TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 05 avril 2018
3ème chambre 1 ère section N° RG : 14/17632
Assignation du : 19 novembre 2014
DEMANDERESSE
Société GARDIF SAS [...] - ZAC de l'Europe 77310 SAINT FARGEAU PONTHIERRY représentée par Maître Matthieu HUE de la SELEURL AUGURE AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #G0746
DÉFENDERESSE
Société ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES TRUFFAUT SAS [...] 91090 LISSES représentée par Maître Alexis GUILLEMIN de l'AARPI G FLICHY, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D0133
COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C, Vice-Présidente Aurélie J. Juge Gilles B, Vice-président assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier
DEBATS
A l'audience du 30 janvier 2018 tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Les parties et leurs droits :
La SAS GARDIF expose avoir pour activité principale la distribution de produits de motoculture de plaisance et avoir développé depuis une quinzaine d'années une activité secondaire de distribution puis deconception d'articles liés à l'ornithologie. Elle explique avoir ainsi distribué en France à compter de l'année 2000 des mangeoires et nichoirs à oiseaux fabriqués par la société américaine CEDAR WORKS avant de développer, à compter de l'année 2006, sa propre gamme de produits.
Elle a ainsi déposé les dessins et modèles français suivants : le modèle de nichoir « Flower Bed Bird H » déposé le 28 juin 2007 en classe 3002 de la classification de Locarno et enregistré sous le n° 073030-005, expiré le 28 juin 2012 faute de prorogation de sa durée de validité ; le modèle de nichoir « Confî Home Bird H » déposé le 28 juin 2007 en classe 3002 de la classification de Locarno et enregistré sous le n° 073030-006, expiré le 28 juin 2012 faute de prorogation de sa durée de validité ; le modèle de mangeoire « Comptoir sur pied » déposé le 18 septembre 2008 en classe 3003 de la classification de Locarno et enregistré sous le n° 084136-012, expirant le 18 septembre 2018 ; le modèle de mangeoire « Gazebo Junior » déposé le 18 septembre 2008 en classe 3003 de la classification de Locarno et enregistré sous le n° 084136-008, expirant le 18 septembre 2018 ; le modèle de mangeoire « Le Duo » déposé le 20 août 2010 en classe 3003 de la classification de Locarno et enregistré sous le n° 20104398-002, qui a expiré le 20 août 2015 faute de prorogation de sa durée de validité ; le modèle de mangeoire « Snack Master » déposé le 20 août 2010 en classe 3003 de la classification de Locarno et enregistré sous le n° 20104398-001, qui a expiré le 20 août 2015 faute de prorogation de sa durée de validité ; le modèle de mangeoire « Belle de Jour » déposé le 16 mai 2011 en classe 3002 de la classification de Locarno et enregistré sous le n° 20112499-007, expirant le 16 mai 2021.
La SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T gère un réseau de magasins spécialistes du jardinage, du jardin, de la maison, des loisirs créatifs et des animaux de compagnie.
Elle a acquis auprès de la SAS GARDIF pendant plusieurs années des nichoirs et mangeoires à oiseaux jusqu'à un déréférencement total du 31 août 2014 notifié par courrier du 27 mai 2014. Invoquant une diminution brutale des commandes dès l'année 2011 puis la découverte en octobre 2014 de la commercialisation par la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T de produits identiques à ceux qu'elle venait de déréférencer, la SAS GARDIF a été autorisée, par ordonnance du 14 octobre 2014 rendue sur requête par le délégataire du Président du tribunal de grande instance de Paris, à procéder à une saisie-contrefaçon au siège social de la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T. Les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées le 22 octobre 2014.C'est dans ces conditions que, par exploit d'huissier du 19 novembre 2014, la SAS GARDIF a assigné la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de dessins et modèles.
Parallèlement la société GARDIF a assigné la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T le 2 septembre 2016 devant le tribunal de commerce de Paris en rupture brutale des relations commerciales établies.
Par ordonnance du 17 mars 2016, le délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris a rétracté partiellement son ordonnance du 14 octobre 2014 pour les modèles enregistrés sous les numéros 073030-005 et 073030-006 expirés pour défaut de renouvellement à la date de la requête en saisie-contrefaçon. La SAS GARDIF a sollicité par voie d'incident la communication de l'intégralité des factures d'achat et un décompte des ventes, certifié conforme par son commissaire aux comptes, depuis le 1er janvier 2014, des produits suivants : « Mangeoire Bingo Double » (référence n° 486598) ; « Nid Mangeoire Benga » (référence n° 523930) ; « Nichoir Apple » (référencé n° 523931) ; « Nichoir Apple » (référencé n° 523932) ; « Nichoir Nuage » (référencé n° 523933) ; « Nichoir Nuage » (référencé n° 523934) ; « Nichoir Nuage » (référencé n° 523935) ; « Mangeoire Turkana » (référencé n° 523938) ; « Mangeoire Apple » (référencé n° 523942) ; « Mangeoire Victoria » (référencé n° 523973) ; « Mangeoire Malombe » (référencé n° 523975) ;
Par ordonnance du 29 septembre 2016, le juge de la mise en état a : Rejeté la demande de communication de pièces de la SAS GARDIF au titre des produits référencés « Mangeoire Bingo Double » (référence n° 486598), « Mangeoire Turkana » (référencé n° 523938), « Mangeoire Apple » (référencé n° 523942), « Mangeoire Victoria » (référencé n° 523973) et « Mangeoire Malombe » (référencé n° 523975) tant au titre du droit à l'information qu'à celui du droit commun ; Enjoint à la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T de produire aux débats et de communiquer à la demanderesse sous astreinte une attestation certifiée conforme par un expert-comptable indépendant ou par son commissaire aux comptes précisant pour les produits référencés « Nichoir apple nuage cèdre » 523931 et 523932, «Nichoir nuage cèdre» 523933,523934 et 523935 » et « Nid mangeoire benga » 523930 : le nombre de produits achetés et le montant des achats, le nombre des produits vendus, le chiffre d'affaires et les bénéfices réalisés pour chacune de ces références sur le territoire français depuis le 1er octobre 2014.
Par ordonnance du 23 février 2016, le président du tribunal saisi au fond a autorisé, au visa des articles 145 et 812 du code de procédurecivile, des mesures d'instruction au sein d'un établissement secondaire de la société TRUFFAUT aux fins, notamment, de « constater la présence, en surface de vente, d'un promontoire sur lequel repose, sous forme de classeur, une documentation relative notamment à l'identification des oiseaux et à leur régime alimentaire ». La demande de rétractation de cette ordonnance, formée par la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T, a été rejetée par ordonnance du 30 mars 2017. La SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 juillet 2017 auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article
455 du code de procédure civile, la SAS GARDIF demande au tribunal au visa de l'article
771 du code de procédure civile, des articles
L 113-2,
L 113-5,
L121-1 et
L122-4 du code de la propriété intellectuelle, des articles L513-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, des articles
1382 et
1383 du code civil, de :
A titre principal,
DIRE la société ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T irrecevable en son exception d'incompétence au profit du Tribunal de commerce de Melun ;
DÉBOUTER la société ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T de sa demande de sursis à statuer ;
DIRE que la société ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon au préjudice de la société GARDIF ;
CONDAMNER la société ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T au paiement d'une indemnité de 350 000 € ;
ORDONNER que les produits reconnus contrefaisants soient rappelés des circuits commerciaux et détruits sous astreinte de 500 € par jour à compter d'un délai de huit jours suivant la signification du jugement intervenir ;
A titre subsidiaire,
DIRE que la société ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société GARDIF ;
CONDAMNER la société ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T au paiement d'une indemnité de 350 000 € ; ENJOINDRE à la société TRUFFAUT de cesser toute forme de commercialisation des copies sous astreinte de 500 € par jour àcompter d'un délai de huit jours suivant la signification du jugement intervenir ;
En tout état de cause,
ORDONNER que le jugement à intervenir soit publié, aux trais de la société ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T : *dans le magazine « Truffaut Magazine », édité par la société ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T ; *dans le magazine « Jardineries », édité par la société Groupe J. *sur le site internet www.truffaut.com ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir
CONDAMNER la société ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T au paiement d'une indemnité de 20 000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la société ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T aux entiers dépens.
