REJET du pourvoi formé par :
- X... Yves,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 24 février 1989 qui, pour entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel, l'a condamné à 3 000 francs d'amende avec sursis ainsi qu'à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen
de cassation : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen
de cassation, pris de la violation des articles 13 de la loi des 16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III, de l'article
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les poursuites exercées contre le prévenu ;
" aux motifs que le prévenu soulève la nullité des poursuites, motif pris de l'illégalité de la décision de refus de licenciement du 8 octobre 1986 qui leur sert de base, selon lui entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que le juge répressif n'a pas le pouvoir d'apprécier la légalité d'un acte administratif individuel qui n'est pas lui-même pénalement sanctionné, comme c'est le cas de la décision critiquée de l'inspecteur du Travail ; que, de plus, un recours a été formé par l'Atrami contre la décision du 8 octobre 1986, confirmée par le ministre des Affaires sociales devant le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne ;
" alors que, d'une part, le juge répressif a le pouvoir d'apprécier la légalité d'un acte administratif individuel qui n'est pas sanctionné pénalement lorsque de sa légalité dépend la solution du procès ; qu'en l'espèce, la décision administrative de refus de licenciement du 8 octobre 1986 servant de base aux poursuites pénales, le juge pénal était compétent pour apprécier la légalité de cette décision ; que la Cour, en estimant que le juge répressif n'a pas le pouvoir d'apprécier la légalité d'un acte administratif qui n'est pas lui-même pénalement sanctionné, a violé le principe de la séparation des pouvoirs ;
" alors que, d'autre part, le fait qu'un recours en annulation de la décision de refus de licenciement du 8 octobre 1986 ait été formé devant le tribunal administratif ne dispensait pas le juge répressif d'examiner le bien-fondé de l'exception d'illégalité dudit acte soulevée devant lui ; que la Cour, en s'abstenant d'apprécier la légalité de la décision de refus de licenciement du 8 octobre 1986, motif pris de l'existence d'un recours contre cette décision devant le tribunal administratif, a statué par un motif inopérant et n'a pas suffisamment motivé sa décision " ;
Attendu qu'il résulte
de l'arrêt attaqué que l'Association des travailleurs migrants, dont Yves X... est le président, a demandé à l'inspecteur du Travail l'autorisation de licencier un délégué du personnel ; que la décision de refus prise par ce fonctionnaire a été confirmée par le ministre ; que le salarié qui avait été immédiatement mis à pied n'a pu obtenir d'être réintégré dans son emploi ; qu'Yves X..., poursuivi devant le tribunal correctionnel pour entrave à l'exercice régulier des fonctions de délégué du personnel, a été déclaré coupable ;
Attendu que le prévenu ayant soutenu que les poursuites étaient nulles en raison de l'illégalité de la décision administrative qu'il demandait aux juges de constater, la juridiction du second degré a refusé d'examiner la légalité de cette décision ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel n'a pas méconnu le principe de la séparation des pouvoirs mais en a fait au contraire l'exacte application ; qu'en effet, contrairement à ce qui est allégué, la décision de l'inspecteur du Travail n'était pas la base nécessaire de la poursuite dès lors que son illégalité prétendue, à la supposer démontrée, n'équivaudrait pas à une autorisation de licenciement sans laquelle un représentant du personnel ne peut être privé de son emploi et qu'elle n'aurait pas pour effet d'ôter aux faits poursuivis leur caractère punissable ;
Que le moyen ne peut donc être admis ;
Sur le troisième moyen
de cassation, pris de la violation des articles
L. 425-1 à
L. 425-3,
R. 436-1 à
R. 436-4,
R. 436-8,
R. 436-10 et
L. 482-1 du Code du travail, et
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le président d'une association coupable du délit d'entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel et l'a condamné, en répression, à une amende avec sursis ;
" aux motifs que le président d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 est le représentant légal de ladite association et tenu, à ce titre, d'assurer le respect des prescriptions du Code du travail ; qu'il est pénalement responsable de leur violation ; que le prévenu ne peut ainsi être suivi quand il se retranche derrière la décision du conseil d'administration pour écarter la sienne propre ;
" qu'il ne saurait davantage exciper du fait qu'il ne s'est pas opposé par un acte concret à la réintégration du salarié, dès lors qu'il lui incombait précisément de prendre toutes mesures utiles pour que Y... qui était sous le coup d'une mise à pied, retrouve sans délai son emploi, aussitôt connue l'opposition de l'inspection du Travail à son licenciement ;
" qu'il a, en s'abstenant de donner les directives appropriées, et même si l'intéressé a pu néanmoins continuer à percevoir son salaire, délibérément porté atteinte aux prérogatives du représentant du personnel ;
" alors que, d'une part, le président bénévole d'une association de la loi du 1er juillet 1901, ne tient pas ses pouvoirs de la loi mais des statuts de l'association, lesquels, en l'espèce, ne conféraient au président que le pouvoir d'exécuter les directives du conseil d'administration ; que la Cour, en estimant que le demandeur était, en qualité de représentant légal de l'association, tenu d'assurer le respect des prescriptions du Code du travail et pénalement responsable de leur violation, a violé les textes visés au moyen ;
" alors que, d'autre part, la Cour ne pouvait, sans entacher son arrêt de contradiction de motifs, constater que le demandeur avait eu pleinement conscience de l'obligation de réintégrer Y... en réunissant le 13 octobre 1986 le conseil d'administration, ce qui écartait tout élément intentionnel, et estimer cependant que le demandeur s'était abstenu de donner les directives appropriées et qu'il avait délibérément porté atteinte aux prérogatives du représentant du personnel " ;
Sur le moyen
pris en sa première branche ;
Attendu, que pour écarter l'argumentation du prévenu prétendant que les statuts de l'association ne lui conféraient aucun pouvoir propre, que c'était le conseil d'administration qui s'était opposé à la réintégration du salarié et que, par suite, il ne pouvait être considéré comme pénalement responsable, la juridiction du second degré énonce notamment que le président d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 est le représentant légal de cette association, qu'il est, à ce titre, tenu d'assurer le respect des prescriptions du Code du travail et qu'il est responsable de leur violation ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Sur le moyen
pris en sa seconde branche ;
Attendu que c'est sans contradiction que la cour d'appel a constaté, d'une part, que le prévenu avait conscience de l'obligation de réintégrer le salarié en l'absence d'une autorisation de licenciement et, d'autre part, qu'il avait néanmoins omis de donner les instructions nécessaires pour qu'il retrouve son emploi ; qu'elle a ainsi caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction ;
D'où il suit
que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE
le pourvoi.