Cour de cassation, Chambre sociale, 6 juillet 2022, 21-11.879

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2022-07-06
Cour d'appel de Paris
2020-07-01

Texte intégral

SOC. CDS COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 6 juillet 2022 Cassation M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 849 F-D Pourvoi n° W 21-11.879 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 JUILLET 2022 Mme [G] [L], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 21-11.879 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société MJC2A, venant aux droits de la SCP Christophe Ancel, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Mennecy Conduite 2000, 2°/ à l'AGS CGEA Ile-de-France Est, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [L], après débats en l'audience publique du 25 mai 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er juillet 2020), Mme [L] a été engagée à compter du 1er juin 2013 par la société Mennecy conduite 2000 (la société), en qualité de secrétaire. 2. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 12 juillet 2017 à l'effet d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture dudit contrat. 3. Le 4 janvier 2019, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail. 4. Le 22 juillet 2019, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l'égard de la société et la société Christophe Ancel, devenue MJC2A, a été désignée en qualité de liquidatrice judiciaire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014

, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Mais sur le deuxième moyen

, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, ainsi que de la prise d'acte aux torts de l'employeur et des demandes subséquentes, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires en analysant les éléments produits par les deux parties ; qu'en l'espèce, la salariée avait reconstitué, dans ses conclusions, le nombre d'heures supplémentaires effectuées entre 2013 et 2015 à raison de six heures par semaine et celles effectuées entre 2015 et 2017 à raison de deux heures par semaine et a en outre versé des attestations de salariés témoignant de ses heures de présence quotidienne sur son lieu de travail ; qu'en se bornant à retenir que la salariée ne versait aux débats que des attestations de témoins conçues dans des termes très généraux et souvent ressemblants, non précisément circonscrites dans le temps mais visant le plus souvent des périodes et ne donnant pas d'indication exacte sur les dates auxquelles elle aurait travaillé au sein de la société Mennecy conduite 2000, sans s'expliquer sur le tableau récapitulatif précis des heures supplémentaires effectuées entre 2013 et 2015 et entre 2015 et 2017 produit par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article L. 3171-4 du code du travail. » Réponse de la Cour

Vu

l'article L. 3171-4 du code du travail : 7. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire. 8. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. 9. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

10. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre des heures supplémentaires et de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient

que l'intéressée ne verse aux débats que des attestations de témoins conçues dans des termes très généraux et souvent ressemblants. Il ajoute que ces attestations ne sont pas précisément circonscrites dans le temps, visant le plus souvent des périodes, et ne donnent pas d'indication exacte sur les dates auxquelles la salariée aurait travaillé au sein de la société.

11. En statuant ainsi

, sans rechercher si les décomptes forfaitaires invoqués par la salariée dans ses conclusions d'appel, détaillant le nombre d'heures supplémentaires par semaine qu'elle soutenait avoir effectuées, n'étaient pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; Condamne la société MJC2A, en qualité de liquidateur judiciaire, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société MJC2A, ès qualités, à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [L] PREMIER MOYEN DE CASSATION Mme [L] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté sa demande de prise d'acte aux torts de la société Mennecy conduite 2000, dit que la rupture de son contrat n'était pas imputable à la faute de cette dernière et que celle-ci produisait les effets d'une démission, d'AVOIR confirmé pour le surplus le jugement du conseil de prud'hommes den toutes ses dispositions et de l'AVOIR débouté de ses conclusions plus amples ou contraires. ALORS QUE s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date ; qu'en l'espèce, l'exposante a fait signifier ses dernières conclusions par le RPVA le 6 mai 2020 ; qu'en se prononçant au visa de ses conclusions transmises le 7 mars 2019, complétées le 25 février 2020 sans résumer succinctement les moyens qu'elle avait invoquées et sans qu'il résulte des motifs de son arrêt qu'elle ait pris en considération ses dernières conclusions signifiées le 6 mai 2020, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Mme [L] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre des heures supplémentaires et de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et d'AVOIR rejeté sa demande de prise d'acte aux torts de l'employeur et ses demandes subséquentes. 1° ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires en analysant les éléments produits par les deux parties ; qu'en l'espèce, la salariée avait reconstitué, dans ses conclusions (v. p. 23), le nombre d'heures supplémentaires effectuées entre 2013 et 2015 à raison de 6 heures par semaine et celles effectuées entre 2015 et 2017 à raison de 2 heures par semaines et a en outre versé des attestations de salariés témoignant de ses heures de présence quotidienne sur son lieu de travail ; qu'en se bornant à retenir que la salariée ne versait aux débats que des attestations de témoins conçues dans des termes très généraux et souvent ressemblants, non précisément circonscrites dans le temps mais visant le plus souvent des périodes et ne donnant pas d'indication exacte sur les dates auxquelles elle aurait travaillé au sein de la société Mennecy conduite 2000, sans s'expliquer sur le tableau récapitulatif précis des heures supplémentaires effectuées entre 2013 et 2015 et entre 2015 et 2017 produit par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article L 3171-4 du code du travail. 2° ALORS QUE en omettant d'examiner les éléments que l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, est tenu de lui fournir afin de former sa conviction en tenant compte de l'ensemble des éléments produits par les deux parties, en ce compris le tableau récapitulatif précis des heures supplémentaires de la salariée intégré dans ses conclusions, la cour d'appel a violé l'article L 3171-4 du code du travail. TROISIEME MOYEN DE CASSATION Mme [L] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR rejeté sa demande de prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, dit que la rupture du contrat de travail n'est pas imputable à faute de l'employeur et produit les effets d'une démission et d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il l'a déboutée de demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à titre de dommages et intérêts équivalent à la la perte d'indemnités journalières du fait du temps plein non déclaré et pour préjudice moral. 1° ALORS QUE l'ancienneté des manquements ne fait pas obstacle à la requalification de la prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, les juges du fond devant apprécier la réalité et la gravité de ces manquements et dire s'ils étaient de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en déduisant l'absence de gravité des manquements dénoncés par la salariée de la seule circonstance qu'ils étaient anciens, la cour d'appel a violé l'article L 1231-1 du code du travail. 2° ALORS QU'en se bornant à retenir que les faits dénoncés étaient contestés par l'employeur qui se prévalait de la déclaration unique d'embauche du 30 mai 2013 et du courriel qu'il avait adressé à son expert comptable faisant état d'un remplacement de secrétariat de 10h par mois ainsi que de la proposition d'un avenant au contrat de travail le 9 janvier 2017 en vue d'un passage à temps complet que la salariée n'avait jamais signé alors même qu'elle prétendait vouloir une telle « régularisation », sans répondre aux conclusions par lesquelles l'exposante faisait valoir que (concl. pp. 9 -11) que, en l'absence de contrat écrit, elle était réputée avoir été engagée à temps plein et que si l'employeur se prévalait d'un avenant pour le passage à un temps plein qu'elle aurait refusé de signer, l'avenant qui lui avait été envoyé s'intitulait « avenant transfert société » pour l'informer que son contrat était transféré à la société MC 2000, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.