En réplique, dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 octobre 2017 il sera renvoyé pour un exposé de leurs moyens conformément à l'article
455 du code de procédure civile, la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T demande au tribunal au visa de l'article 713-2 du code de la propriété intellectuelle, de:
S'agissant des demandes présentées à titre principal,
A titre liminaire,
DIRE ET JUGER que la pièce adverse n°54 intitulée « Échanges de SMS du 15 mai 2015 au 1 er juin 2015 » viole le principe de loyauté de la preuve ainsi que le droit fondamental au respect de la vie privée et au respect des correspondances ;
Et REJETER en conséquence des débats la pièce adverse n°54 intitulée « Echanges de SMS du 15 mai 2015 au 1 er juin 2015 » ;
PRONONCER la nullité des opérations de saisie-contrefaçon du 22 octobre 2014 ;
Et ECARTER en conséquence des débats le procès-verbal de saisie en résultant et tout argument y afférent ;
DIRE et JUGER que les modèles français n°073030-005 et n°073030- 006 déposés le 28 juin 2007 n'ont pas été renouvelés à l'expiration de leur première période quinquennale de validité ;Et DECLARER en conséquence la société GARDIF irrecevable en sa demande de contrefaçon des modèles français n°073030-005 et n°07303 0-006 sur le fondement du livre V du code de la propriété intellectuelle ;
En tout état de cause,
PRONONCER la nullité des modèles français n°084136-012, n°084136-008, n°20104398-001, n°20104398-002 et n°20112499- 007 en application des dispositions de articles
L.511-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ;
Et DIRE que le jugement à intervenir sera transmis sur réquisition du greffier à l'INPI pour inscription au registre national des modèles ;
DEBOUTER en conséquence la société GARDIF des demandes présentées au titre de la contrefaçon des modèles français n°084136- 012, n°084136-008, n°20104398- 001, n°20104398-002 et n°20112499-007 sur le fondement du livre V du code de la propriété intellectuelle ;
DIRE que les modèles n°073030-005,073030-006,084136- 012,084136-008, et 20104398-001 revendiqués par la société GARDIF ne sont pas protégeables par le droit d'auteur ;
Et DEBOUTER en conséquence la société GARDIF de l'ensemble de ses demandes présentées au titre de la contrefaçon de droit d'auteur sur le fondement des livres I et III du code de la propriété intellectuelle ;
S'agissant des demandes présentées à titre subsidiaire,
SURSEOIR à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris sur l'appel interjeté par la société TRUFFAUT quant à l'ordonnance de rçféré-rétractation rendue par Madame la présidente de la l ere section -3 eme chambre du tribunal de grande instance de Paris en date du 30 mars 2017, refusant de rétracter l'ordonnance du 23 février 2016 ; DEBOUTER la société GARDIF de l'ensemble de ses demandes subsidiaires présentées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ; DEBOUTER la société GARDIF de l'ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions ; CONDAMNER la société GARDIF à verser à la société TRUFFAUT la somme de 35.000 (trente-cinq mille) euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la société GARDIF aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 décembre 2017 Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article
467 du code de procédure civile.MOTIFS
A titre liminaire, le tribunal observe que, contrairement à ce qu'affirme la SAS GARDIF dans ses dernières écritures, aucune exception d'incompétence n'est soulevée par la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T dans ses dernières écritures.
1°) Sur la demande d'écartement des débats de la pièce n°54 de la SAS GARDIF
La SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES TRUFFAUT soutient, au visa de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et
9 du code civil que la pièce 54 de la demanderesse, qui consiste en des captures d'écrans de sms échangés entre le directeur général de la société GARDIF, Monsieur V, et le directeur centrale d'achats et logistique de la société TRUFFAUT, Monsieur de L doit être écartée des débats car elle comporte de nombreux détails relevant de la vie privée de Monsieur De L et ne sont d'aucune utilité aux débats.
La SAS GARDIF rappelle qu'un fait juridique peut être apportée par tous moyens et que des sms qui n'ont été obtenus ni par fraude ni par violence ne peuvent constituer une atteinte à 1 ' intimité de la personne. Elle ajoute que Monsieur De L n'est pas partie à la procédure alors que lui seul pourrait être recevable à se prévaloir d'une atteinte au respect de sa vie privée.
Sur ce
Au terme de l'article
9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention.
La pièce 54 de la demanderesse, consiste en des captures d'écrans de sms échangés entre le directeur général de la société GARDIF Monsieur Van Eslande, et le directeur central d'achats et logistique de la société TRUFFAUT, Monsieur De L et comporte en effet de nombreux détails intimes touchant à la vie privée de ce dernier. S'il est exact que les faits juridiques se prouvent librement, la SAS GARDIF n'explicite pas le fait que cette pièce serait censée prouver et ne la commente que pour illustrer le contexte des discussions entre les parties. Au regard des atteintes portées à la vie privée de Monsieur De L et de l'absence de démonstration de la nécessité de cette production pour l'exercice par la SAS GARDIF de son droit à la preuve, cette pièce sera écartée des débats.
2°) Sur la validité de l'enregistrement des dessins et modèles français « plateforme » (comptoir sur pied) » n°084136-012,« Gazebo Junior » n°084136-008, « Duo » n°20104398-002, « Snack Master » n°20104398-001, « Belle de jour » n°20112499- 007
Au soutien de sa demande reconventionnelle en nullité de ces modèles, la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T explique :
- Pour le modèle «plateforme» (comptoir sur pied) » : que ses caractéristiques sont exclusivement dictées par des considérations techniques, à l'exclusion de toute dimension esthétique et/ou ornementale
- - Pour le modèle « Gazebo Junior » : qu'il n'est pas nouveau et est dénué de caractère propre, l'intégralité de ses caractéristiques se retrouvant notamment dans la mangeoire « Gazebo » commercialisée dès 2002 par la défenderesse, peu important que ces antériorités aient été créées et divulguées par la SAS GARDIF elle-même, la divulgation destructrice de nouveauté pouvant aussi bien provenir d'un tiers que du créateur lui-même. Elle oppose également des antériorités issues du catalogue « hakudo Pet » de mai 2008 et d'une photographie de mangeoire insérée dans un tableau référençant les prix des produits de l'usine Greenbund, édité le 10 mai 2008. - - Pour le modèle « Duo » : qu'il est dépourvu de caractère propre au vu du dépôt le 27 mai 2009 par la SAS GARDIF d'un modèle de mangeoire n°092639-004 présentant une impression d'ensemble identique. Elle oppose également, au titre du défaut de caractère propre, des antériorités issues du même catalogue « Hakudo Pet » de mai 2008 et du tableau de référencement des prix des produits de l'usine Greenbund de mai 2008. - - Pour le modèle « Snack Master » : qu'il présente des caractéristiques exclusivement fonctionnelles (baguette circulaire servant de perchoirs aux oiseaux ) et est dépourvu de caractère propre au regard des mangeoires « Hopper » commercialisées par la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T à compter de 2002, du produit « YQ2098L » commercialisé par l'usine Greenbund, des modèles « Snack Shark » n°0092639-0014 et « Little Ranch » n°092639 déposés le 27 mai 2009 par la SAS GARDIF et des produits divulgués au sein du catalogue « Hakudo Pet » de mai 2008 et du tableau de référencement des prix des produits de l'usine Greenbund de mai 2008. - - Pour le modèle « Belle de Jour » : qu'il est dépourvu de caractère propre au vu des antériorités tirées du catalogue « Hakudo Pet » de mai 2008, du tableau de référencement des prix des produits de l'usine Greenbund de mai 2008 et du catalogue de produits YOU Qiang de 2007.En réponse, la SAS GARDIF fait valoir : - Pour le modèle « »plateforme» (comptoir sur pied) » : que, si le grillage du fond de la mangeoire est effectivement commandé par sa fonction technique, les autres caractéristiques de son modèle ne le sont pas : le cèdre rouge n'est pas le seul bois imputrescible qui pouvait être utilisé, la forme, la dimension et l'inclinaison des pieds est purement esthétique, tout comme le choix des formes des panneaux latérales, du toit et de la chaînette à l'exclusion de toute dimension technique et/ou ornementale - - Pour le modèle « Gazebo Junior » : qu'il présente des différences majeures avec les mangeoires commercialisées par la défenderesse avant la date du dépôt et qu'au demeurant, ces produits avaient été créées et divulgués par la SAS GARDIF elle-même. - - Pour le modèle « Duo » : que le modèle de mangeoire n°092639-004 présente une impression d'ensemble très sensiblement différente (façades pleines, inclinaison et structure de la toiture distincte, couvercle du toit plus petit et sans poignet...), tout comme les autres produits antérieurs opposés en défense qui sont tous constitués de façades pleines et dotés de toitures et de socles différents. - - Pour le modèle « Snack Master » : que les antériorités opposées se distinguent du modèle opposé par leur absence de tuiles et de baguettes circulaires ou encore de réceptacles de bois à leur extrémité. - - Pour le modèle « Belle de jour » : qu'il se distingue nettement des antériorités opposées, dont aucune ne présente de forme octogonale ni de toit composé de deux rangées de tuiles longitudinales.
