Marseille, 29 juin 2007
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000022951824
  • Rapporteur : M. Julien IGGERT
  • Rapporteur public :
    M. DUBOIS
  • Président : M. DARRIEUTORT
  • Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Marseille
2010-10-14
Tribunal administratif de Marseille
2007-06-29

Résumé

L'obligation de déclaration prévue à l'article 1649 quater A du CGI constitue une entrave non discriminatoire à la libre circulation des capitaux. Elle se justifie dès lors qu'elle a pour but de permettre à l'administration d'identifier les personnes qui transfèrent à l'étranger d'importantes sommes d'argent de manière à prévenir notamment d'éventuelles fraudes fiscales. La sanction prévue à l'article 1649 quater A du code général des impôts consistant à présumer le caractère imposable des sommes en cause n'est pas disproportionnée eu égard au fait qu'il est loisible au contribuable de justifier que la somme en cause n'a pas le caractère d'un revenu imposable et que, si l'article 1759 du code général des impôts prévoit l'application automatique d'une sanction de 40 % et des intérêts de retard en l'absence de démonstration du caractère non imposable de la somme, cette circonstance n'est pas de nature à rendre disproportionnée l'obligation de déclaration en litige, notamment eu égard aux moyens mis en oeuvre par le contribuable pour se soustraire à l'imposition. La restriction à la libre circulation des capitaux n'est ainsi pas contraire au traité.

Texte intégral

Vu la requête

, enregistrée le 11 septembre 2007, présentée pour M. Marius A, demeurant ..., par Me Loup ; M. A demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 0407736, 0407738 en date du 29 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1997, et des pénalités y afférentes ; 2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; .................................................. Vu le jugement attaqué ; .................................................. ............................................................ Vu les autres pièces du dossier ; Vu le traité des Communautés européennes et le traité de l'Union européenne ;

Vu le code

général des impôts et le livre des procédures fiscales ; Vu le code de justice administrative ; Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 septembre 2010 ; - le rapport de M. Iggert, conseiller ; - les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ; - et les observations de Me Philip substituant Me Le Roux, pour M. A ;

Considérant qu'

