Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème Chambre, 30 mars 2022, 20LY03684

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Lyon
  • Numéro d'affaire :
    20LY03684
  • Type de recours : Fiscal
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Dijon, 8 octobre 2020
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000045588442
  • Rapporteur : Mme Rozenn CARAËS
  • Rapporteur public :
    Mme VINET
  • Président : M. PRUVOST
  • Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF
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Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Lyon
2022-03-30
Tribunal administratif de Dijon
2020-10-08

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure La SARL OC Distrib'auto a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 avril 2014 et des majorations correspondantes. Par un jugement n° 1902494 du 8 octobre 2020, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2020, la SARL OC Distrib'auto, représentée par la SCP BTSG, agissant en qualité de liquidateur, elle-même représentée par Me Wolf, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge de ces impositions, des pénalités correspondantes et des amendes ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'absence de mention exacte de la nature des amendes l'a privée de la garantie d'une information cohérente, utile et transparente satisfaisant aux prescriptions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ; cette irrégularité est de nature à entraîner la décharge totale des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée et des amendes auxquels elle a été assujettie ; - elle a été privée de la possibilité de saisir la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la mention pré-imprimée relative à cette saisine ayant été rayée alors qu'elle a refusé les redressements proposés et a contesté le caractère irrégulier et non probant de la comptabilité retenu par le service en charge du contrôle ; - si l'administration estime que les factures présentées sont dépourvues d'authenticité, il lui revenait de mettre en œuvre la procédure d'inscription de faux pour les écarter de la procédure. Par un mémoire, enregistré le 1er juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par une lettre du 4 février 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête à fin de décharge des amendes et des intérêts de retard dans la mesure où l'administration a prononcé, antérieurement à l'introduction de l'instance devant le tribunal administratif de Grenoble, la remise de ces intérêts de retard et amendes en application de l'article 1756-1 du code général des impôts. Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Caraës, - et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit

: 1. La SARL OC Distrib'auto, qui a exercé une activité de négociant en véhicules neufs et d'occasion jusqu'à sa mise en liquidation judiciaire prononcée par un jugement du tribunal de commerce de Mâcon du 14 avril 2017, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2014 à l'issue de laquelle elle a été assujettie, suivant la procédure contradictoire, à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée résultant, d'une part, de rappels de taxe collectée omise dans ses déclarations et, d'autre part, de la remise en cause du régime de taxation sur la marge appliqué à certaines opérations de revente de véhicules neufs et d'occasion acquis auprès notamment de fournisseurs allemands, italiens ou français. Les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés ont été assortis des intérêts de retard et, suivant le cas, des majorations aux taux de 40 % et de 80 % prévues au a) et au c) de l'article 1729 du code. La SARL Distrib'auto s'est vu également infliger des amendes sur le fondement des articles 1788 A-4 et 1788 1 du code général des impôts en l'absence d'auto-liquidation et de dépôt des déclarations d'échanges de biens. Par un jugement du 8 octobre 2020, dont la SARL OC Distrib'auto, représentée par son liquidateur, la SCP BTSG, relève appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande de décharge de ces impositions, des pénalités correspondantes et des amendes. Sur la recevabilité des conclusions relatives aux amendes et aux intérêts de retard : 2. Il résulte explications fournies par le ministre en réponse à la lettre informant les parties que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public et des pièces jointes à son mémoire qu'à la suite du jugement plaçant la SARL Distrib'auto en liquidation judiciaire, l'administration a procédé, en application du I de l'article 1756 du code général des impôts, à la remise des intérêts de retard appliqués aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société et des amendes infligées sur le fondement des articles 1788 A-4 et 1788 A 1 a) du code général des impôts. Par suite, les conclusions de la SARL OC Distrib'auto sont, dans cette mesure, sans objet et donc irrecevables. Sur les conclusions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée : En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition : 3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. /L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. (...) ". 4. La SARL OC Distrib'auto soutient que l'absence de mention exacte de la nature des amendes qui lui ont été infligées l'a privée de la garantie d'une information cohérente, utile et transparente satisfaisant aux prescriptions de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales. 5. Les irrégularités qui, selon la société requérante, affecteraient l'avis de mise en recouvrement s'agissant des amendes sur lesquelles il porte ne sont de nature, eu égard au caractère divisible d'un tel acte, qu'à entrainer la décharge de ces seules amendes à l'exclusion des droits en principal. Compte tenu de ce qui a été dit au point 2 ci-dessus, le moyen invoqué est inopérant à l'encontre des droits de taxe sur la valeur ajoutée en litige. 6. En second lieu, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis [...] de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts [...] ". Aux termes de l'article L. 59 A du même livre : " I. La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : / 1° Sur le montant (...) du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition [...]. / II. - Dans les domaines mentionnés au I, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit [...] ". Aux termes de l'article R. 59-1 du même livre : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59 ". Il résulte de ces dispositions que la saisine de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires par l'administration à la demande du contribuable, n'est obligatoire que si persiste un désaccord portant sur une question de la compétence de la commission. 7. La SARL OC Distrib'auto soutient avoir été privée de la possibilité de saisir la commission des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires compte tenu de ce que, dans la lettre du 28 octobre 2015, la mention pré-imprimée relative à la possibilité de saisir la commission a été rayée et ce alors qu'elle contestait le caractère irrégulier et non probant de la comptabilité retenu par le service et notamment la falsification des factures. 8. Si, sur l'imprimé de réponse aux observations du contribuable du 28 octobre 2015, le service a rayé la mention indiquant que " le différend peut être soumis, sur votre demande ou celle de l'administration, à l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ", il résulte de l'instruction qu'à la suite de la notification de la proposition de rectification du 29 juillet 2015, la SARL OC Distrib'auto a, par une lettre du 25 septembre 2015, contesté les majorations appliquées au titre des " prétendus manquements délibérés et manœuvres frauduleuses " en indiquant que son gérant ignorait les conditions d'application du régime de taxation à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge en faisant état de " la prétendue falsification des factures établies par la société Breisach Car GMBH " et de l'absence de communication de celles-ci. Par suite, le différend qui opposait la SARL OC Distrib'auto à l'administration au stade de la réponse aux observations du contribuable quant à l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée était relatif à l'éligibilité des opérations de revente de véhicules au régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts des opérations et, ne portait ni sur le montant du chiffre d'affaires taxable de la société ni sur le caractère irrégulier et non probant de sa comptabilité. Cette question, qui a trait au principe de la taxation selon le droit commun du régime réel d'imposition, n'entre pas dans le champ de compétence de la commission tel qu'il est défini au I de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales. Par suite, la commission n'était pas compétente pour en connaître et le moyen tiré de ce que la SARL OC Distrib'auto aurait été privée de droit de soumettre le litige à la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne peut qu'être écarté. En ce qui concerne le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée : 9. Aux termes du 2° bis du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en œuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ". Aux termes du 1° du I de l'article 297 A du même code : " La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) ". Aux termes de l'article 297 E de ce code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ". 10. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée à la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de la taxation sur la marge prévue par l'article 297 A du code général des impôts, lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E de ce code et, dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. Il en est de même lorsque le bien est acquis auprès d'un fournisseur situé en France et dont le fournisseur est situé quant à lui dans un autre Etat-membre. L'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française connaissait ou ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge. Lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, et sans que pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs. 11. Il résulte de l'instruction que la SARL OC Distrib'auto a, sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2014, revendu selon le régime de la taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts, cent-cinquante-quatre véhicules acquis principalement auprès d'un fournisseur allemand, Breisach Car GmbH. Au cours du contrôle, l'administration a estimé que, s'agissant des véhicules achetés auprès du fournisseur allemand Breisach Car GMBH, le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ne pouvait pas s'appliquer au motif que la SARL OC Distrib'auto était en possession de factures d'achat mentionnant le régime des livraisons intracommunautaires, concernant les autres fournisseurs étrangers, que les mentions portées sur les factures permettaient aisément d'identifier le régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable et concernant les fournisseurs français, que les factures mentionnent clairement une taxe sur la valeur ajoutée calculée sur le prix global hors taxe. Il suit de là que la société ne pouvant se prévaloir de factures conformes aux dispositions de l'article 297 E du code général des impôts, l'administration ne supportait pas la charge de la preuve d'établir le caractère erroné de l'application du régime de taxation sur la marge, ni, a fortiori, le caractère intentionnel d'une application erronée de ce régime de taxation. 12. Concernant plus particulièrement les factures présentées comme dépourvues d'authenticité, si la SARL OC Distrib'auto fait valoir qu'il appartenait à l'administration de " mettre en œuvre une procédure d'inscription de faux " pour les écarter, ce moyen ne peut qu'être écarté comme n'étant pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier la portée. 13. Il résulte de ce qui précède que la SARL OC Distrib'auto n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL OC Distrib'auto est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP BTSG, liquidateur de la SARL OC Distrib'auto et au ministre de l'économie, des finances et de la relance. Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Evrard, présidente assesseure, Mme Caraës, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2022. La rapporteure, R. Caraës Le président, D. PruvostLa greffière, M.-A.... Pillet La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 20LY03684