Vu l'ordonnance
en date du 1er décembre 1988 par laquelle le président de la 8ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Paris, en application de l'article 17 du décret n° 88-9O6 du 2 septembre 1988, la requête présentée au Conseil d'Etat par la société ADIC ;
Vu la requête
et le mémoire complémentaire présentés par la société à responsabilité limitée ADIC dont le siège social est ... ; ils ont été enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 21 septembre 1987 et 21 janvier 1988 ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 57078/3 du 1er juillet 1987 par lequel le tribunal administratif de Paris n'a que partiellement fait droit à sa demande en décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1976 à 1980 dans les rôles de la commune d'ANTONY ;
2°) d'accorder la décharge demandée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, le décret n° 88-7O7 du 9 mai 1988 et le décret n° 88-9O6 du 2 septembre 1988 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 20 juin 1989 :
- le rapport de M. JEAN-ANTOINE, conseiller ;
- et les conclusions de M. BERNAULT, commissaire du gouvernement ;
Considérant que
la société ADIC est concessionnaire pour une durée de trente années de la production et de la distribution de la chaleur et du chauffage de la ville d'Antony ; qu'il résulte des stipulations de la convention en vigueur entre les parties au cours des années d'imposition que les installations confiées gratuitement au concessionnaire et dont il a la charge ainsi que celles réalisées par lui en cours de concession doivent être remises à la ville d'Antony en état normal de service à l'expiration de la convention ; que les réparations éventuelles à effectuer à cette date sont financées par un fonds de garantie alimenté, pour une partie, par une quote-part des redevances annuelles versées par les usagers et, pour une autre partie, par une autre redevance intitulée "droit de raccordement" et perçue des usagers à l'occasion de leur raccordement au réseau de chauffage ; que ces deux catégories de redevances sont portées à un compte au passif du bilan de la société ADIC dénommé "fonds de garantie de concession" ; qu'en fin de concession, 50 % du solde éventuel de ce fonds revient au concédant après, le cas échéant, prise en compte des travaux de remise en état des installations ; que dans le dernier état de ses conclusions, compte tenu des dégrèvements accordés en cours de procédure par l'administration, la société requérante limite sa demande en décharge aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration, dans ses résultats imposables des exercices clos en 1976, 1977 et 1978, des sommes encaissées au titre des "droits de raccordement" et des redevances versées par les usagers ;
En ce qui concerne les redressements liés aux "droits de raccordement" perçus par la société requérante :
Considérant que les "droits de raccordement" sont perçus des abonnés lors de la mise en service de l'installation en vue de contribuer aux frais d'établissement et de fonctionnement du réseau communal de chauffage urbain ; qu'ils trouvent leur contrepartie directe dans l'utilisation de l'ouvrage par ces abonnés ; que, dans ces conditions, ces "droits de raccordement" constituent des recettes propres de la société ADIC nonobstant les circonstances alléguées, d'une part, qu'en fin de concession, ces droits seraient remboursés au moins en partie à la ville ou serviraient au financement de la remise en état normal de service des installations concédées, et, d'autre part, qu'aux termes du contrat de concession ces droits seraient perçus "d'ordre et pour compte du concédant" ; que, par ailleurs, les dispositions du 6° de l'article
L.332-6 du code de l'urbanisme, qui prévoient que les collectivités locales peuvent réclamer aux constructeurs une participation pour la réalisation des équipements publics, sont, en tout état de cause, sans influence sur la solution du présent litige ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que les sommes correspondantes ont été, pour chacun des exercices ..., réintégrées aux résultats imposables à l'impôt sur les sociétés ;
Considérant que la société ADIC ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts, repris à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales, d'une réponse ministérielle faite à M. X..., député, le 13 janvier 1932, d'une instruction administrative n° 4A-14-78 du 27 septembre 1978 et de la documentation administrative de base n° 4E3232, dès lors qu'aucune des interprétations invoquées ne précise quel est le régime fiscal applicable aux "droits de raccordement" de la nature de ceux qui sont en litige ;
