Tribunal de grande instance de Toulouse, 17 août 2009, 2009/00813

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Toulouse
  • Numéro de pourvoi :
    2009/00813
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : TOP INFORMATIQUE ; TOP-INFORMATIQUE.COM
  • Classification pour les marques : CL09 ; CL35 ; CL40
  • Numéros d'enregistrement : 3561872 ; 3554984
  • Parties : Q (Michel) / S ( Jean)

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Toulouse
2011-07-05
Tribunal de grande instance de Toulouse
2009-08-17

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TOULOUSEORDONNANCE DE REFERE DU 17 Août 2009 DOSSIER N°.09/00813 PRESIDENT : Jean-Charles GARRIGUES, Vice-Président GREFFIER : Michèle JOSSE DEMANDEURM. Michel Q,représenté par Me Françoise BRUYERE, avocat au barreau de TOULOUSE,vestiaire : 3, loco Me Martin G, avocat au barreau de LILLE DEFENDEURM. Jean S,représenté par Me Tessa SENTOU, avocat au barreau de TOULOUSE,vestiaire : 294 loco Me F, avocat au barreau de BORDEAUX, Assignation introductive d'instance en date du 21 Avril 2009 DEBATS: Audience publique du 27 Juillet 2009 ORDONNANCE rendue en premier ressort et mise à disposition au greffe

FAITS ET PROCEDURE

Par acte d'huissier en date du 21 avril 2009, M.QUINTIN a fait assigner M. S devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Toulouse afin d'entendre : - vu l'article 809 du Code de procédure civile ;- vu les articles L.713-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle ;- vu l'article L.713-1 du Code de la Propriété Intellectuelle ;- vu l'article 1382 du Code civil ; - constater l'existence d'un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin de l'utilisation par M.SAUZET d'une marque protégée sans l'autorisation de son auteur ; - interdire sous astreinte de 1000 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir, à M. S tout usage même partiel sur tout support en tout territoire et par quelque moyen que ce soit de la marque et de la dénomination TOP INFORMATIQUE ; - dire que le juge des référés conservera sa compétence en cas de liquidation de l'astreinte ; - ordonner la publication de tout ou partie de la décision dans deux journaux au choix de M. Q, le coût de chaque insertion devant être supporté par M. S ne pouvant excéder la somme de 1500 € ; - condamner par provision M.SAUZET à payer à M.QUINTIN une somme de 20.000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ; - condamner M.SAUZET à payer à M.QUINTIN une somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; - condamner M.SAUZET en tous les frais et dépens, en ce compris les frais de constat d'huissier rendus nécessaires par la présente instance.

MOYENS

ET PRETENTIONS DES PARTIES Aux termes de ses conclusions responsives, M. Q demande au juge des référés de : - vu les articles L.716-6, L.716-5, L.713-1 et L.713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle ;- vu l'article 1382 du Code civil ;- vu les articles 809 et 700 du Code de procédure civile ;- vu les marques françaises TOP INFORMATIQUE et TOP-INFORMATIQUE.COM n°3561872 et n° 3554984 de M.QUINTIN ; - constater l'existence d'un trouble manifestement illicite auquel il convient de mettre fin de l'utilisation par M.SAUZET d'une marque protégée sans l'autorisation de son auteur ; - interdire sous astreinte de 1000 € par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir, à M.SAUZET tout usage même partiel sur tout support en tout territoire et par quelque moyen que ce soit de la marque et de la dénomination T OP INFORMATIQUE ; - dire que le juge des référés conservera sa compétence en cas de liquidation de l'astreinte ; - condamner par provision M.SAUZET à payer à M.QUINTIN une somme de 20.000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ; - constater l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant des actes de concurrence déloyale ; - condamner par provision M.SAUZET à payer à M.QUINTIN une somme de 10.000 € en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale, - condamner M.SAUZET à payer à M.QUINTIN une somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; - condamner M.SAUZET en tous les frais et dépens, en ce compris les frais de constat d'huissier rendus nécessaires par la présente instance. A cet effet, M.QUINTIN fait notamment valoir les arguments suivants : * il expose qu'il est titulaire des deux marques françaises TOP INFORMATIQUE et TOP- INFORMATIQUE.COM déposées le 10 mars 2008 et le 7 février 2008 auprès de l'INPI dans les classes 9, 35 et 40 pour désigner les produits et services suivants : "ordinateurs, composants et périphériques informatique ; vente de matériel informatique ; assemblage d'ordinateurs " ; qu'il est également titulaire d'un nom de domaine "www.top- informatique.com" enregistré le 26 août 2006, sous lequel il commercialise du matériel informatique ; qu'il a eu la surprise de constater en décembre 2008 que M. SAUZET exploitait en nom propre un site internet sous le nom de domaine "www.topinformatique.fr"; que cette dénomination était de surcroît suivie d'un "R" encerclé tendant à faire croire que la marque était enregistrée à son nom ; qu'il a pris attache avec M. SAUZET, mais que la seule concession qu'a pu faire celui-ci était de supprimer le "R" qui suivait la mention TOP INFORMATIQUE ; qu'à la suite d'un courrier recommandé de son conseil, le site "www.topinformatique.fr" a disparu, mais que M.SAUZET utilise toujours cette dénomination au téléphone ; * il soutient qu'il a qualité pour agir en contrefaçon au sens de l'article L.716-6 du Code de la Propriété Intellectuelle ; que M.SAUZET invoque la nullité de ses marques sur le fondement de l'article L.711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle , mais qu'il n'est pas démontré que l'activité de M.SAUZET avait un rayonnement national à la date du dépôt des deux marques , que le nom du domaine de M.SAUZET est postérieur à celui de M.QUINTIN (17-10-2006/28-08-2006), et qu'aucune oeuvre de l'esprit précise de M.SAUZET n'est mentionnée ; que la reprise des marques TOP INFORMATIQUE et TOP-INFORMATIQUE.COM qui, utilisées dans le commerce, désignent directement des produits et services relatifs à l'informatique, par le nom de domaine www.topinformatique.fr qui constitue l'objet de l'activité d'un site internet et désigne ces mêmes produits et services est une atteinte à ces marques ; * il fait valoir qu'il a subi un préjudice du fait de cette atteinte à ses droits de marque, son chiffre d'affaires étant passé de 16.022,60 € en avril 2008 à 6134,25 € en décembre 2008 ; que l'allocation d'une provision de 20.000 € est justifiée ; * il soutient que M.SAUZET a également commis des actes de concurrence déloyale distincts de la contrefaçon, d'une part en exploitant le nom de domaine www.topinformatique.fr deux mois après l'exploitation du nom www.top-informatique.com pour commercialiser des produits et services relevant du même secteur d'activité, d'autre part en provoquant une confusion dans l'esprit de la clientèle afin de profiter du succès de M.QUINTIN ; que là encore le préjudice est indéniable et justifie l'allocation d'une provision . M.SAUZET demande au juge des référés de : - constater que M.SAUZET est titulaire de droits sur le nom TOP INFORMATIQUE depuis le mois d'octobre 2005 ; - juger qu'il n'existe aucun dommage imminent ni aucun trouble illicite ; - juger en outre qu'il n'existe aucun élément rendant vraisemblable une atteinte aux droits du demandeur ou l'imminence d'une telle atteinte ; - juger que la demande de Q se heurte à une contestation sérieuse et qu'il est par conséquent irrecevable en toutes ses demandes ; - le condamner à payer à M.SAUZET une provision de 5000 € à titre de dommages et intérêts en raison du caractère malicieux et abusif de la procédure et du préjudice qui en résulte ; - le condamner aux dépens et au paiement de la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. A cet effet, M.SAUZET fait notamment valoir les arguments suivants : * il soutient que la seule évidence qui s'évince des pièces du dossier est que c'est M. Q qui a usurpé le nom TOP INFORMATIQUE créé par le défendeur et utilisé par lui comme enseigne depuis octobre 2005 ; que cette enseigne a connu un rayonnement national puisqu'il a de surcroît créé en octobre 2006 le nom de domaine topinformatique.fr ; qu'il en résulte qu'il détient un droit antérieur au dépôt des marques invoquées, sur le nom TOP INFORMATIQUE, tant à titre d'enseigne que de droit d'auteur puisque le nom choisi est arbitraire et original ; qu'en application de l'article L.711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle , c'est M.QUINTIN qui ne pouvait adopter comme marque les termes TOP INFORMATIQUE et non le contraire ; que ces marques sont donc susceptibles d'être déclarées nulles dans le cadre de l'examen d'une procédure au fond ; qu'elles sont également susceptibles d'être annulées sur le simple constat que le terme TOP INFORMATIQUE pour désigner des produits et services informatiques apparaît purement et simplement descriptif, ce qui est interdit par l'article L.711-2 du Code de la Propriété Intellectuelle ; * il ajoute que le demandeur aura du mal à justifier de l'existence d'un dommage imminent compte tenu de l'utilisation par le défendeur depuis 2005 du nom querellé, ou d'un trouble manifestement illicite dès lors que le défendeur utilise un nom qui lui appartient comme enseigne depuis une date antérieure aux marques invoquées ; * il soutient également que le juge des référés n'est pas davantage compétent pour dire, en dehors de toute évidence, si un signe ou un nom constitue une contrefaçon au sens des articles L.713-1 et L.713-2 invoqués par le demandeur ; qu'en effet, les marques invoquées sont des marques complexes semi-figuratives qui ne peuvent être protégées que dans leur ensemble, sensé être distinctif de l'activité qu'elles recouvrent ; qu'il n'est pas possible de fractionner une marque pour requérir la protection de chaque élément qui la compose alors qu'elle n'a été accordée que dans sa globalité ; * enfin, il soutient que les conditions de recevabilité de l'action ne sont pas davantage réunies sur le fondement de l'article L.716-6 du Code de la Propriété Intellectuelle ; que le demandeur ne justifie ni de l'existence de droits sérieusement protégeables ni qu'il y serait porté atteinte ; que c'est de façon malicieuse qu'il a engagé la présente action en référé dans le but évident d'exercer une pression sur M. S afin de le conduire à renoncer à ses droits.

SUR QUOI,

LE JUGE DES REFERES, M.QUINTIN fonde ses prétentions sur les dispositions de l'article L.716-6 du Code de la Propriété Intellectuelle : " Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu 'il est porté atteinte à ses droits ou qu 'une telle atteinte est imminente". Les deux marques déposées par M.QUINTIN sont des marques semi-figuratives constituées d'un logo (deux cercles et trois arcs de cercle entremêlés dans le plus petit des deux cercles) et des termes "top informatique" et "top–informatique.com". Le caractère distinctif de ces marques doit être apprécié globalement et non au regard d'un seul de ses éléments . La combinaison du logo et des termes "top informatique" semble suffisante pour donner à l'ensemble ainsi formé un caractère distinctif au sens de l'article L.711-2 du Code de la Propriété Intellectuelle. Il est en revanche de principe que chaque élément d'une marque complexe ne peut être protégé isolément que s'il présente en lui-même un caractère distinctif. Or, en l'espèce, M.QUINTIN ne reproche pas à M. S de porter atteinte à ses marques semi-figuratives, le logo n'ayant pas été reproduit ou imité par le défendeur, et invoque seulement une utilisation de la dénomination "Top informatique". Le caractère distinctif de ces termes paraît tout à fait discutable. En effet, alors que l'article L.711-2 du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que "sont dépourvus de caractère distinctif... les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service " , le mot anglais "top" (sommet) qui entre fréquemment dans la composition de mots français pour donner à un second élément un sens superlatif ( ex. top niveau, top secret ), sert à caractériser la qualité du service ou du produit informatique proposé . Le caractère protégeable des droits invoqués par M.QUINTIN étant très contestable, ses demandes d'interdiction de tout usage de la marque et de la dénomination "Top informatique" doivent être rejetées. Sa demande de provision sera rejetée pour les mêmes motifs. Par ailleurs, M.QUINTIN sollicite sur le fondement de l'article 809 du Code de procédure civile l'allocation d'une provision en réparation du préjudice subi du fait d'actes de concurrence déloyale commis par M.SAUZET, mais cette demande est sérieusement contestable, tant en ce qui concerne la faute, le défendeur utilisant la dénomination "top informatique" comme enseigne depuis le mois d'octobre 2005, qu'en ce qui concerne le préjudice , la preuve d'un lien de causalité entre la faute alléguée et la diminution du chiffre d'affaires de M.QUINTIN n'étant pas rapportée . M. Q, partie perdante au sens de l'article 696 du Nouveau code de procédure civile, sera condamné aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 1500,00 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. S à l'occasion de la présente instance. En revanche, le caractère abusif de la procédure engagée par M. Q n'étant pas établi, la demande de dommages et intérêts formée par M. S sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

, statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort, -Déboute M.QUINTIN de l'ensemble de ses demandes ; -Déboute M.SAUZET de sa demande de dommages et intérêts ; - Condamne M.QUINTIN à payer à M.SAUZET la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Condamne M.QUINTIN aux entiers dépens de l'instance.