Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Versailles 22 septembre 2016
Cour de cassation 19 octobre 2017

Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 19 octobre 2017, 16-24586

Mots clés société · requête · procédure civile · preuve · produits · salariés · débauchage · concurrence déloyale · restitution · légitime · constat · principal · départs · projet · dénoncés

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 16-24586
Dispositif : Cassation
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 22 septembre 2016
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:C201356

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles 22 septembre 2016
Cour de cassation 19 octobre 2017

Texte

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen

pris en sa première branche :

Vu l'article 145 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, se plaignant de manoeuvres déloyales de débauchage de salariés et d'un détournement de son savoir-faire par la société Compagnie IBM France, la société CSC Computer sciences devenue DXC Technology France (CSC) a saisi un juge des requêtes à fin de voir désigner un huissier de justice pour exécuter diverses mesures d'instruction au domicile de Mme X..., une de ses anciennes salariées embauchée par la société IBM, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que la requête de la société CSC ayant été accueillie, Mme X... l'a assignée devant le juge des référés aux fins de rétractation ;

Attendu que, pour infirmer l'ordonnance entreprise et rétracter l'ordonnance sur requête, l'arrêt retient qu'il convient d'examiner les faits dénoncés par la société CSC au vu des pièces qui ont été produites au soutien de sa requête, qu'elle ne peut que constater l'insuffisance dans la requête et ses annexes d'éléments de fait précis et objectifs pouvant constituer des indices d'actes de concurrence déloyale et que la société CSC ne justifie donc pas d'un motif légitime au jour du dépôt de la requête ;

Qu'en statuant ainsi alors que le juge de la rétractation doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à la société CSC Computer sciences la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société DXC technology France