Considérant enfin qu'il résulte de l'instruction qu'aucune stipulation du contrat de concession n'institue une corrélation directe entre les "droits de raccordement" perçus par le concessionnaire et les installations réalisées par lui pour le compte du concédant ; que, dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la réintégration dans les résultats imposables du montant des "droits de raccordement" perçus devrait entraîner la correction des écritures par lesquelles elle a inscrit à l'actif de ses bilans la valeur des installations qu'elle a réalisées ;
En ce qui concerne les redressements liés aux redevances payées d'avance par les abonnés :
Considérant qu'aux termes de l'arti-cle 38-2 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article
209 et en vigueur avant la publication de l'article
84 de la loi de finances du 29 décembre 1978 : "Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt ... L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. 3 ... Les travaux en cours sont évalués au prix de revient" ; qu'aux termes de l'article
39 du même code : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables ..." ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, applicables aux exercices clos avant le 31 décembre 1978, que dans le cas où une entreprise a perçu une recette ou a acquis une créance qui est exigible à la clôture de l'exercice, en contrepartie de l'engagement pris par elle de céder des biens ou de fournir des services au cours d'exercices ultérieurs, la recette ou la créance dont il s'agit constitue un élément d'actif né au cours de l'exercice et doit donc être rattachée dans son intégralité aux résultats de cet exercice ; que toutefois, en application de l'article 39-1-5° du code général des impôts, l'entreprise a la faculté, pour tenir compte des engagements à exécuter après la clôture de l'exercice, de constituer en fin d'exercice une provision correspondant au montant probable des frais et charges de toute nature qu'elle devra supporter au cours des exercices ultérieurs pour respecter ses engagements, sans que cette provision puisse excéder, eu égard à son objet, le montant des sommes encaissées ou exigibles qui ont été comprises dans l'actif ;
Considérant que la société ADIC a porté à un compte intitulé "produits perçus d'avance" les redevances d'utilisation du réseau de chauffage payées globalement et d'avance par les abonnés en application du cahier des charges annexé au contrat de concession et a réparti sur quinze ans l'inclusion dans ses résultats des sommes perçues à ce titre ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration, sur le fondement de l'article 38-2 du code, a réintégré ces redevances aux résultats des exercices au cours desquels elles ont été encaissées ;
Considérant que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 38-2 bis du code général des impôts, qui résultent de la codification de l'article 84 de la loi de finances pour 1979 et ne s'appliquent qu'à la détermination des résultats imposables des exercices clos à compter du 31 décembre 1978 ; qu'elle ne peut davantage invoquer les règles du plan comptable général auxquelles renvoient les dispositions de l'article 38 quater de l'annexe III du code général des impôts, et qui sont sans influence sur la solution du présent litige ;
Considérant enfin qu'en sollicitant la prise en compte de provisions, la société requérante doit être regardée comme ayant invoqué à son profit le droit de compensation qu'elle tient de l'article L-205 du livre des procédures fiscales ; que toutefois ces provisions n'ayant pas été constatées dans ses écritures comptables c'est à bon droit que l'administration a refusé de faire droit à cette demande ; que la société requérante ne peut utilement se prévaloir sur ce point de la déclaration faite par le ministre du budget à l'occasion d'un débat à l'Assemblée nationale le 17 novembre 1978, pour s'opposer à un amendement parlementaire, et selon laquelle "des instructions ont été données aux services de l'administration fiscale pour que la déduction de telles provisions soit largement admise alors même que celles-ci n'auraient pas été portées sur le relevé spécial de provisions. L'application de ces instructions permettra de régler dans des conditions équitables les instances en cours" ; qu'il ressort en effet des termes mêmes de cette déclaration que les instructions annoncées constituaient une simple recommandation aux services : qu'ainsi cette déclaration ne peut, en tout état de cause, constituer une interprétation du texte fiscal au sens de l'article 1649 quinquiès E du code général de impôts, repris à l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ADIC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré dans ses bases d'imposition, au titre des exercices clos en 1976, 1977 et 1978, le montant des "droits de raccordement" et des redevances payées d'avance par les usagers de ses installations ;
Article 1er
: La requête de la société ADIC est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société ADIC et au ministre délégué auprès du ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget, chargé du budget.