COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/07/2021
la SCP THIERRY GIRAULT
Me Anne CARROGER
Me Alexis DEVAUCHELLE
ARRÊT du : 22 JUILLET 2021
No : 163 - 21
No RG 20/02334
No Portalis DBVN-V-B7E-GHTG
DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance de référé du Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 05 Novembre 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265251967866773
SARL MOREAU FRERES
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
Ayant pour avocat Me Thierry GIRAULT, membre de la SCP THIERRY GIRAULT, avocat au barreau d'ORLEANS
D'UNE PART
INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265265098266438
S.A.S. DIGITAL SERVICES TECHNOLOGY
Prise en la personne de ses représentants légaux y domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 2]
Ayant pour avocat postulant Me Anne CARROGER, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Julie BELMA, avocat au barreau de PARIS
- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265265234951466
S.A.S. ATLANCE FRANCE
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 3] / France
Ayant pour avocat POSTULANT Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau D'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Rony DEFFORGE, membre de la SELARL CR ASSOCIES, avocat au barreau du Val d'Oise
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du : 16 Novembre 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 8 Avril 2021
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats à l'audience publique du jeudi 27 MAI 2021, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article
786 et
907 du code de procédure civile.
Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :
Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Nathalie MICHEL, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le jeudi 22 JUILLET 2021 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
Par acte du 15 mars 2017, la société Digital Services Technology (société DST), spécialisée dans la sécurité a conclu un contrat de partenariat avec la société Moreau Frères comprenant la fourniture et la pose de 4 caméras, d'un écran, d'un enregistreur, d'un logiciel et d'une application pour smartphone (solution de vidéo surveillance avec détection). Le matériel a été installé le 21 mars 2017 et le procès-verbal de réception d'installation a été signé sans réserve.
Elles ont signé le même jour un contrat de location portant sur le matériel, pour 60 mois à compter de la signature du procès-verbal de réception, selon le montant mensuel H.T. de 180 ? dont 18 ? H.T. de maintenance. Ce contrat a été régularisé par la société Atlance le 28 mars 2017.
Faisant valoir qu'elle s'est heurtée à de multiples dysfonctionnements de l'installation qui n'ont pu être résolus malgré ses nombreuses demandes, qu'un expert mandaté par son assureur, M. [I] de la société Union d'Experts a réalisé le 21 janvier 2019 une expertise qui a confirmé l'existence des dysfonctionnements rendant inutilisable le système de vidéosurveillance avec détection, le système d'alarme relié au smartphone se déclenchant de façon intempestive et le logiciel de détection de mouvement dont est doté le système de vidéosurveillance étant défaillant et ne répondant pas à l'usage auquel il est destiné, la SARL Moreau Frères a fait assigner en référés les sociétés DST et Atlance France, afin d'obtenir une expertise judiciaire sur le fondement de l'article
145 du code de procédure civile.
Retenant que les conditions de l'article
873 alinéa 2 du code de procédure civile n'étaient pas réunies en raison de contestations sérieuses, le président du tribunal de commerce d'Orléans statuant en référé, par ordonnance du 5 novembre 2020, a renvoyé les parties à mieux se pourvoir auprès des juges du fond, a débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires et mis les dépens à la charge de la société Moreau Frères.
La société Moreau Frères a formé appel de la décision par déclaration du 16 novembre 2020 en intimant la société Digital Services Technology et la société Atlance France et en critiquant tous les chefs de l'ordonnance. Dans ses dernières conclusions du 25 mars 2021, elle demande à la cour de :
Vu le bordereau de communication de pièces annexé aux présentes,
Vu les dispositions de l'article
145 du Code de Procédure Civile et la jurisprudence
communiquée,
Recevoir l'appel formé par la SARL Moreau Frères et le déclarant bien fondé,
Y faire droit.
Infirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce d'Orléans le 5 novembre 2020 en toutes ses dispositions et :
Statuant à nouveau,
Vu l'article
145 du Code de Procédure Civile, la demande et les pièces à l'appui,
Voir commettre tel Expert qu'il plaira à Monsieur le Président de la Chambre des Urgences désigner lequel pourra prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne,
avec mission de :
* Se rendre sur place au siège de la société Moreau Frères, [Adresse 1],
* Prendre connaissance de toutes pièces contractuelles et procéder à l'examen de l'installation de vidéosurveillance avec détection installée par la société Digital Services Technology ;
* Relever et décrire les désordres, dysfonctionnements mentionnés expressément dans l'assignation et dans le rapport d'expertise de la société Union d'Experts en date du 17 juillet 2019 et affectant l'installation de vidéosurveillance avec détection installée et fournie par la société DST, et objet du contrat de location passé entre la société Atlance et la société Moreau Frères, ainsi que les non-conformités et/ou inachèvements allégués au regard des documents contractuels liant les parties ;
* en détailler l'origine, les causes et l'étendue et fournir tous éléments permettant à la
juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons, non-conformités et inachèvements sont imputables, et dans quelles proportions ;
* indiquer les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;
* dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art ;
* donner son avis sur les solutions appropriées pour y remédier, telles que proposées par les parties ;
* évaluer le coût des travaux utiles à l'aide de devis d'entreprises fournis par les parties ;
* donner son avis sur les préjudices et coût induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non-conformités et sur leur évaluation, dès lors que ces demandes sont présentées de manière motivée ;
* rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties ;
Disons que pour procéder à sa mission l'expert devra :
* convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise;
* se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, notamment, s'il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d'exécution, le dossier des ouvrages exécutés;
* se rendre sur les lieux et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;
* à l'issue de la première réunion d'expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations ;
l'actualiser ensuite dans le meilleur délai :
- en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations ;
- en les informant de l'évolution de l'estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s'en déduisent ;
- en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forcées ;
- en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse.
* au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s'expliquera dans son rapport (par ex : réunion de synthèse ; communication d'un projet de rapport), et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations :
- fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;
- rappelant aux parties, au visa de l'article
276 alinéa 2 du Code de procédure civile, qu'il n'est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai.
* Dire qu'en cas d'urgence ou de péril en la demeure reconnue par l'expert, ce dernier pourra autoriser le demandeur à faire exécuter à ses frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l'expert, sous la direction du maître d'oeuvre du demandeur, par des entreprises qualifiées de son choix ;
Que, dans ce cas, l'expert déposera un pré-rapport, ou une note aux parties valant pré-rapport, précisant la nature, l'importance et le coût de ces travaux ;
* fixer le montant de la consignation destinée à l'Expert et le délai dans lequel cette
consignation sera effectuée,
* Dresser un rapport qui sera déposé au Secrétariat-Greffe de la cour d'appel d'Orléans dans le délai qui lui sera imparti ;
* Dire que l'exécution de la mesure d'instruction sera suivie par le magistrat du service du contrôle des expertises spécialement désigné à cette fin en application des article 155 et 155-1 du même code.
Condamner la SAS Digital Services Technology et la SAS Atlance France solidairement au paiement de la somme de 2.500 ? en application des dispositions de l'article
700 du Code de Procédure Civile.
Déclarer tant irrecevable que mal fondé l'ensemble des demandes fins et conclusions tant de la Société Digital Services Technology que de la Société Atlance France et les en débouter.
Condamner la SAS Digital Services Technology et la SAS Atlance France solidairement aux dépens de première instance et d'appel et autoriser Me Thierry Girault, membre de la S.C.P. Thierry Girault, Avocats à la Cour d'Appel d'Orléans, [Adresse 4] à recouvrer directement contre la ou les parties condamnées ceux des dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article
699 du Code de Procédure Civile.
Elle fait valoir que le tribunal de commerce s'est trompé en se fondant sur l'article
873 du code de procédure civile alors qu'elle l'avait saisi sur le fondement de l'article
145 du même code ; qu'elle justifie d'un motif légitime en établissant de multiples réclamations auprès de la société DST, en produisant un rapport d'expertise amiable qui pointe des déclenchements intempestifs du système (14 déclengements entre 19h42 et 21h57 le même jour sans fait anormal particulier) ainsi qu'un nouveau rapport d'expertise le 12 février 2021 qui pointe de nouvelles difficultés.
