Logo pappers Justice

Cour d'appel de Douai, 24 juin 2022, 22/00374

Synthèse

Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Douai
24 juin 2022
Tribunal judiciaire de Lille
10 février 2022
Cour d'appel de Douai
26 novembre 2021
Tribunal judiciaire de Lille
11 mai 2021

Texte intégral

ARRET

DU 24 Juin 2022 N° 1055/22 N° RG 22/00374 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UE6O SM / GD affaire civile jugement Jugement EN DATE DU 10 Février 2022 COUR D'APPEL DE DOUAI Quatorzième Chambre APPELANTE : COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE DE LA SOCIETE KEOLIS [Adresse 1] [Adresse 1] Représentée par Me Alexandre BAREGE, avocat au barreau de Lille INTIMES : S.A. KEOLIS LILLE METROPOLE [Adresse 1] [Adresse 1] Représentée par Me CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de Douai et assistée par Me Jérôme DANIEL, avocat au barreau de Paris substitué par Me TRESCA, avocat au barreau de Paris S.A.R.L. KEOLIS NORD [Adresse 2] [Adresse 2] [Adresse 2] Représentée par Me Caroline DUQUESNE, avocat au barreau de Lille, et assistée par Pascal GEOFFRION, avocat au barreau de Paris substitué par Me ARNAIL Laure, avocat au barreau de Paris DEBATS :à l'audience publique du 17 Mai 2022 Tenue par Stéphane MEYER magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les représentants des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré. Les conseils des parties ayant été avisés à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe. GREFFIER : BERLY COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE Stéphane MEYER : PRESIDENT DE CHAMBRE Béatrice REGNIER : CONSEILLER [X] [U] : CONSEILLER ARRET : Contradictoire prononcé par sa mise à disposition le 24 Juin 2022 Les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, Stéphane MEYER, Président, ayant signé la minute avec Nadine BERLY greffier lors du prononcé ORDONNANCE DE CLOTURE DU : rendue le 17 mai 2022 EXPOSE DU LITIGE ' La société Keolis Lille Métropole exploite le réseau de transport de la métropole européenne de Lille, Olivia, anciennement dénommé 'Transpôle'. Une partie de l'activité de la société Keolis Lille Métropole est sous-traitée à sa société s'ur, la société Keolis Nord. En octobre et novembre 2020, la société Keolis Lille Métropole a lancé le processus de consultation de son Comité social et économique pour avis sur les orientations stratégiques de l'entreprise et sur sa situation économique et financière. Le CSE a désigné la société Progexa, expert-comptable, pour l'assister dans ces consultations. Le Comité Social et Economique de la société Keolis Lille Métropole et la société Progexa, estimant que cette dernière avait rencontré des difficultés pour obtenir communication des éléments d'information lui permettant de réaliser son travail d'analyse, ont fait assigner la société Keolis Lille Métropole devant le tribunal judiciaire de Lille par acte d'huissier de justice du 23 décembre 2020. Par jugement du 11 mai 2021, le tribunal judiciaire de Lille n'a fait que partiellement droit à cette demande. Le CSE et la société Progexa ont interjeté appel de ce jugement et pas arrêt du 26 novembre 2021, la présente juridiction a, en substance, confirmé partiellement ce jugement, a ordonné à la société Keolis Lille Métropole de communiquer au Comité Social et Economique un certain nombre de documents réclamés par l'expert, ainsi que d'inclure ces mêmes documents et informations dans la base de données économiques et sociales de l'entreprise. ' Le 20 mai 2021, la société Keolis Lille Métropole a, à nouveau, lancé le processus de consultation de son Comité social et économique pour avis sur les orientations stratégiques de l'entreprise en 2021 et sur sa situation économique et financière en 2020. Le CSE de la société Keolis Lille Métropole a, à nouveau, désigné la société Progexa, expert-comptable, pour l'assister dans le cadre de ces consultations. Le CSE et la société Progexa, estimant que