AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société d'HLM Le Logement Français, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 17 février 1994 par la cour d'appel de Paris (19e chambre, section B), au profit :
1°/ de M. Daniel I..., demeurant ...,
2°/ de Mme A..., demeurant ...,
3°/ de M. E..., demeurant ...,
4°/ de Mme H...
I..., demeurant ...,
5°/ de M. J..., demeurant ...,
6°/ de Mme J..., demeurant ...,
7°/ de M. P..., demeurant ...,
8°/ de Mme P..., demeurant ...,
9°/ de M. T..., demeurant ...,
10°/ de Mme T..., demeurant ...,
11°/ de M. Adrien U..., demeurant ...,
12°/ de Mme U..., demeurant ...,
13°/ du syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Logis Vert, dont le siège est ... et ..., représenté par son syndic, le Cabinet Letondeur, ...,
14°/ de M. Didier X..., demeurant ...,
15°/ de Mme Didier X..., demeurant ...,
16°/ de M. Michel Z..., demeurant ...,
17°/ de Mme Michel Z..., demeurant ...,
18°/ de M. C..., demeurant ...,
19°/ de M. Pierre K..., demeurant ...,
20°/ de Mme Pierre K..., demeurant ...,
21°/ de M. Denis M..., demeurant ...,
22°/ de Mme Denis M..., demeurant ...,
23°/ de M. Maurice O..., demeurant ...,
24°/ de M. Jean-Pierre Q..., demeurant ... 258, 76140 Le Petit Quevilly,
25°/ de Mme Renée R..., demeurant ...,
26°/ de Mme Françoise S..., demeurant ...,
27°/ de M. Yves V..., demeurant ...,
28°/ de M. Jean-Yves XW..., demeurant ...,
29°/ de M. N..., demeurant ...,
30°/ de Mme Monique F..., veuve G...
Y..., demeurant ..., 76130 Mont Saint-Aignan,
31°/ de M. François Y..., demeurant ...,
32°/ de M. Frédéric Y..., demeurant ...,
ès qualités d'héritiers de M. Y..., architecte, décédé,
33°/ de la société civile Bet Omnitec, dont le siège est ...,
34°/ de la société SIS Assurance, venant aux droits de la CFAE, dont le siège est ...,
35°/ des Etablissements Hardy, dont le siège est ...,
36°/ de la compagnie d'assurances L'Alsacienne, dont le siège est ...,
37°/ de la compagnie d'assurances La France, dont le siège est ...,
38°/ de la compagnie Lloyd Continental, dont le siège est ...,
39°/ de la société Sud Parisienne Auxiliaire d'entreprise (SUPAE), dont le siège est ...,
40°/ de M. Francis B..., représentant le comité de défense des copropriétaires du Logis Vert, demeurant ...,
41°/ du Service Etude et Gestion (anciennement Cofrabel), domicilié ..., Center BY, 16160 Juan L...,
42°/ de M. Jean-Patrick D..., ès qualités de syndic à la liquidation judiciaire de la société Gervam (venant aux droits de la société CMV), demeurant ...,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt;
LA COUR, en l'audience publique du 1er octobre 1996, où étaient présents : Mlle Fossereau, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Fromont, conseiller rapporteur, MM. Chemin, Cachelot, Martin, Guerrini, conseillers, M. Nivôse, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre;
Sur le rapport de M. Fromont, conseiller, les observations de Me Cossa, avocat de la société d'HLM Le Logement Français, de la SCP Delaporte et Briard, avocat du syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Logis Vert, de Me Odent, avocat de la société Sud Parisienne Auxiliaire d'entreprise (SUPAE), de la SCP Peignot et Garreau, avocat de la société SIS Assurance, de la SCP Philippe et François-Régis Boulloche, avocat de M. N... et des consorts Y..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur le premier moyen
:
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 février 1994), que la société d'Habitations à loyer modéré Le Logement Français (société d'HLM), maître de l'ouvrage, a, de 1976 à 1978, sous la maîtrise d'oeuvre de conception de M. N..., architecte, de direction de ce dernier et de M. Y..., architecte aujourd'hui décédé, avec le concours de la société Omnitec, bureau d'études, assurée par la compagnie Sis Assurances, chargé de la construction d'un groupe d'immeubles dont certains ont été vendus par lot, et d'un garage enterré, la société Sud Parisienne auxiliaire d'entreprise (Supae) qui a sous-traité divers travaux; que des désordres étant apparus, la société d'HLM a, après expertise, assigné en réparation la société Supae, MM. N... et Y... et la société Omnitec qui ont formé divers recours en garantie; qu'au cours de la procédure, un acte transactionnel partiel est intervenu, le 12 mai 1987, entre la société d'HLM et les architectes, l'assureur de la société Omnitec et la société Supae;
Attendu que la société d'HLM fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demande, alors, selon le moyen, "1°) qu'en soulevant d'office, sans inviter les parties à s'en expliquer au préalable, le moyen tiré de ce que la société d'HLM Le Logement Français avait connaissance du vice affectant les garages litigieux avant la réception, et ne justifiait pas avoir formulé des réserves à la date de cette réception, la cour d'appel a violé le principe du contradictoire et l'article
16 du nouveau Code de procédure civile; 2°) que la garantie décennale est applicable aux vices apparents dont la gravité réelle ou la véritable cause ne sont devenues évidentes que postérieurement à la réception sans réserve d'un ouvrage et qui, partant, sont assimilables à des vices cachés; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que, si le vice de construction des parkings souterrains à l'origine des premières inondations s'est révélé durant les travaux de construction, la véritable cause des désordres, à savoir l'élévation de la nappe phréatique, n'a été établie qu'à la faveur des opérations d'expertise, soit postérieurement à la réception; qu'il s'ensuit que les installations litigieuses ayant été conçues, comme l'a également relevé l'arrêt, pour être exceptionnellement inondables, la société d'HLM Le Logement Français a pu légitimement estimer, pour ne pas émettre de réserves à leur réception, que les désordres, bien qu'évidents, se résorberaient par la suite; que, dès lors, en refusant d'accorder au maître de l'ouvrage le bénéfice de la garantie décennale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles
