CJUE, 8ème Chambre, Coordination nationale médicale santé - environnement (CNMSE) e.a. contre Parlement européen et Conseil de l'Union européenne, 15 septembre 2022, C-749/21 P

Mots clés
règlement • pourvoi • recours • recevabilité • réexamen • traite • rôle • rapport • relever • soulever • absence • interprète • irrecevabilité • qualités • reconnaissance

Synthèse

  • Juridiction : CJUE
  • Numéro de pourvoi :
    C-749/21 P
  • Date de dépôt : 3 décembre 2021
  • Titre : Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Règlement (UE) 2020/1043 – Convention d’Aarhus – Article 2, paragraphe 2, premier alinéa, sous d), et second alinéa – Règlement (CE) nº 1367/2006 – Article 2, paragraphe 1, sous c) – Recours en annulation – Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Associations ayant pour objet la protection de la santé humaine et de l’environnement – Absence de qualité pour agir – Personne non concernée individuellement – Irrecevabilité du recours – Pourvoi, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé
  • Parties : Coordination nationale médicale santé - environnement (CNMSE) e.a. contre Parlement européen et Conseil de l'Union européenne
  • Nature : Ordonnance
  • Identifiant européen :
    ECLI:EU:C:2022:699
  • Lien EUR-Lex :https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:62021CO0749
  • Rapporteur : Piçarra
  • Avocat général : Medina
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Résumé

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Texte intégral

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre) 15 septembre 2022 (*) « Pourvoi - Article 181 du règlement de procédure de la Cour - Règlement (UE) 2020/1043 - Convention d'Aarhus - Article 2, paragraphe 2, premier alinéa, sous d), et second alinéa - Règlement (CE) nº 1367/2006 - Article 2, paragraphe 1, sous c) - Recours en annulation - Article 263, quatrième alinéa, TFUE - Associations ayant pour objet la protection de la santé humaine et de l'environnement - Absence de qualité pour agir - Personne non concernée individuellement - Irrecevabilité du recours - Pourvoi, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé » Dans l'affaire C-749/21 P, ayant pour objet un pourvoi au titre de l'article 56 du statut de la Cour de justice de l'Union européenne, introduit le 3 décembre 2021, Coordination nationale médicale santé - environnement (CNMSE), établie à Paris (France), European Forum for Vaccine Vigilance (EFVV), établi à Mamer (Luxembourg), Children's Health Defense Europe (CHD Europe), établie à Ottignies-Louvain-la-Neuve (Belgique), Ligue nationale pour la liberté des vaccinations, établie à Chavanod (France), Terra Sos-tenible, établie à Velilla del Río Carrión (Espagne), représentés par Me J.-C. Teissedre, avocat, parties requérantes, les autres parties à la procédure étant : Parlement européen, Conseil de l'Union européenne, parties défenderesses en première instance, LA COUR (huitième chambre), composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, MM. N. Piçarra (rapporteur) et M. Gavalec, juges, avocat général : Mme L. Medina, greffier : M. A. Calot Escobar, vu la décision prise, l'avocate générale entendue, de statuer par voie d'ordonnance motivée, conformément à l'article 181 du règlement de procédure de la Cour, rend la présente Ordonnance

1 Par leur pourvoi

, la Coordination nationale médicale santé - environnement (CNMSE), l'European Forum for Vaccine Vigilance (EFVV), la Children's Health Defense Europe (CHD Europe), la Ligue nationale pour la liberté des vaccinations et la Terra Sos-tenible demandent l'annulation de l'ordonnance du Tribunal de l'Union européenne du 27 septembre 2021, CNMSE e.a./Parlement et Conseil (T-633/20, non publiée, ci-après l'« ordonnance attaquée », EU:T:2021:678), par laquelle le Tribunal a rejeté comme étant irrecevable leur recours tendant à l'annulation du règlement (UE) 2020/1043 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2020, relatif à la conduite d'essais cliniques avec des médicaments à usage humain contenant des organismes génétiquement modifiés ou consistant en de tels organismes et destinés à traiter ou prévenir la maladie à coronavirus (COVID-19), ainsi qu'à la fourniture de ces médicaments (JO 2020, L 231, p. 12, ci-après le « règlement litigieux »).

