Logo pappers Justice

Conseil d'État, Juge des référés, 22 août 2022, 466206

Synthèse

  • Juridiction : Conseil d'État
  • Numéro d'affaire :
    466206
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Rejet défaut de doute sérieux
  • Publication : Inédit au recueil Lebon
  • Nature : Décision
  • Décision précédente :Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, 21 février 2022
  • Identifiant européen :
    ECLI:FR:CEORD:2022:466206.20220822
  • Identifiant Légifrance :CETATEXT000046228456
  • Avocat(s) : HAAS
Voir plus

Chronologie de l'affaire

Conseil d'État
22 août 2022
Garde des Sceaux, Ministre de la Justice
7 avril 2022
Garde des Sceaux, Ministre de la Justice
21 février 2022

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : 1°) de suspendre l'exécution de la décision du 21 février 2022, ainsi que celle du 7 avril 2022 prise sur recours gracieux, par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de renouvellement de son mandat en qualité de magistrat exerçant à titre temporaire ; 2°) d'enjoindre à cette autorité de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois, à compter de la notification de la présente ordonnance ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, les décisions contestées la privent d'une partie significative de ses revenus et, d'autre part, font peser des difficultés organisationnelles sur le tribunal judiciaire de Coutances ; - il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées ; - la décision du 21 février 2022 a été prise par une autorité incompétente à défaut d'une délégation de compétence ou de signature régulière au profit de son auteur ; - les décisions contestées sont entachées d'erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle n'a pas réellement exercé de premier mandat de magistrat à titre temporaire ; - elles sont entachées d'un vice d'incompétence et, à tout le moins, d'un vice de procédure dès lors qu'elles ont été prises sans que le Conseil supérieur de la magistrature n'ait été préalablement consulté pour avis, en violation des dispositions de l'article 41-12 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 ; - elles méconnaissent le principe d'égalité devant la loi entre les magistrats à titre temporaire et les magistrats titulaires. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées. Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ; - l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ; - la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 ; - le code de justice administrative ; Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme B... et, d'autre part, le garde des sceaux, ministre de la justice ; Ont été entendus lors de l'audience publique du 17 août 2022, à 15 heures : - Me Haas, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme B... ; - les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ; à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.

Considérant ce qui suit

: 1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". 2. D'une part, aux termes des premier et dernier alinéas de l'article 41-10 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Peuvent être nommés magistrats exerçant à titre temporaire, pour exercer des fonctions de juge des contentieux de la protection, d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux judiciaires, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales, les personnes âgées d'au moins trente-cinq ans que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer ces fonctions. / (...) / Les magistrats exerçant à titre temporaire ne peuvent demeurer en fonctions au-delà de l'âge de soixante-quinze ans ". Aux termes du premier alinéa de l'article 41-12 de la même ordonnance : " Les magistrats recrutés au titre de l'article 41-10 sont nommés pour une durée de cinq ans, renouvelable une fois, dans les formes prévues pour les magistrats du siège. Six mois au moins avant l'expiration de leur premier mandat, ils peuvent en demander le renouvellement. Le renouvellement est accordé de droit sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Il est de droit dans la même juridiction ". 3. D'autre part, en vertu des dispositions combinées du VIII de l'article 39 et du III de l'article 50 de la loi organique du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, les dispositions relatives aux juges de proximité figurant au chapitre V quinquies de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée ont été abrogées à compter du 1er juillet 2017. Aux termes du II de l'article 50 de la même loi organique : " Les juges de proximité dont le mandat est en cours à la date de publication de la présente loi organique peuvent être nommés, à leur demande, pour le reste de leur mandat, comme magistrats exerçant à titre temporaire dans le tribunal de grande instance du ressort dans lequel se trouve la juridiction de proximité au sein de laquelle ils ont été nommés, dans les formes prévues à l'article 41-12 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant de la présente loi organique. Leur demande doit intervenir dans le mois suivant la publication de la présente loi organique. Les dispositions relatives à la formation probatoire prévues au même article 41-12 ne leur sont pas applicables. Les dispositions du premier alinéa dudit article 41-12, concernant la nomination pour un second mandat de magistrat exerçant à titre temporaire, leur sont applicables ". 4. Mme B..., née le 29 février 1952, a été nommée au tribunal de grande instance de Coutances à compter du 15 octobre 2010 pour exercer les fonctions de juge de proximité pour un mandat de sept ans non renouvelable, en vertu des dispositions alors applicables de l'article 41-19 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 mentionnée aux points précédents. Ayant demandé à bénéficier des dispositions transitoires du II de l'article 50 de la loi organique du 8 août 2016 rappelées au point 3, du fait de la suppression de son statut au cours de son mandat de juge de proximité, elle a été nommée par décret du président de la République du 21 avril 2017, à compter du 1er juillet 2017, pour exercer au tribunal de grande instance de Coutances comme magistrat à titre temporaire pour le reste de son mandat et, conformément également à sa demande, pour y exercer un nouveau mandat à compter du 15 octobre 2017 pour une période de cinq ans. Mme B... demande, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension des décisions des 21 février et 7 avril 2022 par lesquelles le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de la renouveler dans ses fonctions de magistrat à titre temporaire au tribunal judiciaire de Coutances à compter du 15 octobre 2022 pour une nouvelle période de cinq ans ou, à tout le moins, jusqu'à la date anniversaire de ses 75 ans. 5. En vertu des dispositions transitoires du II de l'article 50 de la loi organique du 8 août 2016 rappelées au point 3, les juges de proximité dont le statut a été supprimé à compter du 1er juillet 2017 au cours de leur mandat de sept ans non renouvelable et qui ont été, à leur demande, nommés pour le reste de leur mandat, magistrats à titre temporaire à compter de cette même date, doivent être regardés comme l'ayant été au titre d'un premier mandat exercé en cette nouvelle qualité, et ce, quelle que soit la durée restant à courir du mandat de sept ans dont ils disposaient jusque-là comme juges de proximité. Ces mêmes dispositions prévoient que la nomination au titre du second mandat de magistrat exerçant à titre temporaire est faite en application des dispositions du premier alinéa de l'article 41-12 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 rappelées au point 2 qui, notamment, précisent que le mandat de magistrat à titre temporaire n'est renouvelable qu'une fois et prévoient la consultation du Conseil supérieur de la magistrature. 6. Il est constant que Mme B... a été nommée magistrate à titre temporaire par décret du président de la République du 21 avril 2017 pour le reste de la durée de son mandat de juge de proximité et pour un nouveau mandat de cinq ans. Dans ces conditions, et alors même qu'il ne lui restait que quelques mois à effectuer au titre du premier mandat de magistrat exerçant à titre temporaire entre le 1er juillet 2017 et le 15 octobre 2017, la demande qu'elle a adressée pour un nouveau mandat de magistrat à titre temporaire à compter du 15 octobre 2022 correspondait non à un second mais à un troisième mandat. Par suite, le moyen tiré de ce que les refus qui ont été opposés à sa demande de renouvellement dans ses fonctions de magistrat à titre temporaire ne seraient pas légalement justifiés dès lors qu'elle n'aurait exercé qu'un mandat d'une durée statutaire de cinq ans à compter du 15 octobre 2017, n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées. 7. Les autres moyens présentés par Mme B... à l'appui de sa demande de suspension tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte, du défaut de consultation du Conseil supérieur de la magistrature et de la violation du principe d'égalité devant la loi n'apparaissent pas davantage, en l'état de l'instruction, comme étant de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées. 8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête de Mme B... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

------------------ Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Fait à Paris, le 22 août 2022 Signé : Olivier Yeznikian