Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 22 mars 2017, 15-16.315

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2017-03-22
Cour d'appel de Montpellier
2015-01-27

Texte intégral

COMM. CGA COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 mars 2017 Rejet Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 437 F-D Pourvoi n° U 15-16.315 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ Statuant sur le pourvoi formé par la société Coste travaux publics, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], contre l'arrêt rendu le 27 janvier 2015 par la cour d'appel de Montpellier (2echambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Services matériels pour travaux Limousin, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société Hitachi Construction Machinery Sales and Services France, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à la société Hitachi Furukawa Loaders Europe, dont le siège est [Adresse 4], défenderesses à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 31 janvier 2017, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Coste travaux publics, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Services matériels pour travaux Limousin, l'avis de M. Le Mesle, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Donne acte à la société Coste travaux publics du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Hitachi Construction Machinery Sales and Services France et Hitachi Furukawa Loaders Europe ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Montpellier, 27 janvier 2015), que le 4 septembre 2003, la société Coste travaux publics (la société Coste) a acheté à la société Services matériels pour travaux Limousin (la société SMTL) une machine de marque Hitachi munie d'un godet à lames ; que courant 2004 et 2005, la société SMTL a procédé à plusieurs réparations sur la machine en ajoutant un contrepoids pour pallier son instabilité et en remplaçant les disques de freins en raison d'une usure importante ; que se plaignant, fin 2005, d'une nouvelle usure des freins que la société SMTL refusait de prendre en charge, la société Coste a demandé en référé une expertise qui a été ordonnée le 7 février 2006 ; qu'après le dépôt du rapport le 21 octobre 2009, elle a assigné, le 11 août 2011, la société SMTL, la société Hitachi Furukawa Loaders Europe et la société Hitachi Construction Machinery Sales and Services France en résolution de la vente pour vice caché ; que la société SMTL a opposé la prescription de l'action sur le fondement de l'article 1648 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que la société Coste fait grief à

l'arrêt de rejeter sa demande de résolution de la vente alors, selon le moyen, qu'en statuant comme elle l'a fait motifs pris que l'action en garantie des vices cachés n'avait été introduite que par assignation du 11 août 2011, soit plus de cinq ans après le premier accedit d'expertise et près de 22 mois après le dépôt du rapport d'expertise, pour en déduire que l'action n'aurait pas été introduite dans le bref délai prescrit par l'article 1648 du code civil, cependant qu'elle contestait que l'assignation en référé expertise, délivrée dès le 11 janvier 2006, était interruptive de la prescription et alors que postérieurement, l'action à l'encontre du vendeur était soumise à la prescription du droit commun, la cour d'appel violé l'article 1648 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 ;

Mais attendu

que lorsqu'une cour d'appel répond à une prétention dans les motifs de son arrêt sans qu'aucun chef du dispositif de celui-ci n'énonce sa décision sur ce point, elle commet une omission de statuer qui peut être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile ; que dans une telle hypothèse, le moyen qui critique les motifs n'est pas recevable ; que tel étant le cas en l'espèce, le moyen est irrecevable ;

Et sur le second moyen

:

Attendu que la société Coste fait grief à

l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur l'inexécution par la société SMTL de son obligation d'information et de conseil alors, selon le moyen, qu'en statuant par ces seuls motifs, impropres à établir que la société Coste - qui, eût-elle été une entreprise spécialisée dans les travaux publics disposant de sa propre équipe de mécaniciens pour l'entretien de son parc de matériels de chantier, n'était pas un professionnel de la même spécialité que le vendeur- disposait des moyens nécessaires pour apprécier, non pas la surcharge qu'impliquait sur la machine l'installation d'un matériel plus lourd que le modèle standard mais l'ensemble des répercussions qui allaient en résulter sur les organes de la machine, particulièrement le système de freinage et les pneumatiques, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu

que l'obligation d'information et de conseil du vendeur à l'égard de son client sur l'adaptation du matériel vendu à l'usage auquel il est destiné n'existe à l'égard de l'acheteur professionnel que dans la mesure où sa compétence ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques du dispositif en cause ; qu'après avoir souverainement apprécié les compétences de la société Coste, spécialisée dans les travaux publics et l'exploitation des carrières, l'arrêt retient que cette société ne pouvait ignorer que le dépassement du poids opérationnel de la machine, tel que fixé par le manuel du fabricant dont elle avait connaissance, engendré par l'installation d'un godet plus lourd que le godet standard puis par celle d'un contrepoids, aurait nécessairement des répercussions sur les organes de la machine et particulièrement sur le système de freinage et les pneumatiques ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Coste travaux publics aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Services matériels pour travaux Limousin la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille dix-sept