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté l'ordonnance sur requête du 23 juin 2015, ordonné la restitution à Mme X... de l'intégralité des documents, fichiers, pièces ou supports appréhendés à l'occasion des opérations de constat, ainsi que toutes les copies, fait interdiction à la société CSC de faire un quelconque usage sous quelque forme que ce soit d'un document obtenu à l'issue des opérations de constat et condamné la société CSC à payer à Mme X... la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé; que le juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile vérifie la régularité de la saisine du juge et de l'ordonnance et il apprécie, au jour où il statue, les mérites de la requête ; qu'il doit s'assurer à cet égard de l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui ; 1- Sur l'existence d'un motif légitime : qu'un tel motif existe dès lors que l'action éventuelle au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec, que la mesure sollicitée est utile, qu'elle est légalement admissible et ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes du défendeur ; qu'il convient de souligner que la déloyauté éventuelle du requérant dans la présentation des faits ne peut fonder la demande de rétractation de l'ordonnance ; qu'au soutien de sa requête visant à rechercher les éléments de preuve nécessaires à une action en responsabilité délictuelle et à une indemnisation de ses préjudices, la société CSC dénonce des actes de concurrence déloyale par débauchage de ses salariés et détournement de son savoir-faire, imputables notamment à Mme X..., M. Y... et la société IBM qu'elle présente comme étant l'un de ses concurrents principal et direct ; que la requête versée au dossier comporte un bordereau qui comprend 11 pièces annexées, dont l'une est un extrait KBis de la société CSC et deux autres sont constitués des requêtes et projets d'ordonnances concernant la société IBM et M. Y... ; que l'appelante qui fait grief au premier juge d'avoir entériné les faits dénoncés par la société CSC , qu'elle qualifie de simples supputations, expose que le seul constat de l'embauche de 30 salariés de la société CSC, dont l'effectif est de 2000 personnes, par la société IBM qui en compte plus de 7000, en moins d'une année, est insuffisant pour caractériser l'existence d'un motif légitime ; qu'il convient d'examiner les faits dénoncés par la société CSC au vu des pièces qui ont été produites a soutien de sa requête ; 1°Le procédé de débauchage déloyal : que ce grief est formulé à la lumière d'une liste de 40 noms, qui doit être ramenée à 32 selon les écritures mêmes de la société CSC, de courriels consistant en une invitation du 18 juin 2015 pour un petit déjeuner réunissant les responsables des ressources humaines, émanant de la société IBM à l'intention de la responsable du recrutement de la société CSC(…) qui en a informé le président de la société pour lui indiquer qu'elle avait été contactée à l'initiative de M. Y..., et un courriel du 19 juin 2015 émanant de M. Z... s'inquiétant de la démission de M. A... et de ses conséquences, ainsi que des risques de divulgation d'informations du projet confidentiel CRM chez LCL sur lequel ce salarié travaillait, d'une lettre d'avertissement adressée le 3 février 2015 à Mme X... et de profils « Linkedin3 d'anciens salariés de la société CSC appartenant à l'équipe de Mme X... ; Or : - qu'il est établi que la société CSC a fait le choix de se séparer de six des salariés visés, dont Y..., licencié en juillet 2013 mais présenté comme l'acteur principal de ce débauchage initié à partir de juillet 2014 ; - que ces salariés ne représentent que 8 « partners » et « associate partners », étant souligné que Mme X... mentionne, sans être contredite, que la société CSC a recruté 13 de ses salariés dont cinq « partners », même si ces recrutements se sont déroulés sur une période plus longue ; - qu'il y a eu des flux de salariés désignés comme essentiels pour certains projets entre les deux sociétés ainsi pour le projet LCL, M. A... est parti chez IBM en juin 2015 et Mme B... a rejoint CSC en avril 2015 ; - qu'il n'est nulle part mentionné dans la requête l'embauche par la société de 13 salariés d'IBM correspondant selon elle à des flux normaux dans ce secteur, pas plus qu'il n'est fait état du contexte, qui n'est pas contesté, dans lequel s'inscrivent ces départs dans un flux de 480 départs (…) toutes activités confondues ; - que si la perte d'attractivité de la société IBM, ses conditions de travail dégradées, la faiblesse de son investissement dans le domaine de la formation, alléguée par l'intimée mais étayée seulement à ce jour par des documents syndicaux ou articles de presse, par ailleurs contredits par des pièces produites par l'appelante, visent à démontrer que dans une période de réduction des effectifs de la société, il existerait une contradiction à embaucher massivement en un temps réduit, sauf à vouloir récupérer un savoir- faire immédiat pour développer une branche particulière d'activité ; - qu'il est néanmoins démontré par Mme X... que les départs de salariés de la société s'inscrivent dans un contexte difficile pour cette dernière depuis 2012 avec le départ d'environ 50 « partners » et « associate partners » en 18 mois, une instabilité de l'activité de « Consulting » après le licenciement de M. Y..., deux directeurs (…) s'étant succédé à ce poste pour finalement quitter la société, le signalement par plusieurs cadres dirigeants au mois de mai 2014 de leurs inquiétudes concernant le nonpaiement des rémunérations variables au titre de l'exercice fiscal 2014 dans un climat de fortes tensions (lettre de 23 partners du 14 mai 2014) et la pérennité de l'activité de Consulting (lettre de 38 partners du 28 mai 2014) conforté par le courrier adressé le 4 mai 2015 par M. C... à sa direction pour dénoncer l'absence de réponses aux multiples alertes qui ont été lancées et se plaindre du management et des orientations de la société CSC le conduisant à décider de son épart ; que la lettre d'avertissement rappelant à Mme X... ses obligations au titre de l'article 17 du contrat émanant de la requérante, n'est d'ailleurs pas probante ; qu'il en va de même des produits Linkedin présentés au juge de la requête qui ne sont pas exploitables ; que les éléments fournis à ce juge ne révèlent eux-mêmes rien d'anormal au regard des spécificités du marché, dans un secteur d'activité qui connaît une grande mobilité et une fluctuations de personnels qualifiés, pas seulement parmi les jeunes salariés ; que les problèmes du management au sein de la société CSC, la taille de la société IBM, l'ampleur du plan d'embauche chez IBM, la circonstance que des salariés de CSC ont rejoint d'autres entreprises, comme la société Ernst & Young, le fait que la société CSC se targue aussi de recrutements, notamment de salariés IBM, montrent au contraire que ces pièces ne constituaient pas des indices et présomptions suffisants de l'existence de manoeuvres déloyales entraînant une désorganisation de l'entreprise ; 2° la déstabilisation de la société CSC à raison des départs de ces salariés : qu'aucun élément significatif n'a été présenté au juge des requêtes, en particulier au soutien des affirmations de la société CSC évoquant le départ d'équipes entières de la branche Consulting de la société CSC et de personnes clés des équipes « Technology consulting » et « change management » dont on ignore les effectifs ; qu'il sera encore relevé que la société CSC n'a pas produit au soutien de sa requête ni même à l'occasion de la demande de rétractation et ce, malgré la demande qui lui en a été faite, l'organigramme de l'entreprise et le registre d'entrée et de sortie du personnel ; 3° la perte de clients importants, dont le Crédit agricole et Generalii : qu'il s'agit également de clients historiques de la société IBM qui démontre qu'un projet de collaboration signé en janvier 2015 existe entre les deux sociétés concernant le projet « Nice » (Crédit Agricole) : que s'agissant de la société Generali, il n'est fourni dans la requête aucune précision sur la perte alléguée et il est inopérant pour la société CSC d'expliquer qu'elle aurait perdu un appel d'offres peu de temps après le recrutement par IBM de son équipe, après avoir emporté la première phase de cet appel d'offres, Mme X... indiquant pour sa part avec pertinence qu'il ne peut se déduire de ce seul résultat un détournement de clientèle ; 4° le détournement du savoir-faire de la société CSC : que la société CSC indique dans sa requête qu'elle a développé des outils de pilotage et des technologies particulières qui constituent son savoir-faire, intitulés « serious game », « catalyst » et « devOps » et mis à la disposition de ses salariés des formations continues à travers des outils « CSC University », « Toolkits » et « Skills off books », lesquels sont détournés avec le débauchage d'équipes entières de consultants, mais elle ne fournit aucun élément d'information et de preuve attestant de la spécificité de ces outils et méthodologies dont l'appelante indique qu'il s'agit d'appellations génériques (« devOps » et « serious game ») que la société IBM utilise également depuis des années, versant aux débats des éléments qui démontrent qu'effectivement ces outils et méthodologies sont utilisés par les sociétés de conseils en stratégie ; qu'alors que les débats devant le juge de la rétractation ne peuvent suppléer la carence de la requête initiale, la cour ne peut que constater au cas présent l'insuffisance dans la requête et ses annexes d'éléments de fait précis et objectifs pouvant constituer des indices d'actes de concurrence déloyale ; que la société CSC ne justifiant pas de l'existence d'un motif légitime le jour du dépôt de la requête, l'ordonnance du 23 juin 2015 sera rétractée sans qu'il soit besoin d'examiner l'utilité et la proportionnalité des mesures ordonnées sur requête ; que la société CSC sera déboutée de ses prétentions : 2- Sur les autres demandes : que l'ensemble des opérations de constat doivent être annulées en conséquence de la rétractation de l'ordonnance ayant autorisé la mesure d'instruction ; que la restitution par l'huissier instrumentaire de l'intégralité des documents, fichiers, pièces ou supports appréhendés et séquestrés à l'occasion des opérations de constat ainsi que de toutes copies sera ordonnés sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette restitution d'une astreinte et interdiction sera faite à la société CSC de faire un quelconque usage, sous quelques forme que ce soit, d'une document obtenu à l'issue des opérations de constat ; (…) que l'équité commande enfin d'allouer à la société IBM France la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

