AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix octobre mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROMAN, les observations de la société civile professionnelle Jean-Pierre GHESTIN et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DINTILHAC;
Statuant sur le pourvoi formé par : - X... Olivier,
- L'ADMINISTRATION des DOUANES et DROITS
INDIRECTS, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, du 26 janvier 1995, qui, pour infractions à la législation des contributions indirectes, a condamné le premier à des pénalités fiscales, solidairement avec la SARL Minoterie des Alpes, ordonné la confusion des amendes et débouté l'Administration de ses demandes dirigées contre la SA des Ets X... et Louis X...;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
I - Sur le pourvoi d'Olivier X... :
Sur le premier moyen
de cassation pris de la violation des articles
460,
513 et
593 du Code de procédure pénale et de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme;
"en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que, lors de l'audience des débats, la défense d'Olivier X... a été présentée avant les réquisitions du ministère public et avant la plaidoirie du conseil de la partie civile;
"alors qu'aux termes de l'article
513 du Code de procédure, en sa rédaction issue de la loi du 4 janvier 1993, la défense du prévenu doit être présentée après la demande de la partie civile et les réquisitions du ministère public; qu'en astreignant Olivier X..., prévenu, à présenter sa défense en premier, la cour d'appel a violé les textes susvisés";
Attendu que, si l'arrêt mentionne qu'Olivier X..., appelant, a présenté sa défense avant le ministère public, dans l'ordre de parole prévu par les dispositions de l'article
513 du Code de procédure pénale, en leur rédaction antérieure à la loi du 4 janvier 1993, il précise que le prévenu a eu la parole en dernier;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que l'article 513 précité a été rétabli en sa rédaction initiale par la loi du 8 février 1995, l'irrégularité commise n'a pas été de nature à porter atteinte aux intérêts du demandeur;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen
de cassation pris de la violation des articles 20-5 et 33 du décret du 24 avril 1936 et de l'article
593 du Code de procédure pénale; défaut de motif et manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Olivier X... coupable d'avoir, au cours des années 1987 et 1990, mis en oeuvre des quantités de blé supérieures aux capacités annuelles d'écrasement du moulin exploité par la SARL Minoterie des Alpes;
"aux motifs que ni les articles
L. 26 et
L. 27 du Livre des procédures fiscales, ni les articles R 226-1 et suivants, relatifs à la rédaction des procès-verbaux, ne prescrivent l'indication de l'heure à laquelle le contrôle a été effectué au siège de l'entreprise; qu'a fortiori aucune nullité textuelle ne vient sanctionner l'absence de cette mention; que le prévenu ne fournit aucun élément permettant de présumer un contrôle effectué hors des heures légales; qu'à l'occasion de leur visite au siège de l'entreprise, les agents ont rencontré le comptable, dont les heures de travail sont comprises entre 8 heures et 18 heures; qu'aucune atteinte n'a été portée aux droits de la défense (jugement entrepris p. 4, alinéas 9, 10; p. 5, alinéas 1, 2, 3); que c'est par des moyens pertinents que la Cour adopte que les premiers juges ont rejeté les moyens tendant à la nullité des procès-verbaux d'infraction dressés les 26 février 1990, 22 octobre 1990 et 12 novembre 1991;
"alors qu'Olivier X... avait invoqué, dans ses conclusions d'appel, la nullité des procès-verbaux d'infraction et de saisie en raison, d'une part, du visa de textes erronés, d'autre part, du non-respect des dispositions de l'article
R 226-2 du Livre des procédures fiscales relatif aux mentions qui doivent figurer sur les procès-verbaux d'infraction et de saisie et enfin l'absence d'autorisation judiciaire préalable aux visites; qu'en s'abstenant de répondre à ces moyens qui étaient susceptibles de justifier l'annulation de l'ensemble de la procédure, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision";
Attendu qu'il résulte des pièces de procédure qu'avant tout débat au fond devant le tribunal, Olivier X... avait seulement invoqué la nullité des procès-verbaux constatant les infractions de dépassement des droits de mouture dans les locaux de la SARL Minoterie des Alpes, pour non-respect de l'article
L. 27 du Livre des procédures fiscales, faute de mention de l'heure d'intervention des agents verbalisateurs;
Attendu que, pour rejeter cette exception, la cour d'appel se prononce par les motifs adoptés des premiers juges, repris au moyen;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations faisant l'exacte application des articles
