Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4, 8 février 2018, 17/07182

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2019-11-06
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
2018-02-08

Texte intégral

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE 4e Chambre A

ARRÊT

AU FOND DU 08 FEVRIER 2018 jlp N° 2018/ 131 Rôle N° 17/07182 [E] [L] C/ [N] [L] épouse [E] [H] [Q] [S] veuve [L] Société de droit canadien FERNCROFT EQUITIES LIMITED Société de droit canadien COLOONY LIMITED Grosse délivrée le : à : Me Maud DAVAL-GUEDJ Me Françoise BOULAN Me Joseph MAGNAN Me Jean-François JOURDAN Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la mise en état du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 31 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/06450. APPELANT Monsieur [E] [L] demeurant [Adresse 1] représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me David GORDON KRIEF, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Sophie SOUSTRE, avocat au barreau de PARIS, plaidant INTIMEES Madame [N] [L] épouse [E] demeurant [Adresse 2]) représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Didier MARTIN, avocat au barreau de PARIS, plaidant Madame [H] [Q] [S] veuve [L] demeurant [Adresse 3]) représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me François BERBINAU, avocat au barreau de PARIS, plaidant Société de droit canadien FERNCROFT EQUITIES LIMITED prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4] représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Fabrice MALORTIGUE, avocat au barreau de NICE, plaidant Société de droit canadien COLOONY LIMITED prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4] (CANADA) représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté par Me Fabrice MALORTIGUE, avocat au barreau de NICE, plaidant *-*-*-*-* COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 05 Décembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries. La Cour était composée de : Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre Madame Hélène GIAMI, Conseiller Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE. Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Février 2018 ARRÊT Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Février 2018, Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *** FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES : La société Coloony Limited, société de droit canadien immatriculée au registre des sociétés de la province de Nouvelle-Écosse et dont le siège social se trouve à [Localité 1] (Canada), est propriétaire sur les communes [Localité 2] et [Localité 3] d'une importante propriété d'environ 18 ha dénommée « le domaine [Adresse 5] » ; le capital social de cette société est détenu en totalité par la société Ferncroft Equities Limited, qui est également une société de droit canadien immatriculée au registre des sociétés de la province de Nouvelle-Écosse et dont le siège social est situé à [Localité 1], à la même adresse que la société Coloony. Le capital social de la société Fercroft est aujourd'hui détenu pour deux tiers, soit 3334 parts, par [N] [L] épouse [E] et pour un tiers, soit 1667 parts, par [E] [L]. Le domaine [Adresse 5] avait été acquis en 1975 par la société Coloony Etablissement (une « Atiengesellschaft »), alors domiciliée au Liechtenstein, à l'initiative de [U] [L], aujourd'hui décédé, et le 10 novembre 1983, l'assemblée générale des associés a décidé le transfert de son siège social à [Localité 1] au Canada où elle a été portée au registre des sociétés de Nouvelle-Écosse le 21 décembre 1983 ; la société Ferncroft a été immatriculée à la même époque et avait pour seul actionnaire un Trust de droit canadien dénommé « Beauford Trust » ; au décès de [U] [L] en 1984, la propriété des actions de la société Ferncroft a été transmise à son épouse, [C] [S], et à ses deux enfants, [N] et [E], chacun pour un tiers. Par acte de Me [T], notaire à Bruxelles, en date du 5 février 2013, [C] [S] veuve [L] a fait donation à sa fille des 1667 parts qu'elle détenait dans la société Ferncroft. À la suite de cette donation, divers contentieux ont opposé [E] [L] à sa s'ur et à sa mère, une procédure judiciaire au Canada en « oppression d'actionnaire », dont l'intéressé s'est finalement désisté, une procédure judiciaire en Belgique en annulation de la donation