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Tribunal administratif de Paris, 3ème Chambre, 28 novembre 2023, 2219498

Mots clés
société • contrat • pouvoir • harcèlement • violence • discrimination • menaces • recours • prestataire • rapport • règlement • requête • résiliation • préjudice • qualification

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Paris
  • Numéro d'affaire :
    2219498
  • Dispositif : Rejet
  • Rapporteur : Mme Beugelmans-Lagane
  • Nature : Décision
  • Avocat(s) : ADDEN AVOCATS
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 19 septembre 2022, 15 mai 2023, 23 mai 2023, 28 juillet 2023 et 12 septembre 2023, la SELAS Allodiscrim, représentée par Me Delarue, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler, ou à défaut, de résilier le marché signé le 2 août 2022 entre le ministère de la culture et la société NH Concept RSE portant sur la mise en place d'une cellule de recueil et de traitement des signalements des actes de violence, de discriminations, de harcèlement moral ou sexuel et des agissements sexistes au ministère de la culture. 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 87 440 euros HT en réparation de son préjudice économique et à lui rembourser la somme de 2 640 euros HT au titre des frais engagés pour la présentation de l'offre ; 3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et du ministère de la culture la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) d'écarter des débats la pièce n°9 produite par le ministère de la culture en méconnaissance du secret des affaires. Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que : - le marché est irrégulier dès lors qu'il a été conclu en méconnaissance des articles 54 et suivants de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; - en ne prévoyant pas l'intervention d'un professionnel du droit habilité à réaliser des prestations de consultation juridique, l'administration a entaché d'irrégularité le marché ; - la notation de son offre technique est entachée d'erreur manifeste d'appréciation sur les deux premiers sous-critères du critère de la " valeur technique " et l'offre de la société finalement retenue a été surévaluée ; - s'agissant du 1er sous-critère du critère " valeur technique ", le pouvoir adjudicateur a dénaturé son offre en considérant qu'elle ne procèderait qu'à de la prestation de consultation juridique et en tout état de cause, dès lors que le marché comportait de telles consultations, son offre était adéquate ; - s'agissant du 1er sous-critère du critère " valeur technique ", le pouvoir adjudicateur n'a pas défini avec suffisamment de précision ses attentes en matière de recours de candidats et de personnes ayant quitté le service, ce qui l'a conduite à formuler une proposition inadaptée en prévoyant un recours automatique au traitement approfondi pour ce type de public ; - la méthode de notation du 1er sous-critère du critère " valeur technique " a été méconnue ; - la candidature de la société attributaire est irrégulière dès lors, d'une part, que cette dernière n'a pas établi qu'elle n'était pas dans des cas d'exclusion, et d'autre part, que le pouvoir adjudicateur a omis de contrôler que la société NH Concept RSE pouvait s'appuyer sur des " partenaires ", ainsi que les capacités de ces partenaires ; à cet égard, l'administration n'établit pas la date à laquelle elle a demandé à l'attributaire de produire les documents attestant de la régularité de sa candidature ; de plus, en reconnaissant la candidature unique de la société NH Concept RSE tout en retenant la participation de " partenaires externes ", l'administration a mal apprécié la capacité économique et financière et les capacités techniques et professionnelles de la société ; en outre, l'administration a noté très favorablement l'offre de la société NH Concept RSE en prenant en compte les partenaires externes pour augmenter la note du sous-critère n°3 alors que la société n'en disposait pas et l'égalité de traitement entre les candidats a donc été méconnue ; - ces irrégularités justifient l'annulation du contrat ; - ces irrégularités lui ont causé un préjudice financier d'un montant de 65 202 euros HT résultant du manque à gagner qu'elle a subi du fait de son éviction et justifient que les frais engagés pour présenter son offre, d'un montant de 2 640 euros HT, lui soient remboursés ; - le marché est irrégulier dès lors que l'avenant qui a été conclu le 17 mai 2023 le modifie substantiellement, sans nouvelle procédure de mise en concurrence, en méconnaissance de l'article L. 2194-1 du code de la commande publique. Par des mémoires en défense, enregistrés