Sur ce - Sur le modèle «plateforme» (comptoir sur pied) »
Conformément à l'article
L 511-1 du code de propriété intellectuelle, peut être protégée à titre de dessin ou modèle l'apparence d'un produit, ou d'une partie de produit, caractérisée en particulier par seslignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui- même ou de son ornementation. Est regardé comme un produit tout objet industriel ou artisanal, notamment les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe, les emballages, les présentations, les symboles graphiques et les caractères typographiques, à l'exclusion toutefois des programmes d'ordinateur.
Et, l'article L.511 -8 1 °) exclut de la protection l'apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit.
Au sens de ce texte, le seul fait que les formes prises par le produit incorporant le modèle répondent à des contraintes techniques liées à son utilité et à sa fonctionnalité n'implique pas en soi que ces contraintes techniques dictent exclusivement le choix de la forme et de l'apparence retenues. L'adverbe « exclusivement » implique que le motif de nullité ne peut être retenu que si la forme est commandée par la seule fonction. Pour apprécier ce caractère fonctionnel, rien n'interdit de tenir compte de la multiplicité des formes existantes dans l'art antérieur qui peuvent constituer un indice des variations formelles autorisées par la contrainte technique et, à la différence de l'examen du caractère individuel, de l'effort créatif présidant au choix des formes qui peuvent, sans que cela ne soit pour autant nécessaire, traduire une recherche de l'amélioration de l'esthétique du produit. Par ailleurs, cet examen doit porter sur les caractéristiques dominantes du modèle prises dans leur combinaison et dans leur agencement spécifique qui constituent son apparence au sens de l'article
L.511-1 du code de la propriété intellectuelle.
Seules les représentations qui figurent à l'enregistrement peuvent servir de base à l'appréciation des conditions de validité comme de la contrefaçon du modèle revendiqué, à l'exclusion des produits correspondants commercialisés par la SAS GARDIF. A cet égard, le dépôt n'étant pas en couleur, la couleur rouge du bois ne peut être prise en considération, pas plus que le grillage déposé au fond de la mangeoire qui n'est pas apparent dans l'enregistrement. Le modèle «plateforme» (comptoir sur pied) », qui représente une « mangeoire pour oiseaux sur pieds amovibles pour une suspension éventuelle » peut être ainsi décrit : mangeoire en bois comportant un socle de forme carrée dont chaque côté est composé de deux planchettes superposées dans leur longueur, quatre pieds rétractables en forme de cylindre de bois sont apposés aux quatre angles du socle ; une toiture en deux versants présentant une inclinaison d'environ 20° faisant apparaître, pour chacune, une dizaine de stries horizontales évoquant une juxtaposition d'étroites lamelles de bois , la toiture est soutenue par quatre panneaux verticaux de bois disposés par couple sur deux côtés opposés du socle, les panneaux étant incurvés dansleur partie centrale de telle sorte qu'ils formes, par association, une ouverture en amande en leur milieu ; une chaînette métallique est attachée au toit pour suspendre la mangeoire.
Ses caractéristiques dominantes sont ainsi sa forme générale de maisonnette carrée et ouverte et l'ouverture en forme d'amande de ses panneaux de soubassement.
Si la présence d'un socle pour disposer les graines et d'une toiture pour les protéger est commandée par la fonction de l'objet, leurs formes peuvent être très différentes ainsi que le confirment les différents types de mangeoire en litige dans la présente procédure. Rien n'impose que la toiture soit constituée de deux versants inclinés, et non plats, qu'elle soit striée horizontalement et soutenue par des panneaux incurvés disposés par paire, ces choix ne sont pas exclusivement commandés par une fonction technique mais guidés par des considérations esthétiques.
Les seuls éléments qui sont dictés par les contraintes techniques sont les pieds rétractables, destinés à isoler les graines du sol lorsque la mangeoire n'est pas suspendue, et la chaînette de suspension. Ainsi, seules deux caractéristiques qui ne sont pas dominantes de l'apparence du produit sont exclusivement imposées par leur fonction technique quand la combinaison de ses caractéristiques essentielles ne l'est pas. En conséquence la demande de nullité de la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T pour ce modèle sera rejetée à ce titre.
Sur le modèle « Gazebo Junior »
Sur la nouveauté
Conformément à l'article
L.511-2 du code de la propriété intellectuelle, seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre. A cet égard, en vertu de l'article
L.511-3 du même code, un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la datede dépôt de la demande d'enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.
Et, en application de l'article L511-6, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué s'il a été rendu accessible au public par une publication, un usage ou tout autre moyen. Il n'y a pas divulgation lorsque le dessin ou modèle n'a pu être raisonnablement connu, selon la pratique courante des affaires dans le secteur intéressé, par des professionnels agissant dans la Communauté européenne, avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée. Toutefois, le dessin ou modèle n'est pas réputé avoir été divulgué au public du seul fait qu'il a été divulgué à un tiers sous condition, explicite ou implicite, de secret. Lorsqu'elle a eu lieu dans les douze mois précédant la date du dépôt de la demande ou la date de priorité revendiquée, la divulgation n'est pas prise en considération : a) Si le dessin ou modèle a été divulgué par le créateur ou son ayant cause, ou par un tiers à partir d'informations fournies ou d'actes accomplis par le créateur ou son ayant cause ; b) Ou si le dessin ou modèle a été divulgué à la suite d'un comportement abusif à l'encontre du créateur ou de son ayant cause. Le délai de douze mois prévu au présent article n'est pas applicable lorsque la divulgation est intervenue avant le 1er octobre 2001.