toujours pendante devant le tribunal de première instance de Bruxelles et une procédure judiciaire en principauté de Monaco en liquidation partage de la succession de [U] [L], dont se trouve saisi le tribunal de première instance de Monaco, M [L] accusant sa mère de recel successoral. Par exploits du 3 décembre 2015, [E] [L] a fait assigner les sociétés Coloony Limited et Ferncroft Equities Limited, ainsi que [C] [S] veuve [L] et [N] [L] épouse [E] ces dernières en déclaration de jugement commun, devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins notamment de voir dire que le siège social des sociétés Coloony et Ferncroft en Nouvelle-Écosse au Canada est fictif, que leur siège social réel est situé en France à [Localité 2] (Alpes-Maritimes), domaine [Adresse 5], route de Cannes, que les contrats de société à l'origine des sociétés Coolony et Ferncroft sont nuls pour cause illicite et intention frauduleuse, ordonner la dissolution de ces deux sociétés et désigner un liquidateur ou, subsidiairement, un administrateur ad hoc pour constituer une société civile immobilière de droit français, dont les parts sociales devront être attribuées à [E] [L] et [N] [L] épouse [E] à proportion de leurs droits respectifs dans la société Ferncroft. Les sociétés Coloony et Ferncroft ont saisi le juge de la mise en état d'une demande visant à voir déclarer le tribunal de grande instance de Grasse incompétent territorialement pour connaître du litige au profit des tribunaux de la province canadienne de nouvelle Écosse. Par ordonnance du 31 mars 2017, le juge de la mise en état a notamment : 'dit que le siège social réel des sociétés Coloony et Ferncroft est située au Canada, à [Localité 1], province de Nouvelle-Écosse, à l'adresse de son siège social statutaire et non pas à [Localité 2], 'déclaré, en conséquence, le tribunal de grande instance de Grasse incompétent territorialement pour statuer sur l'action de M. [L] en déclaration de fictivité du siège social, nullité des sociétés Coloony et Ferncroft et dissolution de celles-ci, 'renvoyé les parties à mieux se pourvoir, 'condamné M. [L] à verser la somme de 3000 € à chacune des quatre défenderesses au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 'dit que les demandes relatives à l'application d'une amende civile au titre de l'article 32'1 du code de procédure civile et au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ne relèvent pas des attributions du juge de la mise en état et déclaré, par suite, irrecevables ces demandes, 'condamné M. [L] aux dépens. M. [L] a régulièrement relevé appel, le 11 avril 2017, de cette ordonnance. Il demande à la cour (conclusions déposées le 20 novembre 2017 par le RPVA) de : A titre principal, 'dire qu'il y a lieu de joindre au fond les incidents relatifs à la compétence soulevés par les sociétés Coloony et Ferncroft, ainsi que par Mmes [L] et [E] dans leurs conclusions respectives, 'à défaut, évoquer l'entier litige sur le fond en application de l'article 568 du code de procédure civile après avoir invité les parties à conclure au fond en vue d'une prochaine audience, en application de l'article 16 du code de procédure civile, 'faire injonction aux sociétés Coloony et Ferncroft de produire les documents et pièces suivants, et ce sous astreinte d'un montant de 100 € par jour de retard, ladite astreinte devant commencer à courir à compter de la date de l'arrêt à intervenir : 1-bilans 2013 et 2014 de la société Ferncroft révisés à la suite du refus des associés de les approuver le 3 décembre 2015, 2-état détaillé des versements faits à la société Coloony depuis le 1er janvier 2013 par chaque associé, 3-état détaillé des versements faits à la société Ferncroft depuis le 1er janvier 2013 par chaque associé, 4-état détaillé des charges de la société Coloony pour les exercices 2013, 2014 et 2015, 5-état détaillé des charges de la société Ferncroft pour les exercices 2013, 2014 et 2015, 6-état détaillé des créances enregistrées au nom de chaque actionnaire dans les comptes de la société Ferncroft pour les exercices clôturés et non approuvés 2013, 2014 et 2015, 7-relevés de compte gérance de l'agence John Taylor et pièces justificatives concernant les dépenses/factures pour le domaine de [Localité 4] depuis 2003 jusqu'à ce jour, 8-justificatifs précis et chiffrés de l'affectation des appels de fonds réalisés