1) ALORS QUE le juge saisi d'une demande de rétractation de l'ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, est tenu d'apprécier lui-même, au jour où il statue, et au vu des conclusions et pièces produites par les parties, le bien-fondé de la requête ; que la cour d'appel, après avoir formellement affirmé, à titre liminaire, devoir s'assurer de l'existence du motif légitime à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant elle, a ensuite énoncé qu'il convenait d'examiner les faits dénoncés par la société CSC au vu des pièces qui avaient été produites au soutien de la requête, et n'a effectivement examiné que ces pièces, nonobstant les nombreuses pièces supplémentaires produites par la société CSC devant elle ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 145, 496 et 561 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE toute partie doit pouvoir agir avec la possibilité raisonnable d'exposer sa cause devant un tribunal impartial, dans des conditions qui ne la désavantagent pas d'une manière appréciable par rapport à l'autre partie au procès ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, pour l'essentiel, recopié la décision qu'elle avait précédemment prise dans le litige opposant la société CSC à la société IBM, litige qui quoique connexe se présentait nécessairement sous un jour différent, les griefs faits à une ancienne salariée ne pouvant être identiques à ceux qui sont adressés à son nouvel employeur ; que la cour d'appel avait en outre, dans cette précédente décision, expressément et à tort refusé d'examiner les nouvelles pièces produites par la société CSC ; que la cour d'appel s'est pourtant dispensée de toute motivation spécifique, ce dont atteste le fait qu'elle n'a même pas pris la peine de substituer le nom de la salariée à celui de la société IBM ; qu'elle a ainsi méconnu le principe d'impartialité, ensemble celui de l'égalité des armes, en violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3) ET ALORS en tout état de cause, QUE la société CSC produisait devant la cour d'appel des pièces supplémentaires qui n'avaient pas été soumises au juge des requêtes, ni examinées dans l'instance l'ayant opposée à la société IBM ; qu'elle produisait notamment (pièce n° 24), une pièce intitulée « présentation Axa soutenance conduite du changement », impliquant directement Mme X... dans les faits dénoncés, sur laquelle la cour d'appel ne s'est pas expliquée ; qu'à l'inverse, la cour d'appel a visé « des pièces produites par l'appelante » - sans qu'on sache d'ailleurs lesquelles - censées contredire la perte d'attractivité d'IBM, quand Mme X... produisait tout au plus une pièce susceptible de venir à l'appui de son argumentation sur ce point ; qu'en statuant ainsi, par des motifs tirés d'une autre décision et ne prenant en compte ni les moyens ni les pièces qui lui étaient soumis et qui n'ont à aucun moment fait l'objet d'un quelconque examen, la cour d'appel n'a pas satisfait à l'exigence de motivation qui s'impose à elle en vertu de l'article 455 du code de procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION


Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté l'ordonnance sur requête du 23 juin 2015, ordonné la restitution à Mme X... de l'intégralité des documents, fichiers, pièces ou supports appréhendés à l'occasion des opérations de constat, ainsi que toutes les copies, fait interdiction à la société CSC de faire un quelconque usage sous quelque forme que ce soit d'un document obtenu à l'issue des opérations de constat et condamné la société CSC à payer à Mme X... la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé; que le juge, saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile vérifie la régularité de la saisine du juge et de l'ordonnance et il apprécie, au jour où il statue, les mérites de la requête ; qu'il doit s'assurer à cet égard de l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui ; 1- Sur l'existence d'un motif légitime : qu'un tel motif existe dès lors que l'action éventuelle au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec, que la mesure sollicitée est utile, qu'elle est légalement admissible et ne porte pas atteinte aux intérêts légitimes du défendeur ; qu'il convient de souligner que la déloyauté éventuelle du requérant dans la présentation des faits ne peut fonder la demande de rétractation de l'ordonnance ; qu'au soutien de sa requête visant à rechercher les éléments de preuve nécessaires à une action en responsabilité délictuelle et à une indemnisation de ses préjudices, la société CSC dénonce des actes de concurrence déloyale par débauchage de ses salariés et détournement de son savoir-faire, imputables notamment à Mme X..., M. Y... et la société IBM qu'elle présente comme étant l'un de ses concurrents principal et direct ; que la requête versée au dossier comporte un bordereau qui comprend 11 pièces annexées, dont l'une est un extrait KBis de la société CSC et deux autres sont constitués des requêtes et projets d'ordonnances concernant la société IBM et M. Y... ; que l'appelante qui fait grief au premier juge d'avoir entériné les faits dénoncés par la société CSC , qu'elle qualifie de simples supputations, expose que le seul constat de l'embauche de 30 salariés de la société CSC, dont l'effectif est de 2000 personnes, par la société IBM qui en compte plus de 7000, en moins d'une année, est insuffisant pour caractériser l'existence d'un motif légitime ; qu'il convient d'examiner les faits dénoncés par la société CSC au vu des pièces qui ont été produites a soutien de sa requête ; 1°Le procédé de débauchage déloyal : que ce grief est formulé à la lumière d'une liste de 40 noms, qui doit être ramenée à 32 selon les écritures mêmes de la société CSC, de courriels consistant en une invitation du 18 juin 2015 pour un petit déjeuner réunissant les responsables des ressources humaines, émanant de la société IBM à l'intention de la responsable du recrutement de la société CSC(…) qui en a informé le président de la société pour lui indiquer qu'elle avait été contactée à l'initiative de M. Y..., et un courriel du 19 juin 2015 émanant de M. Z... s'inquiétant de la démission de M. A... et de ses conséquences, ainsi que des risques de divulgation d'informations du projet confidentiel CRM chez LCL sur lequel ce salarié travaillait, d'une lettre d'avertissement adressée le 3 février 2015 à Mme X... et de profils «Linkedin3 d'anciens salariés de la société CSC appartenant à l'équipe de Mme X... ; Or : - qu'il est établi que la société CSC a fait le choix de se séparer de six des salariés visés, dont Y..., licencié en juillet 2013 mais présenté comme l'acteur principal de ce débauchage initié à partir de juillet 2014 ; - que ces salariés ne représentent que 8 « partners » et « associate partners », étant souligné que Mme X... mentionne, sans être contredite, que la société CSC a recruté 13 de ses salariés dont cinq « partners », même si ces recrutements se sont déroulés sur une période plus longue ; - qu'il y a eu des flux de salariés désignés comme essentiels pour certains projets entre les deux sociétés ainsi pour le projet LCL, M. A... est parti chez IBM en juin 2015 et Mme B... a rejoint CSC en avril 2015 ; - qu'il n'est nulle part mentionné dans la requête l'embauche par la société de 13 salariés d'IBM correspondant selon elle à des flux normaux dans ce secteur, pas plus qu'il n'est fait état du contexte, qui n'est pas contesté, dans lequel s'inscrivent ces départs dans un flux de 480 départs (…) toutes activités confondues ; - que si la perte d'attractivité de la société IBM, ses conditions de travail dégradées, la faiblesse de son investissement dans le domaine de la formation, alléguée par l'intimée mais étayée seulement à ce jour par des documents syndicaux ou articles de presse, par ailleurs contredits par des pièces produites par l'appelante, visent à démontrer que dans une période de réduction des effectifs de la société, il existerait une contradiction à embaucher massivement en un temps réduit, sauf à vouloir récupérer un savoir- faire immédiat pour développer une branche particulière d'activité ; - qu'il est néanmoins démontré par Mme X... que les départs de salariés de la société s'inscrivent dans un contexte difficile pour cette dernière depuis 2012 avec le départ d'environ 50 «partners » et « associate partners » en 18 mois, une instabilité de l'activité de « Consulting » après le licenciement de M. Y..., deux directeurs (…) s'étant succédé à ce poste pour finalement quitter la société, le signalement par plusieurs cadres dirigeants au mois de mai 2014 de leurs inquiétudes concernant le nonpaiement des rémunérations variables au titre de l'exercice fiscal 2014 dans un climat de fortes tensions (lettre de 23 partners du 14 mai 2014) et la pérennité de l'activité de Consulting (lettre de 38 partners du 28 mai 2014) conforté par le courrier adressé le 4 mai 2015 par M. C... à sa direction pour dénoncer l'absence de réponses aux multiples alertes qui ont été lancées et se plaindre du management et des orientations de la société CSC le conduisant à décider de son épart ; que la lettre d'avertissement rappelant à Mme X... ses obligations au titre de l'article 17 du contrat émanant de la requérante, n'est d'ailleurs pas probante ; qu'il en va de même des produits Linkedin présentés au juge de la requête qui ne sont pas exploitables ; que les éléments fournis à ce juge ne révèlent eux-mêmes rien d'anormal au regard des spécificités du marché, dans un secteur d'activité qui connaît une grande mobilité et une fluctuations de personnels qualifiés, pas seulement parmi les jeunes salariés ; que les problèmes du management au sein de la société CSC, la taille de la société IBM, l'ampleur du plan d'embauche chez IBM, la circonstance que des salariés de CSC ont rejoint d'autres entreprises, comme la société Ernst & Young, le fait que la société CSC se targue aussi de recrutements, notamment de salariés IBM, montrent au contraire que ces pièces ne constituaient pas des indices et présomptions suffisants de l'existence de manoeuvres déloyales entraînant une désorganisation de l'entreprise ; 2° la déstabilisation de la société CSC à raison des départs de ces salariés : qu'aucun élément significatif n'a été présenté au juge des requêtes, en particulier au soutien des affirmations de la société CSC évoquant le départ d'équipes entières de la branche Consulting de la société CSC et de personnes clés des équipes « Technology consulting » et « change management » dont on ignore les effectifs ; qu'il sera encore relevé que la société CSC n'a pas produit au soutien de sa requête ni même à l'occasion de la demande de rétractation et ce, malgré la demande qui lui en a été faite, l'organigramme de l'entreprise et le registre d'entrée et de sortie du personnel ; 3° la perte de clients importants, dont le Crédit agricole et Generali : qu'il s'agit également de clients historiques de la société IBM qui démontre qu'un projet de collaboration signé en janvier 2015 existe entre les deux sociétés concernant le projet « Nice » (Crédit Agricole) : que s'agissant de la société Generali, il n'est fourni dans la requête aucune précision sur la perte alléguée et il est inopérant pour la société CSC d'expliquer qu'elle aurait perdu un appel d'offres peu de temps après le recrutement par IBM de son équipe, après avoir emporté la première phase de cet appel d'offres, Mme X... indiquant pour sa part avec pertinence qu'il ne peut se déduire de ce seul résultat un détournement de clientèle ; 4° le détournement du savoir-faire de la société CSC : que la société CSC indique dans sa requête qu'elle a développé des outils de pilotage et des technologies particulières qui constituent son savoir-faire, intitulés « serious game », « catalyst » et « devOps » et mis à la disposition de ses salariés des formations continues à travers des outils « CSC University », « Toolkits » et « Skills off books », lesquels sont détournés avec le débauchage d'équipes entières de consultants, mais elle ne fournit aucun élément d'information et de preuve attestant de la spécificité de ces outils et méthodologies dont l'appelante indique qu'il s'agit d'appellations génériques (« devOps » et « serious game ») que la société IBM utilise également depuis des années, versant aux débats des éléments qui démontrent qu'effectivement ces outils et méthodologies sont utilisés par les sociétés de conseils en stratégie ; qu'alors que les débats devant le juge de la rétractation ne peuvent suppléer la carence de la requête initiale, la cour ne peut que constater au cas présent l'insuffisance dans la requête et ses annexes d'éléments de fait précis et objectifs pouvant constituer des indices d'actes de concurrence déloyale ; que la société CSC ne justifiant pas de l'existence d'un motif légitime le jour du dépôt de la requête, l'ordonnance du 23 juin 2015 sera rétractée sans qu'il soit besoin d'examiner l'utilité et la proportionnalité des mesures ordonnées sur requête ; que la société CSC sera déboutée de ses prétentions : 2- Sur les autres demandes : que l'ensemble des opérations de constat doivent être annulées en conséquence de la rétractation de l'ordonnance ayant autorisé la mesure d'instruction ; que la restitution par l'huissier instrumentaire de l'intégralité des documents, fichiers, pièces ou supports appréhendés et séquestrés à l'occasion des opérations de constat ainsi que de toutes copies sera ordonnés sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette restitution d'une astreinte et interdiction sera faite à la société CSC de faire un quelconque usage, sous quelques forme que ce soit, d'une document obtenu à l'issue des opérations de constat ; (…) que l'équité commande enfin d'allouer à la société IBM France la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