La société DST demande à la cour par dernières conclusions du 26 décembre 2020 de :
A titre principal,
Constater l'absence de preuve de dysfonctionnements ou désordres persistants ou récurrents et actuels dont l'origine et les conditions d'intervention seraient déterminées et liées à une défaillance du matériel,
En conséquence,
Confirmer l'Ordonnance de référé du 5 novembre 2020,
Débouter la Société Moreau Frères de l'ensemble de ses demandes
Dire n'y avoir lieu à référé
A titre subsidiaire,
Recevoir les protestations et réserves d'usage de la Société Digital Services Technology
Mettre les frais d'expertise à la charge de la Société Moreau Frères,
En tout état de cause,
Condamner la Société Moreau Frères à payer à la Société Digital Services Technology la somme de 3 000 ? au titre de l'article
700 du Code de Procédure Civile,
Condamner la Société Moreau Frères aux entiers frais et dépens.
Elle fait valoir que la société Moreau Frères ne justifie pas d'un motif légitime, puisqu'il n'existe aucun litige naissant, la Société DST ayant rempli ses obligations contractuelles et que si certaines difficultés ont pu faire jour en 2018, elles ont été réglées par sa dernière intervention le 1er mars 2018. Elle estime que l'appelante n'apporte pas la preuve d'un dysfonctionnement actuel et courant qui serait propre au matériel installé et non lié à une méconnaissance par elle de l'utilisation dudit matériel et que la seule survenance en janvier 2019 d'un déclenchement de l'alarme à 14 reprises, sans autre problème depuis le 1er mars 2018 est insuffisant.
La société Atlance France demande à la cour, par dernières conclusions du 7 avril 2021 de:
Vu les Articles
145 et
146 du code de procédure civile.
Vu les pièces versées aux débats.
Dire recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la Société Moreau Frères à l'encontre de l'ordonnance rendue par le Juge des référés du Tribunal de commerce d'Orléans le 5 novembre 2020.
Dire et juger la Société Atlance France recevable et bien fondée en ses demandes.
En conséquence :
Confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
Débouter la Société Moreau Frères de l'ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour de céans devait infirmer l'ordonnance entreprise et ordonner une mesure d'expertise, condamner la Société Moreau Frères au règlement des frais d'expertise.
Condamner la Société Moreau Frères à régler à la Société Atlance France la somme de 3.000? en application des dispositions de l'Article
700 du code de procédure civile.
Condamner la Société Moreau Frères aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Alexis Devauchelle, Avocat au Barreau d'Orléans, conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'elle n'a été informée de difficultés qu'en janvier 2020, que le loyer a toujours été réglé et que le procès-verbal de réception a été signé sans réserve. Elle relève que la société DST a procédé à deux interventions techniques sur site les 23 janvier et 1er mars 2018, répondant avec diligence et efficacité aux demandes de la société Moreau Frères, qu'il n'y a plus eu de réclamation ensuite, jusqu'à l'établissement d'un rapport d'expertise amiable le 17 juillet 2019 soit 16 mois après la dernière réclamation et sans aucun dysfonctionnement allégué dans l'intervalle, et que la société Moreau Frères a ensuite attendu plus de 12 mois avant de demander une expertise judiciaire. Elle en déduit que l'existence d'un motif légitime pour ordonner l'expertise n'est pas établie.
L'affaire a été fixée à l'audience du 27 mai 2021 en application des dispositions de l'article
905 du code de procédure civile.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 8 avril 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'article
145 du code de procédure civile énonce que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées en référé à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Lorsqu'il statue en application de l'article
145 du code de procédure civile, le juge des référés n'est pas soumis aux conditions exigées par les articles 872 ou
873 du même code. Il n'a donc pas à rechercher s'il y a urgence ou s'il existe une contestation sérieuse ; il doit seulement vérifier qu'il existe un motif légitime, c'est-à-dire que le demandeur a un intérêt à solliciter une expertise dans la perspective d'un éventuel litige avec le défendeur.
En l'espèce, c'est à tort que le premier juge a statué en se fondant sur l'article
873 alinéa 2 du code de procédure civile alors qu'il était explicitement saisi sur le fondement de l'article
145 du même code.
Il est établi que l'appelante a signalé par courriels des 21 janvier 2018 et 27 février 2018 des dysfonctionnements sur son installation de vidéosurveillance. Elle indiquait notamment dans le premier de ces courriels, qu'elle avait contacté par téléphone la société DST le 16 janvier 2018, que la caméra était en panne, qu'il y avait des alertes intempestives rendant l'utilisation impossible et que le système ne fonctionnait plus depuis le 10 janvier 2018. Ces réclamations ont donné lieu à deux interventions de la société DST les 23 janvier et 1er mars 2018.