à la suite d'un examen contradictoire de la situation personnelle de M. A au titre des années 1997 et 1998, l'administration a été informée, dans le cadre de son droit de communication de ce que ce dernier détenait deux séries de bons au porteur émis par les sociétés AXA et SOCAPI ; qu'estimant que les créances en cause avaient été transférées à l'étranger ou en provenance de l'étranger sans l'intermédiaire d'un établissement de crédit, l'administration a regardé les sommes correspondant aux bons en litige comme des revenus imposables en application de l'article 1649 quater A du code général des impôts ; que M. A demande à la Cour d'annuler le jugement en date du 29 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1997, et des pénalités y afférentes ; Sur l'étendue du litige : Considérant que, par décision du 21 mai 2008, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de Marseille a prononcé le dégrèvement, à concurrence de la somme de 19 026 euros et 4 centimes, en droits et pénalités au titre de l'année 1997, des contributions sociales auxquelles M. DAIOUGLOU a été assujetti ; que la requête de l'intéressé est, dans cette mesure, devenue sans objet ; Sur le bien-fondé de l'imposition : n ce qui concerne l'application de la présomption prévue par les dispositions de l'article 1649 quater A du code général des impôts : Considérant qu'aux termes de l'article 1649 quater A du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : Les personnes physiques qui transfèrent vers l'étranger ou en provenance de l'étranger des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un organisme soumis à la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, ou d'un organisme cité à l'article 8 de ladite loi, doivent en faire la déclaration dans les conditions fixées par décret. Une déclaration est établie pour chaque transfert à l'exclusion des transferts dont le montant est inférieur à 50 000 F. Les sommes, titres ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables lorsque le contribuable n'a pas rempli les obligations prévues aux premier et deuxième alinéas ; S'agissant de l'existence d'un transfert vers l'étranger ou en provenance de l'étranger des sommes en litige : Considérant que l'administration, qui supporte la charge d'établir le transfert à l'étranger ou en provenance de l'étranger des sommes en litige, se prévaut de ce que deux séries de bons, de la société AXA et de la société SOCAPI, achetées par M. A au cours de l'année 1992 et en décembre 1995, ont été soumises au prélèvement libératoire au Luxembourg par une société luxembourgeoise, la société Ecométal, avant que la valeur des bons ne soit restituée au requérant ; qu'elle produit en ce sens un procès-verbal d'audition du représentant de la société Ecométal qui mentionne qu'il s'est livré à cette opération de réalisation des bons sur ordre et au profit de M. A au Luxembourg, pour bénéficier de la fiscalité luxembourgeoise applicable aux instruments financiers de cette nature et que le produit de la vente en cause a été placé sur un compte bancaire luxembourgeois numéroté conformément aux instructions du conseiller financier du requérant ; que, pour contester l'existence d'un mandat donné par M. A à la société Ecométal pour la réalisation des bons, ce dernier soutient avoir cédé sa créance le 15 février 1997 à la société Ecométal, en contrepartie du versement de la somme en espèces au courant du mois de juillet 1997 et produit en ce sens deux documents, sans date certaine, établis de sa main, qui font état de la cession en cause et deux attestations, rédigées en mars et septembre 2000 pour les besoins de la cause, par le même représentant de la société Ecométal qui avait effectué des déclarations contraires, sans expliquer les raisons de cette contradiction ; que, malgré la mention de la cession de créance, ce dernier document expose un mécanisme de mandat confié par M. A à la société Ecométal ; qu'ainsi ces documents, de faible valeur probante, ne permettent pas d'établir la réalité de la cession de créance ; qu'au contraire, il résulte de ces élément et des autres éléments dont se prévaut l'administration, notamment l'attestation de la banque CIC Bonnasse Lyonnaise de banque, que la société Ecométal s'est chargée, pour le compte de M. A, de la réalisation de ses bons en se présentant comme porteur pour acquitter le prélèvement libératoire luxembourgeois auquel cette société est soumis ; que si le requérant fait enfin valoir que les bons en litige n'ont pas traversé la frontière et que l'opération ne serait ainsi pas soumise aux dispositions de l'article 1649 quater A du code général des impôts, l'existence de cette créance a été présentée aux services fiscaux luxembourgeois pour acquitter la fiscalité afférente à leur réalisation et qu'ainsi, la créance attachée aux bons en cause doit nécessairement être regardée comme ayant été transférée à l'étranger au sens des dispositions précitées ; qu'ainsi, l'administration était fondée à opposer à l'opération réalisée par la société Ecométal au profit de M. A les dispositions de l'article 1649 quater A du code général des impôts ; S'agissant de la conventionalité des dispositions de l'article 1649 quater A du code général des impôts ; Considérant, en premier lieu, que si M. A se prévaut de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services, il est constant qu'il n'a à aucun moment souhaité user de la faculté de créer un établissement ou d'exercer des prestations de services en France ou dans un Etat membre de l'Union européenne ; qu'il ne peut ainsi se prévaloir de ce que l'obligation de déclaration prescrite à l'article 1649 quater A du code général des impôts constituerait une entrave à la libre circulation des personnes ; Considérant, en second lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 56 du traité des Communautés européennes, dans sa rédaction alors applicable : 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres (...) sont interdites ; qu'aux termes de l'article 58 de ce traité, dans sa rédaction alors applicable : 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres : a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne (...) le lieu où leurs capitaux sont investis ; b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale (...), de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique. (...) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56 ; Considérant que la déclaration prévue à l'article 1649 quater A du code général des impôts, même si elle n'est pas assortie de droits ou taxe et n'interdit pas le transfert de sommes entre les Etats membres, constitue néanmoins une formalité obligatoire de nature à gêner ou rendre moins effective la libre circulation des capitaux ; qu'une telle restriction n'est pas contraire au traité à condition que la mesure en cause poursuive un objectif d'intérêt général, soit appliquée de manière non discriminatoire et respecte le principe de proportionnalité, c'est-à-dire qu'elle soit propre à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et n'aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu'il soit atteint ; Considérant que l'obligation de déclaration en cause a pour but de permettre à l'administration d'identifier les personnes qui transfèrent à l'étranger d'importantes sommes d'argent et, par conséquent, d'empêcher que ces opérations aient lieu sous couvert d'anonymat, de prévenir d'éventuelles fraudes fiscales et de procéder à d'éventuelles investigations supplémentaires visant à établir de possibles liens de l'opération en question avec certains délits ; que cette obligation est applicable indistinctement aux ressortissants français et aux ressortissants des autres Etats membres de l'Union européenne domiciliés en France dès lors qu'ils pratiquent, sans recourir aux services des établissements de crédit, des mouvements de capitaux entre Etats membres ; qu'il n'est pas exclu qu'un régime de déclaration puisse être assorti du prononcé de mesures de sanctions rigoureuses, suffisamment dissuasives pour que les finalités précédemment évoquées soient effectivement respectées ; qu'en l'espèce, l'administration n'ayant pas eu connaissance du mouvement financier considéré, la sanction prévue à l'article 1649 quater A du code général des impôts consistant à présumer le caractère imposable des sommes en cause n'est pas disproportionnée eu égard au fait qu'il est loisible au contribuable, à l'origine du transfert litigieux, de justifier que la somme en cause n'a pas le caractère d'un revenu imposable ; que la circonstance que l'article 1759 du code général des impôts prévoit l'application automatique d'une sanction de 40 % et des intérêts de retard en l'absence de démonstration du caractère non imposable de la somme n'est pas de nature à rendre disproportionnée l'obligation de déclaration en litige, notamment eu égard aux moyens mis en oeuvre pour se soustraire à l'imposition ; qu'ainsi, les stipulations précitées du traité des Communautés européennes ne s'opposent pas à ce qu'une obligation de déclaration telle que celle résultant de l'article 1649 quater A du code général des impôts puisse être prescrite à l'attention des contribuables exerçant des mouvements financiers entre les Etats membres de l'Union européenne, sans que ces sommes ne soient transférées par l'intermédiaire d'un établissement de crédit ; que le moyen doit dès lors être écarté ; que M. A supporte la charge d'établir le caractère non imposable des sommes en litige ; En ce qui concerne le caractère imposable des sommes en litige : Considérant que M. A, qui supporte la charge de la preuve en application des dispositions précitées de l'article 1649 quater A du code général des impôts, relève que les liquidités avec lesquelles les bons au porteur ont été achetés au cours de l'année 1992 et en décembre 1995 proviendraient de distributions, déjà soumises à l'impôt, perçues au cours de l'année 1991, à hauteur de la somme de 2 524 002 francs ; qu'en l'absence de concordance de date et de somme, et en l'absence d'un quelconque élément permettant de justifier que les bons auraient été acquis au moyen de revenus déjà soumis à l'impôt ou de liquidités provenant de son patrimoine, le moyen tiré de ce que les sommes en cause n'auraient pas le caractère de revenus imposables, doit être écarté ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus de sa demande ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. A demande en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : À concurrence de la somme de 19 026 euros et 4 centimes, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A tendant à la décharge des contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1997. Article 2 : Le surplus de la requête de M. A est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Marius A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat. '' '' '' '' 2 N° 07MA03791