respectivement les 5 avril 2023, 12 juin 2023 et 21 septembre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de la culture, représenté par la société ADDEN Avocats agissant par Me Nahmias, conclut au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par la société Allodiscrim ne sont pas fondés. La requête a été communiquée à la société NH Concept RSE qui n'a pas produit d'observations. Par une ordonnance en date du 14 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été reportée au 28 septembre 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ; - la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Merino, - les conclusions de Mme Beugelmans-Lagane, rapporteure publique, - et les observations de Me Delarue, représentant la société Allodiscrim et Me Guena représentant la société NH Concept RSE. La société Allodiscrim a présenté une note en délibéré, enregistrée le 14 novembre 2023, qui n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit

: 1. Le ministère de la culture a lancé un appel public à la concurrence, par avis publié le 23 mai 2022, pour l'attribution d'un accord-cadre portant sur la mise en place d'une cellule de recueil et de traitement des signalements des actes de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel, des agissements sexistes, des menaces et de tout autre acte de discrimination au ministère. Trois sociétés se sont portées candidates, dont la société Allodiscrim et la société NH Concept RSE. Par courrier du 21 juillet 2022, le pouvoir adjudicateur a informé la société Allodiscrim que son offre était rejetée et classée en seconde position. Par un acte d'engagement du 2 août 2022, ce marché a été attribué à la société NH Concept RSE. La société Allodiscrim demande au tribunal l'annulation de ce marché, ou à défaut, sa résiliation, et l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Sur la demande d'exclusion des débats de la pièce n° 9 produite par le ministère de la culture et intitulée " Mémoire technique de la société Allodiscrim " : 2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ". L'article R. 611-30 du même code dispose que : " Lorsqu'une partie produit une pièce ou une information dont elle refuse la transmission aux autres parties en invoquant la protection du secret des affaires, la procédure prévue par l'article R. 412-2-1 est applicable ". Enfin, aux termes de l'article R. 412-2-1 du même code, auquel il est ainsi renvoyé : " Lorsque la loi prévoit que la juridiction statue sans soumettre certaines pièces ou informations au débat contradictoire ou lorsque le refus de communication de ces pièces ou informations est l'objet du litige, la partie qui produit de telles pièces ou informations mentionne, dans un mémoire distinct, les motifs fondant le refus de transmission aux autres parties, en joignant, le cas échéant, une version non confidentielle desdites pièces après occultation des éléments soustraits au contradictoire. Le mémoire distinct et, le cas échéant, la version non confidentielle desdites pièces, sont communiqués aux autres parties. / Les pièces ou informations soustraites au contradictoire ne sont pas transmises au moyen des applications informatiques mentionnées aux articles R. 414-1 et R. 414-2 mais sont communiquées au greffe de la juridiction sous une double enveloppe, l'enveloppe intérieure portant le numéro de l'affaire ainsi que la mention : " pièces soustraites au contradictoire-Article R. 412-2-1 du code de justice administrative ". / Si la juridiction estime que ces pièces ou informations ne se rattachent pas à la catégorie de celles qui peuvent être soustraites au contradictoire, elle les renvoie à la partie qui les a produites et veille à la destruction de toute copie qui en aurait été faite. Elle peut, si elle estime que ces pièces ou informations sont utiles à la solution du litige, inviter la partie concernée à les verser dans la procédure contradictoire, le cas échéant au moyen des applications informatiques mentionnées aux articles R. 414-1 et R. 414-2. Si la partie ne donne pas suite à cette invitation, la juridiction décide des conséquences à tirer de ce refus et statue sans tenir compte des éléments non soumis au contradictoire. / Lorsque des pièces ou informations mentionnées au premier alinéa sont jointes au dossier papier, celui-ci porte de manière visible une mention signalant la présence de pièces soustraites au contradictoire. Ces pièces sont jointes au dossier sous une enveloppe portant la mention : " pièces soustraites au contradictoire-Article R. 412-2-1 du code de justice administrative ". / Lorsqu'un dossier comportant des pièces ou informations soustraites au contradictoire est transmis à une autre juridiction, la présence de telles pièces ou informations est mentionnée de manière visible sur le bordereau de transmission ". 