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour la société Coste travaux publics PREMIER MOYEN DE CASSATION En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a débouté la société Coste TP de sa demande en résolution de la vente ; Aux motifs que Monsieur [T] est d'avis que le système de freinage n'est pas adapté à l'ensemble constitué de la chargeuse LX 290 E et du godet Intercontinental et que l'insuffisance relevée du système de freinage ne résulte ni de la conception de la chargeuse LX 290 E, ni de celle du godet Intercontinental, mais est à considérer comme un vice caché de l'ensemble chargeuse - godet, rien dans le devis de la société SMTL ne permettant de dire que cet ensemble ne pouvait être normalement utilisé sans mettre en cause à la fois la stabilité de l'ensemble et la durée de vie prévisible de la chargeuse et en particulier du système de freinage ; que l'article 1648 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, dispose que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où la vente a été faite ; il est de principe que le délai prévu par ce texte court du jour où l'acquéreur a une connaissance parfaite du vice ; En l'occurrence, l'insuffisance du système de freinage équipant la chargeuse LX 290 E était connue de la société Coste à tout le moins depuis novembre 2005, puisqu'ayant fait procéder par la société SMTL, suivant facture du 24 mars 2005, aux travaux de réparation du système de freinage, alors que l'engin n'avait été utilisé que 1652 heures, une nouvelle usure prématurée des freins s'est manifestée en novembre 2005 à 2571 heures d'utilisation, que la SMTL a refusée de prendre en charge : l'assignation en référé aux fins d'expertise, interruptive de la prescription, a été délivrée le 11 janvier 2006, mais dès le premier accedit d'expertise, organisé le 22 juin 2006 par M. [T], la surcharge liée à l'emploi d'un godet Intercontinental et au rajout d'un contrepoids destiné à remédier à l'instabilité de marche de la chargeuse, ainsi que l'incidence de cette surcharge sur l'usure prématurée des freins, ont été soulignées par la SMTL, d'une part, et la société Hitachi Furukawa Loaders Europe, d'autre part ; or, l'action en garantie des vices cachés n'a été introduite par la société Coste devant le tribunal de commerce de Rodez que par assignation du 11 août 2011, soit plus de cinq ans après le premier accedit d'expertise, au cours duquel a été clairement évoqué comme cause de l'usure prématurée du système de freinage la surcharge de la machine LX 290 E, et près de 22 mois après le dépôt du rapport d'expertise de M. [T], intervenu le 21 octobre 2009, ayant confirmé l'inadaptation du système de freinage à l'ensemble constitué de la chargeuse LX 290 E et du godet Intercontinental ; Eu égard à la chronologie des faits et au déroulement des opérations d'expertise, l'action de la société Coste, qui n'a pas été introduite dans le bref délai de l'article 1648 du code civil, doit donc être déclarée irrecevable comme prescrite (arrêt, pages 10 et 11) ; Alors qu'en statuant comme elle l'a fait motifs pris que l'action en garantie des vices cachés n'avait été introduite que par assignation du 11 août 2011, soit plus de cinq ans après le premier accedit d'expertise et près de 22 mois après le dépôt du rapport d'expertise, pour en déduire que l'action n'aurait pas été introduite dans le bref délai prescrit par l'article 1648 du code civil, cependant qu'elle contestait que l'assignation en référé expertise, délivrée dès le 11 janvier 2006, était interruptive de la prescription et alors que postérieurement, l'action à l'encontre du vendeur était soumise à la prescription du droit commun, la cour d'appel violé l'article 1648 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005. SECOND MOYEN DE CASSATION En ce que l'arrêt attaqué, de ce chef infirmatif, a débouté la société Coste TP de sa demande en paiement de dommages et intérêts fondée sur