l'ensemble des éléments nécessaires à l'accomplissement de la mission de cette dernière ne lui avait pas été adressé, ont fait assigner la société Keolis Lille Métropole devant le président du tribunal judiciaire de Lille, statuant selon la procédure accélérée, par acte d'huissier de justice du 27 octobre 2021, aux fins d'obtenir la communication sous astreinte des documents et informations demandés par l'expert comptable et relatifs à la société Keolis Nord, la prorogation du délai imparti au Cse pour rendre son avis, ainsi qu'une indemnité pour frais de procédure. Par acte d'huissier de justice du 9 décembre 2021, le Cse de la société Keolis Lille Métropole a fait assigner la société Keolis Nord en intervention forcée. Par jugement du 10 février 2022, le président du tribunal judiciaire de Lille, statuant selon la procédure accélérée au fond, a : - ordonné la jonction des deux instances ; - déclaré recevable l'action du CSE de la société Keolis Lille Métropole formée à l'encontre de la société Keolis Nord ; - rejeté le moyen soulevé par les deux sociétés, tiré de la forclusion de l'action ; - déclaré irrecevable l'action de la société Progexa ; - débouté le CSE de sa demande de communication de documents relatifs à la société Keolis Nord ; -ordonné la prolongation d'un mois à compter du prononcé de la décision,du délai imparti au CSE pour donner son avis ; - condamné le CSE à payer à la société Keolis Nord la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles ; - débouté la société Keolis Lille Métropole de sa demande fondée sur les mêmes dispositions ; - condamné le CSE et la société Progexa aux dépens. Le CSE de la société Keolis Lille Métropole a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 3 mars 2022, en visant expressément les dispositions critiquées. Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 mai 2022, le CSE demande l'infirmation du jugement et la condamnation de la société Keolis Lille Métropole et de la société Keolis Nord à communiquer à la société Progexa et/ou à lui-même l'ensemble des documents et informations demandés par l'expert-comptable du comité social et économique de l'entreprise dans les 15 jours de la notification de la décision à intervenir sous une astreinte définitive de 5 000 euros par jour de retard et par document, selon une liste à laquelle il convient de se reporter pour une plus ample information. Elle demande également : - qu'il soit dit qu'il en sera rapporté à la cour en cas de difficultés et que la cour se réserve le droit de liquider les astreintes ; - la prorogation de deux mois des délais dans lesquels il doit rendre son avis dans le cadre des consultations sur la situation économique et financière et les orientations stratégiques de l'entreprise lancées en mai 2021 ; - qu'il soit jugé que ce délai ne commencera à courir en tout état de cause qu'à compter de la complète transmission des documents et informations demandés par l'expert-comptable et de la mise à disposition des représentants du personnel d'une BDES complète et sans erreurs ; - subsidiairement, qu'il soit jugé que la prolongation du délai d'un mois qui lui est accordé pour rendre son avis décidé par le Tribunal commencera à courir à compter de la signification du jugement ; - la condamnation de la société Keolis Lille Métropole à lui payer une indemnité pour frais de procédure de 4 000 € et de la société Keolis Nord à lui payer une indemnité pour frais de procédure de 3 000 €. Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse , le CSE expose que : - c'est à juste titre que le premier juge a estimé que son représentant était dûment mandaté pour le représenter dans le cadre de la procédure engagée ; - c'est également à juste titre que le premier juge a rejeté le moyen tiré de la forclusion, au motif que, faute pour l'employeur d'avoir mis à la disposition du Cse une base de données économique et sociale conforme aux dispositions légales, le délai de consultation n'a pas couru ; - la société Keolis Lille Métropole refuse indûment de communiquer à la société Progexa les documents nécéssaires à l'accomplissement de sa mission ; - l'expert-comptable devant avoir accès à la tous les éléments nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise, son droit d'accès doit s'étendre à la situation de la société Keolis Nord, société-soeur, laquelle sous-traite une partie de son activité ; - c'est à tort que les deux sociétés soulèvent l'irrecevabilité de la demande relative aux éléments complémentaires pour la consultation sur les orientations stratégiques au motif qu'elle constituerait une demande nouvelle en cause d'appel, alors que cette demande tend donc aux mêmes fins que les demandes formulées en première instance et constitue leur complément nécessaire ; - L'absence de transmission des éléments demandés par l'expert-comptable justifie la prorogation de son délai de consultation. ' Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 mai 2022, la société Keolis Lille Métropole demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté le moyen des deux sociétés tiré de la forclusion de l'action et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité pour frais de procédure, à titre subsidiaire, sa confirmation en ce qu'il a débouté le CSE de ses demandes. Elle demande également la condamnation de ce dernier à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 4 000 €. Elle fait valoir que : - le CSE est irrecevable en raison de la forclusion, alors que, d'une part, s'il est considéré que le délai de consultation n'a pas couru, le CSE serait automatiquement irrecevable en ses demandes fondées sur l'article L.2312-15 du code du travail permettant la saisine du juge selon la procédure accélérée au fond et que, d'autre part, sa base de données économique et sociale était complète et accessible ; - les demandes du CSE relatives à la communication de documents pour la consultation sur les orientations stratégiques sont irrecevables car nouvelles en cause d'appel ; elles sont en tout état de cause injustifiées ; - les demandes du CSE sont injustifiées et mal fondées car il n'existe aucune difficulté particulière d'accès aux informations sur la situation économique et financière de l'entreprise et il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir transmis l'intégralité de documents relevant de la société Keolis Nord, société tierce qu'elle ne contrôle pas ; - la demande de prorogation est injustifiée. ' Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 mai 2022, la société Keolis Nord demande l'infirmation du jugement, que les demandes du CSE à son encontre soient jugées irrecevables en raison de la forclusion de son action ; à titre subsidiaire, sa confirmation en ce qu'il a débouté le CSE de ses demandes. à titre plus subsidiaire, qu'il soit jugé que la demande de communication des liasses fiscales complètes, déjà remise à l'expert par la société Keolis Lille Métropole, est sans objet. Elle demande également la condamnation du CSE à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 3 000 €. Elle fait valoir que : - le CSE était forclos à la date de l'assignation du 27 octobre 2021 ; - l'expert mandaté par le CSE ne peut intervenir que dans les limites des pouvoirs du commissaire aux comptes et n'englobe donc pas les éléments relatifs à une société soeur de l'employeur ; elle ne peut donc être considérée que comme société tierce et les documents demandés dépassent le cadre de la mission de l'expert sans qu'aucune justification ne sait apportée quant à leur utilité, alors que les données sur la sous-traitance sont déjà présentes dans la BDES de la société Keolis Lille Métropole et ont été communiquées à l'expert, de même que les documents relatifs à elle-même et qui sont pourtant à nouveau réclamés ; - à titre subsidiaire, certains documents sollicités n'existent pas. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions. * * *