3. Dans un mémoire présenté le 5 avril 2023, le ministre de la culture a produit une copie de l'original de la pièce n° 9 intitulée " Mémoire technique de la société Allodiscrim ". Dans cette version non occultée, qui a été discutée contradictoirement par les parties, la réponse technique apportée par la société Allodiscrim apparaît utile à la solution du litige. Par la suite et afin de respecter le secret des affaires, le ministre a produit cette pièce, dans un mémoire reçu le 12 juin 2023, dans les conditions prévues par les dispositions précitées R. 611-30 du code de justice administrative. Compte tenu des éléments qu'elle comporte sur l'offre de cette société, il sera donc statué au vu de cette pièce par une motivation adaptée pour ne pas porter atteinte au secret des affaires. Dans ces conditions, la demande présentée par la société Allodiscrim d'écarter purement et simplement des débats cette pièce ne peut qu'être rejetée. Sur les conclusions à fin de validité du contrat : 4. Indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant le juge du contrat, dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement des mesures de publicité appropriées, un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires. Le tiers agissant en qualité de concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif ne peut, à l'appui d'un recours contestant la validité de ce contrat, utilement invoquer, outre les vices d'ordre public, que les manquements aux règles applicables à la passation de ce contrat qui sont en rapport direct avec son éviction. Il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences. Ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci. Il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés. En ce qui concerne la licéité de l'objet du marché : 5. Le contenu d'un contrat ne présente un caractère illicite que si l'objet même du contrat, tel qu'il a été formulé par la personne publique contractante pour lancer la procédure de passation du contrat ou tel qu'il résulte des stipulations convenues entre les parties qui doivent être regardées comme le définissant, est, en lui-même, contraire à la loi, de sorte qu'en s'engageant pour un tel objet, le cocontractant de la personne publique la méconnaît nécessairement. La circonstance qu'un contrat confie certaines prestations pouvant être qualifiées de prestations de conseil juridique, à un prestataire qui ne remplit pas les conditions requises à cet effet par les dispositions de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, n'est pas de nature à entacher d'illicéité l'objet même du contrat, une telle irrégularité concernant les qualifications de ce prestataire et non l'objet même du contrat. 6. Aux termes de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui : 1° S'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut, d'une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique qu'il est autorisé à pratiquer conformément aux articles 56 à 66./ Les personnes mentionnées aux articles 56, 57 et 58 sont réputées posséder cette compétence juridique () / 5° S'il ne répond en outre aux conditions prévues par les articles suivants du présent chapitre et s'il n'y est autorisé au titre desdits articles et dans les limites qu'ils prévoient. () ". Selon l'article 59 de cette même loi : " Les personnes exerçant une activité professionnelle réglementée peuvent, dans les limites autorisées par la réglementation qui leur est applicable, donner des consultations juridiques relevant de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire direct de la prestation fournie ". Aux termes de l'article 60 de la même loi : " Les personnes exerçant une activité professionnelle non réglementée pour laquelle elles justifient d'une qualification reconnue par l'Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé peuvent, dans les limites de cette qualification, donner des consultations juridiques relevant directement de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l'accessoire nécessaire de cette activité ". 