l'inexécution par la société SMTL de son obligation d'information et de conseil ; Aux motifs que la société Coste fait grief à la société SMTL de n'avoir pas attiré son attention sur les conséquences de l'adjonction d'un godet inadaptée à la chargeuse et d'un contrepoids supplémentaire, créant une surcharge à l'origine de l'usure prématurée du système de freinage ; (…) que vis-à-vis de l'acheteur professionnel, l'obligation d'information et de conseil du vendeur n'existe que dans la mesure où la compétence de l'acheteur ne permet pas à celui-ci de disposer des moyens nécessaires pour lui permettre d'apprécier les caractéristiques du matériel vendu et les conditions de son utilisation. La société SMTL ne saurait, pour s'exonérer de sa responsabilité éventuelle, se prévaloir des dispositions de ses conditions générales figurant au verso du bon de commande du 4 septembre 2003, selon lesquelles l'acheteur ne pourra, en aucun cas, exercer contre elle une action en dommages, ni demander l'annulation du marché ou de sa commande, si le matériel ne répond pas au travail destiné, stipulation sans rapport avec l'obligation d'information et de conseil pesant sur le vendeur professionnel relativement, non pas aux besoins de l'acheteur, mais aux caractéristiques propres du matériel vendu. La société Coste, qui est une entreprise spécialisée dans les travaux publics et l'exploitation des carrières, employant une cinquantaine de salariés et disposant de sa propre équipe de mécaniciens pour l'entretien de son parc de matériels de chantier, ne pouvait, en revanche, ignorer qu'en faisant installer sur la chargeuse LX 290 E, capable de lever un poids de 8730 kg correspondant à l'ensemble godet -charge, un godet Intercontinental plus lourd de 1500 kg que le modèle standard, conduisant à un poids chargé de 10 395 kg. Elle contribuait ainsi à créer une surcharge sur la machine, que la mise en place d'un contrepoids de 320 kg. Destiné à. Pallier le déséquilibre du train avant, était encore de nature à augmenter la surcharge, à l'origine d'un dépassement du poids opérationnel de la machine fixé à 21 750 kg par le fabricant dans les spécifications contenues dans le manuel de l'opérateur, dont elle avait connaissance, et que ce dépassement de poids opérationnel ne pouvait qu'avoir des répercussions sur les organes de la chargeuse. Particulièrement le système de freinage et les pneumatiques ; la combinaison de la chargeuse LX 290 E et du godet Intercontinental n'était pas en soi incompatible, sous réserve toutefois que le poids maximum du matériau chargé sur le godet Intercontinental n'excède pas 5430 kg (8730 kg - 3300 kg) ; l'utilisation de la chargeuse pour lever et manutentionner un poids de 7 tonnes de matériaux ne pouvait dès lors qu'entraîner une usure prématurée du système de freinage et des pneumatiques, ce que la société Coste, acheteur professionnel disposant de la compétence lui permettant d'apprécier la capacité d'utilisation de la machine, ne pouvait raisonnablement méconnaître ; il s'ensuit qu'elle ne saurait, contrairement à ce qu'a décidé le premier juge, engager la responsabilité de la société SMTL pour manquement à son obligation d'information et de conseil (arrêt attaqué, p. 12 et p. 13) ; Alors qu'en statuant par ces seuls motifs, impropres à établir que la société Coste -qui, eût-elle été une entreprise spécialisée dans les travaux publics disposant de sa propre équipe de mécaniciens pour l'entretien de son parc de matériels de chantier, n'était pas un professionnel de la même spécialité que le vendeur- disposait des moyens nécessaires pour apprécier, non pas la surcharge qu'impliquait sur la machine l'installation d'un matériel plus lourd que le modèle standard mais l'ensemble des répercussions qui allaient en résulter sur les organes de la machine, particulièrement le système de freinage et les pneumatiques, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 1147 du code civil.