en 2016 par M. [W] [Q] pour le compte de la société Ferncroft (avec distinction entre les fonds affectés à la société Coloony et ceux affectés à la société Ferncroft), 9-attestations de la Royal Bank of Canada relative à la date d'ouverture du compte bancaire de la société Coloony n° [Compte bancaire 1], 10-relevés bancaires du compte n° [Compte bancaire 1] de la société Coloony auprès de la Royal Bank of Canada depuis le 1er janvier 2015 ou depuis l'ouverture du compte, 11-attestations de la Royal Bank of Canada relative à la date d'ouverture du compte bancaire de la société Coloony n° [Compte bancaire 2], 12-relevés bancaires du compte n° [Compte bancaire 2] de la société Coloony auprès de la Royal Bank of Canada depuis le 1er janvier 2015 ou depuis l'ouverture du compte, 13-tous documents établissant la date d'ouverture, le fonctionnement effectif et le cas échéant la date de clôture de compte au nom de l'une ou l'autre des sociétés auprès de la « Canadian Impérial Bank of Commerce », 14-rapport d'évaluation du domaine établi par la société France Patrimoine visé dans le rapport de M. [Q] à l'assemblée du 3 décembre 2015, 15-rapport d'évaluation du domaine de [Localité 4] établi par M. [K], expert évaluateur à [Localité 5] (communiqué aux services fiscaux français et visé en pièce adverse n° 26 des sociétés), 16-rapport fiscal établi par la société d'avocats Lavery de Billy visé dans le courrier de Me White, avocat néo-écossais de la société Ferncroft du 11 avril 2016, En tout état de cause, 'dire Mme Mme [E] irrecevable et en tout cas mal fondé en son appel incident, 'la débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions, A titre subsidiaire, 'réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a omis de statuer sur l'application de la Convention de Lugano au litige, 'dire et juger que le tribunal de grande instance de Grasse, ou la cour en cas d'évocation, est dès lors compétent(e) en application de l'article 22.2 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 pour statuer sur la validité des sociétés Coloony et Ferncroft, 'dire et juger que le siège réel des sociétés Coloony et Ferncroft est située au [Adresse 5], en France, 'dire et juger que Mme [E], appelée en intervention aux fins de déclaration de jugement commun sur le fondement de l'article 6.2 de la Convention de Lugano, est irrecevable et en tout cas mal fondée dans son exception d'incompétence, A titre infiniment subsidiaire, 'dire et juger que la loi applicable à l'appréciation du siège réel des sociétés Coloony et Ferncroft est en tout état de cause la loi française, 'dire et juger que le siège réel des sociétés Coloony et Ferncroft est située au [Adresse 5], en France, En tout état de cause, 'condamner chacune des demanderesses à l'incident au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile de 10 000 €. Les sociétés Coloony et Ferncroft sollicitent de voir (conclusions déposées le 18 octobre 2017 par le RPVA) : Vu le règlement Bruxelles I bis,

Vu les articles

132 et 142 du code de procédure civile, Vu les articles 42 et suivants du code de procédure civile, Vu l'article 771 du code de procédure civile, 'débouter M. [L] de sa demande de jonction de l'incident au fond et de sa demande de communication forcée de pièces, 'dire et juger que le siège social réel des sociétés Coloony et Ferncroft se trouve à [Localité 1], province de Nouvelle-Écosse, Canada, 'dire et juger qu'il n'est pas démontré de lien de rattachement du litige au ressort du tribunal de grande instance de Grasse, 'confirmer, en conséquence, l'ordonnance du 31 mars 2017 qui a déclaré le tribunal de grande instance de Grasse territorialement incompétent pour statuer sur l'action en nullité des sociétés Coloony et Ferncroft, 'débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, 'le condamner à régler aux sociétés Coloony et Ferncroft la somme de 10 000 €, chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Mme [E] demande, pour sa part, à la cour (conclusions déposées le 9 octobre 2017 par le RPVA) de : Vu les articles 2.1), 3.1) et 6.2 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007, Vu les articles 32'1, 96, 559, 771 et 772 du code de procédure civile, Vu l'article 1240 du code civil, (') 'confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a : ' dit que le siège social réel des sociétés Coloony et Ferncroft