7. Il résulte de l'instruction que les prestations réalisées par la société NH Concept RSE, en application du contrat conclu le 2 août 2022 dénommé " cellule de recueil et de traitement des signalements des actes de violence, de discriminations, de harcèlement moral ou sexuel et des agissements sexistes au ministère de la culture ", consistent, aux termes de l'article 2 du cahier des clauses techniques particulières, principalement, en " la collecte, l'écoute, l'orientation, le traitement et le suivi des signalements de cas avérés ou supposés de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel, d'agissements sexistes de menaces et de tout acte d'intimidation ainsi que l'accompagnement des victimes ou témoins de violences conjugales et intrafamiliales détectées sur le lieu de travail ". Il est prévu que dans le cadre de sa mission d'orientation, la cellule externe renseigne et oriente les personnes s'estimant victimes ou témoins d'actes de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel et d'agissements sexistes, de menaces et de tout autre acte d'intimidation vers le dispositif de soutien psychologique mis en place par le ministère de la Culture, pour un accompagnement de premier niveau par des psychologues cliniciens. Il est également prévu que la prestation de recueil et de traitement des signalements est complétée d'une prestation de conseil pratique et juridique de l'administration dans le cadre du traitement des situations de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel, d'agissements sexistes de menaces et de tout autre acte d'intimidation. De plus, l'article 5.3 précise que le titulaire peut être sollicité par différents services du ministère de la culture, " pour des conseils relatifs à des situations individuelles n'ayant pas fait l'objet d'un signalement auprès de la cellule ". Enfin, l'article 5.2 différencie le traitement simple des situations appelant une écoute, une information, une orientation ou un conseil et le traitement approfondi des dossiers les plus complexes résultant de faits de discrimination, de violence, de harcèlement moral ou sexuel, d'agissements sexistes, de menaces ou de tout autre acte d'intimidation avérés, impliquant, dans le cadre d'une instruction contradictoire, le cas échéant, que le titulaire adresse des conclusions argumentées au service concerné. 8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'objet même du contrat, tel qu'il résulte des stipulations ci-dessus analysées, qui doivent être regardées comme le définissant, n'est pas, en lui-même, contraire à la loi. Il résulte néanmoins de ces stipulations que le contrat comporte certaines prestations pouvant être qualifiées de prestations de consultation juridique au sens des dispositions de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971, citées ci-dessus. Cette dernière circonstance, ainsi que celle tenant à ce que la société NH Concept RSE aurait effectué ces prestations de consultation juridique en méconnaissance des dispositions précitées de cette loi, faute notamment de justifier d'un agrément à cet effet, se rapportent à l'exécution du contrat par ce prestataire, au regard de son habilitation à effectuer des prestations de consultation juridique, et sont ainsi sans incidence sur la licéité de l'objet même du contrat, qui doit s'apprécier indépendamment des qualifications du cocontractant de la personne publique. 9. De plus, s'il résulte de l'instruction que par un avenant conclu le 17 mai 2023 les parties ont précisé que dans le cadre du marché, il n'est pas attendu des prestations de conseil juridique mais des prestations de diffusion d'information juridique, la société Allodiscrim ne saurait utilement soutenir, à l'appui de la contestation de la validité du contrat, laquelle s'apprécie à la date de sa signature, que cet avenant modifie substantiellement le marché, sans nouvelle procédure de mise en concurrence, en méconnaissance de l'article L. 2194-1 du code de la commande publique. 10. Il résulte de ce qui précède que la SELAS Allodiscrim n'est pas fondée à soutenir que l'accord-cadre du 2 août 2022 aurait un objet illicite et à demander, pour ce motif, l'annulation de ce contrat. En ce qui concerne l'existence d'autres vices : 11. D'une part, alors même que le marché comportait accessoirement des prestations de consultation juridique, il ne résulte pas de l'instruction que l'attribution du marché à la société NH Concept RSE relèverait d'une intention du pouvoir adjudicateur de favoriser l'attributaire. Par suite, l'accord-cadre ne peut être regardé comme étant entaché d'un vice d'une particulière gravité de nature à entraîner son annulation. 