Ainsi, la nouveauté d'un modèle, notion distincte de l'originalité qui est indifférente à sa validité, est objective. Elle s'apprécie par comparaison globale entre le modèle tel qu'il est déposé et le modèle antérieurement divulgué qui est opposé, tous deux pris dans leur ensemble constitué par la combinaison de leurs éléments caractéristiques, et non par l'examen de chacun des éléments qui les composent pris isolément. Seule l'identité entre le modèle et la création divulguée, qui découle de l'absence de différences ou de l'existence de différences insignifiantes révélées par cet examen global, est destructrice de nouveauté, la similitude des modèles ne l’excluant n’en revanche pas. La divulgation peut porter sur toute antériorité sans limite spatio-temporelle dès lors que, dans la pratique normale des affaires, les milieux spécialisés du secteur concerné opérant dans la Communauté pouvaient raisonnablement en avoir connaissance. Il appartient dans ce cadre à celui qui conteste la nouveauté du modèle de rapporter la preuve du contenu et de la date certaine de la divulgation de l'antériorité qu'il oppose et au titulaire des droits sur le modèle de démontrer que sa connaissance n'était pas raisonnablement accessible pour les professionnels du secteur considéré. Au vu des représentations figurant à l'enregistrement, le modèle présenté comme « mangeoire pour oiseaux, avec toit amovible, façon tuiles, pour remplissage » peut être décrit comme suit : -mangeoire en bois en forme de kiosque, dont la base hexagonale est surmontée de six planchettes verticales présentant chacune quatrerainures reliées entre elles à leur base par une petite planche horizontale ; -ces poteaux verticaux supportent un toit aplati en son sommet, également hexagonal, composé de six versants séparés par six étroites lamelles rainurées, chaque versant étant recouvert de trois rangées de tuiles en bois ;
-sur le toit est apposée une planche horizontale de forme hexagonale surmontée de deux demi-sphère en bois, accolées en leur partie bombée, la demi-sphère du haut étant de taille sensiblement plus petite et sert d'attache à une cordelette centrale destinée à suspendre la mangeoire en hauteur ; -au centre de la mangeoire semble être disposé un hexagone transparent, sans que les photographies figurant à l'enregistrement ne permettent d'en distinguer la structure précise.
Ses caractéristiques dominantes sont ainsi sa forme générale hexagonale, sa structure en quatre parties (socles, partie centrale, toit aplati, dispositif d'attache de la suspension) ainsi que le rainurage des planchettes de soubassement et de séparation du toit et les rangées de tuiles du toit.
La défenderesse oppose, au titre de la nouveauté, les mangeoires « Gazebo » commercialisées par elle à compter de 2002 et présente des extraits de ces catalogues de présentation de ces produits pour les années 2002 à 2006. A cet égard, la circonstance liée à ce que ces produits aient été fabriqués et divulgués parla SAS GARDIF est indifférente à leur prise en compte à titre d'antériorité pour l'appréciation de la nouveauté du modèle « Gazebo Junior » puisque cette divulgation est postérieure au 1 er octobre 2001 et antérieure de plus de douze mois au dépôt.
Les photographies de ces produits figurant en particulier aux catalogues TRUFFAUT de novembre-décembre 2003, janvier-février 2004 et novembre-décembre 2006 montrent des mangeoires hexagonales dont la structure est exactement la même que celle du modèle « Gazebo Junior». Néanmoins, des différences sont immédiatement perceptibles puisque les panneaux soutenant la toiture ne sont pas rainures, pas plus que les lamelles de séparation des versants du toit, qui ne sont pas non plus constitués de rangées de tuiles. L'attache de la cordelette est constituée, non pas de deux demi-sphères accolées en leur partie arrondie mais d'une partie de bois en forme de bobine. Ainsi, ces multiples différences excluent que les antériorités opposées soient destructrices de la nouveauté du modèle.
°Sur le caractère propreL'article L.51T-4 du code de la propriété intellectuelle précise qu'un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée. Pour l'appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle.
Ainsi, le caractère propre d'un modèle, notion distincte de l'originalité et indifférente à l'existence d'un effort créateur qui sont étrangers à sa validité qui est présumée, s'apprécie objectivement par comparaison globale entre le modèle tel qu'il est déposé en considération de la représentation et des produits visés et les antériorités opposées prises individuellement et non combinées les unes avec les autres
L'appréciation des impressions visuelles d'ensemble, qui n'implique pas la démonstration d'un risque de confusion, est faite par référence à un observateur averti, doté d'une vigilance particulière dans le secteur considéré. A cet égard, la CJUE précisait dans son arrêt PepsiCo Inc. c. Grupo Promer Mon Graphie SA et OHMI du 20 octobre 2011 que la notion d'utilisateur averti, équivalent à celle d'observateur averti de l'article L.511 -4 du code de la propriété intellectuelle, était intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n'est demandé aucune connaissance spécifique et qui en général n'effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d'homme de l'art, expert doté de compétences techniques approfondies et qu'elle pouvait de ce fait s'entendre comme désignant un utilisateur doté d'une vigilance particulière en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré. Elle ajoutait que le qualificatif « averti » suggère que, sans être un concepteur ou un expert technique capable d'observer dans le détail les différences minimes susceptibles d'exister entre les modèles ou dessins en conflit, l'utilisateur connaît différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d'un certain degré de connaissance quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d'un degré d'attention relativement élevé lorsqu'il les utilise. Ainsi compris, l'utilisateur ou F observateur averti procédera lorsque cela est possible à une comparaison directe des dessins ou modèles en cause mais, si une telle comparaison est infaisable ou inhabituelle dans le secteur concerné, pourra se fonder sur le souvenir imparfait de l'impression globale produite par les dessins ou modèles opposés.
Le TUE soulignait dans son arrêt du 29 octobre 2015 Roca S SAe c.OHMI et Villeroy & Boch AG que, lors de l'appréciation du caractère individuel il devait être tenu compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s'applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et notamment du secteur industriel dont il relève, du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle, d'une éventuellesaturation de l'état de l'art qui peut être de nature à rendre l'utilisateur averti plus sensible aux différences entre les dessins ou modèles comparés, ainsi que de la manière dont le produit en cause est utilisé, en particulier en fonction des manipulations qu'il subit normalement à cet occasion. Il ajoutait que l'impression globale produite sur l'utilisateur averti doit être différente de celle produite par l'antériorité opposée, exclusive de tout sentiment de déjà-vu, en ayant égard à des différences suffisamment marquées.
Le modèle n° 084136-008 est une mangeoire pour oiseaux. L'observateur averti étant celui à qui le produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé est destiné, il est ici le destinataire final du produit concerné, soit le particulier souhaitant un dispositif d'extérieur pour nourrir les oiseaux.
La date de divulgation des antériorités opposées par la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T n'est pas contestée par la SAS GARDIF. Celles-ci sont au nombre de sept et consistent en des mangeoires à oiseau de forme hexagonales, dont les mangeoires « Gazebo » commercialisée par la SAS GARDIF à compter de 2002 et qui constituent, selon la demanderesse, la précédente version du produit « Gazebo Junior ». L'analyse comparée globale de ces dernières prises individuellement avec le modèle peut être ainsi faite, l'appréciation du caractère individuel étant d'autant plus stricte que la liberté de création est grande, ce qui est ici avéré par les différentes mangeoires en débat dans le cadre de cette procédure.
Il a été vu que les mangeoires « Gazebo » figurant au catalogue TRUFFAUT de novembre-décembre 2003, janvier-février 2004 et novembre-décembre 2006 se distinguent du modèle « Gazebo Junior »par leur absence de rainures sur les six panneaux soutenant la toiture et sur les six lamelles séparatives des versants du toit ainsi que par leur absence de tuiles et par une variation de la forme d'attache de la cordelette de suspension. Si ces différences sont suffisantes pour conférer un caractère nouveau au modèle « Gazebo Junior », elles ne portent que sur des caractéristiques décoratives, la forme hexagonale et la structure en quatre parties des mangeoires étant en revanche strictement identiques. Dès lors, l'impression d'ensemble que ces produits susciteront chez l'observateur averti, qui connaît les multiples formes que peuvent revêtir des mangeoires pour oiseaux et aura gardé essentiellement en mémoire la forme hexagonale et la structure en quatre parties des mangeoires « Gazebo » ne diffère pas de celle produite par le modèle « Gazebo Junior » qui est dès lors dépourvu de caractère propre.