est située au Canada, à [Localité 1], province de Nouvelle-Écosse, à l'adresse de son siège social statutaire et non pas à [Localité 2], ' déclaré, en conséquence, le tribunal de grande instance de Grasse incompétent pour statuer sur l'action de M. [L] en déclaration de fictivité de siège social, nullité des sociétés Coloony et Ferncroft et dissolution de celles-ci, ' renvoyé M. [L] à mieux se pourvoir, 'infirmer partiellement l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit que les demandes relatives à l'application d'une amende civile au titre de l'article 32'1 du code de procédure civile et au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ne relèvent pas des attributions du juge de la mise en état et déclaré irrecevables ses demandes sur ce fondement et statuant à nouveau, 'juger que M. [L] a agi et interjeté appel de façon abusive dans le but de lui nuire, 'condamner M. [L] à lui verser la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts, En tout état de cause, 'débouter M. [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires, 'le condamner à lui verser la somme de 30 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. En ce qui la concerne, Mme [S] veuve [L] conclut, au visa des articles 22'2 et 64'2 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 et des articles 42, 43 et 770 du code de procédure civile, à l'infirmation de l'ordonnance rendue le 31 mars 2017 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nice ; elle demande à la cour de juger que le siège social réel des sociétés Coloony et Ferncroft est située au [Adresse 5], en France et de dire, en conséquence, que le tribunal de grande instance de Grasse est compétent pour connaître du litige ; elle sollicite également qu'il soit fait droit à la demande de communication de pièces présentée par M. [N] et qu'il soit ordonné aux sociétés Coloony et Ferncroft de les produire (conclusions déposées le 4 octobre 2017 par le RPVA). M. [L] a déposé, le 20 novembre 2017, de nouvelles conclusions et six nouvelles pièces (n° 82 à 87), dont Mme [E] a sollicité le rejet. Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 21 novembre 2017.

MOTIFS

de la DECISION : Le simple fait pour M. [L] de déposer, le 20 novembre 2017, soit la veille du prononcé de l'ordonnance de clôture de nouvelles conclusions et pièces, mettant ainsi les autres parties et notamment Mme [E] dans l'impossibilité d'en prendre connaissance et, éventuellement, d'y répondre avant la clôture de l'instruction, caractérise une violation du principe du contradictoire et du droit au procès équitable, énoncés aux articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il y a donc lieu de déclarer irrecevables les conclusions de cet intimé, déposées le 20 novembre 2017, ainsi que les six nouvelles pièces communiquées (n° 82 à 87). * * * 1-la demande de jonction de l'incident de procédure au fond : C'est à juste titre, après avoir rappelé les dispositions des articles 771 et 77 du code de procédure civile, que le premier juge a rejeté la demande de jonction présentée par M. [N] en considérant que le juge de la mise en état, qui est exclusivement compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, peut connaître d'une question de fond, dont dépend la détermination de la compétence, telle en l'occurrence la détermination du siège social réel des sociétés Coloony et Ferncroft. Il convient d'ajouter que, contrairement à ce que soutient M. [N], la solution du litige ne dépend pas seulement de la localisation du siège social réel des deux sociétés, puisque, à supposer que l'exception d'incompétence ait été rejetée par le juge de la mise en état, celui-ci considérant que leur siège social se situe à [Localité 2] en France, le tribunal aurait été amené à se prononcer, eu égard à la loi applicable au litige, sur la nullité des contrats de société, dont il est soutenu que leur cause est illicite. 