Le cadre juridique

Le droit international 2 La convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1, ci-après la « convention d'Aarhus »), prévoit, à son article 2, paragraphe 2, que, aux fins de cette convention : « L'expression "autorité publique" désigne : [...] d) les institutions de toute organisation d'intégration économique régionale [...] qui est partie à la présente convention. La présente définition n'englobe pas les organes ou institutions agissant dans l'exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs. » 3 Sous l'intitulé « Accès à la justice », l'article 9 de ladite convention prévoit, à son paragraphe 3, que « [...] chaque partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes ou omissions de particuliers ou d'autorités publiques allant à l'encontre des dispositions du droit national de l'environnement. » Le droit de l'Union Le règlement (CE) no 1367/2006 4 L'article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l'application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (JO 2006, L 264, p. 13), prévoit : « Aux fins du présent règlement, on entend par : [...] c) "institutions et organes de l'Union]", toute institution, tout organe, toute agence ou tout office publics créés en vertu ou sur la base du traité [FUE] sauf lorsqu'il agit dans l'exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs. Toutefois, les dispositions du titre II [concernant l'accès aux informations environnementales] s'appliquent à une institution ou [à] un organe [de l'Union] qui agit dans l'exercice de pouvoirs législatifs ; [...] g) "acte administratif", toute mesure de portée individuelle au titre du droit de l'environnement arrêtée par une institution ou un organe [de l'Union] et ayant un effet juridiquement contraignant et extérieur ; [...] » 5 Sous l'intitulé « Demande de réexamen interne d'actes administratifs », l'article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 dispose : « Toute organisation non gouvernementale satisfaisant aux critères prévus à l'article 11 est habilitée à introduire une demande de réexamen interne auprès de l'institution ou de l'organe [de l'Union] qui a adopté un acte administratif au titre du droit de l'environnement ou, en cas d'allégation d'omission administrative, qui était censé avoir adopté un tel acte. [...] » 6 L'article 12 dudit règlement, intitulé « Recours devant la Cour de justice », prévoit, à son paragraphe 1, que « l'organisation non gouvernementale ayant introduit la demande de réexamen interne en vertu de l'article 10 peut saisir la Cour de justice conformément aux dispositions pertinentes du traité [FUE] ». Le règlement litigieux 7 Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, du règlement litigieux : « Aucune opération liée à la conduite d'essais cliniques, y compris l'emballage, l'étiquetage, le stockage, le transport, la destruction, l'élimination, la distribution, la fourniture, l'administration ou l'utilisation de médicaments expérimentaux à usage humain contenant des [organismes génétiquement modifiés (OGM)] ou consistant en de tels organismes et destinés à traiter ou à prévenir la COVID-19, à l'exception de la fabrication des médicaments expérimentaux, n'exige une évaluation des risques pour l'environnement préalable ou une autorisation ou un consentement préalable conformément aux articles 6 à 11 de la directive 2001/18/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil (JO 2001, L 106, p. 1),] ou aux articles 4 à 13 de la directive 2009/41/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 6 mai 2009, relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés (JO 2009, L 125, p. 75),] lorsque ces opérations portent sur la conduite d'un essai clinique autorisé [...] »

Les antécédents du litige

8 Le règlement litigieux a été adopté à la suite de la déclaration du 11 mars 2020 de l'Organisation mondiale de la santé, qualifiant la flambée de la maladie à coronavirus SARS-CoV-2 (COVID-19) de pandémie, et vise à permettre que les essais cliniques avec des médicaments expérimentaux contenant des OGM, ou consistant en de tels organismes, destinés à traiter ou à prévenir cette maladie, soient menés au sein de l'Union européenne, qu'ils commencent le plus rapidement possible et ne soient pas retardés en raison de la complexité des différentes procédures nationales mises en place en application des directives 2001/18 et 2009/41.