12. D'autre part, ainsi qu'il a été dit, les parties ont conclu le 17 mai 2023 un avenant au marché et il résulte de l'instruction que, par cet avenant, le pouvoir adjudicateur a isolé les prestations de consultation juridique pour les confier à son propre prestataire de conseil et de représentation juridique. Par suite, la poursuite de l'exécution du contrat est possible et il n'y a dès lors pas lieu d'en prononcer la résiliation. En ce qui concerne l'irrégularité de la candidature de la société attributaire : 13. Aux termes de l'article R. 2144-1 du code de la commande publique : " L'acheteur vérifie les informations qui figurent dans la candidature, y compris en ce qui concerne les opérateurs économiques sur les capacités desquels le candidat s'appuie. Cette vérification est effectuée dans les conditions prévues aux articles R. 2144-3 à R. 2144-5. ". Aux termes de l'article R. 2144-7 de ce code : " Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, (), sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé. () ". Aux termes de l'article 5.4 du règlement de consultation : " En application des dispositions de l'article R. 2161-4 du code de la commande publique, l'acheteur décide d'examiner les offres avant les candidatures. / Les documents justificatifs concernant l'aptitude et les capacités ainsi que les moyens de preuve relatifs aux motifs d'exclusion ne sont demandés par l'acheteur qu'au(x) soumissionnaire(s) auquel(s) il est envisagé d'attribuer le marché public ; Si l'acheteur constate, avant de procéder à l'examen des candidatures, que des pièces ou des informations dont la production était réclamée sont absentes ou incomplètes, il peut demander aux candidats concernés de compléter leur dossier de candidature dans un délai identique pour tous. () ". L'article 5.6 de ce règlement dénommé " vérification des motifs d'exclusion " prévoit que " En application des dispositions de l'article R.2144-4 du code de la commande publique, l'acheteur n'exige que du seul soumissionnaire auquel il est envisagé d'attribuer le marché public qu'il justifie ne pas se trouver dans un des cas des motifs d'exclusion ". 14. La société requérante soutient que le pouvoir adjudicateur a omis de contrôler la candidature de la société attributaire, s'agissant des cas d'exclusion et de sa capacité à s'appuyer sur des partenaires. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier des attestations de régularité fiscale et de vigilance produites par l'administration relatives à la candidature de la société attributaire et qui sont datées du 19 juin 2022, que celle-ci ne relevait d'aucun cas d'exclusion. De plus, la société attributaire a présenté une candidature unique sans s'appuyer sur les capacités d'autres opérateurs économiques au sens de l'article R. 2144-1 du code de la commande publique. Ainsi, le moyen tiré de l'irrégularité de la candidature de la société attributaire du marché doit être écarté sans que la société requérante puisse utilement soutenir, à l'appui de ce moyen qui a trait à la candidature de la société attributaire et non à l'appréciation de son offre, que l'offre de la société attributaire prenait en compte des partenaires externes. En ce qui concerne l'appréciation des offres : 15. Aux termes de l'article L. 2152-7 du code de la commande publique : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution. () ". L'article R. 2152-11 du même code dispose : " Les critères d'attribution ainsi que les modalités de leur mise en œuvre sont indiqués dans les documents de la consultation ". 16. Le règlement de la consultation indique en son article 6.2 que les offres sont appréciées selon deux critères pondérés, tenant à la valeur technique pour 60 % et au prix pour 40 %, le critère tiré de la valeur technique étant lui-même décomposé en deux sous-critères relatifs à la " Méthodologie et qualité de la prise en charge des dossiers et modes de saisines " pondéré à 40% et aux " outils mis en place pour le suivi des dossiers et la qualité des livrables demandés " pondéré à 30% et le critère tiré du " prix " étant apprécié au regard du montant de l'offre financière. Pour l'appréciation de chacun des sous-critères de la valeur technique, le règlement de consultation précise que l'échelle des notes sera comprise entre 1 et 5 points, correspondant respectivement à un niveau de satisfaction, manifestement insuffisant, incertain, bon, très bon et excellent. S'agissant de l'appréciation du 1er sous-critère du critère tiré de la valeur technique : 17. Il résulte de l'instruction que la société Allodiscrim a obtenu la note de 2/5 au 1er sous-critère " méthodologie et qualité de la prise en charge des dossiers et modes de saisine " du critère " valeur technique ", ce qui correspond à un niveau de satisfaction incertain en raison d'une information fournie répondant a minima à la demande mais ne présentant aucun avantage particulier. 