2-la demande de production de pièces détenues par les sociétés Coloony et Ferncroft : Il résulte de l'article 139, alinéa 2, du code de procédure civile, applicable par renvoi de l'article 142 du même code, que s'il estime fondée la demande de production des éléments de preuve détenus par les parties, le juge en ordonne la délivrance en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu'il fixe, au besoin à peine d'astreinte ; cette faculté d'ordonner la production forcée de pièces relève du pouvoir discrétionnaire du juge, qui apprécie l'utilité des pièces sollicitées pour la solution du litige, dont il est saisi ; en l'occurrence, les pièces dont M. [N] demande la production forcée sous astreinte concernent pour l'essentiel les conditions de financement des sociétés Coloony et Ferncroft ou leur comptabilité détaillée, la valorisation du domaine de [Localité 4] ou les modalités d'entretien de celui-ci, dont il n'est pas contesté qu'il constitue le principal actif de la société Coloony, éléments de preuve sans intérêt pour la localisation du siège social des deux sociétés et donc, sur la solution du litige limité à la détermination de la juridiction compétente pour en connaître. Il convient d'ajouter que M. [N], qui a pris l'initiative de saisir le tribunal de grande instance de Grasse d'une action en nullité des contrats de société au motif que les sièges des sociétés Coloony et Ferncroft seraient fictifs et localisés à [Localité 1] au Canada dans le seul but d'échapper à la taxe de 3 % créée en 1983, pesant sur les immeubles détenus en France par des étrangers résidant dans des Etats (comme le Liechtenstein) avec lesquels n'existait aucune convention fiscale, ce qui est, selon lui, constitutif d'une fraude, se doit de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention conformément à l'article 9 du code de procédure civile et ne saurait, sauf à tenter de renverser la charge de la preuve, obtenir des défendeurs à l'instance la communication d'éléments de preuve visant à établir le caractère prétendument fictif des sièges des deux sociétés, qu'il lui appartient pourtant lui-même de démontrer ; la demande de production de pièces détenues par les sociétés Coloony et Ferncroft ne peut dès lors qu'être rejetée. 3-la compétence du tribunal de grande instance de Grasse pour connaître du litige : Aucune des parties à l'instance ne demeure sur le territoire français, M. [N] étant domicilié en principauté de Monaco, Mmes [E] et [S] veuve [L] en Suisse et les sociétés Coloony et Ferncroft ayant leur siège social à [Localité 1] au Canada, le tribunal de grande instance de Grasse ayant, par ailleurs, été saisi d'un litige portant sur la nullité et la dissolution de ces deux sociétés. Il résulte de l'article 42 du code de procédure civile que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur et que s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux ; selon l'article 43 du même code, le lieu où demeure le défendeur s'entend, s'il s'agit d'une personne morale, du lieu où celle-ci est établie et il est de principe que le lieu d'établissement d'une société est le siège social de celle-ci fixé par ses statuts, sauf si le caractère fictif du siège se trouve établi ; en l'occurrence, s'il est démontré que le siège social des sociétés Coloony et Ferncroft est en France, à [Localité 2], où se trouve le domaine [Adresse 5], lequel constitue le principal actif de la société Coloony dont la société Ferncroft est l'associé unique, le tribunal de grande instance de Grasse serait alors compétent pour connaître du litige en vertu du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale). L'article 6, point 1, dudit Règlement dispose, en effet, que si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l'application de l'article 18, paragraphe 1, de l'article 21, paragraphe 2, et des articles 24 et 25 ; l'article 24 énonce précisément que sont seules compétentes, sans considération de domicile des parties, en matière de validité, de nullité ou de dissolution des sociétés ou personnes morales, ou de validité des décisions de leurs organes, les juridictions de l'État membre sur le territoire duquel celles-ci ont leur siège et que pour déterminer le siège, le juge applique les règles de son droit international privé. Contrairement à ce que soutient M. [N], la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 (concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale) ne serait pas applicable dans le cadre du présent litige, dès lors qu'il existe un chef de compétence spéciale relevant du domaine du Règlement (UE) du 12 décembre 2012, en dépit de la domiciliation des parties dans des Etats non membres de l'union européenne, et que la France est liée tant par le règlement (UE) que par la Convention de Lugano. En effet, l'article 64 