Il ressort ensuite du rapport d'expertise établi le 17 juillet 2019 par la société Union experts mandatée par l'assureur de la société Moreau Frères que cette dernière a sollicité une expertise amiable en raison de la persistance de dysfonctionnements postérieurement au 1er mars 2018, qu'une réunion d'expertise a été organisée le 21 janvier 2019 à laquelle la société DST a été convoquée mais ne s'est pas présentée, et que l'expert a constaté que lors d'un essai réalisé entre 19h42 et 21h57, l'alarme de détection s'était déclenchée à 14 reprises, alors même que, selon la société Moreau Frères sur la base des enregistrements vidéo réalisés cette nuit là, aucun fait anormal ne s'était produit sur le parking.
La société Moreau Frères a signalé à nouveau ces difficultés dans sa lettre de mise en demeure du 6 janvier 2020 en indiquant qu'alors même que le système de détection avait été réglé pour ne se déclencher qu'en cas d'approche d'individus à proximité directe des bâtiments, les alertes intempestives s'enchaînaient à raison de plus d'une dizaine par nuit et même le jour sans raison.
Enfin, un nouveau rapport d'expertise a été établi par la société Union experts le 18 mars 2021 à la suite d'une réunion d'expertise tenue le 12 février 2021 au cours de laquelle l'expert a notamment constaté le redémarrage intempestif du système d'exploitation ainsi que l'absence de retour image sur 50 % des caméras présentes, en émettant l'hypothèse qu'un court circuit survenu sur l'installation électrique avait généré des défaillances sur le système de vidéo surveillance probablement sous l'effet de courants parasitaires. L'Expert a conclu son rapport en indiquant que l'installation est totalement défaillante car l'application permettant l'accès à distance aux images de vidéosurveillance ne fonctionne plus, le système de détection est inopérant, 2 caméras sur les 4 que compte l'installation ne fonctionnent plus et le système redémarre de manière intempestive plusieurs fois par jour.
C'est à tort que la société DST soutient sur le fondement de l'article
146 du code de procédure civile que l'expertise judiciaire n'a pas vocation à suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve alors que ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le juge est saisi sur le fondement de l'article
145 du même code, la mesure d'instruction sollicitée relevant des seules dispositions de ce dernier texte (cf pour exemple C. Cass Civ 2 10 mars 2011 pourvoi no 10-11732).
A ce stade, la société Moreau Frère, demanderesse à une expertise sur le fondement de l'article
145 du code de procédure civile, n'a donc pas à établir la preuve d'un dysfonctionnement propre au matériel installé et non lié à une méconnaissance par elle de l'utilisation du matériel, mais doit seulement justifier d'un motif légitime étant observé que la société DST souligne elle-même dans ses écritures qu'elle a formé sa cliente à l'utilisation de l'installation lors de son intervention du 1er mars 2018.
Les réclamations et constatations ci-dessus rappelées établissent bien l'existence de difficultés en lien avec l'installation, pouvant le cas échéant justifier que soit engagée la responsabilité de la société DST, sans qu'une telle action soit manifestement vouée à l'échec.
Par ailleurs, le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de l'ensemble de celles-ci ( cf pour ex. C. Cass. Civ 2 13 septembre 2018 no 17-20099).
En l'espèce, la société DST bien que convoquée par l'expert amiable n'a pas participé aux opérations d'expertise et conteste les conclusions de l'expert. La société Atlance n'a elle-même pas été convoquée et le rapport d'expertise ne lui est pas opposable.
Il est donc utile et légitime dans la perspective d'un éventuel procès au fond, qu'un technicien désigné en justice puisse constater les désordres éventuels de l'installation, en détermine les causes ainsi que l'imputabilité en tout ou partie à la société DST et les moyens d'y remédier.
La cour observe enfin que le juge du fond n'était pas saisi d'une instance au fond lorsque le juge des référés a été saisi de la demande d'expertise.
Il convient en conséquence, par infirmation de l'ordonnance entreprise, d'ordonner une expertise aux frais avancés, de la société Moreau Frères, avec la mission indiquée au dispositif de l'arrêt.