La procédure

devant le Tribunal et l'ordonnance attaquée 9 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 2020, les associations requérantes, ayant pour objet social la protection de la santé humaine et de l'environnement, ont introduit un recours fondé sur l'article 263 TFUE tendant à l'annulation du règlement litigieux. 10 Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal respectivement les 27 et 29 janvier 2021, le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen ont soulevé des exceptions d'irrecevabilité, au titre de l'article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, à l'égard desquelles les requérantes n'ont pas présenté d'observations dans le délai imparti. 11 Le Tribunal a accueilli, aux points 43 à 45 de l'ordonnance attaquée, ces exceptions d'irrecevabilité en jugeant que les requérantes, d'une part, n'ont pas établi à suffisance de droit qu'une disposition légale leur reconnaissait spécifiquement un droit à l'information, un droit d'être consultées ou des droits procéduraux et n'ont pas démontré avoir joué un rôle dans l'élaboration du règlement litigieux leur permettant de faire valoir un intérêt propre et, d'autre part, n'ont pas davantage établi à suffisance de droit que le règlement litigieux, en ce qu'il suspend certaines dispositions des directives 2001/18 et 2009/41, porte atteinte à leurs droits fondamentaux, ou à ceux de leurs membres, au point de les individualiser d'une manière analogue à celle d'un destinataire, par rapport à toute autre personne physique ou morale concernée par une telle suspension, ou que ces requérantes représentent les intérêts de personnes physiques ou morales qui auraient la qualité pour agir. 12 Au point 46 de cette ordonnance, le Tribunal a rappelé que, selon la jurisprudence de la Cour, la protection conférée par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après la « Charte ») n'exige pas qu'un justiciable puisse, de manière inconditionnelle, intenter un recours en annulation, directement devant la juridiction de l'Union, contre un acte législatif de l'Union, tel que le règlement litigieux. 13 Au point 47 de l'ordonnance attaquée, le Tribunal a jugé que les requérantes n'ont pas établi à suffisance de droit qu'elles sont individuellement concernées, au sens de l'article 263, quatrième alinéa, TFUE, par le règlement litigieux. En conséquence, il a rejeté le recours comme étant irrecevable, sans examiner si les requérantes étaient directement concernées par le règlement litigieux et sans se prononcer sur leur intérêt à agir. Sur le pourvoi 14 En vertu de l'article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, cette juridiction peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l'avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d'ordonnance motivée. 15 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire. 16 Au soutien de leur pourvoi, les requérantes soulèvent un moyen unique, dirigé contre les points 35 à 47 de l'ordonnance attaquée, tiré d'une méconnaissance du principe de protection juridictionnelle effective, consacré à l'article 47 de la Charte, dans l'interprétation, d'une part, de la convention d'Aarhus ainsi que du règlement nº 1367/2006 et, d'autre part, de l'article 263, quatrième alinéa, TFUE. Ce moyen comporte deux branches. Sur la première branche du moyen unique, prise de la méconnaissance de la convention d'Aarhus et du règlement nº 1367/2006 Argumentation des requérantes 17 Dans le cadre de la première branche du moyen unique du pourvoi, les requérantes soutiennent que le principe de protection juridictionnelle effective, « particulièrement valorisé » dans le domaine de l'environnement depuis l'adoption de la convention d'Aarhus et du règlement nº 1367/2006, impose à la Cour d'admettre « l'invocabilité directe » de cette convention ainsi que l'applicabilité de ce règlement dans le cadre du présent litige. Au regard des conditions élargies d'accès au juge de l'Union qui découleraient, en matière d'environnement, de l'article 9, paragraphe 3, de la convention d'Aarhus ainsi que du règlement no 1367/2006, elles auraient la qualité pour contester le règlement litigieux, en tant qu'associations ayant pour objet la protection de la santé humaine et de l'environnement. 18 Plus particulièrement, en l'absence, dans ces textes, d'une référence à la portée individuelle des actes, les requérantes soutiennent que le motif, énoncé au point 43 de l'ordonnance attaquée, selon lequel elles n'auraient pas établi à suffisance de droit qu'une disposition légale leur reconnaît spécifiquement un droit à l'information, un droit d'être consultées ou des droits procéduraux et n'auraient pas démontré avoir joué un rôle dans l'élaboration du règlement litigieux, est inopérant, puisque ce règlement porterait à l'évidence atteinte à des droits fondamentaux consacrés par plusieurs textes édictés par les institutions de l'Union.