Conformément aux articles L 512-4 et L 512-6 du même code, l'enregistrement d'un dessin ou modèle est déclaré nul par décision de justice notamment s'il n'est pas conforme aux dispositions des articles
L 511-1 àL 511-8, la décision judiciaire prononçant la nullité totale oupartielle d'un dessin ou modèle ayant un effet absolu et étant inscrite au registre national mentionné à l'article L 513 -3.
L'enregistrement de ce modèle sera dès lors annulé, sans qu'il soit besoin de procéder à l'examen des autres antériorités mises aux débats.
Le modèle n° 20104398-002 étant également une mangeoire pour oiseaux ; l'observateur averti est là encore le particulier souhaitant un dispositif d'extérieur pour nourrir les oiseaux. Il peut être décrit comme suit : -mangeoire en quatre parties, constituée d'un socle de forme carré ou légèrement rectangulaire, d'un toit pyramidal, aplati en son sommet, en quatre versants lisses inclinés à environ 45 degrés et surmonté d'une planche horizontale, de même forme que le socle, supportant en son centre une demi-sphère métallique à laquelle est relié un anneau lui-même métallique ; -le toit est relié au socle par quatre poteaux verticaux disposés aux quatre coins intérieurs du socle bois. L'espace entre les poteaux est ouvert ; -au centre de la mangeoire semble être disposé un cylindre translucide.
Ses caractéristiques dominantes sont ainsi sa forme générale alliant un socle carré ou rectangulaire à un toit aplati en pyramide à quatre faces soutenu par quatre poteaux sans parois, au centre desquels est installé un cylindre translucide en son milieu destiné à recevoir les graines.
La défenderesse oppose en premier lieu le modèle « café de la gare » n°092639 -004 déposé le 27 mai 2009 par la SAS GARDIF, qui se distingue du modèle « Duo » par la présence de parois transparentes entre les poteaux, au lieu du cylindre translucide, et par un système d'attache composé d'une simple cordelette au lieu de l'anneau métallique. La structure générale de la mangeoire, composée d'unsocle carré ou rectangulaire, d'un toit pyramidal à quatre faces aplati en son sommet et relié au socle par quatre poteaux verticaux disposés aux quatre coins intérieurs de celui-ci est en revanche identique. Et, la présence de parois reliant les poteaux, est du fait de leur aspect translucide, insignifiante dans l'apparence générale du produit et rappelle au demeurant la transparence du cylindre du modèle « Duo ». Ainsi, le modèle « café de la gare » suscitera chez l'observateur averti, au regard de la grande liberté laissée au créateur du modèle en la matière, une impression d'ensemble semblable à celle produite par le modèle « Duo » qui est dès lors dépourvu de caractère propre. Son enregistrement sera annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres antériorités mises aux débats par la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T.
Le modèle n° 20104398-001 est également une mangeoire pour oiseaux, l'observateur averti est identique que pour les précédents modèles. Il peut être décrit comme suit, étant précisé que le contenu de la mangeoire, visible sur la photographie est par nature exclu du champ de la protection qui s'étant uniquement à la forme du produit : - mangeoire constituée d'un socle plat rectangulaire légèrement surplombé dans ses longueurs par deux baguettes de bois horizontales (mais non circulaires comme le prétend la demanderesse qui se fonde non sur la représentation de son modèle mais sur le produit qu'elle commercialise), d'un toit incliné en deux versants recouverts chacun de quatre rangées de tuiles relié au socle par quatre planchettes verticales apposées au quart de chacune des longueurs, de manière à former dans leur centre un réceptacle à graines fermé dans la longueur par des parois transparentes. La représentation du modèle ne permet pas de percevoir les parois latérales, masquées par un contenu indéterminé ; - à l'extérieur du réceptacle, sur les deux largeurs du rectangle de socle, est disposé un système de barrière en bois composé verticalement de deux petits poteaux et horizontalement de trois barres traversantes, permettant la rétention de contenu ; - les versants de la toiture dépassent en longueur et en largeur les parois verticales transparentes ; - un système d'attache par cordelette est visible sur la toiture.Ses caractéristiques dominantes sont ainsi son allure générale en forme de barque surmontée d'un toit débordant, la transparence de son centre et les barrières clôturant la mangeoire dans sa largeur.
La défenderesse oppose en premier lieu la mangeoire « Hopper » qu'elle commercialise depuis novembre-décembre 2002, la mangeoire YQ2098L de l'usine Greenbund, deux modèles « Snack Shark » n°0092639 -0014 et « Little ranch » n°092639 déposés par la SAS GARDIF le 27 mai 2009, une mangeoire référence BB3-20561 du catalogue « hakudo pet » de mai 2008 et un produit issu du tableau « quotation spécification sheet » de juin 2008. La date de divulgation de ces antériorités n'est pas contestée.
S'agissant du modèle « Snack Shark », il présente les mêmes caractéristiques dominantes que la mangeoire « Snack Master », à savoir la forme rectangulaire surmonté d'une barre longitudinale, le toit à tuiles dépassant sur les côtés, l'aspect ouvert de son centre et le système de barrières à ses extrémités. Il ne s'en distingue que par la structure et la composition des clôtures latérales qui, sur le modèle « Snack Shark » ressemblent à des grillages et non des barrières en bois. Pour autant, cette différence ne sera pas dominante pour l'observateur averti qui sera sensible à l'identité de structure entre les modèles et, notant la présence identique de deux systèmes de clôtures latérales, aura la même impression d'ensemble à l'examen des deux modèles. Ainsi, le modèle « Snack Master » est dépourvu de caractère propre. Son enregistrement sera annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres antériorités mises aux débats par la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T.
- Sur le modèle « belle de jour »
Le modèle n° 20112499-007 est également une mangeoire pour oiseaux, en forme de kiosque à base octogonale surmontée de huit poteaux verticaux espacés entre eux d'environ du double de leur largeur, reliés entre eux à leur base par des lattes de bois horizontales et rectilignes de même épaisseur que les poteaux et à leur sommet par des lattes creusées en arc de cercle. La toiture qui surplombe la structure est circulaire et composée de deux rangées de tuiles en boisen forme de gouttes. Son sommet est constitué par un couvercle également circulaire, de même couleur que le bois des poteaux et du socle quand les tuiles apparaissent plus sombres, d'où semble sortir une cordelette permettant la suspension de la mangeoire. Un cylindre transparent est visible en son centre.
Ses caractéristiques dominantes sont ainsi sa forme générale octogonale, sa structure en quatre parties (socle, partie centrale évidée, tuiles et sommet) ainsi que les particularités de ses tuiles en forme de larges gouttes.
Ces caractéristiques sont toutes visibles dans plusieurs des mangeoires opposées par la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T au titre du défaut de caractère propre, dont la teneur et la date de divulgation, antérieure au dépôt du modèle « Belle de jour »ne font l'objet d'aucune contestation. En particulier, les mangeoires Greenbund « JH007 », « JH008 » « GB102 » (pièces TRUFFAUT 29 et 30) datant de 2010, présentent la même forme octogonale, la même structure en quatre parties et une toiture revêtue de tuiles en forme de gouttes, la seule différence tenant au nombre de rangées de tuiles : trois dans les antériorités contre deux dans le modèle opposé. Ces différences sont trop insignifiantes pour conférer un caractère propre au modèle « Belle de jour » au regard de la grande marge de liberté laissé au créateur de modèles de mangeoires. L'observateur averti, qui connaît les différentes compositions que peuvent revêtir les dispositifs d'extérieur pour nourrir les oiseaux, retiendra essentiellement la forme de kiosque octogonale et le caractère décoratif des tuiles en gouttes, sans égard pour le nombre de rangées de tuiles et aura la même impression d'ensemble à l'examen de ces différentes mangeoires. Ainsi, l'enregistrement du modèle « Belle de jour » sera annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres antériorités mises aux débats par la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T.
Faute de titre, la SAS GARDIF n'a pas qualité pour agir en contrefaçon de modèles au sens des articles
31 et
32 du code de procédure civile pour les mangeoires « Gazebo Junior », « Duo », « Snack Master », « Belle de jour ». Ses demandes sur ce fondement sont intégralement irrecevables conformément à l'article
122 du code de procédure civile.