18. La société requérante fait valoir, en premier lieu, que l'acheteur public dénaturé son offre en considérant qu'elle ne consisterait qu'en de la prestation de consultation juridique, alors pourtant qu'elle prévoyait également un accompagnement des agents dans la résolution de leur conflit. Elle ajoute qu'en tout état de cause, le marché portait principalement sur des prestations de consultation juridique et qu'il ne peut donc lui être reproché d'avoir mis en avant sa capacité à exercer ce type de prestation. Toutefois, s'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que le contrat comporte certaines prestations pouvant être qualifiées de prestations de consultation juridique au sens des dispositions de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971, citées ci-dessus, le rapport d'analyse des offres souligne que le soumissionnaire n'a pas intégré tous les enjeux décrits dans le CCTP, notamment, en assimilant le rôle de la cellule à un organe de consultation juridique, en ne respectant pas la temporalité dans le traitement des signalements telle que précisée par le CCTP, en proposant de formuler une alerte anonyme à l'administration alors que le CCTP précise que les demandes anonymes ne sont pas recevables en traitement approfondi et en se réservant la possibilité de proposer aux appelants un soutien psychologique alors que le CCTP prévoit que le soumissionnaire se doit de renseigner et d'orienter systématiquement les personnes s'estimant victimes vers le dispositif de soutien psychologique. Dans ces conditions, le ministère de la culture n'a pas dénaturé les termes de l'offre de la société Allodiscrim. 19. La société requérante fait valoir, en deuxième lieu, qu'elle a répondu aux préconisations du CCTP s'agissant de la distinction à effectuer entre traitement simple et traitement approfondi des signalements. 20. L'article 5.2.1 distingue entre les " Les situations appelant une écoute, une information, une orientation ou un conseil " qui " sont considérées comme faisant l'objet d'un traitement simple " et les " faits de discrimination, de violence, de harcèlement moral ou sexuel, d'agissements sexistes, de menaces ou de tout autre acte d'intimidation " qui nécessitent une instruction " nécessairement contradictoire et écrite " au cours de laquelle le titulaire " porte à la connaissance de l'administration employeur du et/ou des agents les éléments de fait et de droit en sa possession () et leur demande de lui faire connaitre leurs observations motivées ". Or, l'offre de la société Allodiscrim, qui prévoit une possible phase d'interlocution avec la direction des ressources humaines pour des cas relevant du traitement simple, estime que la prise en charge des signalements des candidats et des personnes ayant quitté les services relève systématiquement du traitement approfondi, prévoit la possibilité de passer d'un traitement simple à un traitement approfondi après un délai de six mois, et propose de traiter les signalements anonymes dans le cadre d'un traitement approfondi alors que le point 5.2.2 du CCTP considère les signalements anonymes comme irrecevables, excède les modalités de traitement des signalements tels que fixés par le CCTP. Dès lors l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'offre de la société Allodiscrim sur ce point n'était pas en adéquation avec les modalités ainsi définies. 21. La société requérante fait valoir, en troisième lieu, que c'est à tort que le pouvoir adjudicateur a considéré son offre technique ne prenait pas en compte les délais de traitement prévus par le CCTP. Toutefois, alors que l'article 10 du CCTP prévoit que les " prestations relatives à la livraison d'un avis pour un traitement simple " doivent être effectuées " au plus tard 1 mois après le signalement ", le ministre de la culture établit, en se fondant sur le contenu du mémoire technique de la société Allodiscrim que celle-ci ne pouvait s'engager à respecter un tel délai et envisageait même le dépasser jusqu'à 60 jours ou 6 mois selon les cas. Par conséquent, l'appréciation portée par le pouvoir adjudicateur sur ce point n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation. 22. La société requérante fait valoir, en quatrième lieu, que le pouvoir adjudicateur n'a pas défini avec suffisamment de précision ses attentes en matière de recours de candidats et de personnes ayant quitté le service, ce qui l'a conduite à formuler une proposition inadaptée en prévoyant un recours automatique au traitement approfondi pour ce type de public. Toutefois, en ouvrant au point 8.2 du CCTP la cellule à un large public et en précisant ensuite les modalités de traitement qu'il envisageait, tous publics confondus, le ministre de la culture a suffisamment défini ses besoins. Par conséquent, ce moyen doit être écarté. 