Appréciation de la Cour

19 D'emblée, il importe de souligner que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dès lors que, dans le cadre d'un pourvoi, le contrôle de la Cour est limité à l'appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges, une partie ne saurait soulever pour la première fois devant la Cour un argument qu'elle n'a pas invoqué devant le Tribunal (arrêt du 13 décembre 2017, Telefónica/Commission, C-487/16 P, non publié, EU:C:2017:961, point 84 ainsi que jurisprudence citée). 20 En effet, permettre aux requérants de soulever pour la première fois devant la Cour des arguments qu'ils n'ont pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à les autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d'un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C-413/08 P, EU:C:2010:346, point 52). 21 Or, force est de constater, en l'occurrence, que les requérantes n'ont pas soutenu devant le Tribunal qu'elles étaient recevables à agir au titre de l'article 9, paragraphe 3, de la convention d'Aarhus ou du règlement no 1367/2006 pour contester le règlement litigieux. 22 Dès lors, la première branche du moyen unique doit, en vertu de l'article 170, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, être rejetée comme étant manifestement irrecevable. 23 En tout état de cause, cette branche est manifestement non fondée. À cet égard, ainsi que le Tribunal l'a constaté au point 28 de l'ordonnance attaquée sans être contesté par les requérantes, le règlement litigieux a été adopté à l'issue d'une procédure législative ordinaire et constitue, conformément à l'article 289, paragraphe 3, TFUE, un acte législatif. 24 Or, les actes des institutions de l'Union qui, à l'instar du règlement litigieux, ont été pris dans l'exercice des pouvoirs législatifs sont exclus du champ d'application de la convention d'Aarhus. En effet, l'article 9, paragraphe 3, de ladite convention vise les actes des autorités publiques, dont la définition, à l'article 2, paragraphe 2, de cette convention, n'englobe pas les organes ou les institutions agissant dans l'exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2021, Sabo e.a./Parlement et Conseil, C-297/20 P, non publiée, EU:C:2021:24, point 36). 25 Par ailleurs, s'agissant du règlement no 1367/2006, l'article 2, paragraphe 1, sous c), de celui-ci exclut son application aux institutions et aux organes de l'Union lorsqu'ils agissent dans l'exercice de pouvoirs judiciaires ou législatifs (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2020, Mellifera/Commission, C-784/18 P, non publié, EU:C:2020:630, point 81). 26 Dès lors que le règlement litigieux constitue un acte législatif, au sens de l'article 289, paragraphe 3, TFUE, il ne peut pas faire l'objet d'une demande de réexamen présenté par une organisation non gouvernementale, lequel, conformément aux dispositions combinées de l'article 2, paragraphe 1, sous g), et de l'article 10, paragraphe 1, du règlement nº 1367/2006, vise un « acte administratif » défini comme « toute mesure de portée individuelle au titre du droit de l'environnement arrêté par une institution ou un organe [de l'Union] et ayant un effet juridiquement contraignant et extérieur ». 27 Partant, lorsqu'une organisation non gouvernementale ne peut pas introduire une demande de réexamen interne sur le fondement de l'article 10, paragraphe 1, de ce règlement, elle ne peut pas saisir la Cour de justice sur le fondement de l'article 12, paragraphe 1, dudit règlement non plus. Sur la seconde branche du moyen unique, prise de l'interprétation erronée de l'article 263, quatrième alinéa, TFUE Argumentation des requérantes 28 Dans la seconde branche du moyen unique du pourvoi, les requérantes soutiennent que l'interprétation, retenue dans l'ordonnance attaquée, de l'article 263, quatrième alinéa, TFUE en ce qui concerne la notion d'« affectation individuelle » est incompatible avec le droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, consacré à l'article 47 de la Charte, et que, dans la mesure où ces associations ont pour objet la protection de la santé et de l'environnement, elles sont concernées directement et individuellement par le règlement litigieux. 29 Dans ce contexte, les requérantes font valoir que, en raison de la suspension prévue par le règlement litigieux des procédures nationales d'autorisation de mise en essai clinique de médicaments expérimentaux à usage humain contenant des OGM, ou consistant en de tels organismes, destinés à traiter ou à prévenir la COVID-19, elles sont privées de la possibilité de former un recours devant les juridictions nationales. Le règlement litigieux, en dépit de son incidence sur l'ensemble de la population de l'Union, échapperait ainsi à tout contrôle juridictionnel. 30 Dans la mesure où, selon les requérantes, l'article 263, quatrième alinéa, TFUE « a été complété et précisé par des normes contraignantes qui obligent les institutions de l'Union [...], dont la Cour plus particulièrement dans le domaine de l'environnement tel que défini par le règlement [nº l367/2006] », et a élargi le recours qu'il prévoit « à une catégorie d'actes législatifs, à savoir les [r]èglements sans mesure d'exécution », elles invitent la Cour à faire évoluer sa jurisprudence, afin de permettre à des personnes physiques ou morales, telles qu'elles-mêmes, d'accéder au juge de l'Union.