1) ALORS QUE le juge saisi sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile est tenu d'apprécier les mérites de la requête au regard des seules conditions de cet article, sans avoir à procéder à l'examen de la recevabilité d'une éventuelle action pas plus que de ses chances de succès sur le fond; qu'en exigeant que soient établis – non de simples probabilités – mais des « faits précis et objectifs pouvant constituer des indices d'actes de concurrence déloyale » et susceptibles, par conséquent, d'assurer le succès de l'action en concurrence déloyale que la société CSC se proposait d'engager, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE l'expertise de l'article 145 du code de procédure civile tend non seulement à conserver ou compléter mais aussi à établir la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, sans qu'une carence dans l'administration de la preuve puisse être retenue à l'encontre du demandeur; qu'en reprochant à la société demanderesse sa carence et l'insuffisance, dans sa requête initiale, de faits précis et objectifs pouvant constituer des indices d'actes de concurrence déloyale, la cour d'appel a méconnu l'objet de l'expertise sollicitée et son autonomie et elle a violé l'article 145 du code de procédure civile;

3) ALORS QU'en reprochant à la société demanderesse sa carence et l'insuffisance, dans sa requête initiale, de faits précis et objectifs pouvant constituer des indices d'actes de concurrence déloyale, sans rechercher si la mesure demandée ne pouvait être de nature à établir de tels indices, relatifs notamment au détournement de savoir-faire, à la perte de clients et au débauchage, et si elle n'était pas dès lors nécessaire à la protection des droits de la société requérante, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 145 du code de procédure civile.