Les dépens seront mis à la charge de la société Moreau Frères qui est demanderesse aux opérations d'expertise et a seule intérêt à la présente instance, outre le bénéfice des dispositions de l'article
699 du code de procédure civile au profit de Maître Devauchelle avocat, qui en fait la demande expresse. L'équité ne commande pas de faire application à ce stade des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a mis les dépens à la charge de la SARL Moreau Frères ;
- Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise judiciaire,
Statuant à nouveau sur le seul chef infirmé ;
- Ordonne une expertise, et désigne pour y procéder, sous le contrôle de C. Caillard, présidente de la chambre commerciale de la cour d'appel d'Orléans, chargée du contrôle des expertises :
M. [D] [Q]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Mail : [Courriel 1]
inscrit sur la liste des experts judiciaires près la cour d'appel d'Orléans,
lequel aura pour mission de :
1- Se rendre sur place au siège de la société Moreau Frères, [Adresse 1], prendre connaissance de toutes pièces contractuelles et utiles et procéder à l'examen de l'installation de vidéosurveillance avec détection installée et fournie par la société Digital Services Technology et objet du contrat de location passé avec la société Atlance ;
2- Relever et décrire les désordres, dysfonctionnements mentionnés dans l'assignation de la société Moreau Frères et dans les rapports d'expertise de la société Union d'Experts en date des 17 juillet 2019 et 18 mars 2021, affectant l'installation de vidéosurveillance avec détection, ainsi que les non-conformités et/ou inachèvements allégués au regard des documents contractuels liant les parties ;
3- Préciser les causes des désordres et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons, non-conformités et inachèvements sont imputables, et dans quelles proportions ; notamment, préciser si les travaux d'installation et paramétrage du système de vidéosurveillance avec détection ont été effectués conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art et si les désordres peuvent être en tout ou partie, imputés ou non à une mauvaise utilisation de cette installation par la société Moreau Frères ;
4- Indiquer les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;
5- donner son avis sur les solutions appropriées pour y remédier, telles que proposées par les parties et évaluer le coût des travaux utiles ;
6- Fournir tous éléments techniques d'appréciation du préjudice éventuellement subi par la société Moreau Frères du fait des désordres, malfaçons, inachèvements ou non-conformités,
- Rappelle qu'en application de l'article
278 du code de procédure civile, l'expert pourra, en tant que de besoin, prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, dans une spécialité distincte de la sienne, à charge pour lui de joindre à son mémoire de frais et honoraires celui de son homologue ;
- Dit que l'expert donnera connaissance de ses conclusions aux parties et répondra à tous dires écrits de leur part formulés dans le délai qu'il leur aura imparti, puis établira un rapport définitif qu'il déposera au secrétariat-greffe de la cour dans les six mois du jour où il aura été saisi de sa mission ;
- Dit que la société Moreau Frères devra consigner entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel d'Orléans une provision de 4 000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert, et ce avant le 6 septembre 2021 ;
- Rappelle qu'en application des dispositions de l'article
271 du code de procédure civile, à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l'expert sera caduque, à moins que la partie à laquelle incombe la consignation n'obtienne judiciairement la prorogation du délai de consignation, ou le relevé de caducité ;
- Dit qu'en cas d'insuffisance de la provision initialement fixée, il appartiendra à l'expert d'adresser aux parties et au magistrat chargé du contrôle de l'expertise une note explicative détaillant ses frais et honoraires prévisibles et il appartiendra aux parties de faire parvenir leurs observations dans un délai d'un mois au magistrat chargé du contrôle de l'expertise au vu desquelles il sera statué ;
- Dit que dans sa lettre au magistrat chargé du contrôle de l'expertise, l'expert mentionnera l'envoi à toutes les parties de sa note de frais et honoraires prévisibles ;
- Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête de la partie la plus diligente ou d'office, à titre de mesure d'administration judiciaire ;
Y ajoutant,
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile devant la cour et rejette les demandes formées sur ce fondement ;
- Condamne la société Moreau Frères aux dépens exposés devant la cour, outre le bénéfice des dispositions de l'article
699 du code de procédure civile au profit de Maître Devauchelle avocat.
Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT