Chronologie de l'affaire

Cour de cassation, Chambre sociale, 18 octobre 2017, 16-14.060

Mots clés société · contrat · travail · lien de subordination · ressort · pouvoir · commercial · agent · travail dissimulé · produits · procédure civile · relever · service · contractuelle · directives

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 16-14.060
Dispositif : Rejet
Publication : Inédit au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel de Paris Pôle 6 - Chambre 8, 28 janvier 2016, N° 15/03544
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:SO11045

Chronologie de l'affaire


Texte

SOC.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 octobre 2017

Rejet non spécialement motivé

Mme X..., conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 11045 F

Pourvoi n° P 16-14.060

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Genetec Europe, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l'opposant à M. Radhouane Y..., domicilié [...] ,

défendeur à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 19 septembre 2017, où étaient présents : Mme X..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Z..., conseiller rapporteur, Mme Schmeitzky-Lhuillery, conseiller, M. A..., avocat général, Mme Lavigne, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Genetec Europe, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. Y... ;

Sur le rapport de M. Z..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;


REJETTE le pourvoi ;


Condamne la société Genetec Europe aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Genetec Europe à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES

à la présente décision.

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Genetec Europe.


PREMIER MOYEN DE CASSATION


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit qu'il existait une relation contractuelle entre la société Genetec Europe et M. Y... régie par un contrat de travail en date du 20 avril 2012 et qu'il avait été mis fin à cette relation de travail le 12 décembre 2013, laquelle devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, D'AVOIR condamné la société Genetec Europe à payer à M. Y... diverses sommes à titre de remboursement de frais professionnels, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnités compensatrices de congés payés, d'indemnité de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour travail dissimulé et pour non remise de documents sociaux et D'AVOIR ordonné la remise de documents sociaux conformes à sa décision ;

AUX MOTIFS QUE M. Y... a été contraint de signer un contrat d'agent commercial pour entreprendre une relation de travail avec la SARL Genetec Europe laquelle doit s'analyser en un contrat de travail ; la SARL Genetec Europe affirme qu'elle n'est partie à aucune relation contractuelle avec M. Y..., ce dernier ayant contracté au nom d'une société tierce avec la société de droit canadien Genetec Inc un contrat d'agent commercial ; la société Genetec Europe produit au soutien de son allégation le contrat en cause signé entre la société Genetec Inc. dont le siège social se situe au Canada et la société H2J Networks représentée par M. Y... ; M. Y... explique, concernant ce contrat et la société qu'il représente, que la création de cette société H2J Networks lui a été demandée par M. B..., son interlocuteur dans le cadre des négociations et de l'initiation de la relation contractuelle alors même qu'il était sur le point de partir s'installer en Tunisie pour remplir les missions imparties ; qu'il ajoute que la société H2J Networks n'a ensuite plus jamais été utilisée, il n'a ni devis, ni facture émanant de cette société, que la rémunération au titre de la prestation contractuelle était versée sur son compte personnel et non sur un éventuel compte de la société ; il ressort du mail antérieur à ce contrat d'agent commercial signé par la société Genetec Inc. et la société H2J Networks le 1er mai 2012 versé aux débats que les échanges ont eu lieu entre M. Y... lui-même et M. B..., qui signe l'ensemble des échanges avec les coordonnées des deux sociétés Genetec Inc. et Genetec Europe ou seulement cette dernière ; de même il ressort de l'ensemble des pièces versées aux débats que M. B..., salarié de la société Genetec Europe est l'interlocuteur unique de M. Y..., ce dernier utilisant une adresse mail « genetec.com », ayant communiqué son numéro de portable personnel, les coordonnées de son compte bancaire ; il convient de relever que c'est à bon droit que M. Y... affirme que la société H2J Networks est, en réalité, durant l'ensemble de la relation contractuelle, étrangère à tous les échanges, à l'instar de la société Genetec Inc. ; il ressort ainsi de l'ensemble des éléments produits aux débats que le contrat d'agent commercial en cause, signé par des parties étrangères au présent litige, est sans influence sur celui-ci ; dès lors la société Genetec Europe ne peut donc se prévaloir d'une présomption d'agent commercial sur la base d'un contrat auquel elle n'était pas partie ; il appartient pour autant, à M. Y..., qui se prétend salarié de la société Genetec Europe, en l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, de démontrer l'existence d'un contrat de travail entre lui et la SARL Genetec Europe, notamment par la caractérisation d'un lien de subordination en application des dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail, c'est-à-dire la réalisation des tâches imparties sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; il ressort de l'ensemble des mails échangés concernant la rémunération des prestations fournies par M. Y... que ce dernier perçoit un salaire, que les jours d'absence sont décomptés de ce salaire, qui par ailleurs est fixé chaque mois (4000 euros), outre le remboursement de frais ; il ressort de l'ensemble des pièces versées aux débats que M. Y... s'inscrit dans des relations de travail au sein de la société Genetec Europe dans une équipe organisée et hiérarchisée, lui-même donnant des directives ou en recevant ; ainsi il ressort des mails produits aux débats que M. Y... reçoit les demandes d'explication sur ses résultats, sur ses insuffisances de chiffre d'affaires ou sur différentes questions intéressant les projets commerciaux ou l'organisation du travail (mails des 16 janvier 2013, 19 janvier 2013, 9 février 2013, 18 août 2013 « sois beaucoup plus précis dans tes commentaires [
] je compte sur tes efforts et tes résultats de vente »), 29 août 2013, 13 septembre 2013, 20 septembre 2013, 28 octobre 2013, 22 novembre 2013, 11 décembre 2013) de la part de M. B... ; la seule lecture de ces mails permet de caractériser les directives données par M. B... et le contrôle de leur exécution, l'attente de résultat à l'aune desquels M. B... réclame davantage d'investissement de la part de M. Y... et une modification de la méthodologie de travail ; dès lors ces éléments s'inscrivent dans le pouvoir de direction d'un supérieur hiérarchique et caractérisent l'existence d'un lien de subordination entre M. Y... et la société Genetec Europe ; par conséquent, il y a lieu de considérer que la relation de travail entre M. Y... et la société Genetec Europe repose sur un contrat de travail, M. B... étant le supérieur hiérarchique de M. Y... ;

1°) ALORS QUE l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louages de services, est chargé, de façon permanente de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de service, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux ; qu'en estimant que le contrat d'agent commercial conclu entre la société Genetec Inc. et la société H2J Networks, créée et représentée par M. Y... était « artificiel » et sans influence sur le litige sans rechercher si les contrats conclus par M. Y... dans le cadre de son activité ne l'étaient pas au nom et pour le compte de la société Genetec Inc. et si la rémunération et les frais de M. Y... n'avaient pas été exclusivement payés par cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 8221-6 du code du travail, L. 134-1 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE pour dire que le contrat d'agent commercial conclu entre la société Genetec Inc. et M. Y..., en qualité de représentant de la société H2J Networks, était sans influence sur le litige, la cour d'appel a relevé que l'interlocuteur unique de M. Y..., durant l'ensemble de la relation contractuelle, était M. B..., salarié de la société Genetec Europe et que la société Genetec Inc. avait été étrangère à tous ces échanges ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si M. B... n'était pas à la fois salarié de la société Genetec Europe et de la société Genetec Inc. en qualité de directeur des ventes en vertu de deux contrats de travail distincts régulièrement produits aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 8221-6 du code du travail, L. 134-1 du code de commerce ;

3°) ALORS, au demeurant, QUE la perception d'une rémunération en contrepartie d'une prestation n'est pas un critère caractéristique d'une relation de travail salariée ; qu'en retenant comme élément propre à établir l'existence d'un contrat de travail avec la société Genetec Europe les modalités de rémunération des prestations fournies par M. Y..., la cour d'appel a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 et L. 8221-6 du code du travail ;

4°) ALORS QUE le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que la requalification d'une relation contractuelle en contrat de travail n'est possible que si effectivement et concrètement, un pouvoir disciplinaire a été exercé par le donneur d'ordre ; qu'en retenant l'existence d'un contrat de travail sans relever d'éléments propres à caractériser le pouvoir de la société Genetec Europe de sanctionner disciplinairement les éventuels manquements de M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 8221-6 et L. 1221-1 du code du travail ;

5°) ALORS QUE l'intégration dans un service organisé, à la supposer établie, ne constitue un indice du lien de subordination que lorsque les conditions de travail sont unilatéralement déterminées par le cocontractant ; qu'en affirmant, pour conclure à l'existence d'un contrat de travail, que M. Y... s'inscrivait dans des relations de travail au sein de la société Genetec Europe dans une équipe organisée et hiérarchisée, sans aucunement relever le moindre critère d'intégration dans un service organisé, ni constater que les conditions de travail de M. Y... étaient unilatéralement déterminées par la société Genetec Europe, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 8221-6 et L. 1221-1 du code du travail ;

6°) ALORS QUE la mission d'un agent commercial, ou de façon générale d'un mandataire, n'est pas exclusive d'instructions et de directives en sorte qu'elles ne sont pas justificatives par elles-mêmes d'un lien de subordination ; qu'en estimant que les directives données par M. B... sur les projets commerciaux ou l'organisation du travail s'inscrivaient dans le pouvoir de direction d'un supérieur hiérarchique et caractérisaient l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 8221-6 et L. 1221-1 du code du travail ;

7°) ALORS QUE l'obligation de rendre compte au mandant est inhérente au contrat d'agent commercial ; qu'en déduisant l'existence d'un lien de subordination de mails aux termes desquels M. Y... était invité à s'expliquer sur ses résultats, les projets commerciaux ou son organisation, autrement dit à rendre compte de son activité, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 8221-6 et L. 1221-1 du code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Genetec Europe à payer des dommages et intérêts au titre du travail dissimulé ;

AUX MOTIFS QUE la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ; il résulte des développements précédents afférents à l'identification des cocontractants et à la caractérisation de la relation contractuelle en contrat de travail que le contrat d'agent commercial dont a entendu se prévaloir à tort la société Genetec Europe est tout à fait artificiel ;

en effet il ressort des éléments déjà énumérés que les parties n'ont jamais entendu régir leur relation autrement que par un contrat de travail dans un lien de subordination manifeste et non dans le cadre d'un contrat d'agent commercial ; cet artifice mis en place dès l'origine, et dans le seul but manifeste d'échapper aux contraintes légales résultant des règles d'ordre public du code du travail, tant au cours de la relation de travail que pour sa rupture suffit à démontrer l'intention de la société Genetec Europe de recourir au travail dissimulé ;

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir

sur le premier moyen

en ce qu'il vise le chef de dispositif ayant dit qu'il existait un contrat de travail entre la société Genetec Europe et M. Y... entrainera par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile l'annulation de la disposition de l'arrêt ayant condamné la société Genetec Europe à payer à M. Y... une somme de 39 384 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

2°) ALORS QU'en déduisant le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi salarié du seul recours à un contrat d'agent commercial qu'elle a estimé inapproprié aux relations contractuelles, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 8221-5 du code du travail.