Seule la demande au titre de la contrefaçon du modèle «plateforme» (comptoir sur pied) » n°084136 - 012 est recevable.
3°) Sur les demandes au titre du droit d'auteur
La SAS GARDIF affirme qu'en dépit de l'expiration de la validité des modèles de nichoirs « Flower Bed Bird H » n° 073030-005 et « Confi Home Bird H » n° 073030-006, elle est titulaire de droits d'auteurs sur ces derniers. Elle conclut à titre subsidiaire à la protection des mangeoires « Gazebo Junior », « Duo », « Snack Master », « Belle de jour ».La SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T conteste l'originalité de ces produits en relevant l'absence d'explicitation de choix libres et créatifs de leur auteur. Pour le nichoir « Flower bed H » comme pour le nichoir « Comfi home », elle affirme que toutes leurs caractéristiques sont dictées par des impératifs techniques et qu'ils s'inscrivent dans le fonds commun des nichoirs en forme de maisonnette. S'agissant des demandes subsidiaires au titre du droit d'auteur pour les mangeoires « Gazebo Junior », « Duo », « Snack Master », « Belle de jour », elle conclut également à l'absence de protection des produits faute d'explicitation de leur originalité.
Sur ce
En vertu des articles
31 et
32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir étant irrecevable.
Et, conformément à l'article
122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En application de l'article
L 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. Et, en application de l'article L 112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute œuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.
Dans ce cadre, si la protection d'une œuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole et le principe de la contradiction posé par l'article
16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques qui fondent l'atteinte qui lui est imputée et apporter la preuve qui lui incombe de l'absence d'originalité.A cet égard, si une combinaison d'éléments connus ou naturels n'est pas a priori exclue de la protection du droit d'auteur, encore faut-il que la description qui en est faite soit suffisamment précise pour limiter le monopole demandé à une combinaison déterminée opposable à tous sans l'étendre à un genre insusceptible d'appropriation.
La SAS GARDIF décrit ses nichoirs « Flower Bed Bird H » et « Confi Home Bird H » comme suit :
Pour le premier :
» Il s'agit d'un nichoir en cèdre rouge avec une ouverture de 28 mm en face avant pour accueillir les mésanges bleues. Ce nichoir est de forme rectangulaire et verticale, recouvert d'une toiture en deux versants inclinés de 45°. L'ouverture destinée à l'oiseau est située en partie haute de la façade avant, centrée sous le faitage de la toiture. Sa façade avant est rainurée (cinq rayures verticales) et ornementée d'une fleur autour de l'ouverture et de deux autres fleurs de plus petite taille, respectivement positionnées dans l'angle inférieur gauche de la façade et en bas à droite de l'ouverture. Deux autres fleurs ornent le versant droit de la toiture ; l'une en bas à gauche, l'autre en haut à droite. Le flanc droit du nichoir est constitué d'une trappe d'accès manuel, qui bascule par un effet pendulaire du bas vers le haut. En façade avant et arrière, les bords latéraux sont arrondis sous la toiture. Le nichoir est équipé d'un crochet en façade arrière pour être suspendu en hauteur. »
Et pour le second :
» Il s'agit d'un nichoir pour rouges-gorges, en cèdre rouge, composé d'un socle rectangulaire de faible profondeur (nichée), surmonté en partie arrière de trois parois verticales (l'une à gauche, l'autre à droite et la troisième en arrière) soutenant une toiture à lamelles horizontalesconstituée de deux versants inclinés de 45°. La partie avant du nichoir fait place à une large ouverture. Les extrémités des deux versants de la toiture (représentant deux lamelles) sont légèrement moins inclinées que le reste des versants, donnant un aspect cassé à la toiture. Les versants de la toiture débordent légèrement à gauche et à droite du nichoir. Le flanc arrière de la toiture est aligné sur la paroi arrière verticale du nichoir, alors que le flanc avant dépasse légèrement de la paroi avant du socle. Le nichoir est équipé d'un crochet métallique en façade arrière pour être suspendu en hauteur. »
Les caractéristiques mises en avant par la SAS GARDIF découlent de la stricte observation objective des nichoirs produits aux débats en pièce 5 et 6 et sont de ce fait étrangères à la caractérisation de leur originalité faute de révéler les choix traduisant la personnalité de leur auteur. Rien ne permet en effet de comprendre en quoi la forme et la structure de ces produits, imitant de manière particulièrement banale des maisonnettes, sont le fruit d'un choix arbitraire de l'auteur et non la reprise d'une association banale appartenant au fond commun des nichoirs et répondant aux impératifs fonctionnels liés à l'espèce d'oiseau auxquels ils sont destinés. Or, les nichoirs produits en défense révèlent que cet agencement en forme de maison fermée ou semi-ouverte, selon la nature cavernicole ou semi-cavernicole des oiseaux destinés à être accueillis, correspond au fonds commun des nichoirs pour ce type d'espèce, les seuls éléments décoratifs (les fleurs pour le nichoir « Flower home » et la légère cassure visible sur le toit pour le nichoir « comfi home ») étant largement insuffisants pour conférer à ces produits banals un caractère original.
En conséquence, à défaut d'explicitation de l'originalité des nichoirs invoqués, la SAS GARDIF ne bénéficie à leur endroit d'aucun droit d'auteur et n'a pas qualité pour agir en contrefaçon au sens des articles
31 et
32 du code de procédure civile et
L 331-1 du code de la propriété intellectuelle. Ses demandes sont intégralement irrecevables conformément à l'article
122 du code de procédure civile.
De manière identique, ses demandes subsidiaires au titre du droit d'auteur pour les mangeoires « Gazebo Junior », « Duo », « Snack Master », « Belle de jour » sont également irrecevables, faute de toute explicitation de leurs caractéristiques originales, la SAS GARDIF ne livrant, pour chacun, qu'une description purement technique sans caractériser les choix créatifs ayant présidé à leur conception et leur conférant l'empreinte de la personnalité de leur auteur. Il est de plus établi qu'ils présentent tous une impression d'ensemble similaire à celle des antériorités mises aux débats par la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T et étudiées au stade de l'examen de la validité des modèles. Puisant dans le fonds commun des mangeoires sans se départir notablement de l'existant, ils sont dénués, outre de caractère propre, de toute originalité et ne peuvent bénéficier, de ce fait, de protection par le droit d'auteur.4°) Sur la contrefaçon du modèle «plateforme» (comptoir sur pied) » n°084136-012
- Sur la validité du procès-verbal de saisie contrefaçon
La SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T soutient que le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 22 octobre 2014 est nul en raison du délai insuffisant de trois minutes qui s'est écoulé entre la signification de l'ordonnance et le début des opérations, lequel n'a pas permis au saisi, au regard de la densité de la requête et de l'ordonnance, de faire valoir ses droits de défense.
En réponse, la SAS GARDIF rappelle que la lecture de la requête et de l'ordonnance par l'huissier a commencé 12 minutes avant le début des opérations, ce qui a laissé un délai raisonnable à la SAS GARDIF qui n'a souffert d'aucun grief et a pu amplement s'expliquer sur les faits mentionnés dans l'ordonnance.
Sur ce
La saisie-contrefaçon étant un mode de preuve de la contrefaçon et non un acte de procédure, le moyen de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon constitue une défense au fond et non une exception de procédure et est en conséquence proposable en tout état de cause conformément à l'article
72 du code de procédure civile.
En application de l'article
649 du code de procédure civile, la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure, soit les articles 114 et suivants du code de procédure civile pour les vices de forme et les articles 117 et suivants du même code pour les vices de fond.