Appréciation de la Cour

31 Il importe de relever à titre liminaire que, si les conditions de recevabilité prévues à l'article 263, quatrième alinéa, TFUE doivent être interprétées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, une telle interprétation ne saurait toutefois aboutir à écarter ces conditions (arrêt du 13 mars 2018, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C-244/16 P, EU:C:2018:177, point 101 et jurisprudence citée). 32 Par ailleurs, ainsi que le Tribunal l'a rappelé au point 46 de l'ordonnance attaquée, la protection conférée par l'article 47 de la Charte n'exige pas qu'un justiciable puisse, de manière inconditionnelle, intenter un recours en annulation, directement devant la juridiction de l'Union, contre des actes législatifs de l'Union (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C-583/11 P, EU:C:2013:625, point 105). 33 Dans ce contexte, les arguments avancés par les requérantes ne sont manifestement pas de nature à remettre en cause l'interprétation de l'article 263, quatrième alinéa, TFUE retenue par le Tribunal. 34 Premièrement, s'agissant de l'obligation, pour le juge de l'Union, d'interpréter conformément à la Charte la condition prévue à l'article 263, quatrième alinéa, TFUE, selon laquelle les requérantes doivent être concernées individuellement par l'acte attaqué, il y a lieu de rappeler que, si la Charte s'impose au juge de l'Union, lorsqu'il interprète cette disposition, ce juge doit, en vertu de l'article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et de l'article 52, paragraphe 7, de la Charte, prendre en considération les explications relatives à celle-ci. Or, selon les explications afférentes à l'article 47 de la Charte, celui-ci n'a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant le juge de l'Union (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C-583/11 P, EU:C:2013:625, point 97). 35 Il importe d'ajouter que le juge de l'Union ne peut pas, sans excéder ses compétences, interpréter les conditions selon lesquelles un particulier peut former un recours contre un acte de l'Union d'une manière qui aboutit à s'écarter de ces conditions, qui sont expressément prévues par le traité FUE, et ce même à la lumière du principe d'une protection juridictionnelle effective (arrêt du 25 mars 2021, Carvalho e.a./Parlement et Conseil, C-565/19 P, non publié, EU:C:2021:252, point 69 ainsi que jurisprudence citée). 36 Deuxièmement, contrairement à ce qu'affirment les requérantes, l'interprétation, par le Tribunal, de la condition de recevabilité prévue à l'article 263, quatrième alinéa, TFUE en cause n'est pas de nature à soustraire le règlement litigieux à tout contrôle juridictionnel. D'une part, comme le relèvent les requérantes elles-mêmes, l'article 263, quatrième alinéa, TFUE ne prive pas les personnes physiques ou morales de tout recours contre des actes de portée générale, et en particulier contre les actes législatifs, pour autant qu'elles satisfont aux conditions énoncées à cet article. D'autre part, les personnes physiques ou morales qui ne peuvent pas, en raison des conditions de recevabilité établies à cet article, attaquer directement des actes de l'Union de portée générale peuvent, lorsque la mise en œuvre de ces actes incombe aux États membres, contester la validité de tels actes devant les juridictions nationales et amener celles-ci à interroger la Cour à cet égard, en vertu de l'article 267 TFUE, par la voie de questions préjudicielles (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C-583/11 P, EU:C:2013:625, point 93 ainsi que jurisprudence citée). 37 À cette fin, il incombe aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d'assurer le respect du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective et de garantir que les justiciables ont, dans le cadre d'une procédure nationale, le droit de contester en justice la légalité de toute décision ou de tout autre acte national relatif à l'application à leur égard d'un acte de l'Union de portée générale, en excipant de l'invalidité de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C-583/11 P, EU:C:2013:625, points 94 et 100 ainsi que jurisprudence citée). 