L. 28 et
L. 27 du Livre des procédures fiscales, et dès lors, par ailleurs, que le prévenu n'était pas recevable, d'après l'article
385 du Code de procédure pénale, à présenter, en cause d'appel, de nouvelles exceptions de nullité tirées de la procédure antérieure, la juridiction du second degré a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
II - Sur le pourvoi de l'administration des Douanes et droits indirects :
Sur le second moyen
de cassation pris de la violation des articles
1791 et
1800 du Code général des impôts, ensemble violation des articles
1805 du Code général des impôts et
1844-3 du Code civil, ensemble défaut de motif;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la direction générale des Douanes et Droits indirects des demandes dirigées contre la SA des Ets X... et Louis X..., son gérant;
"aux motifs que la SA des Ets X... et Louis X... n'ont pas été attraits sur la procédure; alors qu'en cause l'appel la direction générale des Douanes et droits indirects faisait valoir que, si la SA des Ets X... s'était substituée à la SARL Minoterie des Alpes, il n'y avait pas eu création de personne morale nouvelle et que, dès lors, la procédure pouvait être poursuivie contre la SA des Ets X... et Louis X..., son dirigeant, bien que seule la SARL Minoterie des Alpes ait été citée à l'origine sur la procédure; qu'en omettant de s'expliquer sur ces conclusions, les juges du fond ont privé leur décision de base légale";
Attendu que la partie poursuivante ne saurait se faire un grief de ce qu'elle a été déboutée de ses demandes dirigées contre la SA des Ets X... et contre Louis X..., dès lors que ces personnes n'ont pas été citées devant les premiers juges et n'étaient pas en cause devant la cour d'appel;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais
sur le premier moyen
de cassation pris de la violation des articles
1791 et
1800 du Code général des impôts, ainsi que du principe du non-cumul des peines;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant condamné Olivier X... au paiement de quatre amendes, décidé que la SARL Minoterie des Alpes devait être tenue solidairement des amendes, et ordonné la confusion des amendes prononcées;
"aux motifs qu'aucune disposition légale ne prévoyant en la matière une quelconque dérogation aux dispositions d'ordre public édictées par le Code pénal, il convient d'ordonner la confusion desdites peines;
"alors que le caractère mixte - répressif et indemnitaire - des sanctions susceptibles d'être prononcées en matière de contributions indirectes exclut l'application du principe du non-cumul des peines; qu'en décidant le contraire, pour prononcer la confusion des amendes applicables à Olivier X... et à la SARL Minoterie des Alpes, les juges du fond ont commis une erreur de droit";
Vu lesdits articles, ensemble l'article 20-5 du texte annexe au décret de codification du 24 avril 1936, modifié par l'article 2 du décret-loi du 29 décembre 1938 et l'article 48 de la loi du 27 décembre 1963;
Attendu que les textes précités punissent tout écrasement de blé effectué contrairement aux dispositions de contingentement de l'industrie meunière d'une amende de 100 à 5 000 francs par quintal broyé irrégulièrement;
Attendu qu'après avoir constaté que la SARL Minoterie des Alpes, dont Olivier X... était le gérant, avait dépassé ses droits de mouture de 16 325 quintaux pour l'année 1987, 22 186 quintaux en 1988, 15 690 quintaux en 1989 et 13 155 quintaux en 1990, la cour d'appel a prononcé, pour ces infractions, des amendes respectives de 1 632 500 francs, 2 218 600 francs, 1 569 000 francs et 1 315 500 francs, soit 100 francs par quintal de blé excédant les capacités annuelles d'écrasement; que, cependant, la juridiction du second degré a ordonné la confusion desdites peines, au motif qu'aucune disposition légale ne prévoit une dérogation aux dispositions d'ordre public édictées par le Code pénal;
Mais, attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les pénalités établies en fonction des quantités de marchandises irrégulièrement mises en oeuvre sont nécessairement cumulatives, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes visées au moyen;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs
,
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 26 janvier 1995, par voie de retranchement, en ses seules dispositions concernant la confusion des amendes;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Culié conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Roman conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Pibouleau, Mme Chanet, M. Blondet conseillers de la chambre, MM. de Mordant de Massiac, de Larosière de Champfeu, Mme de la Lance conseillers référendaires;
Avocat général : M. Dintilhac ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;