1792 et
2270 du Code civil, dans leur rédaction issue de la loi du 3 janvier 1967, qu'elle a ainsi violés ;
3°) qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si les architectes Y... et N... n'avaient pas manqué à leur obligation de conseil du maître de l'ouvrage, pendant les opérations de réception en omettant d'enjoindre ce dernier à émettre des réserves sur l'exécution des parkings litigieux, la cour d'appel a privé son arrêt de toute base légale au regard de l'article
1147 du Code civil; 4°) que l'architecte répond sur le terrain du droit commun du manquement à son obligation de conseil; que, dès lors, en rejetant la demande de la société d'HLM Le Logement Français du chef des pertes d'exploitation subies du fait de l'inondation des parkings litigieux au motif, inopérant en l'espèce, que celle-ci ne pouvait se prévaloir des dispositions des articles
1792 et
2270 du Code civil, sans rechercher si le préjudice résultant pour elle des troubles de jouissance précités, ne résultaient pas directement des fautes commises par les architectes Y... et N... au stade de la conception des installations et du choix du procédé d'imperméabilisation, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de toute base légale au regard de l'article
1147 du Code civil";
Mais attendu qu'ayant relevé que l'inondation des sous-sols inférieurs des garages constituait une situation fréquente et non exceptionnelle en raison de la montée de la nappe phréatique, que cette inondation avait commencé avant la fin des travaux comme le faisait apparaître le procès-verbal de chantier du 24 février 1977 et constaté qu'au moment de la réception de l'édifice, les garages étaient toujours inondés, que la société d'HLM, qui avait connaissance du vice affectant ceux-ci, ne justifiait pas avoir émis des réserves au moment de cette réception, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées, a, sans violer le principe de la contradiction, légalement justifié sa décision de ce chef en retenant que la société d'HLM en sa qualité de constructeur et le syndicat des copropriétaires, venant aux droits de cette dernière, ne pouvaient plus invoquer la garantie légale des constructeurs;
Sur le second moyen
:
Attendu que la société d'HLM fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande dirigée contre les locateurs d'ouvrage en paiement d'une somme de 356 511,60 francs correspondant au solde des frais engagés au titre de la reprise des façades des immeubles en copropriété, alors, selon le moyen, "1°) qu'il résulte des termes clairs et précis du protocole transactionnel du 12 mai 1987, qu'il ne porte que sur le préjudice subi par la société d'HLM Le Logement Français "tant pour les bâtiments locatifs que pour les appartements invendus", ce qui exclut nécessairement les parties communes des bâtiments en copropriété; qu'aussi bien ledit protocole, prenant acte à l'exécution de l'ordonnance du 13 novembre 1985 qui avait alloué à la société d'HLM une indemnité provisionnelle, n'a-t-il pas déduit du préjudice subi par cette dernière la quote-part de cette indemnité correspondant aux bâtiments en copropriété; que, dès lors, en considérant que l'incidence de l'ordonnance de référé du 13 novembre 1985 avait été prise en compte en son entier dans le protocole d'accord, la cour d'appel a méconnu la loi des parties et violé l'article
1134 du Code civil; 2°) qu'en laissant sans réponse le moyen par lequel la société d'HLM Le Logement Français faisait valoir qu'il importait de déterminer la localisation des travaux de reprise des façades dont elle demandait le remboursement, dès lors que ces travaux avaient affecté les façades des bâtiments en copropriété non visées par le protocole transactionnel, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et a ainsi violé l'article
455 du nouveau Code de procédure civile; 3°) qu'en se déterminant par le motif qu'à la date du protocole transactionnel du 12 mai 1987, le montant de l'entier préjudice de la société d'HLM Le Logement Français était connu, lequel motif était inopérant dès lors qu'il importait peu que fût connu à cette date le montant du préjudice relatif aux travaux de reprise des façades des bâtiments en copropriété, puisqu'aussi bien ceux-ci ne faisaient pas l'objet dudit protocole, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1134 du Code civil";
Mais attendu qu'ayant, par une interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, des termes ambigus de l'accord transactionnel du 12 mai 1987, retenu que, lors de la signature de cet acte, l'incidence de l'ordonnance de référé du 13 novembre 1985 avait été prise en compte dans l'article premier de celui-ci, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant et sans avoir à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision de ce chef;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société d'HLM Le Logement Français aux dépens;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société d'HLM Le Logement Français à payer à la société Sis Assurances la somme de 8 000 francs;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du six novembre mil neuf cent quatre-vingt-seize par Mlle Fossereau, conformément à l'article
452 du nouveau Code de procédure civile.