38 Par ailleurs, dans la mesure où les requérantes dénoncent l'impossibilité de saisir les juridictions nationales en conséquence de la suspension, déterminée par le règlement litigieux, des procédures nationales d'autorisation de mise en essai clinique de médicaments expérimentaux à usage humain contenant des OGM, ou consistant en de tels organismes, destinés à traiter ou à prévenir la COVID-19, il importe de relever que, conformément à l'article 2, paragraphe 1, de ce règlement, une telle suspension ne s'étend pas à la fabrication des médicaments expérimentaux en cause. Cette fabrication continue donc à être soumise à une évaluation des risques pour l'environnement préalable ou à une procédure d'autorisation, voire de consentement, préalable, conformément aux articles 6 à 11 de la directive 2001/18 ou aux articles 4 à 13 de la directive 2009/41. 39 Troisièmement, s'il est vrai que le traité de Lisbonne a ajouté à l'article 263, quatrième alinéa, TFUE un troisième membre de phrase qui a assoupli les conditions de recevabilité des recours en annulation introduits par les personnes physiques et morales, il importe de souligner que cet ajout vise les recours introduits non pas contre des actes législatifs, mais contre des actes réglementaires qui ne comportent pas de mesures d'exécution. En l'espèce, le règlement litigieux étant un acte législatif, l'argument des requérantes pris de la finalité de cette modification résultant du traité de Lisbonne est dépourvu de pertinence. 40 Quatrièmement, s'agissant des prétendues incidences exceptionnelles du règlement litigieux sur l'ensemble de la population de l'Union, il découle de la jurisprudence de la Cour que l'importance ou la gravité de l'atteinte alléguée, notamment en ce qui concerne les droits fondamentaux, ne suffit pas à écarter l'application des conditions de recevabilité fixées expressément par l'article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2021, Sabo e.a./Parlement et Conseil, C-297/20 P, non publiée, EU:C:2021:24, point 29 ainsi que jurisprudence citée). 41 Comme le Tribunal l'a relevé, à bon droit, au point 45 de l'ordonnance attaquée, la reconnaissance, à toute personne physique ou morale, d'une qualité pour agir fondée uniquement sur une atteinte aux droits fondamentaux par des actes de portée générale, tels que le règlement litigieux, reviendrait à vider de leur substance les exigences de l'article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Carvalho e.a./Parlement et Conseil, C-565/19 P, non publié, EU:C:2021:252, point 48). 42 À cet égard, il est de jurisprudence constante que les personnes physiques ou morales ne satisfont à la condition selon laquelle, lorsqu'elles ne sont pas les destinataires de l'acte attaqué, elles doivent être concernées individuellement par cet acte que si ledit acte les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d'une manière analogue à celle d'un destinataire (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C-583/11 P, EU:C:2013:625, points 71 et 72 ainsi que jurisprudence citée). 43 Or, les requérantes n'invoquent que leur qualité d'associations dont l'objet est la protection de la santé et de l'environnement, sans établir à suffisance de droit, ainsi que le Tribunal l'a relevé au point 43 de l'ordonnance attaquée, qu'une disposition du droit de l'Union leur reconnaissait spécifiquement un droit à l'information, un droit d'être consultées ou des droits procéduraux et sans démontrer qu'elles ont joué un rôle dans l'élaboration du règlement litigieux qui leur permettrait de faire valoir un intérêt propre. 44 Dans ces conditions, cette seconde branche du moyen unique doit être écartée comme étant manifestement non fondée. 45 Par conséquent, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé. Sur les dépens 46 En application de l'article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l'ordonnance qui met fin à l'instance. 47 La présente ordonnance étant adoptée avant la notification du pourvoi aux parties défenderesses en première instance et, par conséquent, avant que celles-ci n'aient pu exposer des dépens, il convient de décider que les requérantes supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs

, la Cour (huitième chambre) ordonne : 1) Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé. 2) Coordination nationale médicale santé - environnement (CNMSE), European Forum for Vaccine Vigilance (EFVV), Children's Health Defense Europe (CHD Europe), Ligue nationale pour la liberté des vaccinations et Terra Sos-tenible supportent leurs propres dépens. Fait à Luxembourg, le 15 septembre 2022. Le greffier Le président de la VIIIème chambre A. Calot Escobar N. Jääskinen * Langue de procédure : le français.