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de la société Progexa Cette société n'ayant pas interjeté appel du jugement, il convient de constater le caractère définitif de ses dispositions l'ayant déclarée irrecevable à agir. Sur la représentation de le CSE Aucune des deux sociétés intimées n'ayant relevé appel des dispositions du jugement ayant déclaré que le CSE était valablement représenté, il convient de constater le caractère définitif de ses dispositions sur ce point. Sur la forclusion Aux termes de l'article L.2312-15 du code du travail, le comité social et économique émet des avis et des v'ux dans l'exercice de ses attributions consultatives. Il dispose à cette fin d'un délai d'examen suffisant et d'informations précises et écrites transmises ou mises à disposition par l'employeur, et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations. Le comité peut, s'il estime ne pas disposer d'éléments suffisants, saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, pour qu'il ordonne la communication par l'employeur des éléments manquants. Cette saisine n'a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Toutefois, en cas de difficultés particulières d'accès aux informations nécessaires à la formulation de l'avis motivé du comité, le juge peut décider la prolongation du délai prévu au deuxième alinéa. Il résulte des dispositions de l'article R. 2312-6 du même code qu'à défaut d'accord, le comité social et économique est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l'expiration d'un délai d'un mois, ou de deux mois en cas d'intervention d'un expert. Il résulte des dispositions de l'article R. 2312-5 du même code, que ce délai de consultation court à compter de la communication par l'employeur des informations prévues par le code du travail pour la consultation ou de l'information par l'employeur de leur mise à disposition dans la base de données économiques, sociales et environnementales dans les conditions prévues aux articles R. 2312-7 et suivants. Enfin si, aux termes du dernier alinéa précité de l'article L. 2312-15, le juge peut décider de la prolongation du délai de consultation, aucune disposition légale ne l'autorise à accorder un nouveau délai après expiration du délai initial. En l'espèce, le CSE produit un procès-verbal de réunion du 20 mai 2021, aux termes de laquelle il a été décidé de lancer le processus d'information et de consultation sur la situation économique et financière de la société Keolis Lille Métropole en 2020 et sur le recours à une mesure d'expertise confiée à la société Progexa. Il résulte de ce procès-verbal que, lors de cette réunion, le CSE et la Direction de l'entreprise se sont mis d'accord pour que la restitution se fasse 'plutôt fin août début septembre'. Il résulte de cet accord que le délai de consultation expirait, soit passé un délai de deux mois à compter de la communication par l'employeur des données requises, soit en début du mois de septembre 2021. Le 30 juillet 2021, le cabinet Progexa a rédigé et remis un rapport sur la situation économique et financière de l'entreprise en 2020, tout en indiquant ne pas avoir été en mesure d'achever ce rapport au motif que l'entreprise ne lui aurait pas adressé tous les éléments qu'il réclamait. Suivi sur ce point par le premier juge, le CSE fait valoir que, faute par l'employeur d'avoir mis à disposition des éléments d'informations suffisants, le délai de consultation n'a pas commencé à courir et que son action est donc recevable, en relevant que le cabinet Sogexa avait sollicité à plusieurs reprises la communication de documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission en juin et juillet 2021, qu'il a indiqué dans son rapport intermédiaire du 23 juillet 2021 que la base de données économiques et sociales n'était toujours pas conforme aux exigences légales et enfin que la présente juridiction a, par arrêt du 26 novembre 2021, ordonné à l'employeur de mettre à disposition du CSE, une base de données économique et sociale relative à l'année 2020, conforme aux dispositions légales. Cependant, dès le 30 juillet 2021, date de remise du rapport partiel du Cabinet Progexa, le CSE était en mesure d'apprécier si les éléments communiqués par l'employeur étaient suffisants et, dans la négative, de saisir le président du tribunal de grande instance avant l'expiration du délai de consultation. Le CSE a introduit la présente instance par assignation signifiée le 27 octobre 2021, soit au-delà du délai de consultation, est donc irrecevable en l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Keolis Lille Métropole et par voie de conséquence, également à l'encontre de la société Keolis Nord. Sur les frais hors dépens Sur le fondement des dispositions de l'article 700 ducode de procédure civile, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné le CSE à payer à la société Keolis Nord une indemnité de 2 000 euros destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et y ajoutant, de le condamner à payer à la société Keolis Lille Métropole une indemnité de même montant en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, Constate le caractère définitif des dispositions du jugement déféré déclarant la société Progexa irrecevable en son action et jugeant que la société Keolis Lille Métropole était régulièrement représentée ; Infirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé que l'action du CSE de la société Keolis Lille Métropole n'était pas forclose ; Statuant à nouveau ; Déclare le CSE de la société Keolis Lille Métropole irrecevable en son action en raison de la forclusion ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné le CSE de la société Keolis Lille Métropole à payer à la société Keolis Nord une indemnité pour frais de procédure de 2 000 euros ; Y ajoutant ; Condamne le CSE de la société Keolis Lille Métropole à payer à la société Keolis Lille Métropole une indemnité pour frais de procédure de 2 000 euros ; Condamne le CSE de la société Keolis Lille Métropole aux dépens d'appel. LE GREFFIER Nadine BERLY LE PRESIDENT Stéphane MEYER