23. La société requérante soutient, en cinquième lieu, qu'en estimant que " l'approche retenue par le soumissionnaire concernant la qualification en traitement simple ou approfondi " risquait " d'avoir un impact financier dans le cadre de l'exécution du marché ", le pouvoir adjudicateur a évalué défavorablement la valeur technique de son offre et a émis une appréciation sur son offre technique pour lui abaisser la note correspondante à la valeur technique. Toutefois, en se livrant à une telle interprétation de l'offre technique de la société Allodiscrim, le pouvoir adjudicateur ne peut être regardé comme ayant mal défini les contours du critère financier ou comme ayant procédé à l'appréciation de son offre financière dans le cadre de l'appréciation de son offre technique. 24. La société requérante soutient, en sixième lieu, que contrairement à ce qu'a relevé le pouvoir adjudicateur, la plateforme qu'elle propose est parfaitement conforme aux règles générales d'accessibilité pour les administrations. Toutefois, alors que le point 5.1 du CCTP énonce les garanties d'accessibilité que la plateforme en ligne du titulaire doit présenter, le ministère de la culture apporte des éléments suffisamment précis, tirés du mémoire technique de la société Allodiscrim, de nature à établir que ces garanties n'étaient pas satisfaites. 25. La société requérante soutient, en septième lieu, que le pouvoir adjudicateur a manqué à son obligation d'objectivité dans l'examen des offres, en procédant à une appréciation lacunaire et succincte de l'offre de l'attributaire. Elle ajoute que l'offre de la société attributaire a obtenu la note de 5/5 alors même qu'elle n'a pas été jugée " excellente " ou " très bonne ", en sorte que la méthode de notation n'a pas été respectée et que l'écarte de 3 points entre les notes des deux candidats n'est pas justifié en l'absence de différence majeure entre les deux offres. Toutefois, il n'appartient pas au juge de substituer sa propre appréciation des mérites des offres à celle du pouvoir adjudicateur. Par conséquent, ce moyen ne peut qu'être écarté. S'agissant de l'appréciation du 2ème sous-critère de la valeur technique : 26. Il résulte de l'instruction que la société Allodiscrim a obtenu la note de 3/5 au 2ème sous-critère " Outils mis en place pour le suivi des dossiers et la qualité des livrables demandés " du critère " valeur technique ", ce qui correspond à un bon niveau de satisfaction à la demande et/ou aux besoins. 27. La société requérante soutient que son offre répondait aux préconisations en matière de livrables prévues par le CCTP, soit un rapport trimestriel et un bilan annuel destinés à permettre au ministère d'adapter ses procédures en matière de ressources humaines. Toutefois, alors que le contenu minimal des livrables attendus est précisément décrit par le CCTP, la société requérante n'a pas formulé une offre technique argumentée sur ce point. De plus, elle n'apporte aucun élément de nature à contredire l'appréciation portée sur son offre sur ce point par le pouvoir adjudicateur et, en particulier, sur le manque de précision de son offre et de l'enquête de satisfaction qu'elle a produite. Par conséquent, le ministère de la culture n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'offre de la société Allodiscrim au regard de ce sous-critère. Ce moyen doit être écarté. 28. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation ou de résiliation présentées par la société Allodiscrim doivent être rejetées. Sur les conclusions indemnitaires : 29. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'irrégularité de l'éviction de la société Allodiscrim n'est pas établie. Par suite, les conclusions indemnitaires de la société doivent être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 30. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Allodiscrim demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Allodiscrim le versement à l'Etat d'une somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Allodiscrim est rejetée. Article 2 : La société Allodiscrim versera une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Allodiscrim, au ministre de la culture et à la société NH Concept RSE. Délibéré après l'audience du 14 novembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Gracia, président, Mme Merino, première conseillère, Mme Renvoisé, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2023. La rapporteure, M. MERINO Le président, J-Ch. GRACIALa greffière, C. YAHIAOUI La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2/3-3

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