L'article R. 521 -
3 du code de la propriété intellectuelle précise qu'à peine de nullité et de dommages-intérêts contre l'huissier, celui-ci doit, avant de procéder à la saisie, donner copie aux détenteurs des objets saisis ou décrits dans l'ordonnance et, le cas échéant, de l'acte constatant la constitution de garantie. Copie doit être laissée aux mêmes détenteurs du procès-verbal de saisie.
En outre, l'article
495 alinéa 3 du code de procédure civile prévoit que copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée.
La saisie-contrefaçon étant une procédure exceptionnelle qui permet à un titulaire de droits, en l'absence de tout débat contradictoire préalable et sur autorisation judiciaire, de faire procéder par huissier de justice, dans les locaux occupés par un tiers, à des investigations, à des constatations et à procéder à des saisies descriptives, voire réelles d'objets suspectés d'être contrefaisants, elle doit être strictement encadrée et contrôlée dans le respect des droits de chacune des parties opposées. Le saisi doit ainsi pouvoir disposer d'un délai raisonnable entre la signification de l'ordonnance autorisantles opérations et le début de celles-ci, afin de lui permettre de prendre connaissance de la portée d'une mesure par nature intrusive.
Il résulte en l'espèce des mentions du procès-verbal de saisie- contrefaçon que l'huissier a débuté à 10h43 la lecture de la requête et de l'ordonnance en présence de Monsieur Bertrand C, responsable juridique et de Monsieur Pierre-Alain O, acheteur. La requête et l'ordonnance ont été signifiées à Monsieur C à 10h52 et les opérations de saisie-contrefaçon ont débuté à 10h55, soit 3 minutes après la signification de l'ordonnance et 12 minutes après le début de la lecture de celle-ci. Malgré le court délai écoulé entre la signification de l'ordonnance et le début des opérations, la lecture préalable par l'huissier de la requête et de l'ordonnance, durant 9 minutes, en présence du responsable juridique de la société, a permis au saisi de prendre suffisamment connaissance de la portée de la mesure et de l'étendue de la mission confiée par l'huissier, laquelle tient au demeurant en une page. Par ailleurs, le saisi ne justifie d'aucun grief puisqu'il résulte des mentions du procès-verbal que les interlocuteurs de l'huissier n'ont fait part à ce dernier d'aucune interrogation ou difficulté de compréhension, et se sont expliqués sur l'ensemble des faits mentionnés dans l'ordonnance, Monsieur O ayant en particulier indiqué à l'huissier que « tous les produits listés dans l'ordonnance sont des produits qu 'il reconnaît et qu 'il commercialise ».
En conséquence, l'exception de nullité opposée par la défenderesse sera rejetée.
- sur l'existence de la contrefaçon
Aux termes de l'article
L 513-4 du code de la propriété intellectuelle, sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle.
Conformément à l'article
L 513-5 du même code qui fait écho à la définition du caractère propre du modèle posée par l'article L 511-4, la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente. Cette disposition, qui transpose l'article 9 de la directive CE n° 98/71 du 13 octobre 1998 doit être interprétée conformément à celle-ci, l'étendue de la protection devant ainsi être appréciée en tenant compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du modèle au sens de l'article 9§2 de la directive.
Pour les raisons déjà exposées, la comparaison présidant à l'appréciation de l'impression globale suscitée chez l'utilisateur averti, dont la définition est identique à celle retenue pour l'examen du caractère individuel, s'opère entre les représentations figurant audépôt indépendamment de ses conditions de commercialisation et l'apparence du produit commercialisé par la défenderesse. Elle est réalisée en considération de toutes les caractéristiques dominantes prises dans leur combinaison et non isolément à l'exception de celle exclusivement asservie à une fonction technique.
En application de l'article
L 521-1 du code de la propriété intellectuelle, toute atteinte portée aux droits du propriétaire d'un dessin ou modèle, tels qu'ils sont définis aux articles
L513-4 àL513-8, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur
Aux termes du dépôt, le modèle «plateforme» (comptoir sur pied) » représente, ainsi qu'il a été dit, une mangeoire en bois en forme de maisonnette, comportant un socle de forme carrée dont chaque côté est composé de deux planchettes superposées dans leur longueur, quatre pieds rétractables en forme de cylindre de bois apposés aux quatre angles du socle, une toiture en deux versants présentant une inclinaison d'environ 70° faisant apparaître, pour chacune, une dizaine de stries horizontales évoquant une juxtaposition d'étroites lamelles de bois, quatre panneaux verticaux de soubassement du toit disposés par couple sur deux côtés opposés du socle, les panneaux étant incurvés dans leur partie centrale de telle sorte qu'ils forment, par association, une ouverture en amande en leur milieu, une chaînette métallique attachée au toit pour suspendre la mangeoire. Les caractéristiques dominantes du modèle sont sa forme générale de maisonnette carrée et ouverte et l'ouverture en forme d'amande de ses panneaux de soubassement. Les pieds rétractables et la chaînette de suspension ont une fonction exclusivement technique qui exclut leur prise en compte dans l'appréciation de l'impression visuelle d'ensemble produite par le modèle.
La mangeoire Apple Cèdre FSC référence 523942 commercialisée par la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T revêt également la forme d'une maisonnette ouverte, constituée d'un socle en bois et d'une toiture en deux versants inclinés à environ 70°. Mais les panneaux latéraux servant de support à la toiture sont très différents puisqu'ils sont d'un unique tenant, et non disposés par paire, et ne présentent donc pas l'ouverture en forme d'amande caractéristique du modèle «plateforme» (comptoir sur pied) », seule une petite ouverture décorative de forme ronde étant visible en leur partie supérieure. De plus, les mangeoires Apple Cèdre apparaissent significativement plus hautes et élancées que le modèle opposé.
L'observateur averti, connaisseur de la liberté importante offerte au concepteur de mangeoires pour oiseaux et habitué aux formes classiques de maisonnettes pour de tels objets, sera sensible aux détails de forme et de proportion et percevra ces différences significatives entre les mangeoires litigieuses et le modèle déposé. De cette comparaison naît une impression d'ensemble différente exclusive de la contrefaçon invoquée.En conséquence, la demande en contrefaçon de la SAS GARDIF au titre de ses droits sur son modèle «plateforme» (comptoir sur pied) » n° 084136 - 012 sera, comme ses demandes subséquentes, rejetée.
5°) Sur la demande subsidiaire au titre de la concurrence déloyale et parasitaire
La SAS GARDIF soutient que la commercialisation de produits constituant une copie quasi-servile des siens, en s'épargnant tout frais de recherche et de lancement commercial de ces produits caractérise des actes parasitaires, d'autant plus fautifs que les produits sont commandés auprès des mêmes fabricants aux fins de réduire les coûts et de vendre les produits à des prix inférieurs. Elle ajoute, en se référant à un procès-verbal de constat en date du 25 février 2016 : que la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T continue à ce jour d'utiliser la marque de la SAS GARDIF « nature market », un présentoir métallique de présentation de ses produits ainsi qu'un catalogue plastifié sur lequel la marque est présente pour promouvoir et vendre les produits copiés et, ainsi, créer une confusion dans l'esprit des consommateurs que le mot-clé « cylindre de graisse nature market » renvoie sur le moteur de recherche « google », au sein des résultats naturels, à des liens vers le site de Truffant qu'une vidéo de conseils sur les oiseaux où sont exploités les produits GARDIF est encore en ligne sur le site de Truffaut.