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 dispose, au point 1, que celle-ci ne préjuge pas de l'application par les Etats membres de la Communauté européenne du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, et de toute modification ayant été apportée à ce Règlement, et, au point 2, qu'elle s'applique en tout état de cause, en matière de compétence, lorsque le défendeur est domicilié sur le territoire d'un Etat où s'applique la Convention (de Lugano), à l'exclusion des instruments visés au point 1, ou lorsque les articles 22 ou 23 de la Convention confèrent une compétence aux tribunaux d'un tel Etat. Ainsi, l'application du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil et de toute modification apportée à celui-ci, ce qui est le cas du règlement (UE) n° 1215/2012 qui s'y substitue, doit être privilégiée par rapport à celle de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 ; en toute hypothèse, qu'il s'agisse de faire application de l'article 24 du règlement (UE) du 12 décembre 2012 ou de l'article 22 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007, la règle de compétence est identique relativement aux actions en nullité ou dissolution de sociétés ou personnes morales, qui doivent être portées devant les juridictions de l'État sur le territoire duquel celles-ci ont leur siège, le juge appliquant, pour la détermination du siège, les règles de son droit international privé. À cet égard, la constitution, le fonctionnement et la dissolution d'une société se trouvent nécessairement déterminés par la loi du pays dont la société relève et cette loi, la lex societatis, régit l'exactitude de la localisation du siège social, y compris son caractère éventuellement fictif ; c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que la réalité du siège statutaire des sociétés Coloony et Ferncroft devait être apprécié au regard de la loi de la province de Nouvelle-Écosse où elles sont constituées et de la loi fédérale du Canada, qui leur est également applicable. En l'état des éléments d'appréciation, qui lui ont été soumis, le premier juge a ainsi pu vérifier que les sociétés Coloony et Ferncroft avaient été régulièrement constituées en vertu de la loi sur les sociétés en Nouvelle-Écosse (Compagnies Act), qu'elles avaient été immatriculées, le 21 décembre 1983 et le 17 novembre 1983, au registre des sociétés, conformément à la loi sur l'immatriculation des sociétés dans la province de Nouvelle-Écosse (Corporations Registration Act) et qu'elles poursuivaient leurs activités, en conformité du droit des sociétés de la Nouvelle-Écosse, dans cette province où s'exerçaient les principales manifestations de leur existence juridique ; il a notamment relevé que les obligations comptables des sociétés Coloony et Ferncroft s'effectuaient par l'intermédiaire d'un cabinet comptable à [Localité 6] au Canada, le cabinet Benson, que les sociétés possédaient des comptes bancaires auprès de la Royal Bank of Canada et de la Canadian Impérial Bank of Commerce et que le cabinet d'avocats Patterson Law situé à [Localité 1] était chargé d'assurer leur représentation (recognized agent) et de veiller au respect des lois sur les sociétés. Le premier juge a également retenu que les assemblées générales des deux sociétés ne se tenaient pas en France et que l'administration fiscale française n'avait elle-même pas remis en cause leur domiciliation à [Localité 1] au Canada, puisque la société Coloony était enregistrée comme société étrangère ayant pour activité la location de terrains et autre biens immobiliers, que les avis d'imposition des deux sociétés, de 2002 à 2015, mentionnaient l'adresse de leur siège social à [Localité 1], que les déclarations annuelles au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe de 3 %, libellées à l'adresse de leur siège social, leur étaient envoyées au centre des impôts « non-résident » à [Localité 7] et que les courriers adressés en 2014 par l'administration fiscale à la société Coloony, dans le cadre d'une procédure de vérification de comptabilité et de redressement fiscal, l'avaient tous été au siège social à [Localité 1] au Canada. En outre, depuis la constitution des sociétés Coloony et Ferncroft en 1983, aucun des directeurs et administrateurs, qui se sont succédés, n'a été domicilié en France et M. [N] n'a nullement, par le passé, contesté la domiciliation des sociétés, puisqu'il a lui-même pris l'initiative de saisir les juridictions de la province canadienne de nouvelle Écosse, notamment dans le cadre d'une procédure judiciaire en « oppression d'actionnaires » diligentée en 2013. Le fait que le domaine de [Localité 4] situé à [Localité 2] en France constitue le seul actif de la société Coloony, dont la société Ferncroft est l'associée unique, ne permet pas d'établir que s'y trouve le siège social réel des deux sociétés, lequel ne peut se confondre avec le lieu où se déroule l'activité ; le siège social est le lieu où s'exerce la direction juridique, financière et administrative de la société et non celui qui constitue le centre de son exploitation et il a été indiqué plus haut que les principales manifestations de l'existence juridique des sociétés Coloony et Ferncroft s'effectuaient à [Localité 1] au Canada où elles étaient constituées et poursuivaient leurs activités en conformité du droit des sociétés de la Nouvelle-Écosse ; si le domaine de [Localité 4] est géré par une agence immobilière John Taylor située à [Localité 8], celle-ci n'est qu'un prestataire de services de la société Coloony et la gestion du domaine par des cabinets comptables domiciliés à [Localité 9] ou en France est indépendante de celle des sociétés Coloony et Ferncroft, dont la comptabilité est tenue au Canada par le cabinet Benson. C'est dès lors à juste titre que le premier juge a considéré que la preuve du caractère fictif du siège des deux sociétés ne se trouvait pas rapportée, ce dont il a justement déduit que le tribunal de grande instance de Grasse n'était pas compétent pour connaître d'un litige portant sur la nullité et la dissolution de sociétés étrangères, renvoyant ainsi le demandeur à mieux se pourvoir conformément à l'article 96 du code de procédure civile. 4-la demande de Mme [E] en paiement de dommages et intérêts pour abus du droit d'ester en justice : Dès lors que l'ordonnance du juge de la mise en état mettait fin à l'instance, il appartenait à celui-ci de statuer sur la demande en paiement de dommages et intérêts, dont il était saisi, sur le fondement de l'article 32'1 du code de procédure civile. L'action en justice introduite par M. [N], pour hasardeuse qu'elle soit, n'apparaît pas cependant constitutive d'un abus de droit caractérisé de sa part de nature à justifier que des dommages et intérêts soient alloués de ce chef à Mme [E] ; l'abus, allégué, du droit d'ester en justice ne peut, en effet, être déduit d'une absence d'intérêt personnel de M. [N] tenant à sa qualité d'associé de la société Ferncroft, de l'obtention prétendument illicite de certaines pièces produites en justice ou de l'existence de nombreuses procédures parallèles introduites par l'intéressé, au Canada, en Belgique, en France ou en principauté de [Localité 9] ; il n'y a donc pas lieu au prononcé d'une amende civile et Mme [E] ne peut qu'être déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour abus du droit d'ester en justice. * * * Succombant sur son appel, M. [N] doit être condamné aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés Coloony et Ferncroft, ensemble, la somme de 5000 € et à Mme [E] la même somme de 5000 € au titre des frais non taxables que ceux-ci ont dus exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

: La cour, Déclare irrecevables les conclusions de M. [N], déposées le 20 novembre 2017, ainsi que les six nouvelles pièces communiquées (n° 82 à 87), Au fond, réforme l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Grasse en date du 31 mars 2017, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes tendant au prononcé d'une amende civile et au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32'1 du code de procédure civile, Statuant à nouveau de ces chefs, Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une amende civile, Déboute Mme [E] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour abus du droit d'ester en justice, Confirme l'ordonnance déférée dans le surplus de ses dispositions, Y ajoutant, Rejette la demande de production de pièces détenues par les sociétés Coloony et Ferncroft, Condamne M. [N] aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés Coloony et Ferncroft, ensemble, la somme de 5000 € et à Mme [E] la même somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code, Le greffier Le président