En réponse, la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T conteste tout acte fautif de sa part. Elle fait valoir en premier lieu que les produits de la société GARDIF ont une physionomie banale dans le secteur considéré et qu'elle ne justifie d'aucun investissement ou savoir-faire particulier de recherche et de mise au point de ces produits dont les caractéristiques sont exclusivement dictées à des considérations techniques liées au type d'oiseau visé. Elle ajoute que la présence du catalogue de vente et du support métallique n'a été constatée que dans un seul magasin Truffaut, qu'au demeurant l'utilisation et la restitution des supports promotionnels fournis par la société GARDIF dans le cadre des rapports contractuels qu'elle entretenait avec la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T sont organisés par l'article 8 des conditions générales de vente des produits GARDIF et ne peut donc fonder des demandes au titre de la responsabilité délictuelle et qu'en tout état de cause il doit être sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel sur la validité de l'ordonnance ayant autorisé le constat d'huissier en question. Sur les résultats du moteur de recherche google, elle relève que les liens litigieux apparaissent au sein des résultats naturels et ne résulte donc pas d'un paramétrage volontaire de sa part. Quant à lavidéo de conseils sur les oiseaux en ligne sur son site internet, elle indique que son maintien après la cessation de ses relations commerciales avec la société GARDIF résulte d'une simple négligence de sa part et non d'une stratégie orchestrée pour opérer une confusion entre les produits. Elle ajoute que la pratique de prix inférieur n'est pas fautive au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie.
Sur ce
En vertu des dispositions des articles
1240 et
1241 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.
L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.
Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir- faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.
Les éléments dont la reprise ou l'imitation est invoquée par les demanderesses ne sont l'objet d'aucun droit privatif à son bénéfice : dans un contexte de libre concurrence, ils sont par principe libres de droit et peuvent être utilisés dans le commerce sans entrave sauf faute démontrée générant un risque de confusion ou captation indue d'investissements prouvée.
Il a été démontré, par la multiplicité des mangeoires et nichoirs opposés en défense à titre d'antériorités, que les produits GARDIF en débat ne se démarquent pas des produits concurrents, dont ils constituent des déclinaisons banales, selon les formes habituelles de ce type de produits. Dès lors, leur ressemblance avec les produits TRUFFAUT n'est pas imputable à une faute de cette société, mais àl'utilisation loyale, dans le cadre de l'exercice de la liberté du commerce et de l'industrie, par deux concurrents, des codes et du fonds commun de ce type de produits. Au demeurant, la SAS GARDIF ne produit aucune pièce justifiant des investissements pour la création et le lancement commercial de ses produits dont elle allègue la captation. Quant à la pratique des prix inférieur, soulignée en demande, elle n'est en rien critiquable au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie.
Il n'est pas contesté, par ailleurs, que le présentoir et le catalogue de vente incriminés par la SAS GARDÏF ont été obtenus par la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T dans le cadre des relations contractuelles que les deux sociétés entretenaient pour la distribution des produits GARDIF par la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T. Au terme de l'article 8 « aide à la vente » des conditions générales de vente GARDIF, qui encadraient la relation contractuelle des parties, la restitution des supports de vente fournis par la SAS GARDIF était organisée comme suit : « en cas de rupture des relations commerciales entre le Client et Gardif, pour quelque raison que ce soit et indépendamment de la cause de la rupture, les supports d'aide à la vente fournis par Gardif devront être restitués par le Client dans un délai maximum de quinze jours suivant la notification de la fin des relations commerciales ». Or, en vertu des dispositions combinées des articles 1134, 1147 et
1382 (devenus 1103, 1231-1 et 1240) du code civil, la responsabilité délictuelle ne peut pas régir les rapports contractuels entre les parties qui ne disposent ni d'une option entre ces deux régimes de responsabilité incompatibles, l'existence d'une faute commise dans l'exécution d'un contrat imposant la mise en œuvre exclusive de la responsabilité contractuelle de son auteur. Ainsi, la violation alléguée de cette obligation aménageant les rapports postcontractuels entre les parties ne peut fonder une demande au titre de la responsabilité délictuelle, laquelle est donc en l'état irrecevable. Il n'y a pas lieu, dès lors, à surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris sur la validité de l'ordonnance ayant autorisé le constat d'huissier relatif à ces faits. Le même raisonnement est applicable concernant le maintien sur le site de la défenderesse, postérieurement à la rupture des relations commerciale entre les parties, d'une vidéo de conseil sur les oiseaux présentant les produits GARDIF, le sort de cet élément, qui constitue lui aussi un support de vente de nature promotionnelle, tel que défini par l'article 8 des conditions générales de vente, ayant vocation à être réglé conformément aux dispositions du contrat.
S'agissant des résultats affichés par le moteur de recherche « google » lorsque le mot-clé « cylindre de graisse nature market » est utilisé, il n'est pas contesté que les liens litigieux apparaissent au sein des résultats naturels qui sont affichés par le moteur de recherche selon la pertinence objective des sites déterminée par des algorithmes complexes, et non au sein des annonces commerciales, dont l'affichage est commandé selon les mots-clés achetés parl'annonceur, ce qui démontre d'emblée que la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T n'a pas utilisé la marque de la demanderesse en tant que mot-clé pour permettre le référencement de ses annonces. Ainsi, faute de démonstration d'un acte positif imputable à la défenderesse, aucune faute n'est caractérisée de ce chef.
Les demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire seront en conséquence intégralement rejetées.
6°) Sur les demandes accessoires
Compatible avec la nature et la solution du litige et nécessaire, l'exécution provisoire de la présente décision sera ordonnée conformément à l'article
515 du code de procédure civile mais ne portera pas sur la mesure de destruction.
Succombant au litige, la SAS GARDIF, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer à la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T la somme de 10 000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à la disposition par le greffe le jour du délibéré,
Ecarte des débats la pièce 54 mise aux débats par la SAS GARDIF intitulée « Echanges de SMS du 15 mai 2015 au 1er juin 2015 » ;
Prononce la nullité pour défaut de caractère propre de l'enregistrement des modèles français dont la SAS GARDIF est titulaire suivants :
modèle de mangeoire « Gazebo Junior » déposé le 18 septembre 2008 en classe 3003 de la classification de Locarno et enregistré sous le n° 084136-008, modèle de mangeoire « Le Duo » déposé le 20 août 2010 en classe 3003 de la classification de Locarno et enregistré sous le n° 20104398-002, modèle de mangeoire « Snack Master » déposé le 20 août 2010 en classe 3003 de la classification de Locarno et enregistré sous le n° 20104398-001, modèle de mangeoire « Belle de Jour » déposé le 16 mai 2011 en classe 3002 de la classification de Locarno et enregistré sous le n° 20112499-007,Ordonne la communication de la présente décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l'INPI, à l'initiative de la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres ;
Déclare irrecevable l'intégralité des demandes de la SAS GARDIF au titre de la contrefaçon de ses droits sur ses modèles « Gazebo Junior » n° 084136-008, « Le Duo » n° 20104398-002, « Snack Master » n° 20104398-001, « Belle de Jour » n° 20112499-007 ;
Déclare irrecevable l'intégralité des demandes de la SAS GARDIF au titre du droit d'auteur ;
Rejette l'exception de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 22 octobre 2014;
Rejette la demande de la SAS GARDIF au titre de la contrefaçon de ses droits sur le modèle de mangeoire « Comptoir sur pied » déposé le 18 septembre 2008 en classe 3003 de la classification de Locarno et enregistré sous le n°" 084136-012 ;
Déclare irrecevables les demandes en concurrence déloyale tirées de l'utilisation par la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T d'un support commercial, d'un catalogue de vente et d'une vidéo de la SAS GARDIF ;
Dit n'y avoir lieu dès lors à surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris sur l'appel interjeté par la société TRUFFAUT quant à l'ordonnance de référé-rétractation rendue par la présidente de la 1ère section - 3ème chambre du tribunal de grande instance de Paris du 30 mars 2017 ; Rejette les autres demandes de la SAS GARDIF au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;
Rejette la demande de la SAS GARDIF au titre des frais irrépétibles ; Condamne la SAS GARDIF à payer à la SAS ETABLISSEMENTS HORTICOLES GEORGES T la somme de DIX MILLE euros (10 000 €) en application de l'article
700 du code de procédure civile ;
Condamne la SAS GARDIF à supporter les entiers dépens de l'instance ; Ordonne l'exécution provisoire en toutes ses dispositions. Fait et jugé à Paris le 5 avril 2018